Accords commerciaux : la Cour de justice de l’Union européenne désavoue la Commission !

Pour la Cour de justice de l’Union européenne, les accords commerciaux de l’UE incluant des clauses sur l’investissement ou sur le règlement des différends investisseurs-États relèvent bien de la compétence partagée de l’UE et des États, et ne peuvent être approuvés sans l’implication des États-membres.

L’accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et Singapour, conclu le 20 septembre 2013, avait fait l’objet d’une saisine de l’instance supérieure de l’UE par la Commission elle-même, qui clamait sa certitude que l’UE avait seule compétence sur de tels accords. 
La Cour a tranché : le commerce est certes une compétence exclusive, mais l’inclusion de dispositions spécifiques sur l’investissement change la donne, et en fait des accords de compétence partagée !

Dans son verdict la Cour de justice de l’Union européenne précise : « l’accord de libre-échange avec Singapour ne peut pas, dans sa forme actuelle, être conclu par l’Union européenne seule ». Alors que la Commission européenne et la Direction Générale du commerce arguaient, lors des négociations sur le TAFTA (entre l’UE et les États-Unis) et le CETA (entre l’UE et le Canada), que ces négociations étaient de la compétence exclusive de l’Union européenne, le verdict de ce jour démontre que la Commission n’était pas légitime pour négocier ces accords seule, au nom des États-membres.

Cette décision confirme également que certaines dispositions sur la protection des investissements ainsi que les mécanismes de règlement des différents investisseurs-États ne peuvent être de la compétence exclusive de l’UE et que, par conséquent, ils sont exclus du champ de l’application provisoire. Il s’agit là d’un revers cinglant pour la Commission européenne qui espérait obtenir la prérogative de pouvoir négocier directement ces dispositions. À nouveau, la Commission européenne est désavouée dans sa volonté de confisquer le commerce international, d’empêcher l’implication des États-membres et un vrai débat démocratique dans l’Union européenne.

C’est le second désaveu de la semaine pour la Commissaire européenne au commerce Cécilia Malmström : le 10 mai le tribunal de l’UE a invalidé la décision de la Commission européenne qui avait refusé d’enregistrer la proposition d’Initiative citoyenne européenne, signée ensuite par plus de 3,2 millions de personnes, demandant d’arrêter les négociations du TAFTA et de ne pas conclure le CETA.

« Les États membres auraient dû, tant sur l’accord entre l’UE et Singapour, que sur le CETA, être associés tout au long de ces négociations. La Commission européenne démontre qu’en matière de commerce international, elle avance sans considération du droit, dans l’esbroufe, sans respecter les principes juridiques du partage de compétence rappelés aujourd’hui par la CJUE. Rappelons qu’en juillet dernier, la Commission affirmait sa conviction que le CETA relevait bien de la compétence exclusive de Bruxelles et que la procédure d’approbation n’impliquait donc pas l’aval de chacun des 28. Rappelons également qu’elle a mis une pression considérable sur certains États membres afin qu’ils se rangent à son avis, alors qu’on découvre aujourd’hui qu’elle avait tort », dénonce Amélie Canonne, présidente de l’Aitec.

« C’est une victoire car cette décision confirme que le CETA, ainsi que tous les accords de libre-échange futurs contenant des dispositions de protection des investisseurs, devront bien être ratifiés par chaque État membre », affirme Nicolas Roux des Amis de la Terre. « Cela contribue à renforcer le contrôle démocratique mais il est désormais nécessaire que les citoyens soient informés des conséquences de ces mécanismes : l’abandon de toute ambition écologique et sociale future face aux intérêts des multinationales. »

« Cette décision renforce encore notre légitimité à exiger le rejet du CETA, dont les négociations ont été menées sans même avoir la certitude de leur légalité. Nous avons l’occasion historique de le stopper en France, notamment en accentuant la pression sur nos futurs parlementaires. Nous les encourageons à prendre position avant leur élection via le site http://legislatives-ceta.fr/. Nous appelons surtout les citoyen.ne.s à signer et faire signer massivement « l’initiative Stop CETA » pour faire barrage à la ratification de cet accord », conclut Jean-Michel Coulomb d’Attac France.

Le collectif Stop TAFTA/CETA, qui regroupe plus de 80 organisations associatives, syndicales et politiques, dénonce depuis plusieurs années l’impact désastreux de ces accords de libre-échange. Le collectif n’a eu de cesse d’alerter sur la nécessité de rendre les procédures de négociation de ces accords les plus transparentes possibles et d’y intégrer des clauses réellement contraignantes en matière de protection de l’environnement, des droits humains, de la démocratie et des consommateurs.


Les tribunaux de l’ombre

Les fameux tribunaux d’arbitrage établis par les traités internationaux d’investissement concentrent une forte opposition, comme l’ont montré les mobilisations contre cette partie des négociations entre l’Union européenne et le Canada (Ceta) ou les Etats-Unis (Tafta). Le petit livre précis, informé et critique de la journaliste Haley Sweetland Edwards vient à point nommé pour expliquer les enjeux de cette contestation.

Au milieu du XVIIIe siècle, on trouve l’idée, émise par le pasteur et juriste suisse Emmerich de Vattel, qu’un commerçant doit pouvoir bénéficier de la protection des lois de son pays même lorsqu’il travaille à l’étranger. Un demi-siècle plus tard naissent les premières commissions permettant à des individus de se faire indemniser lorsque leurs biens ont été saisis ou détruits lors d’un conflit. On en en trouve un exemple en 1794 après la guerre d’indépendance américaine.

Au milieu du XIXe siècle des commissions permettent de se faire indemniser lorsque ses biens ont été saisis ou détruits lors d’un conflit

Au cours du XIXe siècle, les pouvoirs impériaux poussent à la reconnaissance internationale de « leurs droits » dans les pays colonisés. Mais c’est après la Seconde Guerre mondiale que commence à être offerte la possibilité pour les firmes de bénéficier de tribunaux ad hoc pour résoudre leurs conflits avec les Etats. La pratique démarre doucement dans les années 1970 et jusqu’à la fin des années 1990 on note qu’un nombre minime de cas. Avant l’explosion.

La décision de 2000

En 1996, le projet d’installation d’une décharge au Mexique par l’entreprise américaine Metalclad fait l’objet d’une forte contestation. Ses dirigeants décident de porter le cas devant le tribunal arbitral de l’Alena, l’accord de libre-échange entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique. En 2000, le tribunal rend une décision stipulant que n’importe quelle politique publique remettant en cause les profits raisonnablement escomptés par une entreprise doit donner lieu à compensation.

Une décision de 2000 en faveur d’une entreprise américaine va inciter à la multiplication des cas

C’est le début d’une multiplication des cas, portée par la forte progression du nombre de traités internationaux instaurant ce type de tribunal. Des quelques cas du XXe siècle, on passe à plus de 650 affaires connues depuis le début des années 2000.

Far West légal

Les cabinets d’avocats développent de nouveaux départements afin d’aider les entreprises à élargir le plus possible les interprétations des traités d’investissement. On entre alors dans un «casino arbitral » où les firmes paient de l’ordre de 4 millions pour tenter le coup d’un arbitrage qui peut leur rapporter des centaines de millions, voire des milliards.

2 plaintes identiques vont conduire à un arbitrage différent !

C’est le grand n’importe quoi. Les juges sont en plein conflits d’intérêt, avocats un jour, arbitres le lendemain. En 2003, une même plainte portée par deux entreprises contre la République tchèque donne une relaxe dans un cas et une condamnation dans l’autre !

La bonne nouvelle, c’est que cette justice opaque et partiale est désormais sous le regard des opinions publiques.

Christian Chavagneux 15/03/2017

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TIP et le CETA auront un impact sur les pays en développement

 

Mais pourquoi mettre autant de d’énergie à combattre des traités comme le TTIP et le CETA négociés entre grandes puissances occidentales ?
Dans un avis publié le 19 octobre sur l’impact du TTIP sur les pays en développement, le Conseil Wallonie Bruxelles de la Coopération Internationale (CWBCI) répond à cette question.

CWBCI – Avis d’initiative sur l’impact du TTIP, CETA sur les pays en développement

La nouvelle génération de traités sur le commerce et l’investissement négociés par l’Union européenne d’une part et les Etats-Unis (TTIP) et le Canada (CETA) d’autre part auraient un impact négatif sur les pays en développement. C’est pourquoi le CWBCI recommande aux parlements et aux gouvernements de la Région wallonne, de la Région bruxelloise, de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Communauté germanophone de ne pas les ratifier.

  1. Un des principaux objectifs du TTIP consiste à adopter des normes transatlantiques communes en vue de les imposer ensuite au reste du monde [1]. Le message envoyé aux pays émergents est dès lors sans équivoque : « The West is against the Rest ». Ce faisant, le TTIP est censé forcer la Chine et les autres BRICS à accepter à terme un programme de libéralisation selon les termes initialement conclus avec les Etats-Unis ou, s’ils refusent, à les isoler sur la scène commerciale mondiale. Ce contournement du cadre multilatéral de l’OMC a pour effet d’exclure les pays en développement des négociations des règles du commerce mondial. En réaction, les BRICS ne manquent pas d’organiser leurs propres coalitions rivales en vue de contrer les visées hégémoniques occidentales, avec tout ce que cela implique en termes d’instabilité et d’insécurité mondiales [2]. Pourtant, la Chine et les autres pays émergents sont indispensables pour régler les grands enjeux mondiaux – commerciaux, monétaires, climatiques. La réponse aux enjeux mondiaux dans un monde multipolaire nécessite des accords multilatéraux que la logique géostratégique du TTIP risque de mettre à mal.
  2. Les pays en développement, dont une part significative des revenus dépend des exportations vers l’UE et les États-Unis, perdraient d’importantes parts de marché. En effet, une étude produite par le Parlement européen établit que les partenaires commerciaux de l’UE et des États-Unis connaîtraient un recul économique significatif. En particulier, les pays en développement qui bénéficient pour la plupart d’accès préférentiels aux marchés européen et américain souffriraient d’une « érosion des préférences », puisque les exportations américaines et européennes verraient leur accès au marché transatlantique facilité [3]. D’autres études identifient un recul des exportations jusqu’à 34% pour la Thaïlande ou l’Indonésie [4] ou encore des pertes significatives pour les pays les moins avancés (PMA), essentiellement situés en Afrique [5]. Enfin, selon l’Institut IFO, des pays africains comme la Guinée ou le Botswana pourraient voir leurs revenus réels chuter de respectivement 7,4 et 4,1% [6].
  3. Les études d’impact [7] du TTIP et du CETA [8] indiquent que ces traités entraîneraient des restructurations et une redistribution des actifs entre les différents types d’acteurs économiques. Le TTIP favoriserait ainsi les firmes transnationales plutôt que les PME, l’agro-business plutôt que l’agriculture familiale, les revenus du capital plutôt que ceux du travail et les pays riches plutôt que les pays pauvres. Dans ce contexte, les pays en développement, dont le niveau d’industrialisation est beaucoup moins élevé que dans les pays occidentaux, seraient immanquablement perdants – notamment les petits producteurs agricoles et les industries naissantes des pays en développement.
  4. Les traités transatlantiques visent la reconnaissance mutuelle des normes, ce y compris environnementales, en vue d’abaisser les barrières non tarifaires considérées comme des obstacles au commerce et à l’investissement. Ce faisant, ces traités ont tendance à remettre en cause le principe de précaution [9] et à exacerber la course au moins-disant environnemental, en contradiction avec les objectifs de la déclaration de Paris de la COP21 sur le changement climatique [10]. Or les pays pauvres, notamment d’Afrique subsaharienne, sont les principales victimes des changements climatiques. La Banque mondiale [11] a ainsi prédit de vastes pénuries alimentaires dans les prochaines décennies. Alors que le réchauffement global a déjà atteint 0,9°C depuis le début de l’ère industrielle, le plafond fatidique des 2°C pourrait être atteint d’ici une génération. Des températures extrêmes pourraient affecter les récoltes de riz, de blé, de maïs et menacer la sécurité alimentaire des pays pauvres. En Afrique, à l’horizon 2030, la production agricole pourrait baisser de 10%, tandis que 40% des terres dédiées au maïs pourraient devenir inutilisables, ceci alors que la population est appelée à doubler d’ici 2050.
  5. Le TTIP et le CETA prévoient une clause d’arbitrage qui permet aux firmes transnationales de porter plainte contre les Etats lorsque des régulations publiques réduisent les profits escomptés lors de l’adoption de ces traités. L’UE présente cette clause (Investment Court System) comme un modèle à généraliser dans les accords bilatéraux négociés avec les pays en développement. Présenté comme une alternative au mécanisme ISDS (Investor-to-State Dispute Settlement) présent dans des centaines d’accords bilatéraux, il ne le remet pourtant pas fondamentalement en cause [12]. Le problème fondamental est que la clause d’arbitrage contribue à favoriser les intérêts privés des firmes au détriment de l’intérêt général [13]. Pour des pays en développement dont les gouvernements cherchent à instaurer des politiques alternatives aux politiques contre-productives de leurs prédécesseurs, le coût des indemnisations peut se révéler très élevé : les 14 milliards de dollars revendiqués par les vingt-quatre cas d’arbitrage à l’encontre de l’Equateur représentent ainsi 41% du budget de l’Etat [14]. Selon la CNUCED, qui conseille aux pays en développement de ne plus adopter de tels traités et de réviser les clauses existant dans les traités en vigueur : « Ce n’est pas seulement la procédure de règlement des différends qu’il faut améliorer, c’est toute la logique qu’il faut modifier. (…) Le droit privé s’applique à des individus privés considérés comme égaux devant la loi, tandis qu’en droit public, ce qui prime est l’intérêt général défendu par des personnes publiques » [15]. C’est pourquoi plusieurs pays en développement (Inde, Afrique du Sud, Brésil) ont récemment proposé des modèles alternatifs pour les accords de commerce et d’investissement.
  6. Le CETA introduit pour la première fois au niveau européen la libéralisation des services via une approche par « liste négative », qui implique que tous les services sont libéralisés sauf ceux explicitement protégés par les Etats membres – contrairement à la logique de « liste positive », notamment en vigueur à l’OMC, qui ne libéralise que les services explicitement engagés par les Etats. Or, comme le souligne Pascal Kerneis du European Services Forum : « La clause de la nation la plus favorisée (…) veut dire que si l’Union européenne, dans le cadre d’une négociation future, (…) décide d’ouvrir un secteur qui ne l’a pas été avec le Canada (…), le Canada va en bénéficier automatiquement » [16]. L’adoption de l’approche de liste négative cumulée à la clause de la nation la plus favorisée risque dès lors de favoriser à terme, si elle est généralisée, un mécanisme de libéralisation des services affectant les marges de manœuvre politiques des pays en développement.

