Ceta : la fronde monte aux Pays-Bas

Ceta : après la Wallonie, la fronde monte aux Pays-Bas

Un mouvement réclamant l’organisation d’un référendum sur le traité de libre-échange UE-Canada (CETA) prend de l’ampleur aux Pays-Bas, et pourrait mettre un nouveau grain de sable dans la belle mécanique déroulée par Bruxelles.
– Sipa
Des militants néerlandais ont affirmé ce week-end avoir réuni près des deux-tiers des signatures nécessaires pour contraindre leur gouvernement à organiser un référendum sur le traité de libre-échange UE-Canada (CETA), possible nouveau revers après la résistance wallonne à cet accord.
Le CETA, négocié depuis sept ans, avait finalement été signé fin octobre à Bruxelles avec plusieurs jours de retard en raison des réserves de la région belge de Wallonie, à l’origine de vifs désaccords entre Belges. L’accord, qui supprimera 99% des droits de douane entre l’UE et Ottawa, entrera en application provisoire dans les prochains mois mais doit ensuite être approuvé par l’ensemble des Parlements nationaux et régionaux de l’UE pour devenir définitif.

« Je suis pro-UE »

Des groupes citoyens aux Pays-Bas appellent à un référendum pour décider si le Parlement doit ratifier le CETA, tout comme l’impopulaire TTIP (ou Tafta) en discussion avec les Etats-Unis. Une pétition lancée en octobre 2015, mais qui s’est nourrie d’un regain d’intérêt ces dernières semaines, a déjà réuni 190.400 signatures sur les 300.000 nécessaires pour imposer ce référendum au gouvernement.

« On veut dire clairement aux politiques que ces accords devraient être discutés plus ouvertement et radicalement modifiés », a expliqué Niesco Dubbelboer, du mouvement Meer Democratie (plus de démocratie, ndlr). Ces traités « sont des accords vieillots, post-coloniaux, qui favorisent les intérêts des grosses entreprises et investisseurs », argumente-t-il, estimant que les questions « du climat et de la durabilité devraient être davantage en première ligne ». Cette organisation s’est alliée au groupe néerlandais de défense de l’environnement Milieudefensie, et d’autres ONG.

En avril, un référendum consultatif de ce type, convoqué par des groupes eurosceptiques, avait rejeté un accord-clé entre l’Union européenne et l’Ukraine, mettant le Premier ministre Mark Rutte dans l’embarras face aux 27 pays de l’UE ayant déjà ratifié l’accord et l’obligeant, sur le plan intérieur, à tenter de négocier un compromis. Les organisateurs de la pétition anti-CETA se défendent d’être eurosceptiques. « Je suis pro-UE », affirme Niesco Dubbelboer, « mais je crois que l’Europe devrait être plus démocratique ». Un référendum, si les 300.000 signatures étaient acquises, ne serait vraisemblablement pas organisé avant plusieurs mois et sans doute pas avant les législatives prévues en mars.


Les Néerlandais réclament désormais un référendum sur le TTIP

 

Exclusif. Les électeurs néerlandais demandent un référendum sur le partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP), laissant ainsi planer le doute sur l’avenir de l’accord de libre-échange USA-UE.

Neuf jours après le référendum sur l’accord d’association UE-Ukraine, lors duquel les Néerlandais ont voté non, 100 000 citoyens ont signé une pétition pour réclamer un référendum sur le TTIP. 300 000 signatures sont nécessaires pour organiser un vote non contraignant sur le sujet, comme ce fut le cas pour le plébiscite sur l’Ukraine.

Le parti socialiste encourage l’organisation d’un référendum. Fondé en 1977 en tant que « parti communiste des Pays-Bas/marxiste-léniniste », le parti a remporté 15 des 150 sièges du Parlement néerlandais lors des élections de 2012, ce qui équivaut à seulement 910 000 votes.

Son porte-parole, Jasper Van Dijk, a déclaré à EurActiv que le référendum sur l’Ukraine avait donné de la dynamique à la campagne. Les ONG anti-TTIP ont lancé l’idée, qui a suscité l’intérêt de l’opinion publique, a-t-il expliqué.

Une fois que le TTIP sera finalisé, tous ceux qui ont signé la pétition recevront un email pour faciliter le processus menant à un vote national sur l’accord. « C’est ce que nous souhaitons. Nous sommes favorables à un référendum sur le TTIP », a-t-il déclaré.

