Grande manifestation à Stuttgart – Lieu : Place Arnulf-Klett (devant la gare centrale) 12 h.
Samedi 17 septembre, de grandes manifestations contre les accords commerciaux TAFTA et CETA, que l’Union Européenne veut mettre en œuvre, se dérouleront à Stuttgart et dans six autres villes allemandes (Berlin, Franfort-sur-le-Main, Hambourg, Cologne, Leipzig et Munich). Les négociations CETA, accord commercial entre l’UE et le Canada, sont terminées et l’UE veut le signer officiellement en octobre 2016.
CETA est et reste la copie conforme du TAFTA. Plus de 40.000 ( !) entreprises états-uniennes ont des filiales au Canada. Elles obtiendront grâce au CETA, des moyens juridiques exceptionnels grâce auxquels elles pourront amoindrir les droits des consommateurs et refuser d’appliquer les lois environnementales et sociales, pour « protéger » leurs profits. Si les gouvernements européens approuvent, l’Union européenne prévoit une « mise en oeuvre provisoire » du CETA même si l’accord n’est pas ratifié officiellement, c’est-à-dire si les Parlements nationaux ne l’ont pas approuvé. Ainsi, plus de 90% du contenu de l’accord serait mis en application sans l’accord des Parlements de chaque pays ! Les entreprises pourraient donc déjà saisir des tribunaux d’exception s’ils estiment que leurs profits pourraient être menacés.
Un large front d’organisations de la société civile – des syndicats jusqu’à l’Eglise, en passant par les associations environnementales et les organisations d’aide au développement – rejette les deux accords commerciaux envisagés et appelle à participer à des manifestations. Le but est, juste avant la date de la ratification officielle du CETA, d’exprimer l’importante opposition citoyenne et de faire ainsi pression sur les femmes et hommes politiques pour qu’ils n’approuvent pas cet accord CETA dans leur pays.
La date du 17 septembre en Allemagne est proche de celle du congrès du Parti social-démocrate (19 septembre) et des élections du parlement du Land de Berlin (18 septembre). Le SPD est – contrairement à la CDU – divisé sur ces deux accords commerciaux. Alors que beaucoup de militants de la base du SPD rejettent cet accord, la direction, et spécialement le ministre de l’Economie Gabriel, y était longtemps favorable. A présent, Gabriel change d’avis et affirme que TAFTA est un échec. Par contre, il veut sauver CETA et propose des réformes… pour un accord dont les négociations sont terminées !
Il s’agit donc avec cette manifestation, entre autres, de renforcer les forces au sein du SPD qui rejettent les accords. Une protestation de masse et bien argumentée par de nombreux groupes significatifs de notre société, peut être déterminant pour que le congrès du SPD se prononce contre ces accords et oblige le ministre SPD Gabriel à s’abstenir lors de la consultation du conseil des ministres de l’Union européenne. Cela signifierait la fin de ces accords.
Les manifestations du 17 septembre sont la suite décentralisée der la grande manifestation anti-TAFTA d’octobre 2015 à Berlin et ses 250.000 participants. Ce sont les mêmes organisations qui appellent à présent à ces manifestations décentralisées et simultanées dans sept villes. Une Coordination centrale de ces manifestations a été mise en place en Allemagne et elle travaille de concert avec les organisateurs dans les sept villes concernées.
A Stuttgart, un militant s’occupe en permanence de la coordination. Un site Internet a été activé sur lequel vous pouvez trouver toutes les informations utiles sur la manifestation et sa préparation : http://ttip-demo.de/bundesweiter-demo-tag/stuttgart/. « Campact », l’organisation en ligne de la campagne met à disposition de ceux qui sont intéressés, grâce à une Newsletter, les dernières informations et un argumentaire.
Les structures régionales et locales des organisations participantes impulsent la mobilisation. Dans de nombreuses villes, des Comités d’organisation ont été mis en place pour faire de l’affichage, de la distribution des appels à manifester ou publier des communiqués de presse.
Dans le Bade-Württemberg, les représentants(tes) de plus de 20 organisations préparent la manifestation. Ses initiateurs regroupés dans un Comité sont issus de l’alliance pour une politique commerciale responsable. Les participants à ce Comité sont, aux côtés du grand syndicat DGB qui redoute l’affaiblissement des conditions de travail telles que définies par les normes du BIT, les grandes organisations environnementales (BUND, Greenpeace, Amis de la Nature, NABU) qui craignent le recul des normes environnementales par TAFTA et CETA. Du Pain pour le Monde et Oxfam, qui sont toutes deux des organisations importantes engagées dans la coopération pour le développement, estiment qu’il y a danger dans la mise en cause des barrières commerciales entre l’Union Européenne et les USA, car ainsi les produits européens et états-uniens deviendront concurrentiels avec les produits des pays en développement qui risquent de perdre des parts de marchés en Europe et aux Etats-Unis. Pour le Bangladesh on estime que cela entraînera un recul de 2% du PIB à cause de TAFTA.
L’organisation « Plus de démocratie », co-organisatrice de la manifestation à Stuttgart, considèrent que l’application de TAFTA et CETA représente un danger pour la démocratie.
ATTAC-Allemagne aussi, redoute un recul massif de la démocratie, un démantèlement des services publics et de la protection de l’environnement. L’organisation paysanne ABL (Communauté de l’agriculture paysanne, membre de l’organisation internationale des petits exploitants « La Via campesina ») veut empêcher l’utilisation des techniques génétiques ainsi qu’une agriculture industrielle.
Les Eglises participent également à la protestation et revendiquent une politique commerciale mondiale juste et durable. L’évêque de l’église protestante du Land, représentant les Eglises protestante et catholique en Bade et dans le Württemberg, prendra la parole lors de la manifestation pour exposer les réflexions des Eglises.
Et en plus, apparaissent également des résistances dans le monde économique. Un des représentants du groupe de travail « KMU contre TAFTA.DE » prendra la parole lors de la manifestation : KMU représente les petites et moyennes entreprises, les 25.000 entrepreneurs rejettent le TAFTA (et le CETA) car avec ces accords, ce sont les grandes multinationales qui seront renforcées, empêchant les PME d’accéder aux marchés.
Ceux que nous ne souhaitons pas voir avec nous, c’est l’AfD, le nouveau parti de droite en Allemagne, qui est contre TAFTA et CETA pour des raisons nationalistes. Sa demande portant sur la manière avec laquelle il pouvait s’associer à la manifestation a été catégoriquement rejetée : « considérez-vous comme explicitement indésirables ».
Après le recul de quelques hommes politiques de premier plan (le ministre Gabriel, le président Hollande), certains pensent que TAFTA est mort. On ne peut affirmer cela avec certitude. Mais si le CETA est ratifié, nous aurons en Europe un TAFTA qui entre par une porte dérobée via le Canada. C’est pourquoi la résistance est si importante maintenant.
C’est pourquoi il est tellement important de participer à la manifestation contre le TAFTA-CETA. Rendez-vous à Stuttgart, le samedi 17 septembre à la Grande manifestation de Stuttgart – Lieu : Place Arnulf-Klett (devant la gare centrale) 12 h.
Publié : 25/05/2016| Auteur :Non merci|Classé dans :-- Données personnelles|Commentaires fermés sur Transfert de données vers les États-Unis : notre vie privée est-elle protégée ?
Trop peu a été fait pour préserver les droits fondamentaux des citoyens européens suite aux révélations d’Edward Snowden sur la surveillance de masse opérée par les États-Unis : c’est la conclusion des députés après que la Cour européenne de Justice ait invalidé l’accord « Safe Harbor » en octobre 2015. L’ensemble du Parlement débattra demain du bouclier vie privée, ou « Privacy Shield », nouvel accord sur les flux de données transatlantiques censé mieux protéger la vie privée des Européens.
Pourquoi nos données sont-elles envoyées vers les États-Unis ?
Lorsque nous utilisons Google ou Facebook, nous produisons de nombreuses données qui en disent long sur nos comportements et nos centres d’intérêts. Ces données (recherches, « Likes », pages visitées, etc) sont collectées au sein de l’Union européenne mais peuvent être analysées et vendues à des annonceurs aux États-Unis.
Les entreprises qui opèrent à l’échelle internationale peuvent également transférer ces données depuis des serveurs européens vers des serveurs américains dans le cadre de leurs activités.
De plus petites entreprises, telles que des agences de marketing ou des sociétés d’hébergement web, peuvent utiliser des fournisseurs de services commerciaux américains pour envoyer des données européennes outre-Atlantique.
Les accords entre l’Union européenne et les États-Unis
La protection des données est l’un des droits fondamentaux de l’Union européenne. Le Parlement s’est toujours battu pour de solides garanties concernant la vie privée des citoyens. Une réforme sur la protection des données a d’ailleurs été approuvée en avril dernier par l’ensemble des députés.