Pour toutes ces raisons, et dans un souci de respect de la Cohérence des politiques en faveur du développement (CPD), le CWBCI recommande aux parlements et aux gouvernements de la Région wallonne, de la Région bruxelloise, de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Communauté germanophone de ne pas ratifier cette nouvelle génération de traités.

[1Comme en atteste le mandat de négociation du TTIP qui prévoit dans son premier objectif de “construire des normes mondiales” : http://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-11103-2013-DCL-1/en/pdf

[2P. Defraigne, « Departing from TTIP and Going Plurilateral », Madriaga Paper, vol. 7, n°9, October 2014 ; A. Zacharie, N. Van Nuffel et M. Cermak, « Traité transatlantique (TTIP) : cartographie d’un partenariat controversé », Collection d’études Point Sud, n°13, juin 2015.

[3R. Bendini, P. De Micco, « The expected impact of the TTIP on EU Member States and selected third countries », European Parliament, September 2014.

[4T. Petersen, « Economic Consequences of a Transatlantic Free-Trade Agreement for Asia », Asia Policy Brief 2013/05, November 2013.

[5J. Rollo et al., « Potential Effects of the Proposed Transatlantic Trade and Investment Partnership on Selected Developing Countries », University of Sussex, CARIS, July 2013.

[6G. Felbermayr et al., « Mögliche Auswirkungen der Transatlantischen Handels – und Investitionspartnerschaft (TTIP) auf Entwicklungs – und Schwellenländer », IFO Institut, Januar 2015.

[7J. Capaldo, « The Trans-Atlantic Trade and Investment Partnership : European Disintegration, Unemployment and Instability », Tufts University, Global Development and Environment Institute, Working Paper n° 14-03, October 2014 ; W. Raza, « Assessing the Trade Benefits of the Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP) », Austrian Foundation for Development Research, October 2014 ; J. François (dir.), « Reducing Transatlantic Barriers to Trade and Investment », Centre for Policy Research, March 2013.

[8P. Kohler and S. Storm, « CETA Without Blinders : How Cutting ‘Trade Costs and More’ Will Cause Unemployment, Inequality and Welfare Losses », GDAE Working Paper 16-03, September 2016.

[9Selon Shaun Donnelly, ex-adjoint au représentant du commerce des Etats-Unis en Europe : « Le TTIP ne vaut la peine d’être conclu que s’il couvre l’aspect des règlementations, par exemple la suppression du principe de précaution ». Corporate Europe Observatory, « Regulation – None of our Business ? », 16 December 2013.

[10Les Amis de la Terre, « Les négociations TAFTA et CETA utilisées pour affaiblir la législation climatique européenne », juillet 2014.

[11World Bank, « Turn Down the Heat : Climate Extremes, Regional Impacts, and the Case for Resilience », June 2013.

[12G. Van Harten, « Critical flaws in the European Commission’s proposals for foreign investor protection », Osgoode Hall Law School, 16 November 2015.

[13Friends of the Earth Europe, « The TTIP of the Anti-Democratic Iceberg », October 2013.

[14Alternatives Sud, « Obsolète, le clivage Nord-Sud ? », CETRI/Syllepse, 2016, p. 174.

[15CNUCED, Rapport sur le commerce et le développement 2014. Gouvernance mondiale et marge d’action pour le développement, Nations unies, 2014, p. 162-63.

[16Parlement wallon, Comité d’avis chargé des questions européennes, C.R.A.C. N°166 (2014-2015), 22 juin 2015, p. 8.

CETA : la voix des citoyens et l'analyse de fond sont entendues

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Merci à CNCD-11.11.11


CETA … TAFTA : Le mécanisme de protection des investisseurs

Vidéo édifiante du CEO sur le mécanisme de protection des investisseurs (en anglais avec sous-titres français).

 


Le CETA porte atteinte à la Constitution française

 

 

Le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, le Ceta, qui doit être ratifié fin octobre à Bruxelles, porte atteinte à la Constitution française, d’après trois éminents juristes consultés par foodwatch. La France ne doit plus tergiverser et rejeter le CETA, de même que les manœuvres visant à le mettre en application « provisoire ».

foodwatch a sollicité Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel, ainsi qu’Evelyne Lagrange et Laurence Dubin, professeures de droit international public, pour évaluer la compatibilité du traité avec la Constitution française.

Leur conclusion est sans appel : plusieurs dispositions du traité CETA portent atteinte à la Constitution.

* D’abord, le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats ou Union européenne, sorte de système de justice parallèle destiné aux grandes entreprises, porte atteinte au « principe d’égalité ». Ce mécanisme permet aux investisseurs étrangers, et à eux seuls, d’introduire une plainte devant un tribunal international spécialement constitué pour la protection des investissements à propos de mesures prises par un Etat membre de l’Union européenne ou l’Union européenne et de demander réparation si ces mesures sont contraires au Ceta.

* De fait, cela crée une inégalité entre les investisseurs nationaux et les investisseurs étrangers, puisque ces derniers bénéficient d’une voie de droit spéciale pour protéger leurs intérêts », explique l’ONG. Par ailleurs, le Ceta crée plusieurs comités, dont le Comité mixte qui réunit des représentants du Canada et de l’Union européenne, mais ne compte pas de représentants des Etats membres, et se voit doté d’un pouvoir de décision et d’interprétation important. Dans ces conditions, les pays signataires verront leur capacité à exercer pleinement leur souveraineté restreinte.

* Enfin, le Ceta ne prévoit aucune mesure propre à garantir le respect du principe de précaution, inscrit dans la Constitution depuis 2005. Dès juin dernier, foodwatch avait alerté sur l’absence de garantie de cette notion dans le CETA. C’est pourtant crucial puisque le principe de précaution est à l’origine de nombreuses mesures visant à protéger la santé des consommateurs ou encore l’environnement.

Le texte du traité de libre-échange doit être soumis aux 28 pays membres le 18 octobre lors d’un Conseil de l’UE à Bratislava, puis signé le 27 octobre à Bruxelles lors de la visite du Premier ministre canadien Justin Trudeau.

Il pourra ainsi entrer en vigueur provisoirement avant d’être approuvé par les parlements nationaux des Etats.

L’urgence est donc là !


La Commission poursuivie en justice sur la légalité des tribunaux d’arbitrage

La Commission poursuivie en justice sur la légalité des tribunaux d’arbitrage

Exclusif. La Commission européenne devra justifier devant la justice le secret entourant son analyse de la légalité du système de règlement des différends entre investisseurs et États du TTIP et du CETA.

ClientEarth, une ONG de défense juridique de l’environnement, poursuit la Commission pour avoir refusé de révéler une opinion juridique sur le règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE), une des parties les plus critiquées des traité commerciaux de l’UE.

L’ONG a requis l’accès au document en vertu des règles de transparence européennes, mais a reçu une version tellement censurée qu’il est impossible de lire l’analyse des juristes de la Commission. Une accusation gênante pour l’institution, qui se targue régulièrement d’être la plus transparente au monde, surtout comparé aux gouvernements nationaux.

Le RDIE, ou arbitrage, est une question particulièrement controversée. Les critiques des accords de libre-échange avec les États-Unis et le Canada estiment que le système envisagé permettrait à des multinationales superpuissantes de poursuivre les gouvernements devant la justice internationale, une possibilité qui menace directement la capacité des États à légiférer dans l’intérêt général.

Secret nécessaire

La Commission assure que le secret entourant la question est nécessaire afin de protéger les négociations en cours avec les États-Unis pour le partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP). Cette défense sera à présent évaluée par le tribunal général européen, à Luxembourg. Les États membres ont donné à l’exécutif européen le mandat de négocier des accords de libre-échange.

Outre le TTIP, un autre traité, le CETA, entre l’UE et le Canada, contient également un mécanisme de RDIE, et fait l’objet d’opposition au sein de certains parlements nationaux.

Le tribunal européen devra organiser une audience et décider d’octroyer ou non l’accès aux documents requis. En cas de défaite, la Commission sera contrainte de donner accès à l’opinion légale, ne pourra plus utiliser la même excuse pour censurer d’autres documents et devra payer les frais de justice de l’affaire.

La publication d’une analyse jugeant le RDIE incompatible avec le droit européen remettrait en question le TTIP. Une défaite devant le tribunal créerait également un précédent légal. La Commission pourra cependant faire appel du jugement devant la Cour de justice européenne, qui a refusé jusqu’ici de livrer son avis sur la légalité de la clause de RDIE.

Selon des fonctionnaires européens contactés par EurActiv, les accords de libre-échange entre le bloc européen et les pays hors UE n’auront pas pour conséquence l’interprétation ou l’application du droit européen par des tribunaux internationaux. Ces tribunaux se prononceront plutôt sur les textes des accords eux-mêmes.

« Les mécanismes de règlement des différends liés à l’investissement des accords de libre-échange entre l’UE et des pays tiers sont donc entièrement cohérents avec la législation européenne », a souligné un autre représentant de l’UE.

La divulgation des parties secrètes des tractations « révèlerait les considération légales sous-tendant les propositions de négociation de la Commission dans ses négociations sur le TTIP et d’autres accords », selon les documents obtenus auprès de la Commission par EurActiv.

« Cela affaiblirait la position de négociation de la Commission en donnant à ses partenaires un regard privilégié sur la stratégie de l’Union et sur ses marges de manœuvre », continue le document.

L’exécutif européen justifie actuellement la non-divulgation de certains textes grâce à des exceptions prévues pour les relations internationales, les conseils juridiques et les processus de prise de décision.

« Les documents expliquant le mécanisme ne sont pas de nature stratégique, parce qu’ils ne touchent pas aux techniques de négociation », assure cependant Laurens Ankersmit, avocat de ClientEarth. « La Commission est liée par les règles d’état de droit à tout moment, y compris lors des négociations. La divulgation des documents fixant des limites légales ne peut affaiblir sa position de négociation. »

« Publier des analyses légales et des réflexions sur la compatibilité d’une mesure avec le droit européen servirait à informer le public sur les risques juridiques des accords de libre-échange, et contribuerait donc au débat actuel sur un jugement de la Cour de justice européenne sur la légalité du RDIE », poursuit-il.