Les négociateurs américains et européens sont engagés dans une course pour finaliser le TTIP avant que Barack Obama ne quitte son poste en janvier 2017. Donald Trump, le favori républicain, et Bernie Sanders, en lice du côté des démocrates, ont tous deux exprimé des réserves vis-à-vis de l’accord commercial.

Même si un accord est conclu après quatre années d’âpres négociations, le traité devra être ratifié par le Parlement européen et par les parlement des 28 États membres de l’UE pour entrer en vigueur. Ainsi, un référendum néerlandais sur le sujet, bien que « consultatif » et non contraignant, pourrait pousser les eurodéputés à refuser l’accord.

Euroscepticisme

Les militants britanniques faisant campagne pour rester dans l’UE lors du référendum du 23 juin, invoquent les bénéfices économiques du TTIP et soutiennent que le Royaume-Uni ne pourrait pas négocier un tel accord seul.

Lors du référendum du 6 avril, deux tiers des électeurs néerlandais ont rejeté l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine lors d’un scrutin perçu comme un indicateur de l’engagement des Pays-Bas envers l’UE, et un avant-goût du résultat du Brexit.

À l’issue du vote, Margaritis Schinas, porte-parole de la Commission européenne a déclaré que Jean-Claude Juncker – qui avait mis en garde contre les « graves conséquences d’un refus » – était « triste » du résultat.

Le TTIP est une priorité pour la Commission, qui négocie avec les États-Unis au nom des gouvernements européens, et pour le Premier ministre britannique, David Cameron, qui a promis en 2014 de mettre les bouchées doubles pour conclure le pacte.

La menace des électeurs néerlandais risque d’être un argument repris par les eurosceptiques britanniques voulant quitter l’UE. Or, les États-Unis ont déclaré ne pas vouloir d’un accord commercial bilatéral avec le Royaume-Uni.

En juillet 2015, nouveau coup dur pour l’UE, touchée par la montée des partis eurosceptiques : les Grecs ont voté « non » au programme de renflouement.

En 2005, les Néerlandais avaient déjà massivement rejeté la Constitution européenne. Sur 63,3 % de participation, 61,6 % des électeurs ont voté contre. Depuis, une nouvelle loi a été adoptée pour permettre la tenue d’un référendum non contraignant sur n’importe quel sujet si 300 000 signatures sont collectées.

Aucun vote sur le TTIP ne peut être officiellement demandé avant que l’accord USA-UE ne soit finalisé. Toutefois, 100 000 personnes ont déjà signé une pétition demandant l’organisation d’un référendum sur le TTIP.

450 000 Néerlandais ont réclamé un vote sur le plus obscur accord UE-Ukraine, le tout premier « référendum du peuple ».

Un tel scrutin peut être ignoré sur le taux de participation est de moins de 30 %. Lors du vote sur l’Ukraine, 32,2 % des Néerlandais se sont rendus aux urnes, et 61 % d’entre eux ont voté contre l’accord d’association.

Le TTIP, accusé d’opacité, d’abaisser les normes environnementales, de forcer les Européens à manger du poulet chloré, entre autres, entrainera un taux de participation plus élevé que le dernier scrutin, assure les militants.

Coût potentiel

La Commission européenne estime qu’un accord « ambitieux » sur le TTIP augmenterait la taille de l’économie européenne d’environ 120 milliards d’euros (soit 0,5 % du PIB) et celle de l’économie américaine de 95 milliards d’euros (0,4 % du PIB).

Le TTIP ayant été entaché de plusieurs polémiques, des deux côtés de l’Atlantique, mais surtout en Europe, la Commission a lancé des initiatives de transparence et des offensives de communication pour essayer de calmer les peurs. Mais l’opposition est féroce dans l’UE, notamment au Royaume-Uni, en France et en Allemagne.

>> Lire : La consultation publique sur le TTIP mobilise les foules

Le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, permettant aux multinationales de poursuivre les gouvernements devant des tribunaux internationaux, suscite particulièrement la controverse en UE, et surtout chez les eurodéputés, qui devront aussi se prononcer sur l’accord.

Face à l’indignation du public, la Commission s’est vue contrainte de proposer la création d’un tribunal d’investissement public.

La proposition n’a pas encore été acceptée par les États-Unis, qui émettent des réserves sur le sujet, mais les discussions se poursuivent. Il est peu probable que ces questions soient résolues avant l’étape finale des négociations.