L’Union européenne et les États-Unis n’ont pas les mêmes normes en matière de protection des données. Dès lors, comment savoir si les États-Unis appliquent les mêmes garanties qu’en Europe lorsqu’ils reçoivent et utilisent les données personnelles des citoyens européens ?
L’accord « Safe Harbor » visait à remédier à cette question. Le texte énumérait une liste de conditions que toute entreprise américaine devait respecter lorsqu’elle transférait des données vers les États-Unis. Les entreprises américaines s’enregistraient de manière volontaire et s’engageaient à respecter ces principes. La Commission européenne devait régulièrement évaluer la manière dont les entreprises américaines fournissaient une protection adéquate des données.
La fin de l’accord « Safe Harbor »
En 2013, Edward Snowden, informaticien américain et ancien employé de la CIA et de la NSA, révèle que les agences de renseignement américaines collectent en masse des données et qu’elles travaillent parfois directement avec des géants de l’Internet.
En 2015, l’étudiant autrichien Maximilian Schrems dépose une plainte auprès de l’autorité de protection des données irlandaise concernant l’utilisation de ses données personnelles par le réseau social Facebook. Si le siège européen de l’entreprise est situé en Irlande, les données des utilisateurs peuvent être envoyées vers les États-Unis. Pour Maximilian Schrems, les pratiques américaines ne permettent pas de suffisamment protéger les données des utilisateurs. L’autorité chargée de la protection des données en Irlande rejette pourtant cette plainte en citant l’accord « Safe Harbor ».
Pourtant, le 6 octobre 2015, la Cour de Justice de l’Union européenne déclare l’accord invalide en évoquant l’étendue de la surveillance de masse aux États-Unis qui « compromet l’essence du droit fondamental au respect de la vie privée », ainsi que les recours judiciaires limités pour les citoyens européens.
Vers un nouveau cadre sur les transferts de données
Suite à l’invalidation de l’accord de « Safe Harbor », la Commission européenne et les autorités américaines se sont penchées sur un nouveau cadre qui répondrait aux inquiétudes de la Cour de Justice de l’Union européenne. Celui-ci empêcherait par exemple les données des citoyens européens d’être collectées en masse par les services américains et garantirait des recours judiciaires plus efficaces aux citoyens européens.
En parallèle, l’objectif est également d’empêcher les autorités nationales chargées de la protection des données de mettre brusquement fin aux transferts de données vers les États-Unis, ce qui pourrait avoir des conséquences économiques graves.
Le bouclier « vie privée » est le nom du nouvel accord qui vise à réguler les transferts de données transatlantiques. Les autorités de protection des données des États membres, qui travaillent ensemble au sein du groupe de travail « Article 29 », émettent pourtant de sérieuses réserves sur ce nouveau texte.
Une meilleure protection de la vie privée ?
Selon ces autorités, la NSA n’aurait pas fourni suffisamment de détails pour mettre fin à la collecte de masse des données personnelles originaires de l’Union européenne. Pour elles, un médiateur nommé par les États-Unis ne serait pas assez indépendant et ne pourrait pas garantir une solution satisfaisante en cas de désaccord entre citoyens européens et autorités américaines.
En mars dernier, la commission des libertés civiles a débattu en compagnie d’experts de ce nouveau cadre. Plusieurs députés ont estimé qu’il permettrait de mieux protéger la vie privée des citoyens européens.
« Le bouclier « vie privée » est différent de la « sphère de sécurité » : il garantit une protection efficace des droits concernant la vie privée des citoyens européens », a déclaré Axel Voss, député démocrate-chrétien allemand. Selon lui, le nouvel accord serait en mesure d’être accepté par la Cour de Justice de l’Union européenne car il prévoit des limites claires d’accès du gouvernement américain aux données.
« Je vois clairement des améliorations par rapport à la « sphère de sécurité » », avait estimé la députée démocrate socialiste allemande Birgit Sippel, tout en exprimant ses inquiétudes concernant des éventuelles collectes de données de masse.
D’autres députés se sont montrés plus prudents. C’est le cas de Sophie in ‘t Veld, députée libérale néerlandaise, qui a notamment évoqué la question de la surveillance de masse : « J’ai de gros doutes : cet accord est-il réellement conforme au jugement Max Schrems ? ».
L’adoption du « bouclier vie privée » et le rôle du Parlement
Le Parlement devra donner son avis avant que la Commission ne puisse adopter une décision adéquate déclarant que le nouveau système offre un niveau suffisant de protection des données, condition préalable pour que l’accord puisse entrer en vigueur.
Le Parlement et le Conseil peuvent demander à la Commission de maintenir, d’amender ou de retirer la décision adéquate. Une commission représentant les différents États membres devra approuver cette décision. Les autorités nationales de protection des données publieront quant à elles leurs opinions sur le texte.
Autres accords
Le consentement du Parlement sera nécessaire concernant l’accord dit « Umbrella Agreement » qui concerne les transferts de données dans le cadre policier et judiciaire. Il viendra compléter les accords existants avec les États-Unis qui permettent un accès aux données des dossiers passagers et aux transactions bancaires. La question du recours judiciaire pour les citoyens européens est ici fondamentale.
Un collectif d’organisations non gouvernementales (ONG), dont Health Action International (HAI), s’est inquiété, dans une position publiée le 18 février 2016, des conséquences du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) sur l’accès aux médicaments. En effet, selon les ONG, ce dernier pourrait nuire à l’accessibilité, au développement d’une innovation centrée sur les besoins et à la conception de structures d’incitations alternatives, en raison notamment de dispositions visant à restreindre les décisions nationales en matière de prix et de remboursement de médicaments et renforcer la propriété intellectuelle. En outre, les négociateurs souhaiteraient entériner la réglementation en matière de secret des affaires, réduisant ainsi l’accès à l’information sur les médicaments. La mise en place de groupes de travail de coordination bilatérale sur la propriété intellectuelle et les décisions de prix et de remboursement pourrait également influencer les politiques nationales dans le sens d’une réduction des barrières au commerce. La proposition d’inclusion d’un mécanisme de résolution des différends entre investisseurs et Etats inquiète les ONG dans la mesure où elle pourrait permettre à des investisseurs d’attaquer des décisions nationales visant à préserver la santé et l’intérêt publics. Enfin, la coopération notamment en matière de propriété intellectuelle et de prix et de remboursement risque de nuire aux politiques des pays en développement pour améliorer l’accès à des médicaments abordables.
La députée européenne conservatrice Viviane Reding, auteure d’un rapport sur le TiSA. (Parlement européen)
Dans l’univers très anxiogène des grands accords commerciaux négociés derrière des portes closes, le traité transatlantique Tafta/TTIP en préparation entre l’Europe et les Etats-Unis occupe depuis bientôt trois ans le devant de la scène de notre côté de l’Atlantique – quand les Américains s’intéressent davantage au traité transpacifique, officiellement signé le 4 février 2016.
Il existe pourtant un troisième grand accord en négociation qui, bien que moins connu, charrie son lot de craintes : l’Accord sur le commerce des services, souvent désigné par son acronyme anglais TiSA (Trade in Services Agreement). Ce qui a filtré des 15 cycles de discussion qui ont déjà rassemblé depuis 2013 l’Union européenne et les 22 autres pays à la table des négociations a inquiété de nombreux acteurs de la société civile, qui pointent du doigt le risque de signer des engagements irréversibles sur le chemin de la libéralisation, mettant en danger les services publics et les régulations protectrices de l’Union européenne.
Profitant d’un timing favorable, en plein 16e cycle de négociation, avant l’entrée dans la dernière ligne droite des discussions, le Parlement européen a voté le 3 février à une très large majorité une série de recommandations à destination de la Commission européenne, qui négocie TiSA au nom des Vingt-Huit Etats membres.
L’exercice était périlleux pour les députés européens, qui s’étaient déchirés à l’occasion d’un exercice similaire sur le traité transatlantique à l’été 2015 pour des questions de formulation, brouillant le message général envoyé par l’assemblée. Cette fois, la résolution préparée par la députée conservatrice luxembourgeoise Viviane Reding a recueilli un large consensus de la droite et de la gauche pour réclamer un changement de direction assez radical des négociations (seuls l’extrême-droite, les écologistes et la gauche radicale ne l’ont pas votée).
Exclure les services audiovisuels du champ de l’accord
Empêcher que les Etats européens soient contrains de libéraliser leurs services publics (la définition du “service public” étant très floue, les députés proposent précisément d’exclure les “services d’intérêt général actuels et à venir” et les “services d’intérêt économique général” ; en outre, ils suggèrent l’introduction dans tous les accords commerciaux, dont le TiSA, d’une “règle d’or” qui garantirait une définition et une protection suffisamment large des services publics)
Exiger une plus grande réciprocité dans l’ouverture des marchés (forte en Europe, moins chez ses partenaires)
Protéger les données personnelles numériques (alors que les Etats-Unis aimeraient contourner avec TiSA la règlementation européenne)
Si les principales récriminations des opposants ont été prises en compte, les parlementaires ont renoncé à réclamer le retrait d’une autre disposition très controversée : l’utilisation de listes négatives, une méthode qui protège moins les secteurs de la libéralisation, en contraignant les Etats signataires à lister exhaustivement les secteurs qu’ils souhaitent protéger – au risque d’en oublier.