Les poursuites engagées par l’ONG sont fondée sur la Convention d’Aarhus, de l’ONU, qui stipule que les citoyens ont le droit de participer aux prises de décision liées à l’environnement et de recevoir des informations des autorités publiques.

Le RDIE est-il légal ?

L’ONG estime que le RDIE est un « outil juridique discriminatoire » qui crée un système légal alternatif et pourrait donc ne pas respecter la législation européenne. L’association allemande des juges et l’association européenne des juges ont également exprimé des doutes sérieux sur la légalité du mécanisme. En Belgique, le parlement wallon a appelé la Cour de justice européenne à se pencher sur la question et à livrer une opinion.

Preuve de l’inquiétude des Européens, une consultation publique sur le sujet a enregistré un nombre record de réponses et forcé la Commission à suspendre les discussions. L’exécutif a alors tenté de convaincre les eurodéputés et l’opinion publique en proposant un système de tribunaux publics. Cette alternative est également comprise dans les poursuites lancées par ClientEarth.

« Le public manque fondamentalement de confiance envers l’équité et l’impartialité  du modèle de RDIE traditionnel » a affirmé la commissaire au commerce, Cecilia Malmström. La légalité du RDIE faisait également l’objet de discussions à la commission commerce du Parlement européen.

Laurens Ankersmit et Anaïs Berthier, de ClientEarth, ont été rejoints pour ce dossier par Onno Brouwer et Nicholas Frey, du cabinet Freshfields Bruckhaus Deringer, qui travaillent gratuitement le temps de cette affaire. Onno Brouwer a par ailleurs représenté l’eurodéputée Sophie in’t Veld lors d’une autre procédure d’accès à des documents qui a créé un précédent en limitant l’utilisation possible de l’exception liée aux relations internationales.

ClientEarth a pour sa part récemment poursuivit le gouvernement britannique pour non-respect des lois sur la pollution de l’air. La Cour suprême a donné raison à l’ONG. L’organisation s’est appuyée avec succès sur la Convention d’Aarhus pour affronter la Commission et l’Autorité européenne de sécurité des aliments.


TAFTA/CETA : Les tribunaux d’arbitrage ne sont pas morts

Alors que la France tente de sauver le CETA (l’accord UE-Canada) en torpillant momentanément le TAFTA/TTIP, l’AITEC et Corporate Europe Observatory, ainsi que 15 autres organisations européennes, rappellent les dangers de l’arbitrage d’investissement tel qu’il est proposé dans les deux traités.

En dépit de la “nouvelle” proposition de la Commission Européenne, le système de règlement des différends investisseur-État que rejette l’immense majorité des citoyen-ne-s (1) reste l’une des pierres angulaires du traité négocié entre l’UE et le Canada.
Composés d’arbitres dont la rémunération est partiellement couverte par les parties au conflit, fondés sur un droit qui demeure à l’identique, réservés aux entreprises étrangères, qui peuvent dès lors choisir la justice qui leur sera appliquée,les tribunaux d’arbitrage donnent toujours des droits exceptionnels aux investisseurs étrangers, aux dépends de nos droits, de notre démocratie et des finances publiques.

Le rapport L’ISDS mort vivant : rebaptisée  » ICS « , la Charte des pleins pouvoirs des entreprises refuse de mourir démontre les dangers de ces privilèges accordés aux investisseurs étrangers dans le CETA et le TAFTA/TTIP. Renommer ces tribunaux en « Système judiciaire des investissements, » visait sans aucun doute à créer l’illusion d’une véritable juridiction publique, dans l’espoir de calmer l’opposition grandissante . Pourtant le principe et les règles de l’ISDS demeurent. Avec le CETA, les investisseurs canadiens et les filiales des entreprises américaines au Canada pourront ainsi poursuivre l’Union Européenne ou l’un de ses États membres dans des tribunaux parallèles sous le prétexte que des décisions conçues pour protéger notre environnement et notre santé nuisent à leurs perspectives de profits.

Pour Amélie Canonne, de l’AITEC, « La proposition dite « ICS » tente de redonner une légitimité à un système discrédité par tous les observateurs, société civile, praticiens, experts du droit, élus locaux ou nationaux, PME… Mais l’analyse est sans appel : la seule évolution substantielle, la prétendue protection du droit à réguler des États, n’apporte aucune garantie réelle. Et les conflits d’intérêt vont demeurer légion puisqu’une part de la rémunération des arbitres restera à la charge des parties du différends, soit l’entreprise et l’État attaqué. »

Lora Verheecke de Corporate Europe Observatory confirme : « Comme un Zombie qui ressusciterait parmi les morts, les tribunaux d’arbitrage sont bien inscrits dans la politique commerciale de l’UE. Ils confèrent des privilèges extrêmes aux grandes entreprises, leur donnant le pouvoir de demander des milliards d’Euros de dommages de la poche des contribuables. Les attaques passées contre des lois d’intérêt général seront toujours et encore possible avec l’application du CETA et les nouvelles positions de l’UE dans les négociations du TAFTA/TTIP. »

(1) Voir par exemple l’analyse de CEO : http://corporateeurope.org/fr/international-trade/2015/02/droits-des-investisseurs-dans-le-ttiptafta-les-nombreuses-voix-ignor-es ou encore les résultats du sondage Harris Interactive en juin 2016 : http://harris-interactive.fr/opinion_polls/les-francais-et-les-accords-de-libre-echange-transatlantiques/

Lire le rapport complet : Documents joints


ALENA, TAFTA, CETA, TiSA, APE … en 12 petites vidéos

1- ALENA ET CETA, TAFTA

2 – CETA et TAFTA : Impacts sur l’agriculture

3 – CETA et TAFTA – Le principe de base : pas de distorsion au commerce

4 – Mécanisme de règlement des différends investisseurs/Etats

5 – CETA : Système de Cour d’Investissement

6 – CETA et perte du droit pour les Etats de réguler

7 – Mécanisme d’harmonisation réglementaire

8 – Mécanisme d’harmonisation réglementaire

9 – Empêcher ces accords

10 –  TISA – Accord de libéralisation des services

11 – A.P.E Accords de Partenariats Economiques : Le scandale

12 – Le libre-échange en question

 

1- ALENA ET CETA, TAFTA

 

 

2 – CETA et TAFTA : Impacts sur l’agriculture

 

3 – CETA et TAFTA – Le principe de base : pas de distorsion au commerce

 

4 – Mécanisme de règlement des différends investisseurs/Etats

 

5 – CETA : Système de Cour d’Investissement

 

6 – CETA et perte du droit pour les Etats de réguler

 

 

7 – Mécanisme d’harmonisation réglementaire

 

8 – Mécanisme d’harmonisation réglementaire

 

9 – Empêcher ces accords

 

10 –  TISA – Accord de libéralisation des services

 

11 – A.P.E Accords de Partenariats Economiques : Le scandale

 

12 – Le libre-échange en question

 

 

Merci à Frédéric Viale et Julia B


ISDS / Total poursuit l’Algérie en justice

Total poursuit l’Algérie en justice

Par Denis Cosnard

C’est une décision politiquement très sensible. Souvent considéré comme un bras armé de la diplomatie française, Total vient, en toute discrétion, d’engager un contentieux contre l’Algérie et sa compagnie pétrolière d’Etat, la Sonatrach. Le groupe français conteste la façon dont, au milieu des années 2000, l’Algérie a rétroactivement modifié à son avantage le partage des profits tirés du pétrole et du gaz.

Après avoir cherché en vain des solutions amiables, Total et son partenaire espagnol Repsol ont entamé en mai une procédure d’arbitrage, indiquent des sources concordantes. Ils ont déposé ensemble une requête à Genève auprès de la Cour internationale d’arbitrage, qui dépend de la Chambre de commerce internationale. Patrick Pouyanné, le PDG de Total, espère obtenir un dédommagement de quelques centaines de millions d’euros.

Cette action en justice – même s’il s’agit d’une justice privée – risque de ne pas améliorer les relations entre la France et l’Algérie, déjà tendues par les « Panama papers ». Début avril, Le Monde a révélé que des proches du chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika, dont le ministre de l’industrie Abdeslam Bouchouareb, avaient disposé d’actifs cachés au Panama. Dans la foulée, l’ambassadeur de France a été convoqué par le ministre algérien des affaires étrangères.

Entre l’Algérie et la France, l’histoire des relations pétrolières a souvent été heurtée. Ce sont des géologues et ingénieurs français, notamment ceux de la Compagnie française des pétroles, ancêtre de Total, qui sillonnent les premiers le Sahara et découvrent les champs algériens au milieu des années 1950. Quinze ans plus tard, en 1971, l’Algérie devenue indépendante reprend le contrôle de ses richesses, et nationalise les actifs français au bénéfice de sa nouvelle compagnie nationale, la Sonatrach.

A la fin des années 1990, le pays souhaite cependant accélérer l’exploration et l’exploitation de ses gisements, et fait appel aux investissements étrangers. Les grandes compagnies occidentales affluent, de l’américain Anadarko au britannique BP, en passant par l’italien ENI, le norvégien Statoil ou encore Total.

Durcissement de la fiscalité

Mais au milieu des années 2000, Alger change de nouveau de cap. Voyant que les cours de l’or noir ne cessent de grimper, l’Etat abandonne ses promesses de libéralisation du secteur. Il durcit au contraire la fiscalité pétrolière pour capter une plus grande part de la rente. Une loi instaure, en 2006, ainsi une « taxe sur les profits exceptionnels » réalisés par les compagnies étrangères. Dès que le prix du baril dépasse 30 dollars, ce qui est largement le cas à l’époque, celles-ci doivent acquitter un impôt supplémentaire variant entre 5 % et… 50 % de la valeur de la production.

Cette mesure contre les « superprofits » fait le désespoir d’Anadarko, de BP et des autres. Les compagnies réagissent de deux façons. Compte tenu de cette taxe jugée dissuasive et de la hausse simultanée de leurs coûts de production, beaucoup d’entre elles stoppent leurs investissements en Algérie. Au point que les trois appels d’offres lancés par le gouvernement pour explorer le domaine minier en 2008, 2009 et 2011 se soldent par des échecs.

Plusieurs entreprises attaquent en même temps l’Algérie devant des tribunaux arbitraux. Qu’un Etat modifie la fiscalité pétrolière, cela relève de sa souveraineté. En revanche, les compagnies refusent que ce changement se traduise par une modification unilatérale et rétroactive de leurs contrats. Selon elles, les documents signés avec la Sonatrach devaient leur assurer une stabilité fiscale. Le pétrolier national doit donc leur rembourser la taxe qu’elles ont acquittée.

Cet argument porte. Pour éviter d’être condamnée, l’Algérie consent en 2012 à payer plus de 4 milliards de dollars (3,6 milliards d’euros) de compensation, en particulier à Anadarko, le principal opérateur, et au danois Maersk.

« Pour Total, l’Algérie n’est plus un partenaire majeur »

Total, pour sa part, a beaucoup hésité sur la conduite à tenir. Avant de mourir dans un accident en octobre 2014, le PDG Christophe de Margerie était en passe de lancer une procédure contre l’Algérie. Dans un premier temps, son successeur a tout stoppé, d’autant que les pouvoirs publics souhaitaient plutôt apaiser les relations avec le régime de M. Bouteflika.

Mais les tractations tentées avec la Sonatrach et Alger n’ayant pas abouti, Patrick Pouyanné s’est résolu au printemps à recourir à l’arbitrage. Malgré le caractère tardif de cette action, les chances de récupérer conjointement avec Repsol quelques centaines de millions d’euros, plus de 500 millions peut-être, ont été jugées supérieures aux risques. Le gouvernement français, consulté, n’y a pas mis son veto.

En faisant ainsi pression, les dirigeants espèrent pousser les Algériens à négocier un accord. « La porte reste ouverte », note-t-on dans le camp français. Mais si aucune solution n’est trouvée, ce ne sera pas un drame non plus. « Pour Total, l’Algérie n’est plus un partenaire majeur », explique une personne au fait du dossier. Sur place, le groupe n’emploie qu’environ 200 personnes. Toute sa production provient d’un gisement de gaz, celui de Tin Fouyé Tabankort, dont Total détient 35 % aux côtés de la Sonatrach et de Repsol. L’Algérie, dont la production pétrolière a décliné de 20 % en dix ans, représente seulement 1 % des volumes d’hydrocarbures de Total.