Contexte

La Commission européenne estime qu’un accord « ambitieux » sur le TTIP augmenterait la taille de l’économie européenne d’environ 120 milliards d’euros (ou 0,5 % du PIB) et celle de l’économie américaine de 95 milliards d’euros (0,4 % du PIB). Économiquement, le TTIP bénéficiera aux consommateurs en leur proposant des produits moins chers, assure la Commission.

Selon une étude du centre pour la recherche en politique économique, un foyer moyen de 4 personnes verra ses revenus nets augmenter d’environ 500 euros par an, grâce aux effets combinés de hausse des salaires et de réduction des prix.

Toutefois les polémiques ne cessent de prendre de l’ampleur sur l’opacité des négociations, l’abaissement des normes environnementales et le fait que les gouvernements seraient à la merci des poursuites engagées par les multinationales.

En 2015, pendant sa campagne de réélection, le Premier ministre britannique, David Cameron, a promis de renégocier les conditions d’adhésion du pays à l’UE et d’organiser un référendum pour que les Britanniques décident s’ils souhaitent rester dans l’union ou en sortir.

Après un sommet lors duquel il a obtenu des concessions des 27 autres États membres, David Cameron a confirmé qu’il ferait campagne pour que le Royaume-Uni ait un avenir européen.

Prochaines étapes

  • 25 avril : 13ème cycle des négociations autour du TTIP.
  • 7 juin : Fin des primaires américaines.
  • 23 juin : Référendum sur le Brexit.
  • Fin 2016 : Date limite de signature du TTIP.
  • Janvier 2017 : Barack Obama quitte ses fonctions.

source : https://www.euractiv.fr


Les Pays-Bas préparent un référendum contre le TAFTA

© REUTERS/ Francois Lenoir

Les Pays-Bas envisagent d’organiser un référendum concernant le traité de libre-échange transatlantique (TAFTA) entre les Etats-Unis et l’Union européenne.

Cette information a été diffusée par le journal néerlandais Financieele Dagblad.

« Bientôt un nouveau référendum aux Pays-Bas. Les opposants du TTIP l’attendent », rapporte le journal.

Bien que le traité de libre-échange transatlantique (également appelé TTIP, ou partenariat transatlantique de commerce et d’investissement entre les Etats-Unis et l’Union européenne n’en soit encore qu’au stade de l’examen, les activistes ont déjà recueilli 67.000 signatures en faveur du référendum. Ils estiment que ce traité menace la démocratie et la sécurité alimentaire et sociale, ainsi que la protection des animaux, constate le journal.

Le Traité du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement est concerné par la loi sur les référendums consultatifs, car il nécessite la ratification par les parlements de tous les Etats-membres de l’Union européenne pour être mis en vigueur.

Mercredi, les électeurs des Pays-Bas ont dit non à 64% à l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne lors d’un référendum consultatif.

Le taux de participation s’est d’abord établi à 29%, avec une marge d’erreur de 3%, a indiqué la télévision publique NOS sur la base de sondages effectués par l’institut Ipsos. Celui-ci a ensuite actualisé ses résultats, toujours avec la même marge d’erreur, affirmant que le taux de participation s’était établi à 32%.

Selon le premier ministre du Royaume Mark Rutte, les Pays-Bas ne pourront pas poursuivre le processus de ratification de l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne après un référendum devenu un vote symbolique sur l’UE.

L’Union européenne mène des négociations à huis clos sur le TTIP, ou TAFTA depuis juillet 2013. Il est censé réduire les coûts et éliminer les barrières dans les relations commerciales entre l’Union européenne et les Etats-Unis. Les opposants au traité estiment qu’il ne reflète que la position des multinationales intéressées par une réduction des contrôles et un affaiblissement des mesures de régulation économique en Europe.


Total cherche à échapper à l’impôt grâce à un traité de libre-échange

Pétrole ougandais : Total cherche à échapper à l’impôt grâce à un traité de libre-échange

Les mécanismes de protection des investisseurs étrangers inclus dans les traités de libre-échange connus sous le nom d’ISDS – aujourd’hui au centre de la contestation du projet d’accord commercial entre Europe et États-Unis – sont depuis longtemps utilisés par les entreprises occidentales de faire pression sur les pays en développement. Poursuivi l’année passée par Total pour un litige fiscal lié au pétrole, l’Ouganda a rejoint le nombre des nations qui se posent la question : « Comment avons-nous jamais pu accepter ça ? »

Cet article a été publié initialement en anglais par Inter Press Service. Reproduit avec autorisation. Traduction : Olivier Petitjean.