Au-delà de ces garde-fous censés rassurer les sceptiques, le Parlement européen veut que la Commission européenne négocie des avancées concrètes qui pourraient faire prendre conscience aux citoyens européens de l’intérêt d’un tel accord, au-delà des opportunités économiques ouvertes pour les multinationales. Sont cités pêle-mêle une réduction des frais d’itinérance (“roaming”) pour les télécommunications et des frais bancaires à l’étranger, une meilleure reconnaissance des diplômes ou encore une mobilité facilitée pour les professionnels hautement qualifiés au sein de la future “zone TiSA”.
Reste à savoir si la commissaire au commerce Cecilia Malmström sera sensible aux doléances des députés européens, qui n’ont pas de valeur contraignante. Mais, comme l’a rappelé Vivane Reding, “si nos recommandations ne se trouvent pas dans l’accord final, le Parlement pourra exercer son veto”. Or, un “non” de l’assemblée de Strasbourg porterait un coup fatal au TiSA, comme lors du rejet du traité anti-contrefaçon ACTA, en 2012.
L’Union européenne a osé l’impensable, résister aux États-Unis !
Et pas dans n’importe quel domaine, mais dans celui qui est au cœur de la souveraineté étatique, celui de la « sécurité nationale ».
La Cour de justice européenne a, en effet, jugé, le 6 octobre dernier, dans une affaire opposant un citoyen autrichien à Facebook, que les entreprises américaines ne pouvaient pas transmettre les données personnelles des Européens vers les États-Unis, celles-ci n’y bénéficiant d’aucune protection réelle, ce qui porte « atteinte au contenu essentiel du droit fondamental au respect de la vie privée » et à l’État de droit. Tous les accords trouvés avec les États-Unis depuis 15 ans s’effondrent donc d’un coup : non seulement Facebook, Google, Apple, Amazon et autres géants américains ne pourront plus transmettre de données vers le territoire américain, mais c’est aussi vrai pour les compagnies aériennes (PNR, passenger name record ou « données des dossiers passagers ») ou encore les banques européennes (réseau Swift) .
Ce qu’a fait la Cour, aucun État membre n’a osé le faire vu les implications diplomatiques et économiques. Bien au contraire : depuis 2000, ils ont toujours cédé face aux exigences de plus en plus grandes des Américains en matière de transfert de données personnelles, alors que, au nom de leur doctrine extensive de sécurité nationale, ils refusent de respecter la vie privée du reste du monde (celle aussi des Américains depuis le Patriot Act, mais cela, c’est leur affaire). Pis : l’affaire Snowden a montré que les États-Unis, en matière de collecte de données, ne s’embarrassaient pas des normes inhérentes à l’État de droit. La Commission et le Parlement européen, largement soumis à l’influence des gouvernements de l’Union, ne se sont pas montrés plus exigeants, se contentant des protestations de bonne foi des autorités américaines. Il faut dire que les États-Unis n’ont pas hésité à menacer les Européens de mesures de rétorsion s’ils se montraient un peu trop regardants, par exemple en interdisant aux compagnies aériennes européennes qui ne transmettraient pas les données personnelles de leurs passagers d’avoir accès à leur territoire… Certes, les Européens pourraient faire de même, mais l’Union n’est pas une fédération achevée et les États, qui gardent l’essentiel de leurs prérogatives souveraines, contrairement à une légende tenace, ont eu trop peur d’être ciblés individuellement par les Américains pour entrer dans un tel bras de fer. La Commission et le Parlement n’ont fait que prendre acte de ce rapport de force.
Néanmoins, pour rassurer les citoyens inquiets, la Commission a créé un cadre juridique, en 2000, censé offrir une protection équivalente à celle qui existe dans l’Union pour les données transmises aux États-Unis. C’est le fameux safe harbor ou « sphère de sécurité », une sorte de code de bonne conduite reposant, comme le dit la Cour de Luxembourg, « sur l’autoévaluation et l’autocertification » des entreprises américaines, censé garantir, notamment, un droit d’accès et de rectification aux citoyens européens. C’est ce safe harbor que la Cour a démoli : pour elle, il s’agit d’une coquille vide, ce qui ne constitue pas vraiment une surprise. Elle souligne ainsi qu’il « est uniquement applicable aux entreprises américaines qui y souscrivent, sans que les autorités publiques des États-Unis y soient elles-mêmes soumises. En outre, les exigences relatives à la sécurité nationale, à l’intérêt public et au respect des lois des États-Unis l’emportent sur le régime de la sphère de sécurité, si bien que les entreprises américaines sont tenues d’écarter, sans limitation, les règles de protection prévues par ce régime, lorsqu’elles entrent en conflit avec de telles exigences ».
En clair, les autorités américaines peuvent se servir librement, sans aucun principe de proportionnalité, dans les serveurs des entreprises sans avoir à respecter les droits fondamentaux de la personne. En effet, les citoyens européens n’ont aucun droit d’accès, de rectification, de suppression des données les concernant et qui sont traitées par les autorités américaines. De même, ils ne disposent d’aucune voie de recours judiciaire, ce qui les prive « du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, une telle possibilité étant inhérente à l’existence d’un État de droit ». Pour la Cour, la « sphère de sécurité » n’offre donc absolument pas un « niveau de protection équivalent » à celui qui existe dans l’Union. Mieux : la Cour estime que le constat par la Commission de l’existence d’un niveau de protection des données équivalent ne prive nullement les autorités nationales de protection des données (comme la CNIL en France) de leur pouvoir de contrôler au cas par cas qu’il est bien appliqué. Autrement dit, la protection dont bénéficient les citoyens européens est triple : par la Commission, par la Cour de justice qui contrôle la Commission et par les autorités nationales qui s’assurent que dans chaque cas les droits des Européens sont protégés.
La Commission et les États membres ont donc reçu un véritable coup de massue de la part du juge européen. C’est toute la beauté du système communautaire : il peut se montrer plus grand que la somme des États et des intérêts nationaux. « La Cour de justice a pallié la défaillance du législateur », estime Nathalie Martial-Braz, professeure de droit privé à l’université de Bourgogne-Franche-Comté et spécialiste du droit numérique.
« En l’absence de texte, elle assure elle-même la protection nécessaire », ajoute-t-elle. La Cour a fait exactement la même chose, le 13 mai 2014, dans l’affaire Google Espagne, en consacrant le droit à l’oubli numérique et en mettant fin au régime d’irresponsabilité organisé par les géants américains (cela s’applique aussi à Wikipédia, organisme sans but lucratif).
Les conséquences de l’arrêt Facebook sont énormes, tant d’un point de vue diplomatique – d’où la gêne à peine dissimulée de la Commission qui se retrouve avec une grenade dégoupillée entre les mains en pleine négociation du traité transatlantique (TTIP) –, qu’économique : « Tous les transferts de données personnelles vers les États-Unis sont désormais invalides », souligne Nathalie Martial-Braz. Certes, les entreprises peuvent encore utiliser des clauses contractuelles entre elles (les BCR), mais elles devront être validées par les autorités nationales de régulation, ou encore demander le consentement express de chaque personne… Ce qui s’annonce complexe, quand on sait que 95 % des données passent par le safe harbor.
Pour Nathalie Martial-Braz, « les entreprises sont prises dans un étau : soit elles arrêtent de transférer des données et elles s’exposent à des sanctions américaines, soit elles continuent et elles s’exposent à des sanctions européennes ». Et là, on touche du doigt les limites du droit européen et des différents droits nationaux : les sanctions pécuniaires restent, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, largement symboliques en Europe. En clair, cela devrait conduire les entreprises à… ignorer l’arrêt de la Cour de justice, car cela leur coûtera infiniment moins cher. Le seul moyen de résister au rouleau compresseur américain serait donc que le législateur européen instaure des sanctions à la hauteur de l’enjeu, sauf à rendre symbolique la protection offerte par le droit européen. Autrement dit, dans l’affaire Facebook, l’Union a fait la démonstration de sa raison d’être. Mais la Commission et les États peuvent parfaitement faire la démonstration inverse en privant de griffes et dents les juges européens. Avec le risque d’accroître l’euroscepticisme, car c’est « l’Europe » qui sera rendue responsable de cette incapacité à agir. Et non les États membres.
Les élections européennes sont sans soute les plus importantes cette année et on ne vous le dit pas ! Les futurs eurodéputés diront oui ou non au Traité de Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement. Voter à ces élections est le seul moyen dont nous disposons, nous, citoyens d’Europe, pour faire en sorte que ce traité, qui remettrait en cause notre mode de vie, ne soit jamais signé.