Le groupe participe néanmoins à un autre projet, celui d’exploitation du gisement de gaz de Timimoun, à 800 kilomètres au sud-ouest d’Alger. Une usine est en cours de construction. Total détient 38 % du projet, aux côtés de l’espagnol Cepsa et surtout de l’incontournable Sonatrach, qui contrôle 51 % des parts. « Total est un investisseur important en Algérie et entend y poursuivre son développement », indique la société pour tout commentaire sur ce dossier hautement inflammable.

Par Denis Cosnard / http://isds.bilaterals.org/?total-poursuit-l-algerie-en


La cour d’arbitrage du TTIP incompatible avec les droits de l’homme

 

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EurActiv |

La cour d’arbitrage du TTIP incompatible avec les droits de l’homme

par Cécile Barbière

La nouvelle mouture du règlement des différends entre investisseurs et État n’est pas plus compatible avec les droits humains que la précédente, selon un expert de l’ONU.

Le règlement privé ou semi-privé des différends entre les investisseurs et les États ne rend pas service à la démocratie, à l’état de droit et aux droits de l’homme, a affirmé un expert de l’ONU, Alfred de Zayas.

Auditionné par la commission des affaires légales et des droits de l’homme du Conseil de l’Europe le 19 avril, Lire la suite »


Lutte contre le TTIP, l’AECG / CETA et le mécanisme de RDIE : les enseignements du Canada

Très instructif, pas long : 5 mn

A voir 2 fois, car les sous-titres sont importants mais aussi les illustrations


Traité transatlantique (TAFTA / TTIP ) : la CLCV hors TAFTA !

Traité transatlantique (TAFTA) : la CLCV hors TAFTA !

Plusieurs dénominations désignent le projet de « grand marché transatlantique », qu’elles soient anglophones (TAFTA – Trans Atlantic Free Trade Agreement ; TTIP – Transatlantic Trade and Investment Partnership) ou francophones (PTCI – Partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement).
L’objectif officiel de ce projet de traité de libre-échange entre les USA et l’Union européenne est de libéraliser les échanges commerciaux entre les deux parties en éliminant les droits de douane et en harmonisant les normes culturelles, économiques, sociales et environnementales.
Le 13e cycle de négociations s’est ouvert à New York le lundi 25 avril 2016. Le président américain s’est rendu en Europe le 24 avril pour reprendre l’offensive en vue de la signature du TAFTA à l’automne 2016 avant son départ de la Maison Blanche.
L’événement nouveau, c’est la diffusion de 248 pages confidentielles le mai 2016 par Greenpeace (soit la moitié du projet de traité).
Cette fuite heureuse permettra enfin aux citoyens et à la société civile de juger sur pièces un texte que la Commission européenne a toujours refusé de diffuser alors que les lobbies économiques, eux, sont partie prenantes des négociations.

Revue de la question en six points :

1- Déficit démocratique
Le 14 juin 2013, le Conseil de l’Union Européenne (chefs d’Etats et de gouvernements) a donné mandat à la Commission Européenne d’ouvrir des négociations avec les États-Unis en vue d’aboutir à un accord transatlantique pour créer le plus vaste marché du monde. Les négociations sont menées depuis cette date par la Commissaire en charge du commerce international, Cecilia Malmström, sur ce mandat qui n’a été rendu public que partiellement et tardivement (en octobre 2014 avec la nouvelle Commission européenne).

De plus, les négociations qui se déroulent par étapes (Miami en novembre 2015, Bruxelles en mars 2016, New York en avril 2016) ne sont pas accessibles au grand public. Les textes ne peuvent être consultés par les députés européens que dans certaines salles, une fois déposés les téléphones portables et sous la surveillance d’un fonctionnaire (sic !) … Notons que pour autant, 78 % des députés européens ont validé le principe du traité en 2013. Pour la Commission européenne, les citoyens et les élus n’ont donc qu’à rester chez eux. Le commerce international, c’est l’affaire de quelques technocrates…
Certes, la Commission de Bruxelles a organisé le 6 juillet 2014, pour répondre aux critiques, une consultation par internet en invitant les citoyens à donner leur opinion sur 12 aspects du traité. Mais cette consultation, d’une part, ne permettait pas de manifester son opposition au projet et, d’autre part, ne portait que sur la mise en place du dispositif de règlement des conflits (voir point n° 2) ! De toute façon, la Commissaire au commerce a refusé de prendre en compte les 150 000 réponses négatives, jugeant qu’il ne s’agissait que d’une seule et même réponse !

Pour la CLCV, ce secret est inadmissible et antidémocratique. Ce mandat ainsi que tous les textes négociés doivent être rendus publics et mis au débat ! A l’heure où beaucoup de citoyens s’interrogent sur le déficit démocratique donc souffre l’Union, cette position ne fait que renforcer les euro-sceptiques.

2- Un libre-échange qui s’appelle déréglementation des droits des consommateurs pour le plus grand profit des entreprises
Cet accord de libre-échange vise à constituer un marché commun de 820 millions de consommateurs qui pèserait 45 % du PIB de la planète. Mais cet accord ne porte pas principalement sur les droits de douane, car les droits de douane moyens entre les deux zones sont aujourd’hui très faibles (de l’ordre de 2 % seulement : 5,2 % en Europe contre 3,5 % aux USA), même s’il y a des pics tarifaires : par exemple, les USA imposent des taxes de 22 % sur les produits laitiers de l’Europe et l’Union européenne protège l’agriculture avec des droits de douane de 13%.
En réalité, l’objet de l’accord c’est en priorité l’élimination des barrières dites non tarifaires, c’est-à-dire la réduction, voire la suppression des normes sociales, culturelles, écologiques, sanitaires et d’hygiène dont les USA (et en premier lieu leurs multinationales) ne veulent pas car elles sont selon eux un obstacle à la libre concurrence et la liberté des exportations.
Or, il faut rappeler que la France et l’Europe disposent d’un niveau élevé de protection des consommateurs approuvé par le parlement européen et les pouvoirs publics français. C’est le résultat de batailles menées au fil des ans par les organisations de consommateurs.

Ces acquis pourraient être remis en cause, et notamment :

* en matière alimentaire :
– l’étiquetage le plus complet possible des produits notamment alimentaires (composition, origine…) : par exemple, aux USA, n’importe quel producteur peut choisir de qualifier sa production d’un nom européen (Champagne, Porto, etc.).
– l’interdiction d’utiliser l’hormone de croissance dans les élevages ;
– l’interdiction du poulet nettoyé au chlore, utilisé couramment aux USA ! ;
– l’interdiction de la culture des OGM aujourd’hui banalisée aux USA ;
– le faible niveau de pesticides ;
– les indications géographiques et appellations d’origine contrôlée (plusieurs centaines) ; A noter que dans le CETA (traité en cours de ratification entre Canada et Europe), sur 50 AOP laitières seules 28 sont reconnues…) ;

* dans le domaine de la santé :
– les produits génériques ;

* dans le domaine des services publics :
– les services d’urgence pourraient être privatisés ;
– le statut des caisses primaires d’assurance maladie pourrait être contesté au nom de la concurrence ;
– certains services de l’Éducation nationale seraient remis en question (cantines scolaires et universitaires)
– le champ des services publics pourrait être fortement réduit ;
– l’eau pourrait être privatisée : remise en question des sociétés publiques locales (par exemple de l’eau, comme à Brest) ;

* dans le domaine de l’énergie :
– liberté totale des prix du gaz et de l’électricité ;
– l’interdiction de la fracturation hydraulique pour exploiter le gaz de schiste serait considérée comme une atteinte au droit de l’entreprise.

Toutes ces règles et spécificités françaises et européennes pourraient être condamnées comme « barrières commerciales illégales ». La Commission européenne nous dit bien sûr que l’on ne touchera pas au mieux-disant européen, mais nous n’avons aucune garantie que les normes de protection actuelles ne seront pas réduites dans le temps. C’est en tout cas ce qui se passe avec d’autres accords commerciaux : c’est la réglementation la plus protectrice qui, au fil du temps, est tirée vers le bas.
Il faut aussi dire qu’aujourd’hui, on sent déjà comme un effet pré-TAFTA dans les dernières décisions de l’Union européenne :
– adoption de la directive sur le secret des affaires deux jours avant son adoption par les USA ;
– renouvellement de l’autorisation du glyphosate (molécule présente dans le Round up de Monsato) ;
– nouvelles études pour analyser les perturbateurs endocriniens, alors que la décision devait être prise en 2013 et que l’inaction de la Commission européenne a été condamnée par la Cour de justice en décembre 2015.
Par ailleurs, le principe de précaution européen (art. 191 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) n’est pas évoqué dans les 248 pages qui ont fuité. Que dit ce principe ? Si les données scientifiques ne permettent pas une évaluation complète du risque présenté par des produits, le recours à ce principe permet par exemple d’empêcher la distribution ou même de retirer du marché des produits susceptibles d’être dangereux. En revanche, le principe américain fondé sur le risque et les dommages a posteriori et qui vise à gérer les produits dangereux plutôt que à les éviter est inclus dans le document.

Pour la CLCV, les principes français et européens, fruit de luttes et négociations historiques, sont des acquis essentiels. Ils sont désormais partie intégrante de nos valeurs, de notre culture, de notre héritage commun. Ils protègent les consommateurs-citoyens qui ne peuvent accepter que ces droits soient tirés vers le bas ou simplement supprimés. A la Commission européenne de se battre pour maintenir un haut niveau de protection des consommateurs. Certes, la Commission européenne a annoncé qu’elle ne baisserait pas ses exigences en ce qui concerne les normes sanitaires et d’hygiène. Mais les consommateurs devront être vigilants sur cette question et refuser catégoriquement toute déréglementation.

3- Des tribunaux privés qui bafouent l’indépendance de la justice et la démocratie
C’est le point le plus contesté par la société civile. Les litiges existants seraient portés par les entreprises lésées par les décisions des Etats devant un tribunal arbitral supranational qu’on appelle « ISDS ». Dans les nombreux accords de libre-échange existant dans le monde, une telle juridiction privée est en général composée de trois arbitres : l’un représentant le demandeur, l’autre le défendeur, le troisième étant choisi d’un commun accord par les deux parties, en général sur une liste proposée par des instances arbitrales privées (Chambre de commerce internationale de Paris, Chambre de commerce de Stockholm ou Centre international pour le règlement des différends de Washington). Un même arbitre peut remplir successivement les trois missions…

Ce système est déjà mis en œuvre dans de nombreux accords bilatéraux et au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis 1985, où la légitimité de l’Organe de règlement des différends (ORD) est aujourd’hui largement contestée. Quant à l’OMC, elle est complètement contournée par les accords bilatéraux et dépassée par la montée en puissance des pays émergents.

Cette procédure n’est donc pas indépendante (d’ailleurs les arbitres ne sont soumis à aucune déontologie). Elle est opaque au plus haut point et coûteuse (1 000 € l’heure d’un arbitre !). Enfin, elle ne peut être contestée en appel.

Selon les statistiques fournies par l’ONU, 60 % des affaires arbitrées sur le fond ont une issue favorable aux entreprises privées. En fait, « les Etats ne gagnent jamais. Ils peuvent seulement ne pas perdre. Seuls les investisseurs obtiennent des dommages et intérêts… » (Howard Mann, CNUCED, 24 juin 2015).

Pour ce qui est du TAFTA, ce sont les articles 23 et 27 du mandat donné par le Conseil européen qui évoquent ce tribunal : « L’accord devrait viser à inclure un mécanisme de règlement des différends investisseurs/Etats efficace et des plus modernes … l’accord sera obligatoire pour toutes les institutions ayant un pouvoir de régulation et les autorités compétentes des deux parties ».

Cette justice privée qui dit le droit à la place des institutions démocratiques permet de se soustraire aux juridictions nationales dont un pays s’est librement doté et pose problème, notamment au regard de la Constitution française. Des Etats ont donc demandé le retrait pur et simple du mécanisme de règlement de la négociation.