Début 2015, la compagnie pétrolière française Total a déposé une requête en arbitrage commercial international contre le gouvernement de l’Ouganda. Ce type d’arbitrage est, en un mot, un mécanisme visant à résoudre une litige non pas devant un tribunal public, mais en se fiant au verdict d’un tribunal privé. Les deux parties choisissent un arbitre, généralement un juriste spécialisé dans le droit de l’investissement, et les deux arbitres ainsi désignés en choisissent ensemble un troisième. Le processus se déroule sous l’égide, en l’occurrence, de la Banque mondiale.

Pour l’Ouganda, il s’agit d’une nouvelle avanie dans sa tentative laborieuse de transformer ses ressources pétrolières en revenus.

Noms paisibles

Les réserves de pétrole brut du pays sont estimées par les géologues gouvernementaux à 6,5 milliards de barils, dont la moitié git sous le célèbre parc naturel de Murchison Falls, réputé pour sa faune sauvage. Les puits ont été dotés de noms exotiques tels que Crocodile, Buffalo (« buffle »), Giraffe (« girafe ») et Warthog (« phacochère »).

Ces noms paisibles contrastent avec les conflits amers que suscite le pétrole. La mise en production commerciale a été plusieurs fois retardée par des litiges avec les entreprises prospectrices sur la fiscalité et les plans de développement. Désormais, c’est l’entreprise pétrolière française Total qui refuse de payer ses taxes. Elle a acquis une participation de 33% dans un projet de Tullow Oil dont la valeur est estimée à 2,9 milliards de dollars. Selon la législation ougandaise, en cas d’acquisition de participations dans un projet de ce type, une taxe administrative sur les transferts de propriété doit être acquittée.

Cependant, la firme pétrolière refuse de s’exécuter, estimant qu’elle n’a aucune obligation légale à payer la somme réclamée par le gouvernement. Total n’a pas révélé le montant en jeu, ni les raisons pour lesquelles elle conteste cette taxation, mais une source au sein de l’autorité fiscale ougandaise avait déclaré à Reuters il y a quelque temps que le contrat de partage de production entre l’Ouganda et les propriétaires de la concession incluait une exemption fiscale.

Secret

Depuis leurs bureaux dans un immeuble de verre de huit étages situé dans le quartier cossu et verdoyant de Nakasero, dans la capitale ougandaise Kampala, la directrice des affaires générales de Total, Ahlem Friga-Noy, nous a déclaré qu’« au vu des obligations de confidentialité applicables, nous ne sommes pas en mesure de commenter la procédure ».

Le Bureau du Procureur général du gouvernement de l’Ouganda répond de manière identique : « Nous sommes sous l’obligation de ne pas révéler la teneur de l’affaire au public jusqu’à ce que cela soit approprié. »

Ce qui nous renvoie directement au problème fondamental que pose l’arbitrage commercial international. Dans un tribunal normal, toutes les parties affectées et toutes les parties prenantes ont droit à la parole, ou du moins le droit d’écouter, mais une cour d’arbitrage est extrêmement opaque. Personne n’est obligé de rien révéler. L’État ougandais s’est-il réellement comporté de manière contestable ? Ou bien est-ce l’entreprise qui abuse des mécanismes d’arbitrage comme moyen de pression pour obtenir un allégement de son fardeau fiscal ? Le public n’a aucun moyen de le savoir, jusqu’à ce que le verdict du tribunal privé – qui implique souvent des amendes de plusieurs millions de dollars – soit rendu public.

Sandwich néerlandais

Le problème auquel est aujourd’hui confronté l’Ouganda a été rendu possible par la signature en 2000 d’un Traité bilatéral d’investissement avec les Pays-Bas. Selon les termes de ce traité, tous les investisseurs néerlandais en Ouganda ont le droit de requérir un arbitrage devant un tribunal de la Banque mondiale s’ils ont le sentiment d’avoir été traités injustement. L’entreprise française Total Ouganda s’est enregistrée aux Pays-Bas.