Les élections européennes se déroulent le dimanche 25 mai 2014. Depuis des semaines, les médias ne nous parlent que, avec une gravité feinte, de l’abstention qu’ils annoncent massive et, avec une délectation à peine dissimulée, du score du FN qu’ils prédisent stratosphérique.
Du fond et des idées, on commence à peine à parler et les jours sont maintenant comptés avant le scrutin. Alors, il faut aller à l’essentiel.
Ces élections ne sont pas une péripétie de la vie « démocratique » nationale et européenne.
La raison est simple : les députés qui seront élus devront, dans quelques mois, se prononcer pour ou contre le traité de Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement.
Ce traité est aussi appelé TTIP pour « Transatlantic Trade and Investment Partnership », GMT pour « Grand Marché Transatlantique » ou encore TAFTA pour « Transatlantic Free Trade Area”.
Si vous fréquentez les arrière-cours du net, vous avez déjà entendu parler de ce traité et de ses dangers depuis des mois voire des années. Si vous vous contentez de la télé et de la radio, il est probable que vous avez découvert son existence il y a peu.
L’origine : l’échec des négociations de l’OMC au niveau mondial
A la suite de l’échec des négociations menées au niveau de l’OMC (cycle de Doha), les Etats-Unis ont décidé de mettre en place des accords régionaux ne risquant pas de rencontrer l’opposition des états émergeants. Deux traités sont donc négociés : Le Partenariat Trans-Pacifique (PTP) implique principalement, outre les USA, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les Philippines, la Thaïlande … et le partenariat transatlantique qui implique les Etats de l’Union Européenne.
Les Etats-Unis font le pari que les règles les plus libérales de l’OMC, rendues applicables dans ces deux marchés, s’imposeront de fait au reste du monde et notamment aux BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).
Des négociations opaques et sous l’influence des multinationales
Côté européen, c’est la Commission qui négocie l’accord avec les américains.
Pour cela, la Commission a reçu un mandat des Etats, mandat qu’elle a elle-même préparé et rédigé en collaboration étroite avec les représentants des milieux patronaux et financiers (93 % des 130 réunions préparatoires se sont tenues avec des multinationales).
Le mandat a été formellement adopté par les Etats au mois de juin 2013. Ont officiellement connaissance du contenu de ce mandat, les chefs d’Etats et la Commission. Ont officieusement connaissance du mandat, les lobbies qui ont participé à sa rédaction et qui assistent la Commission dans les négociations et les Etats-Unis puisqu’il est établi qu’ils espionnaient les institutions européennes et certains chefs d’Etat comme la Chancelière allemande. Sont officiellement tenus dans l’ignorance du contenu du mandat, les parlementaires européens et nationaux et bien évidement les citoyens européens …
Concrètement, c’est le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, qui négocie pour l’Europe. Karel De Gucht est un ultralibéral adepte du tout marché et de la dérégulation, soupçonné de fraude fiscal dans son pays …
Officiellement, le secret qui entoure ce mandat et ces négociations est justifié par la nécessité de ne pas dévoiler à l’autre partie les marges de manœuvre dont on dispose. On sait ce qu’il en est du secret du mandat vis-à-vis des grandes oreilles américaines…
La vraie raison de ce secret et de l’absence de débat public sur ce sujet est que si les citoyens étaient informés, ils s’opposeraient à ce projet de traité.
François Hollande l’a bien compris, lui qui a déclaré lors d’un voyage officiel à Washington : « Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu’il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations ».
Pourquoi donc devrions-nous avoir peur ?
Une remise en cause programmée de notre mode de vie
Ce traité, s’il entre un jour en vigueur, bouleversera nos vies et nos sociétés.
Le mandat donné à la Commission stipule :
« L’Accord prévoira la libéralisation réciproque du commerce des biens et services ainsi que des règles sur les questions en rapport avec le commerce, avec un haut niveau d’ambition d’aller au-delà des engagements actuels de l’OMC. »
Pour atteindre ces objectifs, il est prévu deux types de mesures.
Tout d’abord, la suppression des droits de douane. Cette mesure impactera essentiellement l’agriculture européenne l’exposant à des importations massives de produits agricoles américains bon marchés car produits selon des normes sociales, sanitaires et écologiques plus basses que celles en vigueur en Europe. Ceci contribuera, dans une course à la productivité, à une industrialisation maximum de l’agriculture impliquant un recours accru aux engrais et pesticides.
Le second type de mesures consiste à réduire « les barrières non tarifaires ». Concrètement, cela veut dire éliminer toutes les normes jugées inutiles pouvant gêner le commerce. On touche là au cœur du problème car ces barrières non tarifaires ne sont rien d’autre que nos normes sociales, sanitaires, alimentaires, environnementales, techniques …
L’objectif est d’arriver à une harmonisation des réglementations. La norme la moins contraignante deviendra dans la majorité des cas la règle commune. On imagine mal en effet, un traité ayant pour objectif de favoriser le commerce imposer à l’une des parties des règles plus contraignantes que celles jusque-là en vigueur.
Or, majoritairement, ces normes sont moins contraignantes aux Etats-Unis notamment en matières sociale, alimentaire ou environnementale. Les USA n’ont pas ratifié les conventions de l’organisation Internationale du Travail (OIT). Les USA n’ont pas ratifié le Protocole de Kyoto….
Concrètement, ce traité conduira immanquablement à une dérégulation, à une baisse des standards dans de nombreux domaines. Les victimes en seront les consommateurs, les salariés, l’environnement …
Il ne sera ainsi plus possible de refuser l’exploitation du gaz de schistes, l’importation de bovins élevés aux hormones, la culture d’OGM, l’importation de volailles lavées au chlore, la vente libre des armes … toutes restrictions qui seront qualifiées d’entraves inutiles au commerce !
Les partisans du traité argueront du fait que plusieurs fois le texte mentionne la protection des droits sociaux et environnementaux. Ils oublieront de vous préciser qu’il s’ agit toujours de vœux pieux non contraignants.
Ce traité, du fait de l’application maximum des principes de l’OMC, notamment celui du traitement national, conduira à un mouvement de privatisations dans les domaines de l’éduction, de la santé et de la sécurité sociale.
Une justice sur mesure pour les multinationales
Pour faire respecter ce traité est prévu un « mécanisme de règlement des différends entre Etats et investisseurs ».
Si une multinationale estime qu’un Etat viole le traité, par exemple en prenant une loi trop protectrice de l’environnement dont le respect engendre un surcoût pour elle, elle pourra porter le litige, non pas devant une juridiction étatique nationale mais devant des arbitres privés. C’est une déclinaison du système de l’arbitrage pratiqué dans le monde des affaires, le dossier Tapie ayant démontré les merveilles que peut produire ce mode de règlement des litiges …
Un Etat sera donc jugé par des arbitres privés dont la décision ne sera pas susceptible d’appel. Si l’Etat est reconnu coupable, il devra soit renoncer à sa loi, votée par les représentants du peuple, soit payer une amende de quelques millions voire milliards d’euros pour dédommager la multinationale privée du gain espéré.
Un tel mécanisme existe déjà dans le cadre de l’ALENA, l’accord de libre-échange liant les Etats-Unis, le Mexique et le Canada. En 20 ans de pratique, l’Etat canadien a été attaqué 30 fois par des multinationales. Le Canada a perdu 30 fois.
Ce système est taillé sur mesure pour les multinationales qui pourront imposer aux Etats ou toutes collectivités publiques de renoncer à des règles prises dans l’intérêt général.
Des avantages impossibles à démontrer
Comment justifie-t-on économiquement ce traité ? Car favoriser le commerce pour favoriser le commerce c’est un peu court.
La Commission a donc mandaté un organisme « indépendant », le Center for Economic Policy Research. Celui-ci a conclu qu’à l’horizon 2027, on pouvait attendre une augmentation de 0,5 % du PIB européen et la création de 400.000 emplois.
Vous avez bien lu ! Dans 13 ans, on peut espérer que le traité transatlantique aura généré un misérable gain de 0,5 % du PIB européen et créé 400.000 emplois alors que l’Europe compte aujourd’hui 26 millions de chômeurs !
On pourrait penser que c’est un adversaire du monde des affaires qui a réalisé cette étude mais non. Le directeur du CEPR, Guillermo de la Dehesa, est conseiller de la banque d’affaires américaine Goldman Sachs depuis 1988, membre du comité exécutif de la banque Santander, conseiller du laboratoire pharmaceutique Lily, président des Assurances Aviva depuis 2000. Il était aussi un des dirigeants de la branche Europe de Coca Cola de 2004 à 2006.
On peut en conclure que cette étude est très optimiste…
Ce traité n’aura donc pas ou peu d’impact sur le volume de notre économie.
Faisons le bilan de tout cela.