Pour faire face à la double contestation (société civile et questionnement du parlement européen et de parlements nationaux), la Commission européenne a organisé en 2014 une consultation sur les modalités du mécanisme de règlement qui a reçu 150 000 réponses, à 97 % hostiles à l’ISDS.
La Commission européenne a alors proposé un nouveau mécanisme de règlement se composant d’une cour publique (Cour des investisseurs), ce qui ne change rien au fond du problème puisque la souveraineté locale pourrait toujours être remise en cause au nom d’intérêts économiques et financiers. A travers ces traités, on assiste à la naissance d’une nouvelle hiérarchie des valeurs et des normes où le droit privé économique l’emporte sur les droits démocratiques sociaux environnementaux.

Pour la CLCV, cette procédure arbitrale privée ou publique qui se place d’emblée au-dessus des lois des Etats ne respecte pas le droit démocratique des peuples à disposer de leur destin. Elle est totalement inacceptable. Faut-il rappeler qu’une instance de coopération réglementaire pourrait voir le jour dans le cadre du traité et qu’elle ferait pression sur les parties pour que les législations respectives respectent l’accord de libre-échange ! La Commission européenne doit s’y opposer catégoriquement !

4- Des principes et des accords internationaux absents ou qui sont remis en cause dans le projet de traité !
– Pas de référence au principe européen de précaution comme nous l’avons vu précédemment
– Pas de référence à la règle « Exceptions générales » de l’accord du GATT de l’Organisation mondiale du commerce qui permet aux pays d’encadrer le commerce « pour protéger la vie animale et végétale, la santé humaine et la conservation des ressources naturelles épuisables »
– Pas de référence à l’accord international de Paris dans le cadre de la COP 21 (objectif affiché de moins de 1,5° de réchauffement) suppose des révisions majeures des émissions de gaz à effet de serre auquel les relations commerciales doivent être soumises.

5- Des créations d’emploi bien aléatoires
Il y a derrière ce traité l’idée que la « libéralisation » absolue des échanges sera créatrice d’emploi. C’était déjà l’objectif de l’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994. Selon une étude, l’accord permettrait de créer 2 millions d’emplois entre les USA et l’Europe, dont 121 000 en France. Mais selon une autre étude demandée par la Commission européenne, les gains de croissance par rapport au PIB seraient minimes : de 0,1 à 0,5 % en 10 ans en Europe ! D’autres études estiment que le gain serait nul puisque les échanges entre les pays européens diminueraient au profit des USA… En tout état de cause, les études de la Banque mondiale et de la CNUCED démontrent qu’on ne peut établir un lien statistique entre ce genre de traité et la croissance des investissements.

6- Les prises de position des pouvoirs publics et le mouvement citoyen contre le TAFTA
Rappelons que le 22 mai 2014, l’Assemblée nationale a adopté une résolution sur le TAFTA qui rappelle les lignes rouges fixées par la France (OGM, traitement des poulets au chlore, bœuf aux hormones, réglementation des produits chimiques), refuse tout ajustement par le bas de la qualité des législations en matière d’environnement, de sécurité et de santé, ainsi que tous tribunaux privés qui se substituent à la souveraineté nationale, et demande enfin la transparence des négociations menées.

Le Secrétaire d’État au Commerce extérieur, Mathias Fekl, a proposé que le tribunal privé soit remplacé par une cour internationale publique et annoncé (journal Sud-Ouest du 27 septembre 2015) que la France envisageait toutes les options, y compris l’arrêt pur et simple des négociations transatlantiques qui se passent dans un manque total de transparence et dans une grande opacité, ce qui pose un problème démocratique. Enfin, il a considéré que « le parlement français aura le dernier mot », considérant qu’il ne s’agit pas là d’une compétence exclusive de l’Union européenne. Deux sujets clés pour la France : la réciprocité commerciale (c’est-à-dire l’ouverture réciproque des marchés publics, ceux de la France étant plus ouverts) et la reconnaissance des indications géographiques qui protégerait certaines productions agricoles.

Dans une résolution adoptée le 3 février 2015, le Sénat a reproché au gouvernement et à l’Europe un déficit démocratique dans la gestion des négociations sur le TAFTA. Il demande au gouvernement de corriger le tir pour que la sécurité et les intérêts des consommateurs restent la priorité des négociations et que l’harmonisation des règles n’affecte pas la santé des consommateurs et ne mette pas en cause les normes de qualité exigibles.
Le Président de la République, qui avait en 2014 approuvé le traité, a déclaré lors d’un colloque le 3 mai 2016 : « Jamais nous n’accepterons la mise en cause des principes essentiels pour notre agriculture, notre culture pour la réciprocité et pour l’accès aux marchés publics ».

Mais surtout, la société civile et les collectivités locales se mobilisent comme en témoigne l’ampleur que prend le mouvement « hors TAFTA » en France comme en Europe :
– Une grande pétition européenne (ICE) « Stop TAFTA » a recueilli 3,3 millions de signatures dans 14 pays différents.
– Plus de 200 000 personnes ont manifesté le 15 octobre 2015 à Berlin puis en avril 2016 à Hanovre contre le TAFTA, pays où seuls 17 % approuvent encore le traité. Le parlement wallon refuse la signature du TAFTA.
– En France, 650 collectivités (1 600 en Europe) se déclarent « hors TAFTA ». IL est vrai que le traité remettrait en cause les prérogatives des collectivités locales fixées par la Constitution !
14 conseils régionaux, 22 départements et plus de 550 communes ont manifesté leur vigilance, voire demandé l’abandon des négociations TAFTA :
* régions : Ile de France, PACA, Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, Picardie, Nord-Pas de Calais, Franche-Comté, Champagne-Ardennes, Pays de Loire, Poitou-Charentes, Corse…
* départements : Hérault, Seine-Saint-Denis, Corrèze, Somme, Pyrénées Atlantiques, Dordogne, Essonne, Yonne, Allier, Val de Marne, Deux Sèvres, Haute Saône, Nièvre, etc
* communes : Dunkerque, Cherbourg, Grenoble, Périgueux, Dieppe, Saint-Herblain, Poitiers, etc.
* et dans le Finistère : Trégunc, Saint-Jean-Trolimon, Botmeur, Saint-Yvi, Berrien, Huelgoat, Carhaix, La Feuillée, Motreff, Bannalec, Guipavas, Pouldreuzic, Quimper, etc. Brest est en vigilance hors TAFTA.
Les 21 et 22 avril 2016, une rencontre à Barcelone d’une quarantaine de villes européennes hors TAFTA a adopté une déclaration anti-TAFTA.

***
En conclusion, l’enjeu de ces négociations dont le terme est annoncé pour la fin 2016 (fin de mandat du président américain) est certainement, au-delà du marché commun transatlantique, d’imposer un jour à l’ensemble de la planète ces normes communes qui auraient été négociées de part et d’autre de l’Atlantique. C’est pourquoi l’Union européenne ne doit céder ni sur le haut niveau de protection des consommateurs, ni sur le tribunal arbitral.

La CLCV considère que, face à un tel projet, les consommateurs et les citoyens doivent se mobiliser car si le Conseil européen peut autoriser la signature d’un accord négocié par la Commission libérale de Bruxelles, seul le Parlement européen (qui sur le principe a déjà donné son accord) peut le ratifier. Par ailleurs, comme ce projet traite de compétences dites partagées, le projet devrait aussi être ratifié par les parlements des 28 Etats de l’Union européenne. La Cour de justice de l’UE va être saisie pour trancher ce point majeur.

Compte tenu notamment du secret dans lequel se déroulent les négociations, du caractère inacceptable du mécanisme de règlement des conflits, de la remise en question du fort niveau de protection des consommateurs dont nous disposons actuellement, la CLCV demande l’arrêt des discussions sur le TAFTA. Elle estime, avec le Bureau européen des unions de consommateurs dont fait partie la CLCV, qu’un traité n’est pas nécessaire si les parties veulent vraiment faire progresser une coopération volontaire.


La France promeut l’arbitrage privé du Tafta au sein même de l’Europe

La France, hérault de la lutte pour un Tafta plus équitable et contre des tribunaux privés au service des multinationales ? Cette image que le gouvernement tente de renvoyer depuis quelques semaines risque d’être mise à mal par un document confidentiel consulté par Le Monde, dans lequel un groupe de cinq pays européens, dont la France, propose l’instauration d’une juridiction d’exception européenne au service des entreprises souhaitant attaquer les décisions des Etats.

Ce document de travail rédigé par la France, l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande et les Pays Bas, obtenu par le réseau militant Seattle to Brussels, a été transmis le 7 avril au Conseil des ministres européens. Il répond à l’offensive lancée à l’été 2015 par la Commission européenne pour abroger les quelque 200 traités d’investissement bilatéraux toujours en vigueur entre les « anciens » et les « nouveaux » Etats-membres de l’UE, issus des élargissements récents.

L’institution bruxelloise juge ces accords non seulement inutiles – car le marché unique a déjà uniformisé les règles d’investissement entre les Vingt-Huit –, mais surtout incompatibles avec le droit européen – car générateurs de discriminations entre eux.

Menacés plus ou moins directement de sanctions par la Commission pour avoir conservé ces traités obsolètes, conclus dans les années 1990, ces cinq pays se disent prêts à les abroger, à condition qu’un nouveau régime harmonisé de protection des investissements leur succède.

« Ni utile ni nécessaire », disait la France

Et c’est là que le bât blesse. Car le quintet ne se contente pas de réclamer un cadre législatif clarifié. Il souhaite sauver le mécanisme de règlement des différends investisseurs-Etats, une juridiction arbitrale privée vers laquelle les entreprises peuvent se tourner en lieu et place des tribunaux nationaux. Plus connu sous son acronyme anglais ISDS (investor-state dispute settlement), ce système est l’un des volets les plus controversés du traité transatlantique Tafta/TTIP, en négociation entre l’UE et les Etats-Unis.

Pourquo conserver un tel système arbitral hors-sol, dont les sentences jugées contraires au droit européen se sont multipliées au cours des dernières années ? Pourquoi ne pas profiter de cette remise à plat pour se débarrasser de ce mécanisme que la France avait qualifié l’an passé de « ni utile ni nécessaire » dans le cadre des négociations transatlantiques ?

L’argumentaire déployé ressemble à celui adressé par le lobby européen de l’industrie Business Europe à la Commission européenne en février, comme le souligne Seattle to Brussels. Le maintien de l’ISDS serait justifié par le fait que « les systèmes judiciaires nationaux peuvent susciter des préoccupations en termes de lenteur des procédures, de qualité du système judiciaire et de perception de l’indépendance judiciaire », de même que les « administrations publiques » et les « environnements d’affaires » de certains Etats-membres. Les nouveaux entrants d’Europe centrale et orientale, indirectement pointés du doigt, apprécieront.

Autre argument déployé dans le document : si les Européens renonçaient à de tels mécanismes en interne, « il serait d’autant plus difficile de pliader en [leur] faveur » dans les négociations commerciales en cours avec leurs partenaires extérieurs, tant avec les pays en développement qu’avec les Etats-Unis. Pire : cela pourrait créer « un avantage compétitif pour les investisseurs étrangers », qui bénéficieraient d’une meilleure protection sur le sol européen que leurs homologues européens.

Un arbitrage vraiment amélioré ?

Au niveau institutionnel, la France et ses partenaires veulent officiellement saisir l’occasion pour mettre en oeuvre l’« investment court system » (ICS), un ISDS nouvelle version élaboré fin 2015, que l’Europe essaie d’imposer aux Etats-Unis dans les négociations transatlantiques. Celui vise à muscler les garde-fous contre les dérives du système arbitral, qui menace parfois les politiques publiques sanitaires ou environnementales des gouvernements au nom de la « protection des investissements ».

Problème : plutôt que de créer une nouvelle cour permanente ex nihilo où ils auraient les mains libres, le groupe des cinq privilégie la rapidité en suggérant d’adosser le futur mécanisme à la Cour permanente d’arbitrage (CPA) de La Haye. Or, d’après Florian Grisel, chercheur spécialiste de l’arbitrage international à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense, aucun des grands principes de l’ICS ne saurait trouver sa place dans cette institution au cadre très contraint : impossible de subsister aux arbitre ad hoc des juges permanents réputés plus impartiaux, de leur interdire d’exercer en parallèle des activités d’avocat, de renforcer leurs règles d’éthique pour limiter les conflits d’intérêts, et encore moins d’instaurer un mécanisme d’appel des décisions. « Il est donc possible que cela ne change absolument rien au système actuel d’ISDS », souligne l’universitaire.