Cette manœuvre est connue sous le nom de « sandwich néerlandais » : elle consiste à placer une filiale néerlandaise entre vous et le pays où vous opérez, ce qui vous fait devenir un investisseur néerlandais. Ce qui permet de transformer un traité d’investissement en outil permettant de traîner un État devant un tribunal à Washington composé de trois personnes proches du monde des affaires et ayant le pouvoir d’imposer des amendes pouvant se compter en milliards de dollars, sans aucune possibilité d’appel. Si l’Ouganda est condamné à verser une compensation et refuse de la payer, l’entreprise aura le droit de faire saisir des actifs ougandais partout dans le monde.

En contradiction avec la loi ougandaise

Ceci est en totale contradiction avec la loi ougandaise, estime l’avocat et défenseur renommé des droits humains Isaac Ssemakadde. « Selon la constitution de l’Ouganda, la fiscalité relève exclusivement de la législation de l’État. » Ce qui signifie que les litiges doivent être tranchés sur la seule base de la législation nationale. « Même un contrat entre parties ne peut prévaloir sur les obligations fixées par la loi. Il n’y a donc aucune place pour l’arbitrage en matière de fiscalité », explique-t-il.

« Dans le cadre d’un litige fiscal antérieur entre Heritage Oil and Gas et l’autorité fiscale ougandaise, la Haute Cour a interdit au gouvernement de renvoyer la procédure devant des tribunaux d’arbitrage à Londres ou ailleurs en dehors de la juridiction des tribunaux ougandais », ajoute Ssemakadde.

Bref, « Total bénéficie d’un traitement préférentiel différent des autres personnes morales commerciales, en violation de l’article 21 de la constitution de l’Ouganda, lequel stipule que toutes les personnes sont égales devant la loi ».

Personne n’est en mesure de vérifier les allégations de Total sur l’existence d’une exemption fiscale parce que les contrats de partage de production sont confidentiels. Ceci en dépit de la promulgation dès 2005 en Ouganda d’une loi sur le droit d’accès à l’information. Cette situation restreint de fait la discussion et la connaissance de ce qui se passe au sein du secteur pétrolier ougandais à une poignée de hauts fonctionnaires et de bureaucrates. L’Ougandais ordinaire est tenu à l’écart de ce qui s’y passe.

Cette opacité est avantageuse non seulement pour les compagnies pétrolières, mais aussi pour certains hommes politiques, qui semblent intéressés à « personnaliser » les revenus pétroliers. Le président ougandais Yoweri Museveni a ainsi récemment expliqué à ses concitoyens que ceux qui cherchaient à le défier politiquement lors des prochaines élections générales « étaient après son pétrole ».

Traités bilatéraux d’investissement

Une carte interactive réalisée par des journalistes néerlandais avec tous les cas connus d’ISDS dans le monde montre que ces mécanismes sont principalement utilisés contre les pays en développement. Parfois, ces derniers se sont clairement comportés de manière condamnable vis-à-vis d’un investisseur, mais dans d’autres cas, l’ISDS est très probablement utilisé comme outil de pression et de menace par les firmes multinationales, en vue d’obtenir de meilleures conditions commerciales. Le coût de ces procédures s’élève à 8 millions de dollars en moyenne, selon le calcul de l’Organisation pour la coopération et le développement économique.

Pour les avocats et les arbitres eux-mêmes, les mécanismes ISDS sont simplement un outil efficace pour défendre l’état de droit. « Je suis content que l’arbitrage existe », déclare un avocat néerlandais spécialisé dans le droit de l’investissement. « Il y a beaucoup d’États voyous dans le monde. Et de quoi se plaignent-ils ? Ce sont bien eux qui ont signé le traité. »

« Au final, c’est le contribuable lambda ougandais qui doit assumer le poids et les conséquences des énormes sommes d’argent qui devront être dépensées pour ce processus d’arbitrage »,, dénonce Ssemakadde. « Tandis que Total peut se permettre de financer une équipe d’avocats à Washington pour, par exemple, un mois, l’Ouganda n’en a pas réellement les moyens. »

Les gens demeurent dans l’ignorance des accords qui sont passés, et de qui fait réellement pression sur qui. Jusqu’à ce que le public ougandais commence à considérer le pétrole, ainsi que les traités que signe son gouvernement, comme lui appartenant collectivement, et non comme le domaine réservé d’une petite élite au sein de l’appareil d’État, les entreprises comme Total continueront à traîner le pays dans des procédures d’arbitrage onéreuses, payées par les contribuables ougandais, qui sont les véritables propriétaires des ressources nationales.