Qui va y gagner ? Réponse : les multinationales qui verront les contraintes sociales, sanitaires et environnementales fondre comme neige au soleil, leur permettant de produire à moindre coût.
Qui va y perdre ? Réponse : nous les citoyens qui verront les normes protectrices reculer, les services publics attaqués, notre souveraineté bafouée.
Ce sont 200 ans de progrès sociaux, les fondements de notre République qui sont remis en cause par un accord commercial !
Seuls les députés européens pourront s’opposer à la conclusion du traité.
Si les élections européennes sont si importantes, c’est qu’elles vont désigner les eurodéputés qui auront à se prononcer sur ce traité. Ils seront les seuls représentants élus à pouvoir stopper le processus. Les parlements nationaux ne seront pas consultés malgré les molles dénégations de Karel De Gucht. La qualification d’accord mixte nécessitant une ratification au niveau européen et au niveau national sera à terme écartée puisqu’elle placerait l’accord sous la menace d’un vote négatif d’un seul parlement national.
En allant voter dimanche, vous aurez donc l’occasion, et ce sera la seule, de dire non au Traité de grand marché transatlantique.
Qui est pour, qui est contre ?
Seuls deux grands mouvements politiques mènent, en France, une campagne pour dénoncer les menaces que fait peser ce traité sur notre mode de vie. Il s’agit d’Europe Ecologie Les Verts et du Front de Gauche. D’autres partis plus petits sont également engagés dans ce combat : Nouvelle Donne, Debout la République…
Sont favorables au traité, le PS, l’UMP, l’UDI et le FN. Ce dernier fait mine de s’insurger contre le projet d’accord mais lorsqu’il s’est agi de voter, au sein de collectivités locales, des motions ou résolutions contre ce projet, les élus du FN ont toujours voté contre celles-ci et donc pour le grand marché transatlantique.
Dimanche, allez voter, pour vous, pour vos enfants et pour la mémoire de tous ceux qui, au cours des siècles, se sont battus pour notre modèle de société où l’intérêt général prévaut sur les intérêts particuliers.
COMMERCE – Il porte un nom à coucher dehors et pourrait bouleverser l’ensemble des règles commerciales entre l’Europe et les Etats-Unis. Objet de toutes les peurs et fantasmes, l’accord de libre-échange transatlantique commence sa cinquième table ronde lundi. Elle se déroulera dans le plus grand secret jusqu’au 23 mai, soit 2 jours avant les élections européennes. Une pause salvatrice, alors que le mouvement de contestation gagne les rangs de nombreux activistes et formations politiques. Si vous n’avez pas encore eu le temps de vous pencher dessus, Le HuffPost s’en est chargé à votre place.
Baptisé dans un premier temps TAFTA (puis TTIP, nous y reviendrons), pour « Transatlantic Free Trade Area » (zone de libre-échange transatlantique), rien que son nom fait froid dans le dos. Il a pour but de créer un marché commun de 820 millions de consommateurs, en allégeant les tarifs de douanes et les réglementations de part et d’autre de l’Atlantique. A la clé, plus de 100 milliards d’euros par an pour chacun, ainsi que 2 millions d’emplois (dont 121.000 en France). Il prévoit aussi la mise en place d’un mécanisme de règlements des différends entre entreprises et Etats (un dispositif très polémique). Négociées dans le plus grand secret, les tractations ont commencé à l’été 2013 avec la Commission européenne aux manettes pour représenter le Vieux Continent. S’il faudra au moins deux ans pour parvenir à un accord, le projet, lui, a déjà plus de 15 ans.
Il est l’héritier d’un accord tué dans l’oeuf en 1998. Involontairement rendu public, l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) avait entraîné de vives protestations de la part des partisans de l’exception culturelle, des mouvements de défense de l’environnement et de quelques mouvements syndicaux. Comparé à Dracula par ses opposants (il meurt à être exposé en plein jour), sa médiatisation avait entrainé son abandon. Mais comme tout bon vampire digne de ce nom, il parvient toujours à renaître sous une autre forme.
Le TAFTA n’est qu’une version modifiée de l’AMI, explique Le Monde Diplomatique. Il prévoit que les législations en vigueur des deux côtés de l’Atlantique se plient aux normes du libre-échange établies « par et pour les grandes entreprises européennes et américaines, sous peine de sanctions commerciales pour le pays contrevenant, ou d’une réparation de plusieurs millions d’euros au bénéfice des plaignants ». Trainant une sale réputation dans l’opinion, ses partisans l’ont depuis renommé TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership), car il ressemblait trop au traité ACTA, rejeté à Bruxelles au terme d’un long combat politique. Pour autant, les adversaires préfèrent utiliser l’acronyme original et se réunissent sous le drapeau #STOPTAFTA.
Une opacité problématique
Ses adversaires craignent que le TAFTA ne se solde par une révision à la baisse des législations et normes européennes (sanitaires, sociales, environnementales), considérées de l’autre côté de l’Atlantique comme des barrières au commerce et aux investissements. Or, après quatre rounds de négociation, aucun élément tangible n’est venu les contredire. De fait, aucun élément ne filtre des échanges à huis clos, et l’on ne connaîtrait même pas le mandat initial de la Commission européenne si le texte n’avait pas fuité. Cette opacité provoque la fureur des détracteurs de l’accord… et pourrait bien causer sa chute.
L’AMI et ACTA sont morts comme cela. Ce culte du secret avait attisé le suspicion et le courroux de la société civile. Les négociateurs sont donc forcés de travailler avec une dose d’ouverture afin de ménager les opinions publiques. En effet, ce sont les députés du Parlement européen qui procéderont au vote décisif. La Commission insiste donc sur « les négociations commerciales les plus ouvertes et transparentes jamais menées ». Pour autant, elle fait valoir qu’un « certain niveau de confidentialité est nécessaire pour protéger les intérêts européens et conserver des chances d’obtenir un résultat satisfaisant ».
A défaut d’un abandon en plein milieu, les détracteurs du TAFTA comptent aussi sur un ralentissement des tractations. La nouvelle Commission européenne commencera son mandat en octobre prochain. Si la gauche l’emporte, elle pourrait faire pression pour une réorientation des discussions. Mais au final, les parlements nationaux auront aussi leur mot à dire. Le traité de Lisbonne prévoit qu’ils soient consultées pour les accords dépassant les compétences communautaires.
Poulet au chlore et procès de multinationales contre Etats
Les négociations sont si secrètes que l’on ne sait pas vraiment ce qu’elles contiennent. Une partie de l’opinion redoute que cet accord ne force les Européens à accepter des OGM ou du boeuf aux hormones. D’autres craignent qu’il ouvre la porte à l’exploitation des gaz de schiste sans veto possible des gouvernements nationaux. En l’état, rien n’est bâti pour un traitement express. Barack Obama n’a pas le soutien du Congrès américain et la Commission explique que des sujets sensibles comme l’exception culturelle ont été exclus des débats.
Mais le mandat confié par les Etats à la Commission est plutôt ambigu. « L’accord visera à éliminer les obstacles inutiles au commerce et à l’investissement y compris les obstacles non tarifaires existants », peut-on lire dans le texte disponible en ligne. De quoi renforcer les avertissement proférés par Jean-Luc Mélenchon fin 2013: « Les Nord-américains lavent leur poulet avec du chlore: vous mangerez du poulet au chlore ». Sauf que ce n’est pas si simple ça. Le mandat annonce le mise en place de garde-fous pour éviter une déréglementation désordonnée. Les acquis européens et les legislations nationales en terme de normes environnementales et sociales sont présentés comme indispensables. Les négociations n’étant pas connues, il est très prématuré de s’en prendre à ce point là.
L’installation d’un mécanisme pour régler les différends des entreprises a aussi sa part de mauvaise publicité. En clair, ça serait la création d’un tribunal international qui statuerait entre un Etat et une entreprise se sentant flouée. Pièce importante de l’accord de libre-échange, elle fait hérisser le poil de la plupart des contradicteurs. En effet, si une entreprise a peu de chance de gagner en attaquant un pays dans sa jurisdiction, ce dispositif avantagerait fortement les intérêts commerciaux. Le pétrolier américain Schuepbach a récemment été débouté par le Conseil constitutionnel après avoir contesté le moratoire français sur le gaz de schiste. Pourrait-il avoir gain de cause avec ce mécanisme? Tout dépend des garde-fous que prévoieront les négociateurs.
Susan George et Cécile Monnier (Nouvelle Donne) exposent ici pourquoi le mouvement réclame « l’abandon pur et simple des négociations autour du Tafta » : un traité « façonné par des multinationales », et qui entend « privatiser » non seulement la justice mais une part du travail législatif.
Parce que son nom, Tafta ou TTIP, ne dit pas la vérité sur son contenu. Ce traité concerne peu le commerce, mais davantage l’investissement, et s’intéresse surtout aux règlements et normes qui gouvernent toute mise sur le marché d’un produit ou d’un processus.