« Peut-être que cette voie sera trop compliquée », reconnaît-on timidement au Quai d’Orsay, sans pour autant s’avouer vaincu. Pour la France, il est de toute façon « trop tôt » pour savoir si ces exigences seront techniquement applicables, et politiquement acceptables pour les Vingt-Huit.

Merci à http://www.lemonde.fr/


Tafta et Ceta : le grand bluff français ?

En février 2014, lors d’un voyage officiel aux Etats-Unis, François Hollande déclarait à propos du traité de libre-échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis (Tafta) : «Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu’il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations. » Bien vu ! Les crispations sont là : c’est peu dire que la négociation du Tafta s’enlise. Les derniers documents fuités par Greenpeace confirment les risques que nous dénonçons depuis des années et les divergences très profondes qui subsistent entre les deux rives de l’Atlantique sur les questions réglementaires.

Tafta est mort, vive Ceta !

Le président Hollande en profite désormais pour exprimer les réserves de la France sur le Tafta. Tant mieux ! Et sur France Inter, le 10 mai, le ministre Mathias Fekl déclare : «Après trente années de dérégulation néolibérale (…), il est temps de remettre des règles dans la mondialisation, il est temps que la puissance publique ait son mot à dire et que des choix démocratiques puissent être respectés. » Waouh ! Je ne saurais être plus en accord avec les propos d’un ministre que je sais convaincu.

Mais, par un étonnant tour de passe-passe, les critiques vis-à-vis du Tafta semblent solubles dans l’accord de libre-échange que l’Europe vient de boucler avec le Canada, le Ceta. Sans broncher, le gouvernement français se dit prêt à le signer et le ratifier. Faisant fi de notre système démocratique, il soutient même son entrée en vigueur provisoire avant la ratification par le parlement français. Et pour cause, selon le gouvernement, le Ceta serait carrément l’anti-Tafta ! Bluff ou réalité ?

Selon le gouvernement, le Ceta serait carrément l’anti-Tafta ! Bluff ou réalité ?

Ces accords ont en fait peu à voir avec le libre-échange. A quelques exceptions près (notamment et légitimement l’agriculture), le commerce est déjà très libre entre les deux rives de l’Atlantique. Ces accords visent d’abord à « harmoniser » les règles et les normes qui encadrent nos économies et nos sociétés, à en limiter l’impact sur les flux commerciaux. Mais ce que certaines entreprises ou responsables politiques considèrent comme des « obstacles au commerce » sont souvent des choix de société, démocratiquement construits, qui touchent à la protection de l’environnement, de la santé, des travailleurs et des consommateurs, aux libertés et aux droits humains fondamentaux.

Le Tafta et le Ceta modifient donc en profondeur le contenu et le processus d’élaboration de la norme publique, en y intégrant de manière prépondérante le commerce et les intérêts des multinationales. Trop souvent au détriment de l’intérêt général, comme le démontrent les exemples qui suivent.

Le Ceta protège-t-il la santé ?

Les brevets pharmaceutiques y sont renforcés, réduisant la disponibilité au Canada des médicaments génériques : les profits des firmes contre la santé publique ! Le coût des médicaments pourrait augmenter de 13 % pour les Canadiens et grever les comptes de l’assurance maladie de plus d’un milliard de dollars par an.

Le Ceta renforce-t-il les services publics ?

Nous entrons ici en terres inconnues. Pour la première fois, l’Union européenne a négocié un accord commercial avec une « liste négative » pour les services. Cela signifie qu’à moins que les gouvernements européens excluent explicitement un service de la négociation, tous les services, y compris de nouveaux services publics à venir, seront automatiquement ouverts à la concurrence des fournisseurs de services étrangers.

Des clauses au nom très jargonneux, telle que la clause de « statu quo », qui gèle la législation au moment de la signature de l’accord, ou encore la clause dit de « cliquet », qui empêche de revenir sur la libéralisation d’un service, créent un risque majeur pour les services publics locaux et nationaux.

Le Ceta préserve-t-il l’agriculture et l’alimentation ?

Le Canada devra reconnaître 175 indications géographiques européennes (les fameuses AOC et AOP) qui sont autant de valorisation de nos terroirs. Tant mieux pour celles qui ont été retenues, mais quid des 1 300 qui passent à la trappe ? Cette discrimination est inacceptable et probablement illégale.

Surtout, le Ceta permettra au Canada d’exporter 65 000 tonnes de bœuf et 75 000 tonnes de porc. Même sans hormones mais bourré d’antibiotiques et mal traité, le bœuf canadien contribuera à anéantir un peu plus nos bassins allaitants et la pérennité de nombreuses races bovines.

Le Ceta bénéficie-t-il à l’environnement et à la lutte contre le dérèglement climatique ?

Une victime surprise du Ceta, qu’on ne trouve pas dans le texte de l’accord, est la réglementation européenne en matière de pollution des carburants. La directive « qualité des carburants » est un outil important de réduction de nos émissions de CO2. Avant la conclusion du Ceta, celle-ci devait attribuer des émissions de CO2 20 % plus élevée pour les carburants canadiens issus des sales sables bitumineux du pays. Trois semaines après la conclusion des négociations en 2014, quand la Commission décide enfin de légiférer, cette disposition a disparu ! Une nouvelle qui tombe alors à pic puisque quelques jours plus tard, le président Hollande débutait son voyage officiel au Canada en Alberta, pour soutenir les investissements du groupe Total dans ces hydrocarbures très polluants.

Une victime surprise du Ceta est la réglementation européenne en matière de pollution des carburants

La directive sur la qualité des carburants n’est pas la seule victime collatérale des négociations commerciales transatlantiques : affaiblissement du cadre européen d’évaluation et d’autorisation des organismes génétiquement modifiés (OGM) ; absence de réaction vigoureuse face à l’espionnage massif des Européens et de leurs institutions par la NSA ; report, sous la pression des lobbys de la chimie et des pesticides, d’une réglementation beaucoup plus stricte sur les perturbateurs endocriniens ; laxisme vis-à-vis des fraudes répétées des constructeurs automobiles sur les émissions d’oxyde d’azote et de CO2 ; et plus récemment renforcement du secret des affaires au détriment des lanceurs d’alerte…

En outre, si les droits des travailleurs, la protection de l’environnement et le développement durable sont omniprésents dans les discours des défenseurs du libre-échange, leur statut juridique est tout autre : le chapitre les concernant est le seul qui ne soit pas contraignant !

Le Ceta renforce-t-il la démocratie ?

Le Ceta et le projet de Tafta comprennent un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs privés et Etats.

Ils instaurent de fait une nouvelle juridiction supranationale, privée, parallèle, qui contourne les juridictions nationales et fédérales publiques. Toute entreprise peut y contester la décision d’une collectivité locale, d’un Etat ou de l’Union européenne, si elle considère que cette décision remet en cause ses bénéfices, présents ou à venir, et réclamer des millions voire des milliards d’euros de dédommagement. Cette menace permanente sur les Etats et leurs collectivités est une machine infernale à construire du moins-disant réglementaire et de l’impuissance politique.

Le Ceta instaure une nouvelle juridiction supranationale, privée, parallèle, qui contourne les juridictions nationales

Ce dispositif existe dans l’accord de libre-échange qui lie les Etats-Unis et le Canada. Il a été régulièrement attaqué par des firmes américaines – ou des filiales américaines de firmes canadiennes – pour ses décisions en faveur de la santé et de l’environnement. Comme le groupe canadien Lone Pine, qui utilise sa filiale dans l’Etat du Delaware (l’un des paradis fiscaux américains) pour attaquer la province du Québec. Les contribuables québécois se voient réclamer plus de 100 millions de dollars, car la Province a décidé d’un moratoire sur l’exploitation des gaz de schiste par fracturation hydraulique.

C’est à l’inverse la firme canadienne TransCanada, qui attaque les Etats-Unis et demande 15 milliards de dollars de dédommagement aux contribuables américains. Motif : la décision prise par Barack Obama en amont de la COP21 de bloquer le projet d’oléoduc Keystone XL permettant l’exportation des sables bitumineux et pétrole de schiste vers les raffineries et les ports des Etats-Unis !

Ce mécanisme crée une justice parallèle qui arbitre sur le seul fondement du droit commercial

Face à la contestation massive, la Commission a engagé des réformes de ce mécanisme qui sont comprises dans le Ceta. Elles réduisent les conflits d’intérêts qui touchent massivement les arbitres, sans que ces derniers ne deviennent pour autant des magistrats. Mais elles ne doivent toutefois pas faire illusion et nous faire prendre des couteaux de boucher pour des couteaux à beurre : qu’on l’appelle règlement des différends investisseur-Etat ou système juridictionnel sur l’investissement, ce mécanisme crée une justice parallèle qui arbitre sur le seul fondement du droit commercial. Sans une seule fois justifier l’utilité d’une telle rupture dans l’ordre juridique entre l’Europe et l’Amérique, sans qu’aucune étude économique n’ait réussi à démontrer de corrélation positive entre le mécanisme de règlement investisseur-Etat et les volumes d’investissement.

A travers ce dispositif, ce ne sont pas seulement les firmes canadiennes qui impacteront les politiques publiques européennes, mais aussi les 40 000 firmes américaines disposant de filiales au Canada. En 1998, pour ces raisons, Lionel Jospin, alors Premier ministre, avait mis fin à la négociation de l’accord multilatéral sur l’investissement.

Le Ceta accroît-il la puissance publique ?

La libéralisation des marchés publics est l’un des sujets majeurs des accords transatlantiques, puisqu’ils représentent autour de 17 % des produits intérieurs bruts (PIB) des pays concernés et échappent encore à l’hyperlibéralisation. En Amérique du Nord, les marchés publics sont beaucoup moins ouverts à la concurrence internationale que les marchés publics européens, les plus libéralisés du monde. Aux Etats-Unis, le « Buy American », le Small Business Act ou la préférence locale sont des piliers très consensuels tant au Congrès que dans les Etats fédérés de la gestion des marchés publics.

Depuis la grande dépression, les Etats-Unis ont fait des marchés publics un outil stratégique de politique économique, usant de la discrimination positive au profit des minorités, de secteurs stratégiques comme la sidérurgie et des PME locales. Au Canada, les autorités locales et nationales ont beaucoup utilisé la préférence géographique pour favoriser les entreprises locales. Ainsi, l’Ontario a privilégié les fournisseurs locaux d’énergies renouvelables pour favoriser l’emploi local dans sa politique de transition énergétique.

L’absurdité est ici de remettre en cause de chaque côté de l’Atlantique les forces des systèmes de marchés publics

De son côté, l’Union a choisi un modèle d’ouverture unique au monde. Mais, à l’inverse des Etats-Unis et du Canada, et grâce au travail du Parlement européen, les marchés publics européens peuvent intégrer des critères sociaux et environnementaux qui évitent que le seul critère du « moins cher » s’impose. L’absurdité est ici de remettre en cause de chaque côté de l’Atlantique les forces des systèmes de marchés publics plutôt que de les ajouter.

Confrontée à un déficit d’investissement et à un chômage massif, l’Union européenne devrait s’inspirer du modèle nord-américain pour établir un « Buy European Act » et accompagner les progrès réalisés en matière de prise en compte de critères de durabilité par une capacité à privilégier les PME et les entreprises locales.

Le Ceta, l’anti-Tafta ?

On l’a compris, ce sont nos espaces démocratiques qui sont au cœur des accords transatlantiques. Et ils en sortiront profondément abîmés. Lutte contre le dérèglement climatique, supervision bancaire et financière, élimination des paradis fiscaux, parité dollar-euro, souveraineté alimentaire, droits sociaux… rien de tout cela n’est à l’agenda.

La distinction très gaulliste ou opportuniste du gouvernement entre Tafta et Ceta n’est pas fondée. Il n’y a pas les méchants Yankees et les gentils Canadiens à l’accent si sympathique. Il y a de part et d’autre de l’Atlantique des citoyens et des collectivités locales qui tentent, dans une mondialisation souvent brutale, de conserver les capacités de décider de la vie et de la société que nous voulons. Et des Etats qui continuent d’abandonner aux firmes multinationales des pans entiers de souveraineté démocratique.