Edward Ronald Segyawa et Frank Mulder

Cet article fait partie d’un projet de recherche mené par De Groene Amsterdammer, Oneworld et Inter Press Service, et soutenu par l’European Journalism Centre (rendu possible par la Fondation Gates). Pour plus d’informations : www.aboutisds.org.

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Photo : World Conservation Society (WCS)


Aux Pays-Bas, le débat sur le grand marché transatlantique prend de l’ampleur

 

Les très secrètes négociations du grand marché transatlantique entre l’Union Européenne et les États-Unis étaient quasiment passées inaperçues aux Pays-Bas. Jusqu’à ce qu’une campagne mette un coup de projecteur sur les risques commerciaux liés à cet accord. Face à cette mobilisation, le gouvernement néerlandais a commandé un rapport sur l’impact du système d’arbitrage privé entre investisseurs et États, en négociation. Selon Hilde van der Pas, du Transnational Institute, « le fait qu’un débat vif se soit installé dans le pays le plus favorable aux investisseurs en Europe marque une avancée majeure ».

Les membres du gouvernement néerlandais sont réputés pour être des tenants de la ligne dure sur les questions commerciales et d’investissement. Ils affichent une volonté d’assurer un haut niveau de protection aux investisseurs et prêtent une moindre attention aux coûts sociaux et environnementaux des pratiques des entreprises. Considérée comme l’une des économies les plus ouvertes d’Europe, l’idée que le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI, en anglais TTIP) aurait d’immenses retombées économiques pour les Pays-Bas est largement partagée. L’économie hollandaise est centrée sur les exportations. La position officielle est que le TTIP pourrait aider le commerce européen à sortir de la crise.

Débat public et contre-offensives

Le caractère secret des négociations a eu pour conséquence une très faible attention des médias et de l’opinion publique sur l’un des plus importants accords de libre-échange jamais négocié. Cette dynamique a changé lorsqu’une coalition issue de la société civile s’est réunie pour discuter d’une stratégie d’action collective et d’influence du débat public. Une tribune [1] écrite par deux philosophes du droit de l’Université de Leiden sur le manque de contrôle citoyen et de transparence sur les négociations a participé à alimenter le débat. En réaction, la ministre des Affaires Étrangères, Lilianne Ploumen, ainsi que le commissaire européen au commerce, De Gucht, ont lancé une contre-offensive dans le journal quotidien hollandais NRC. De Gucht déclare qu’ « [ils] ne font rien de secret », alors que Ploumen explique que les négociations seraient inutiles si elles étaient menées de façon totalement transparente.

Le débat public s’est plus spécialement porté sur le mécanisme d’arbitrage entre État et investisseurs et sur le pouvoir des arbitres à faire fi de l’intérêt général afin de défendre les droits et les intérêts des entreprises privées. Ce système de justice privé est inscrit dans la majorité des accords de libre-échange et connu sous l’appellation de « mécanisme de règlement des différends entre investisseur et État » (en anglais ISDS, Investor-State Dispute Mechanisms). Il offre aux investisseurs le droit exclusif de porter une réclamation contre des États s’ils mènent une politique ayant pour conséquence potentielle de réduire leurs bénéfices futurs. Cela a amené des entreprises à poursuivre des États pour la mise en œuvre de politiques publiques défendant l’intérêt général.

Philip Morris poursuit l’Uruguay

Prenons deux exemples : Philip Morris a entamé une action en justice contre l’Uruguay pour avoir décidé de contrôler plus strictement le packaging des paquets de cigarettes. Quant à l’entreprise suédoise de production et de distribution d’énergie Vattenfall, elle poursuit l’Allemagne pour avoir imposé des normes de qualité de l’eau à ses centrales à charbon et pour avoir pris la décision politique majeure de sortir du nucléaire. La vague d’actions en justice qui a suivi les mesures prises par la Grèce, l’Espagne et l’Italie pour faire face à la crise financière [2] sont d’autres preuves que les accords commerciaux et d’investissement encouragent les comportements rapaces de la part des investisseurs.