Parce que les tarifs douaniers que vise à faire tomber le Tafta sont déjà très bas – de l’ordre de 2% à 3%, sauf pour l’agriculture. Si on devait diminuer les barrières douanières en Europe, ce serait la mort programmée d’une grande partie des agriculteurs européens.
Parce que ce traité a été conçu et façonné depuis de longues années par des multinationalesdes deux côtés de l’Atlantique, dont le souci majeur est de réduire et « d’harmoniser » vers le bas les deux systèmes. Ces entreprises pensent ainsi économiser des milliards d’euros, mais cette économie se fera au prix d’une baisse de la protection du consommateur, de sa santé, de sa protection sociale et de l’environnement. Les États-Unis ne voient aucun inconvénient aux OGM, gaz de schiste, bœuf nourri aux hormones, poulets rincés au chlore, médicaments hors de prix. En revanche, ils voient d’un très mauvais œil – tout comme les grands groupes européens – les produits pharmaceutiques génériques, l’amélioration de la protection sociale, des salaires ou encore des retraites, les services publics qui « devraient » être privatisés, ainsi que toute restriction de la liberté du marché ou de la sacro-sainte « concurrence libre et non faussée ».
Parce que si un État mettait en place une loiou toute autre mesure risquant d’entamer les profits actuels ou même futursd’un investisseur étranger, celui-ci pourrait traduire cet État devant un tribunal d’arbitrage privé. Ce tribunal pourrait alors décider d’une compensation en faveur de l’investisseur (sous d’autres traités bilatéraux similaires, la plus importante compensation imposée a été de 1,1 milliard de dollars). Ce sont bien sûr les contribuables qui paieraient ces amendes, ainsi que les coûts élevés de justice (avocats et arbitres spécialisés, pour le moment surtout américains et britanniques).
Parce que ce traité entend privatisernon seulement la justice par le système de l’arbitrage privé, injustifié dans des pays où les cours de justice sont fiables et non corrompues, mais aussi une partie des fonctions législatives qui concernent la régulation des marchés et les lois qui protègent les citoyens. Les États seront amenés à bien réfléchir avant d’adopter de nouvelles lois protectrices, de crainte d’être assaillis de procès longs et coûteux.
Parce que ce traité est rétroactif et couvrira les investissements déjà effectués, soit environ 3 000 milliards de part et d’autre de l’Atlantique.
Parce qu’il est secret et négocié dans un déni de démocratie total: même les parlementaires européens n’ont pas le droit de le lire ou de consulter les compte-rendus des cycles de négociation.
Comment peut-on accepter qu’un traité qui mettrait à mal toutes nos normes et réglementations et qui soumettrait nos Etats et nos collectivités à la volonté des multinationales soit négocié dans le dos des citoyens ? Encore une fois, Nouvelle Donne demande l’abandon pur et simple des négociations autour du TAFTA : sans dramatisation, mais avec conviction, refusons de nous asseoir à cette table-là !
Susan George, membre du comité de soutien de Nouvelle Donne et présidente d’honneur d’Attac Cécile Monnier, candidate dans le sud-ouest aux élections européennes pour Nouvelle Donne
(1)Tafta: TransAtlantic Free Trade Agreement (Accord Transatlantique de Libre-Échange). TTIP: Transatlantic Trade and Investment Partnership (Partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement).
Bien que partisan de l’Europe, le sénateur centriste Jean Arthuis s’oppose fermement au traité de libre-échange transatlantique actuellement négocié par les Etats-Unis et les autorités européennes. Il expose ici les dangers que ferait peser cet accord sur la France et sur l’Europe. ( Jean Arthuis a été ministre de l’Economie et des finances, il est tête de liste UDI-MoDem «Les Européens», en Bretagne, Pays de la Loire, Poitou-Charentes ).
C’est une chose de vouloir abaisser les barrières tarifaires et faire converger les réglementations, pour accroître le commerce et les investissements de part et d’autre de l’Atlantique. C’en est une autre de laisser Washington piétiner les intérêts européens sans avoir le courage de les défendre avec fermeté. C’est pourquoi, bien qu’issu d’une famille politique traditionnellement favorable au libre-échange et à l’alliance atlantique, je suis contre l’Accord transatlantique de libre-échange actuellement négocié par les Etats-Unis et les autorités européennes.
À cela, sept raisons précises et concrètes.
Premièrement, je m’oppose à l’arbitrage privé des litiges entre Etats et entreprises. Demain, suivant la proposition des Etats-Unis, une entreprise s’estimant lésée par la décision politique d’un gouvernement pourrait y recourir. Une telle procédure est rigoureusement contraire à l’idée que je me fais de la souveraineté des Etats.
Deuxièmement, je m’oppose à toute remise en cause du système européen des appellations d’origine. Demain, suivant la proposition des Etats-Unis, il n’y aurait plus qu’un registre non contraignant, et uniquement pour les vins et spiritueux. Une telle réforme tuerait nombre de productions locales européennes dont la valeur repose sur leur origine certifiée.
Troisièmement, je m’oppose à la signature d’un accord avec une puissance qui espionne massivement et systématiquement mes concitoyens européens, ainsi que les entreprises européennes. Les révélations d’Edward Snowden sont à cet égard édifiantes. Aussi longtemps que l’accord ne protège pas les données personnelles des citoyens européens et américains, il ne saurait être signé.
Quatrièmement, les Etats-Unis proposent un espace financier commun transatlantique, mais ils refusent catégoriquement une régulation commune de la finance, de même qu’ils refusent d’abolir les discriminations systématiques faites par les places financières américaines à l’encontre des services financiers européens. C’est vouloir le beurre et l’argent du beurre: je m’oppose à cette idée d’un espace commun sans règles communes et qui maintiendrait les discriminations commerciales.
Cinquièmement, je m’oppose à la remise en cause de la protection sanitaire européenne. Washington doit comprendre une fois pour toutes que nonobstant son insistance, nous ne voulons dans nos assiettes ni des animaux traités aux hormones de croissance, ni de produits issus d’OGM, ni de la décontamination chimique des viandes, ni de semences génétiquement modifiées, ni d’antibiotiques non thérapeutiques dans l’alimentation animale.
Sixièmement, je m’oppose à la signature d’un accord s’il n’inclut pas la fin du dumping monétaire américain. Depuis la suppression de la convertibilité-or du dollar et le passage au système des changes flottants, le dollar est à la fois monnaie nationale étasunienne, et unité principale de réserve et d’échanges dans le monde. La Réserve fédérale pratique donc sans cesse le dumping monétaire, en agissant sur la quantité de dollars disponible pour favoriser les exportations des Etats-Unis. La suppression de cet avantage déloyal suppose, comme le propose la Chine, de faire des «droits de tirage spéciaux» du FMI la nouvelle monnaie mondiale de référence. En termes de compétitivité, l’arme monétaire a le même effet que les droits de douane.
Septièmement, au-delà du seul secteur audiovisuel, étendard de l’actuel gouvernement qui sert de cache-sexe à sa lâcheté sur tous les autres intérêts européens dans la négociation, je veux que toute l’exception culturelle soit défendue. Notamment, il est inacceptable de laisser les services numériques naissants d’Europe se faire balayer par les géants américains tels que Google, Amazon ou Netflix. Géants, maîtres absolus en optimisation fiscale, qui font de l’Europe une «colonie numérique».
D’ores et déjà, à l’approche des élections européennes, les deux extrêmes font leur miel des lâchetés des autorités européennes dans la négociation avec Washington. Leur europhobie ne saurait se nourrir plus longtemps de notre manque de courage politique. Il est grand temps que la classe politique républicaine, avec calme, responsabilité et sang-froid, dise non à l’Accord transatlantique.
En définitive, dans cette négociation, l’Europe s’avère avoir peur de défendre nos intérêts. Or, elle seule en a la force et l’envergure. Plutôt qu’une Europe timorée, inféodée, c’est cette Europe de courage et de fermeté que j’entends défendre. Du reste, cette voie du courage est le seul chemin pour un accord véritablement équitable de libre échange.
Le Président Obama et la Commission européenne ont donné mandat à l’ambassadeur américain Michael Froman et au commissaire Karel de Gucht pour confectionner un Traité transatlantique aux objectifs mirobolants : augmenter le commerce entre les USA et l’UE de 120 milliards de dollars dans les prochaines cinq années et créer deux millions d’emplois.
Quoi
Négocié depuis le mois de juillet 2013, TAFTA, l’accord commercial transatlantique ou Trans-Atlantic Free Trade Agreement est un projet d’accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis.
Le projet est aussi connu sous le nom de TTIP, Transatlantic Trade and Investment Partnership ou PTCI, Partenariat Transatlantique de Commerce et d’Investissement.