La distinction du gouvernement entre Tafta et Ceta n’est pas fondée. Il n’y a pas les méchants Yankees et les gentils Canadiens

Les Européens attendent de l’Europe qu’elle soit plus efficace. Mais celle-ci ne sera en mesure de contribuer à la régulation de la mondialisation qu’à la seule condition de se doter de politiques communes (économique, fiscale, industrielle, énergétique et bien entendu sociale). Faute de cette nouvelle étape d’intégration qui laisse l’Europe trop souvent divisée sur la scène internationale, ces accords de libre-échange déboucheront immanquablement sur une dilution du projet européen, comme de notre capacité à en construire un, spécifique, articulant de façon équilibrée les quatre piliers que sont la démocratie, le social, l’environnement et l’économie. La grande lessiveuse des négociations transatlantiques ne peut constituer l’horizon politique qui redonnera de la couleur à l’Europe.

Le président français commence à entendre les opinions publiques, tant mieux. Mais le vrai test de crédibilité de la parole présidentielle sera la signature – ou pas ! – par la France du Ceta, véritable cheval de Troie du Tafta. Alors, rupture ou imposture ?

merci à http://www.alterecoplus.fr/ et Yannick Jadot


TAFTA – Merci à Greenpeace

#TTIPleaks : le droit de savoir… à quelle sauce on veut nous manger

Greenpeace Pays-Bas dévoile aujourd’hui environ les deux tiers du texte confidentiel [EN] des négociations du traité de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis, confirmant les pires craintes sur ce qu’il recèle en termes de menace pour l’environnement et la santé et révélant la pression exercée par les négociateurs américains.

Projection des documents secrets sur le Reichstag, en Allemagne © Daniel Müller / Greenpeace
Projection des documents secrets sur le Reichstag, en Allemagne © Daniel Müller / Greenpeace

Le TTIP, c’est quoi ?

Depuis presque trois ans est négocié dans le plus grand secret le traité de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne, plus connu sous le nom de traité transatlantique ou encore TTIP ou TAFTA (Transatlantique Free Trade Agreement).

Ce traité est le plus grand accord commercial de tous les temps car ensemble, l’Union européenne et les États-Unis représentent près de 50 % du commerce mondial et près d’un tiers des échanges commerciaux mondiaux. Ce traité aurait des conséquences sur quasiment tous les secteurs de l’économie, de l’agriculture à l’industrie textile, en passant par les services (seul le secteur de la musique et du cinéma est exclu à la demande de la France). L’objectif est de supprimer tous les derniers obstacles aux échanges commerciaux entre l’Union européenne et les États-Unis (en nivelant par le bas les normes sanitaires et professionnelles, les réglementations environnementales, etc.) et de protéger les investissements étrangers en instaurant des tribunaux d’arbitrage indépendants des États, où ne pourra plus prévaloir l’intérêt général en cas de contentieux avec des grands groupes.

Le TTIP est censé générer de la croissance économique et créer de l’emploi. Mais à quel prix ?

Les organisations de la société civile d’un côté et de l’autre de l’Atlantique ne cessent d’alerter l’opinion publique sur les dangers que peuvent constituer ces négociations pour la protection des citoyens et pour notre environnement, au nom d’un hypothétique regain de croissance économique dont beaucoup d’experts doutent déjà.

Nos collègues de Greenpeace Pays-Bas ont réussi à se procurer une partie du texte négocié dans le plus grand secret, en dehors de tout débat démocratique. Ces documents, complexes et denses, représentent environ les deux tiers du texte du traité à l’ouverture en avril dernier du 13e cycle de négociation entre les États-Unis et l’Union européenne à New York. Ils recouvrent treize chapitres sur des questions allant des télécommunications aux pesticides, de l’alimentation à l’agriculture en passant par les barrières commerciales.

Quels risques sont d’ores et déjà identifiés ?

Ces documents confirment ce que les organisations de la société civile disent depuis longtemps : ce traité mettrait les intérêts des grandes entreprises au centre des processus de décision politiques et législatifs, au détriment des enjeux environnementaux ou de santé publique (vous trouverez nos premières analyses ici).

Quelques exemples:

  • – L’ancienne règle de la protection environnementale supprimée

La règle de l’« exception générale », vieille de 70 ans et consacrée par l’accord du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce signé en 1947) et par l’OMC, est absente du document. Ce principe permet aux nations de « réguler le commerce » pour « protéger la vie, la santé des humains, des animaux et des plantes ». Cette absence suggère la création d’un régime qui place les profits avant l’intérêt des citoyens.

  • – La lutte contre les changements climatiques mise à mal

Alors que l’accord de Paris sur le climat impose de ne pas dépasser 1,5 °C d’augmentation des températures pour protéger le climat, dans les documents révélés, les intérêts commerciaux ne semblent être soumis à aucune règle ni objectif de réduction des émissions de CO2. Pire, les mesures de réduction semble être entravées dans les chapitres sur la « coopération règlementaire » et sur « l’accès aux marchés » des biens industriels. Par exemple, la régulation des importations de carburants forts émetteurs de CO2, comme ceux issus des sables bitumineux, serait proscrite.

  • – Le principe de précaution oublié

Le principe de précaution tel qu’inscrit dans l’article 191 de la Constitution européenne, n’est mentionné dans aucun des treize chapitres révélés. En revanche, les États-Unis réussissent à insérer dans plusieurs chapitres leur approche du risque environnemental ou sanitaire qui consiste à « gérer » les substances dangereuses plutôt que de les éviter. Ceci saperait la capacité du régulateur à prendre des mesures préventives contre de telles substances, comme les perturbateurs endocriniens par exemple.

  • – Une mainmise des entreprises sur les grandes décisions

Tandis que la protection de l’environnement et de la santé est mise à mal, les grandes entreprises ont des possibilités d’accéder aux premiers stades des prises de décision. L’Union européenne s’est bien cachée dans son dernier rapport rendu public (The Twelfth Round of Negotiations for the Transatlantic Trade and Investment Partnership) de mentionner la forte influence des industriels, alors que dans les documents “fuités” il est fait mention explicitement du besoin de les consulter.

La mobilisation de la société civile et de l’opinion publique

En avril, ils étaient des dizaines de milliers à Hanovre, à l’occasion du nouveau round de négociations et de la visite en Europe de Barack Obama, à scander : « Yes, We Can… Stop TTIP ! ». Ils représentent une petite frange des 3,5 millions de citoyens européens qui ont déjà signé la pétition contre le TTIP. Une dernière étude en la matière montre que moins de 20 % des citoyens allemands (17 %) et américains (18 %) voient encore le TTIP comme une bonne chose pour leur pays.

Mobilisation contre le TTIP à Hanovre © Michael Loewa / Greenpeace
TTIP à Hanovre © Michael Loewa / Greenpeace

En France le collectif Stop Tafta est mobilisé sur ce sujet depuis le début. Nul doute que les dernières révélations de Greenpeace vont amplifier le mécontentement contre ce texte et bloquer les négociations.

Et maintenant?

Les textes dévoilés par Greenpeace Pays-Bas doivent servir à montrer que l’intérêt général n’a jamais été aussi menacé et que les négociations en cours auront des impacts catastrophiques sur nous tous. Il faut mettre un terme à la privatisation de l’exercice du pouvoir par des intérêts privés qui cherchent uniquement leur profit, au détriment de l’intérêt général.

En publiant ces documents, Greenpeace appelle tous les responsables politiques européens, les parlementaires et les organisations de la société civile à les lire et à s’en saisir, tant les conditions de consultation étaient jusqu’alors restreintes. Nous n’avons pu analyser que les parties qui couvrent nos domaines d’expertise et grâce aux décryptages à venir des autres acteurs, cette publication permettra enfin à des millions de citoyens de mieux comprendre ce qui se négocie en leur nom. En l’état actuel, ce texte graverait dans le marbre un gigantesque transfert de pouvoir démocratique vers les multinationales. Il est temps d’ouvrir le débat et de mettre un terme à ces négociations.

*****
Soutenez la pétition pour protéger celles et ceux qui prennent des risques pour notre démocratie !


Un avant goût de TAFTA. Deux compagnies minières nord-américaines réclament 16,5 milliards …

Accord de libre échange : Sacrifiez l’or, pas les forêts !

Un puma faisant le guet sur une branche en Amérique

Le Parc national Yaigojé Apaporis est foyer de sept peuples indigènes et d’une riche biodiversité ( © Appfind / iStock )

Un avant goût de TAFTA. S’appuyant sur un accord de libre échange conclu par les États-unis, deux compagnies minières nord-américaines réclament 16,5 milliards de dollars à la Colombie en compensation de son refus de les laisser exploiter l’or à l’intérieur d’un Parc national protégé. Stop aux tribunaux privés d’arbitrage !

Le 27 octobre 2009 est une date importante pour sept peuples indigènes de l’Amazonie colombienne. Ce jour-là, leur territoire de Yaigojé Apaporis obtient le statut de Parc national. À leur demande, la Colombie décide de protéger plus d’un million d’hectares de forêt tropicale, entre autres de l’exploitation massive de leurs ressources naturelles.

Problème : deux jours plus tard, la compagnie minière canadienne Cosigo Ressources reçoit de l’Institut géologique national Ingeominas une concession d’exploitation aurifère à l’intérieur de la nouvelle aire protégée. Et veut à tout prix faire valoir le permis qu’elle n’aurait jamais du recevoir…

S’ensuit un long combat juridique. Toutes les démarches de l’entreprise auprès des tribunaux colombiens échouent. En 2015, la Cour constitutionnelle rejette définitivement sa requête en refusant l’exploitation aurifère à l’intérieur du Parc national Yaigojé Apaporis.

Les traités commerciaux ne doivent pas porter atteinte à la souveraineté des États !

Mais Cosigo Ressources n’abdique pas. Et s’appuie sur l’Accord de libre échange existant entre la Colombie et les États-unis qui permet aux entreprises de demander, via un tribunal privé d’arbitrage, des compensations aux pays dont l’application des lois – sociales ou environnementales par exemple, nuit à leurs profits.

Le 19 février 2016, Cosigo Ressources et la société étasunienne Tobie Mining and Energy déposent une plainte auprès du tribunal privé de Houston au Texas (American Arbitration Association). Les entreprises réclament à la Colombie une compensation équivalente à la valeur estimée du gisement d’or qu’elles avaient l’intention d’exploiter, soit 16,5 milliards de dollars !

Demandons aux États-unis, au Canada et à la Colombie de rayer les tribunaux privés d’arbitrage de leurs Accords de libre échange.


TAFTA / TTIP : Triple non

Dans les conditions actuelles, le projet de traité de libre-échange transatlantique est inacceptable.

Le gouvernement français et la Commission européenne doivent opposer à cette tentative obsessionnelle, dogmatique et dangereuse un triple non.

Non au secret hallucinant qui entoure cette affaire. Certes, on comprend qu’au final l’accord, s’il fait son chemin, devrait être accepté par les gouvernements et les Parlements élus. Mais au nom de quoi les citoyens d’Europe, directement concernés, devraient-ils rester dans l’ignorance de tractations sur lesquelles ils doivent légitimement peser avant qu’on arrive à un projet définitif ?

Non à l’abaissement des normes sanitaires et environnementales qui seront l’inévitable résultat d’un compromis avec une puissance mondiale moins exigeante que l’Europe sur ces chapitres.

Non à cette disposition extravagante qui mettrait les Etats démocratiques à la merci de décisions rendues par des instances privées ne possédant ni représentativité ni légitimité et n’obéissant qu’à leurs propres préjugés libre-échangistes, en dehors de toute considération sociale ou écologique. Faut-il rappeler qu’une instance de ce genre a condamné le gouvernement australien parce qu’il avait édicté des normes antitabac qui contrariaient les intérêts d’une multinationale ? Chacun sait, évidemment, que le développement du commerce mondial est un facteur de croissance, que la spécialisation des économies accroît l’efficacité de la production et qu’il vaut mieux, dans beaucoup de cas, importer un produit qu’on ne sait pas fabriquer soi-même à un coût satisfaisant. Mais cette loi de base de l’échange présente aussi de graves inconvénients quand elle aboutit à dégrader les normes, à sinistrer des régions entières ou bien à accorder aux grandes compagnies des pouvoirs exorbitants.

Alors non.