Alors que la majorité des différends en matière d’investissement sont intentés par des investisseurs américains, cela devrait nous alerter sur le risque potentiellement élevé d’inclure un mécanisme de règlement des différends au sein du TTIP. Comme l’auteur du rapport Profiting from injustice, Cecilia Olivet, l’affirme : « Ce n’est qu’une question de temps avant que les contribuables américains et européens commencent à en payer le prix. Non seulement notre argent servira à payer pour les onéreuses poursuites judiciaires, mais nous paierons aussi le démantèlement des régulations sociales et environnementales visant à libérer la voie aux bénéfices des grandes entreprises. »

Le « Golden Standard »

Après les États-Unis, les Pays-Bas est le second pays d’origine des plaintes des investisseurs contre les États. En 2012, les Pays-Bas avaient déjà signé 89 traités bilatéraux d’investissement (TBI), ce qui fait de ce pays un leader mondial de la protection de l’investissement. Les traités bilatéraux d’investissement hollandais sont connus pour garantir une protection et des droits étendus aux investisseurs étrangers.

Combinée à un environnement fiscal favorable aux entreprises, cette situation a mené au phénomène de « treaty-shopping » : des entreprises s’établissent aux Pays-Bas pour bénéficier des protections offertes par les TBI hollandais qu’elles utilisent pour poursuivre des États, y compris à l’occasion leur propre pays d’origine. Le gouvernement hollandais a exprimé le souhait de maintenir au moins le même niveau de protection aux investisseurs (connu comme le « Golden Standard » hollandais) dans les futurs accords de libre-échange signés par l’Union Européenne.

Rapport parlementaire et audition publique

Comme le gouvernement hollandais n’a jusqu’ici jamais fait l’objet d’une réclamation par un investisseur, les parlementaires ne réalisent pas le danger d’inclure un système d’arbitrage dans le TTIP. Lors d’un débat organisé le 22 avril dernier à Amsterdam pour les élections européennes, débat coordonné par la coalition de la société civile néerlandaise Fair Green and Global Alliance, des députés européens de tous bords ont chaudement débattu sur le TTIP. Bas Eickout (écologiste) a exigé de ses adversaires politiques qu’ils se positionnement clairement : « Voterez-vous pour ou contre le TTIP s’il inclut un chapitre sur le mécanisme de règlement des différends ? ». Même le parti le plus libéral (VVD) a dit qu’il n’y serait pas forcément favorable.

En novembre 2013, le parlement hollandais a demandé au gouvernement de conduire une étude sur les impacts potentiels de l’inclusion d’un mécanisme de règlement des différends dans le TTIP. Le ministère des Affaires Étrangères est en train de préparer cette analyse et la ministre Lilianne Ploumen a promis au Sénat de ne pas seulement analyser les risques économiques mais aussi les risques politiques. Cependant, ni les risques découlant du Golden Standard hollandais, ni l’effet sur les pays pauvres, en particulier quand le TTIP posera les bases des futurs accords de commerce et d’investissement, n’ont été intégrés au débat jusqu’à aujourd’hui.

Que votera le prochain Parlement européen ?

Pendant ce temps, le débat prend de l’ampleur à travers les Pays-Bas. Une action publique a été organisée le 19 mai, juste avant les élections européennes. Ce même jour, une audition publique s’est tenue au Parlement sur les possibles impacts matériels et politiques qu’un tel accord de libre-échange avec les États-Unis pourrait avoir sur les normes sociales et environnementales et les conditions de travail.

Des questions majeures subsistent : l’audition remettra-t-elle en cause l’environnement réglementaire actuel offert aux investisseurs privés ? Les résultats des élections européennes offriront-elles une chance que le vote contre le TTIP soit majoritaire au Parlement Européen ? La recherche commandée par le parlement hollandais est menée par un universitaire conservateur qui s’est plusieurs fois positionné en faveur d’un système d’arbitrage entre États et investisseurs, ce qui laisse croire à beaucoup de personnes et d’organisations que les conclusions sont déjà écrites. Malgré tout, pour le pays le plus favorable aux investisseurs en Europe, le fait qu’un débat vif sur les potentiels impacts négatifs du TTIP se soit installé au Parlement et dans les colonnes des journaux marque une avancée majeure.

Hilde van der Pas (Transnational Institute) – Merci à http://www.bastamag.net/Aux-Pays-Bas-le-debat-sur-le-grand

Photo : CC Campact


Accord commercial UE-Etats-Unis : Les entreprises pourraient faire leur loi

18 novembre 2013

NRC Handelsblad Amsterdam

Imaginons que ce ne soient ni les politiciens ni les juges qui décident de millions d’euros des contribuables, mais trois avocats. A huis clos et sans un contrôle public digne de ce nom. Lire la suite »