La décision d’entamer ces négociations s’explique essentiellement par la persistance de la crise économique et par le blocage des négociations commerciales multilatérales au sein de l’Organisation mondiale du commerce – connues sous le nom de «programme de Doha pour le développement».
Comment
L’accord a pour objet rendre plus simple l’achat et la vente de biens et services entre l’Union européenne et les Etats-Unis et permettre aux entreprises européennes et étasuniennes d’investir plus facilement dans l’autre économie. Les négociations s’attaquent aux droits de douanes, en particulier dans les secteurs où ils sont restés importants, comme dans l’agriculture. Mais l’accord vise avant tout une harmonisation des règles en matière de production agricole ou industrielle, protection des données numériques et licences, mesures de prévention des risques environnementaux et sanitaires, etc.
Qui
Les négociations sont conduites par le représentant américain pour le commerce (USTR) pour les États-Unis et le commissaire au commerce, M. Karel De Gucht, pour la Commission européenne, qui négocie au nom de l’Union et de ses 28 États membres.
Pourquoi
Les effets économiques d’un accord qu’entraînerait différents degrés de libéralisation des échanges entre l’UE et les Etats-Unis ont étés évalués par le CEPR, un centre d’études sur la politique économique basé à Londres. L’étude du CEPR, intitulée «Reducing barriers to Transatlantic Trade» (réduire les obstacles au commerce transatlantique), suggère que l’économie de l’Union pourrait en retirer un bénéfice de 119 milliards d’euros par an – l’équivalent d’un bonus de 545 euros en moyenne par ménage de l’Union. Selon l’étude, l’économie américaine pourrait en retirer un gain de 95 milliards d’euros supplémentaires par an, soit 655 euros par famille américaine.
Ces avantages se matérialiseront sous la forme de biens et services moins chers. De manière générale, les partisans du TAFTA affirment que « …les prix diminueront parce que les droits d’importation sur les marchandises américaines seront abolis, des règles jugées superflues seront abrogées et… dans de nombreux domaines, au lieu de devoir produire des biens selon deux ensembles de spécifications séparés, les fabricants pourront suivre un même ensemble de règles pour l’Union et pour les Etats-Unis ».
TAFTA ? Tout bien réfléchi, Non Merci !
De dizaines organisations au niveau français, européen et aux Etats-Unis dénoncent le TAFTA comme processus anti-démocratique. Pourquoi ? Parce que le projet d’accord inclut en effet un inacceptable mécanisme d’arbitrage des différends États-investisseurs. Un mécanisme qui consacre la suprématie des droits des investisseurs sur nos droits démocratiques.
Ce type de mécanisme, dit de « protection des investissements », prévoie que les grandes entreprises aient le pouvoir de contester les réglementations nationales et internationales si elles affectent leurs profits. Ainsi, les États membres de l’UE peuvent voir leurs lois domestiques visant à protéger l’intérêt général contestées dans des tribunaux ad hoc, dans lesquels les lois nationales n’ont aucun poids et les élus politiques aucun pouvoir d’intervention.
Quelques conflits emblématiques
A travers le monde, les entreprises transnationales ont déjà utilisé les mécanismes de règlement des différends investisseurs-États intégrés aux accords sur le commerce et l’investissement.
Quelques conflits emblématiques, d’après le document « Une déclaration transatlantique des droits des entreprises » du Réseau Seattle to Brussels Network (S2B), le Corporate Europe Observatory (CEO), le Transnational Institute, l’AITEC (Association internationale des techniciens, experts et chercheurs) et Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne).
Sociétés contre santé publique : Philip Morris v. Uruguay et Australie
Au travers d’un traité bilatéral d’investissements, le géant du tabac Philip Morris poursuit en justice l’Uruguay et l’Australie sur leur lois anti-tabac. L’entreprise soutient que les avertissements sanitaires sur les paquets de cigarettes et les emballages les empêchent d’afficher clairement le logo de leur marque, causant une perte substantielle de leur part de marché
Sociétés contre protection environnementale Vattenfall v. Allemagne
En 2012 le géant Swedish energy a porté plainte contre l’Allemagne demandant 3,7 milliards d’euros en compensation de profits perdus suite à l’arrêt de deux de ses centrales nucléaires. La plainte suivait la décision du gouvernement fédéral allemand de supprimer progressivement l’énergie nucléaire après le désastre nucléaire de Fukushima
Sociétés contre les gouvernements prenant des mesures contre les crises financières – Argentine et Grèce
Lorsque l’Argentine a gelé les tarifs des services essentiels (énergie, eau …) et dévalué sa monnaie en réponse à la crise financière de 2001-2002, elle fut frappée par plus de 40 plaintes de sociétés comme CMS energy (US), Suez et Vivendi (France). A la fin de 2008, les condamnations contre le pays totalisaient 1.15 M$
En mai 2013, des investisseurs slovaques et chypriotes poursuivaient en justice la Grèce concernant l’échange de créance sur sa dette souveraine de 2012 qu’Athènes a du négocier avec ses créditeurs pour obtenir l’aide monétaire de l’UE et du FMI, qui ont tout deux averti que les accords sur les investissements pouvaient sévèrement affecter la capacité des États à lutter contre la crise économique et financière
Sociétés contre protection de l’environnement : Lone pine v. Canada
Sur la base de l’ALENA (Accord de libre-échange nord américain), la société américaine Lone Pine Ressources Inc. demande 250 millions de dollars américains de compensation au Canada. Le « crime » du Canada : la province canadienne du Québec a décrété un moratoire sur l’extraction d’huile et gaz de schiste en raison du risque environnemental de cette technologie.
Sociétés contre santé publique Achmea v. la République slovaque
Fin 2012, l’assureur néerlandais Achmea (anciennement Eureko) a reçu 22 millions d’euros de compensation du gouvernement slovaque pour avoir remis en cause, en 2006, la privatisation de la santé engagée par l’administration précédente, et demandé aux assureurs de santé d’opérer sans chercher de profits
Ces exemples montrent qu’il y a le risque que le TAFTA puisse permettre aux investisseurs étrangers de contourner les tribunaux locaux et attaquer les États directement par des tribunaux internationaux dès que des décisions démocratiques mettraient en cause leurs intérêts. Sécurité des aliments, normes de toxicité, assurance-maladie, prix des médicaments, liberté du Net, protection de la vie privée, énergie, culture, droits d’auteur, ressources naturelles, formation professionnelle, équipements publics, immigration : pas un domaine d’intérêt général qui ne passe sous les fourches caudines du libre-échange institutionnalisé.
La protection des données et les droits de propriété intellectuelle
Un risque particulièrement grave en matière de en matière de protection des données et de les droits de propriété intellectuelle.
Dans une société démocratique, la vie privée est essentielle à la mise en œuvre d’autres droits fondamentaux, tels que les droits d’expression ou d’association. Or, les géants du net – qui tous made in US – ont aujourd’hui intérêt à voir assouplie la protection de ce droit fondamental, afin de tirer profit des informations les concernant, par leur collecte, leur traitement, leur stockage et leur commerce.
Reste donc la question : la négociation TAFTA constitue-t-il une plateforme pour affaiblir le régime de protection européen des données personnelles et le réduire au niveau quasi-inexistant des USA ?
Sur les droits de propriété intellectuelle, ils devraient être inclus dans la définition « d’investissements » protégés par le TAFTA et donc sujet aux mécanismes de règlement des différends investisseurs-États. Une chose choquant aussi d’un point de vue économique, car notre industrie high-tech est bien plus faible que l’industrie étasunienne. Vous avez bien trouvé cet article sur Google, n’est pas ?
Le Conseil Général du Tarn vote le département Hors Tafta !
Le Tarn s’est déclaré hors Tafta et demande la suspension des négociations en l’attente d’un large débat public.
Le Conseil général du Tarn a également décidé : » d’ouvrir un débat régional sur les risques de nivellement par le bas des règles sociales, économiques, sanitaires, culturelles et environnementales que représenterait la mise en œuvre des accords de libre-échange approuvés par l’Union européenne. Sur la base des engagements de la Charte de la participation, ce débat se fera notamment en organisant des auditions. »
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Assemblée plénière du jeudi 3 avril 2014
Motion déposée par Roland FOISSAC et Serge ENTRAYGUES
Pour l’arrêt des négociations sur le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement
Le 14 juin 2013, la Commission européenne a obtenu mandat de la part de tous les États membres pour négocier avec les États-Unis le Transatlantic free trade area (TAFTA). Cet accord cherche à instaurer un vaste marché de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis, allant au-delà des accords de l’OMC.
Ce projet de Grand marché transatlantique vise le démantèlement des droits de douane restants, entre autres dans le secteur agricole, comme la suppression des « barrières non tarifaires » qui amplifierait la concurrence débridée et empêcherait la relocalisation des activités. Il conduirait à un nivellement par le bas des règles sociales, économiques, sanitaires, culturelles et environnementales, aussi bien en Europe qu’aux États-Unis. Ainsi, la production de lait et de viande avec usage d’hormones, la volaille chlorée et bien d’autres semences OGM, commercialisées aux États-Unis, pourraient arriver sur le marché européen. Inversement, certaines régulations des marchés publics et de la finance aux États-Unis pourraient être mises à bas.
Cet accord serait un moyen pour les multinationales d’éliminer toutes les décisions publiques qui constituent des entraves à l’expansion de leurs parts de marché, consacrant la domination des multinationales européennes comme américaines et la domination des États-Unis.
Ce projet pourrait introduire un mécanisme d’arbitrage privé « investisseur-État », qui se substituerait aux juridictions existantes. Les investisseurs privés pourraient ainsi contourner les lois et les décisions qui les gêneraient, permettant par exemple aux pétroliers d’imposer en France l’exploitation des gaz de schistes et autres hydrocarbures dits non conventionnels. Une telle architecture juridique limiterait les capacités déjà faibles des États à maintenir des services publics (éducation, santé, etc.), à protéger les droits sociaux, à garantir la protection sociale, à maintenir des activités associatives, sociales et culturelles préservées du marché, à contrôler l’activité des multinationales dans le secteur extractif ou encore à investir dans des secteurs d’intérêt général comme la transition énergétique.
Au-delà des échanges de marchandises, le Grand marché transatlantique achèverait l’ouverture à la concurrence des échanges immatériels. Le projet d’accord prévoit d’introduire de nouvelles mesures relatives aux brevets, droits d’auteur, protection des données, indications géographiques et autres formes de la dite « propriété intellectuelle », faisant revenir par la petite porte le défunt ACTA (Accord commercial anti-contrefaçon), refusé en juillet 2012 par les eurodéputés, suite à une large mobilisation des citoyens européens.
Discrètement, de puissants lobbies européens et transatlantiques sont déjà à la manœuvre pour élaborer avec la Commission européenne, seule autorité en charge des négociations au nom de tous les États membres, les termes d’un éventuel accord d’ici 2015. À l’inverse, les citoyens, les mouvements sociaux, les parlementaires européens, n’ont pas accès aux informations sur les négociations en cours. Le secret sur les textes limite également les capacités des pays en développement d’intervenir, alors qu’un tel accord aurait des répercussions juridiques et sociales sur l’ensemble du monde.
Le Grand marché transatlantique serait une atteinte nouvelle et sans précédent aux principes démocratiques fondamentaux. Il ne ferait qu’aggraver la marchandisation du monde, avec le risque de régressions sociales, environnementales et politiques majeures.
L’accord multilatéral sur l’investissement (AMI) en 1997, puis l’Accord commercial anti-contrefaçon en 2012, qui comportaient les mêmes dangers ont été rejetés en leur temps. A présent il convient de stopper le Grand marché transatlantique en impulsant dans le Tarn une dynamique citoyenne de refus. A ce titre les élus départementaux, réunis en assemblée plénière, ce vendredi 4 avril 2014 décident :
d’ouvrir un débat régional sur les risques de nivellement par le bas des règles sociales, économiques, sanitaires, culturelles et environnementales que représenterait la mise en œuvre des accords de libre-échange approuvés par l’Union européenne. Sur la base des engagements de la Charte de la participation, ce débat se fera notamment en organisant des auditions.
d’agir par tous les moyens possibles pour empêcher la mise en œuvre du TTIP et de soutenir les collectivités locales du département du Tarn qui s’engageraient dans cet objectif.
de déclarer le département du Tarn « zone hors TTIP » comme il l’avait fait, avec une quarantaine de communes, en se déclarant « hors AGCS ».
Et mandatent le président du Conseil départemental pour saisir le gouvernement et les institutions européennes quant à :
l’arrêt des négociations sur le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) dit Grand Marché Transatlantique du fait de l’absence de contrôle démocratique et de débat public sur les négociations en cours.
la diffusion publique immédiate de l’ensemble des textes relatifs aux négociations du TTIP qui représentent une attaque sans précédent contre la démocratie.
l’ouverture d’un débat national sur le GMT et plus généralement sur l’ensemble des accords de libre-échange impliquant la pleine participation des collectivités territoriales, des organisations syndicales et associatives, des organisations socioprofessionnelles et des populations.
Le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP ou Tafta) sera l’un des enjeux majeurs des prochaines élections européennes. En effet, c’est au prochain Parlement européen qu’il reviendra de ratifier – ou non – l’accord de libre-échange en cours de négociation entre l’Union européenne et les États-Unis. Les citoyens doivent profiter de la campagne des européennes pour s’emparer de ce débat et exprimer clairement leur position sur cet accord soutenu par les sociaux-démocrates et les conservateurs européens, au premier rang desquels le PS et l’UMP.
Et pour cause: le Tafta est nettement plus ambitieux qu’un simple accord commercial visant à abaisser les tarifs douaniers. D’une part parce que les tarifs douaniers entre l’UE et les USA sont déjà dans la plupart des secteurs extrêmement bas. D’autre part parce que l’objectif est avant tout de supprimer les obstacles non-tarifaires, en harmonisant les normes et les réglementations de chaque côté de l’Atlantique.
L’accord risque ainsi de remettre en cause les normes sanitaires et phytosanitaires européennes, que les industriels agroalimentaires américains jugent trop contraignantes et coûteuses (interdiction en Europe du bœuf aux hormones et des poulets chlorés, OGM). Idem pour la production du vin qui, outre-Atlantique, répond à des critères de qualité bien moins exigeants qu’en Europe. Adieu principe de précaution et agriculture durable.
De même, comment ne pas voir dans le TTIP le prolongement des tentatives répétées des Américains d’accéder aux données personnelles des Européens, estimées à 315 milliards d’euros, et de contourner la “ trop protectrice ” réglementation européenne sur les données personnelles qui vient d’être adoptée par la Parlement européen. Ce n’est pas par hasard qu’Amazon, Google, Facebook, Apple, Microsoft et autres empires «dataphages» poussent à la conclusion de cet accord de libre-échange. Le scandale de la NSA a montré combien les approches de la protection de la vie privée divergent des deux côtés de l’Atlantique.
La méthode proposée pour élaborer ces normes communes UE/USA est, en outre, très contestable. Sous le prétexte que l’UE est dotée d’un système législatif et réglementaire complexe, l’accord Tafta pourrait lui substituer la coopération d’experts en lieu et place du Parlement et du Conseil. En réalité, nos partenaires américains estiment que la législation européenne laisse trop de place à la subjectivité de l’opinion publique, aux attentes des citoyens, au détriment de l’expertise scientifique. Tout aussi contestable, la proposition de tribunaux privés d’arbitrage permettant à toute entreprise ou investisseur américain de porter plainte contre un État européen dont une mesure pourrait porter atteinte à ses profits, présents ou à venir.
Au-delà des contenus, c’est le principe même de cet accord qui pose problème. Dire oui aux négociations sur le TTIP, c’est prendre le risque que les normes américaines puissent prendre le dessus sur les normes UE et hypothéquer l’achèvement d’un marché intérieur européen protecteur pour ses citoyens et ses entreprises.
N’en déplaise aux socialistes français, le TTIP est une entorse, et non des moindres, au principe de juste échange Nord-Sud qu’ils soutiennent. Avec cet accord, Américains et Européens cherchent à imposer dans la mondialisation un géant économique qui représenterait 40% du commerce mondial. Si les Américains concluent en parallèle l’accord qu’ils négocient avec la zone Asie-Pacifique, ils se retrouveront au centre, géographique et surtout normatif, de 70% du commerce mondial. Avec quels effets sur le reste du monde?
Ne soyons pas dupes des arguments utilisés par les artisans du TTIP, à commencer par la création d’un million d’emplois en Europe que l’on nous fait miroiter régulièrement. Il s’agit là de l’estimation la plus optimiste d’un think-tank londonien ultralibéral, et valable essentiellement pour l’Allemagne et le Royaume Uni (400.000 emplois chacun) et à l’horizon 2030. Entre-temps, combien d’emplois perdus dans les filières qui se trouveront soumises à rude concurrence (agriculture, hautes technologies, automobile…) ? Les syndicats européens sont plus que circonspects. Ils ont raison de l’être, quand on sait que les États-Unis n’ont signé que deux des huit conventions de l’Organisation internationale du travail!
Il y a bientôt en vingt ans, François Mitterrand l’Européen mettait en garde les futurs négociateurs de l’UE qui «commettraient […] une erreur si, par impatience ou lassitude, ils laissaient les élargissements se faire dans des conditions qui affaibliraient la cohésion et les disciplines de l’Union». Le TTIP n’est pas un accord commercial anodin, c’est un élargissement en soi, une fuite en avant libérale qui risque de remettre aux calendes grecques l’approfondissement politique de l’UE et de sacraliser de façon irréversible la toute-puissance du marché sur le sol européen.