Laurent Joffrin/ Libération


Non, le « nouveau » TAFTA ne met pas fin aux privilèges des investisseurs étrangers

Manifestation contre le Tafta/Ttip à Madrid en octobre 2015/ Marcos del Mazo / Pacific Press/ZUMA/REA

La Commission européenne s’apprête à entamer un 13e round de négociations avec les Etats-Unis, avec le faible espoir de parvenir à un accord sur un partenariat transatlantique (TAFTA) avant la fin du mandat du président Obama. Une fois encore le chapitre investissement devrait faire l’objet de discussions houleuses. Les droits spéciaux conférés aux investisseurs étrangers à travers le mécanisme de règlement des différends investisseurs-Etats (aussi appelé ISDS) ont cristallisé l’opposition publique au sujet du TAFTA.

Des firmes avec moins de pouvoir ?

Face à un tel tollé, la commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström, a reconnu que « l’ISDS est désormais l’acronyme le plus toxique en Europe ». Au cours de l’automne 2015, ses services ont lancé une soi-disant nouvelle approche sur la protection des investissements – le système juridictionnel des investissements (ICS) – qui devrait s’appliquer à tous les futurs traités commerciaux négociés par l’Union européenne. Un des arguments majeurs en faveur du nouveau système est qu’il garantirait aux gouvernements la marge de manœuvre nécessaire pour légiférer dans l’intérêt public.

Pour la Commission, les entreprises ne pourraient plus contester les politiques environnementales ou de santé

La Commission n’a eu de cesse de répéter que les entreprises ne pourront plus entamer des procédures contre des gouvernements qui appliquent des politiques publiques pour la protection de la santé et de l’environnement – un argument qui a convaincu une large frange de représentants politiques européens. Le député David Martin, porte-parole du groupe social-démocrate au Parlement européen, a félicité la Commission pour un changement de politique majeur et une victoire pour les valeurs progressives : « En résumé, l’ISDS est mort ».

L’environnement et la santé toujours sous le feu des entreprises

Une analyse de fond de la proposition, réalisée par cinq organisations de la société civile, révèle cependant un tout autre tableau. Une nouvelle étude passe au peigne fin cinq des cas d’arbitrage récents les plus controversés; elle révèle que chacune des procédures examinées – qui concernent toutes des mesures de protection de la santé publique et de l’environnement – pourraient être initiées sous le nouveau système. Parmi les exemples figurent notamment le cas de Philip Morris contre l’Uruguay suite à l’introduction d’avertissements sur les paquets de cigarettes ; le cas de Transcanada contre les Etats-Unis suite à l’annonce du rejet de l’oléoduc Keystone XL par le Président Obama par préoccupation pour le changement climatique ; ou encore le cas Lone Pine initié contre le Canada suite à l’extension d’un moratorium de précaution sur la fracturation hydraulique au Québec.

Les clauses de protection restent trop floues pour empêcher les plaintes des multinationales

La raison pour laquelle de tels cas restent d’actualité avec la nouvelle proposition européenne est que celle-ci est basée sur des clauses de protection, générales et très mal définies, facilement utilisables par les investisseurs. Rien dans le texte n’empêche ni les entreprises de mettre en cause des mesures visant à protéger la santé et l’environnement ni les arbitres de décider en faveur des investisseurs. En réalité, ce sont bien les gouvernements qui devront prouver que les mesures d’intérêt public sont « nécessaires » et répondent à des objectifs « légitimes » face aux attaques des investisseurs – lesquelles seront interprétées par des arbitres avec des obligations éthiques faibles, et non pas des juges publics, comme l’affirme la Commission européenne.

Loin de protéger le droit de légiférer des gouvernements, cette proposition étend les privilèges des investisseurs

Loin de protéger le droit de légiférer des gouvernements, cette proposition ne ferait qu’étendre un peu plus la portée des privilèges dont bénéficient les investisseurs aux dépens d’objectifs d’intérêt public et de l’argent des contribuables. Il est temps pour la Commission européenne d’abandonner sa tentative de relookage et de revoir fondamentalement son approche sur le commerce et l’investissement.

Natacha Cingotti, chargée de campagne commerce, Amis de la Terre Europe et Lora Verheecke, chercheuse et chargée de campagne commerce, Corporate Europe Observatory.


Les Néerlandais réclament désormais un référendum sur le TTIP

 

Exclusif. Les électeurs néerlandais demandent un référendum sur le partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP), laissant ainsi planer le doute sur l’avenir de l’accord de libre-échange USA-UE.

Neuf jours après le référendum sur l’accord d’association UE-Ukraine, lors duquel les Néerlandais ont voté non, 100 000 citoyens ont signé une pétition pour réclamer un référendum sur le TTIP. 300 000 signatures sont nécessaires pour organiser un vote non contraignant sur le sujet, comme ce fut le cas pour le plébiscite sur l’Ukraine.

Le parti socialiste encourage l’organisation d’un référendum. Fondé en 1977 en tant que « parti communiste des Pays-Bas/marxiste-léniniste », le parti a remporté 15 des 150 sièges du Parlement néerlandais lors des élections de 2012, ce qui équivaut à seulement 910 000 votes.

Son porte-parole, Jasper Van Dijk, a déclaré à EurActiv que le référendum sur l’Ukraine avait donné de la dynamique à la campagne. Les ONG anti-TTIP ont lancé l’idée, qui a suscité l’intérêt de l’opinion publique, a-t-il expliqué.

Une fois que le TTIP sera finalisé, tous ceux qui ont signé la pétition recevront un email pour faciliter le processus menant à un vote national sur l’accord. « C’est ce que nous souhaitons. Nous sommes favorables à un référendum sur le TTIP », a-t-il déclaré.

Les négociateurs américains et européens sont engagés dans une course pour finaliser le TTIP avant que Barack Obama ne quitte son poste en janvier 2017. Donald Trump, le favori républicain, et Bernie Sanders, en lice du côté des démocrates, ont tous deux exprimé des réserves vis-à-vis de l’accord commercial.

Même si un accord est conclu après quatre années d’âpres négociations, le traité devra être ratifié par le Parlement européen et par les parlement des 28 États membres de l’UE pour entrer en vigueur. Ainsi, un référendum néerlandais sur le sujet, bien que « consultatif » et non contraignant, pourrait pousser les eurodéputés à refuser l’accord.

Euroscepticisme

Les militants britanniques faisant campagne pour rester dans l’UE lors du référendum du 23 juin, invoquent les bénéfices économiques du TTIP et soutiennent que le Royaume-Uni ne pourrait pas négocier un tel accord seul.

Lors du référendum du 6 avril, deux tiers des électeurs néerlandais ont rejeté l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine lors d’un scrutin perçu comme un indicateur de l’engagement des Pays-Bas envers l’UE, et un avant-goût du résultat du Brexit.

À l’issue du vote, Margaritis Schinas, porte-parole de la Commission européenne a déclaré que Jean-Claude Juncker – qui avait mis en garde contre les « graves conséquences d’un refus » – était « triste » du résultat.

Le TTIP est une priorité pour la Commission, qui négocie avec les États-Unis au nom des gouvernements européens, et pour le Premier ministre britannique, David Cameron, qui a promis en 2014 de mettre les bouchées doubles pour conclure le pacte.

La menace des électeurs néerlandais risque d’être un argument repris par les eurosceptiques britanniques voulant quitter l’UE. Or, les États-Unis ont déclaré ne pas vouloir d’un accord commercial bilatéral avec le Royaume-Uni.

En juillet 2015, nouveau coup dur pour l’UE, touchée par la montée des partis eurosceptiques : les Grecs ont voté « non » au programme de renflouement.

En 2005, les Néerlandais avaient déjà massivement rejeté la Constitution européenne. Sur 63,3 % de participation, 61,6 % des électeurs ont voté contre. Depuis, une nouvelle loi a été adoptée pour permettre la tenue d’un référendum non contraignant sur n’importe quel sujet si 300 000 signatures sont collectées.

Aucun vote sur le TTIP ne peut être officiellement demandé avant que l’accord USA-UE ne soit finalisé. Toutefois, 100 000 personnes ont déjà signé une pétition demandant l’organisation d’un référendum sur le TTIP.

450 000 Néerlandais ont réclamé un vote sur le plus obscur accord UE-Ukraine, le tout premier « référendum du peuple ».

Un tel scrutin peut être ignoré sur le taux de participation est de moins de 30 %. Lors du vote sur l’Ukraine, 32,2 % des Néerlandais se sont rendus aux urnes, et 61 % d’entre eux ont voté contre l’accord d’association.

Le TTIP, accusé d’opacité, d’abaisser les normes environnementales, de forcer les Européens à manger du poulet chloré, entre autres, entrainera un taux de participation plus élevé que le dernier scrutin, assure les militants.

Coût potentiel

La Commission européenne estime qu’un accord « ambitieux » sur le TTIP augmenterait la taille de l’économie européenne d’environ 120 milliards d’euros (soit 0,5 % du PIB) et celle de l’économie américaine de 95 milliards d’euros (0,4 % du PIB).

Le TTIP ayant été entaché de plusieurs polémiques, des deux côtés de l’Atlantique, mais surtout en Europe, la Commission a lancé des initiatives de transparence et des offensives de communication pour essayer de calmer les peurs. Mais l’opposition est féroce dans l’UE, notamment au Royaume-Uni, en France et en Allemagne.

>> Lire : La consultation publique sur le TTIP mobilise les foules

Le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, permettant aux multinationales de poursuivre les gouvernements devant des tribunaux internationaux, suscite particulièrement la controverse en UE, et surtout chez les eurodéputés, qui devront aussi se prononcer sur l’accord.

Face à l’indignation du public, la Commission s’est vue contrainte de proposer la création d’un tribunal d’investissement public.

La proposition n’a pas encore été acceptée par les États-Unis, qui émettent des réserves sur le sujet, mais les discussions se poursuivent. Il est peu probable que ces questions soient résolues avant l’étape finale des négociations.

Contexte

La Commission européenne estime qu’un accord « ambitieux » sur le TTIP augmenterait la taille de l’économie européenne d’environ 120 milliards d’euros (ou 0,5 % du PIB) et celle de l’économie américaine de 95 milliards d’euros (0,4 % du PIB). Économiquement, le TTIP bénéficiera aux consommateurs en leur proposant des produits moins chers, assure la Commission.

Selon une étude du centre pour la recherche en politique économique, un foyer moyen de 4 personnes verra ses revenus nets augmenter d’environ 500 euros par an, grâce aux effets combinés de hausse des salaires et de réduction des prix.

Toutefois les polémiques ne cessent de prendre de l’ampleur sur l’opacité des négociations, l’abaissement des normes environnementales et le fait que les gouvernements seraient à la merci des poursuites engagées par les multinationales.

En 2015, pendant sa campagne de réélection, le Premier ministre britannique, David Cameron, a promis de renégocier les conditions d’adhésion du pays à l’UE et d’organiser un référendum pour que les Britanniques décident s’ils souhaitent rester dans l’union ou en sortir.

Après un sommet lors duquel il a obtenu des concessions des 27 autres États membres, David Cameron a confirmé qu’il ferait campagne pour que le Royaume-Uni ait un avenir européen.

Prochaines étapes

  • 25 avril : 13ème cycle des négociations autour du TTIP.
  • 7 juin : Fin des primaires américaines.
  • 23 juin : Référendum sur le Brexit.
  • Fin 2016 : Date limite de signature du TTIP.
  • Janvier 2017 : Barack Obama quitte ses fonctions.

source : https://www.euractiv.fr


Le Traité UE/CANADA (Ceta/Aecg) : un accord néfaste pour les Canadiens

Les syndicats canadiens affiliés à l’Internationale des services publics (ISP), une fédération internationale qui représente 20 millions de travailleurs partout dans le monde, sont vivement opposés à l’Accord économique et commercial global (AECG) Canada-UE, en dépit des changements apportés récemment aux dispositions sur les investissements.

L’AECG était un point important à l’ordre du jour de la réunion des affiliés nord-américains de l’ISP, qui s’est tenue les 3 et 4 mars 2016 à Ottawa. L’AFPC était l’hôte de la réunion.

« Nous voulons nous assurer que les syndicats et parlementaires européens comprennent qu’à notre avis, l’AECG demeure une mauvaise entente, car elle donne aux sociétés étrangères le pouvoir de contourner les tribunaux nationaux et de poursuivre les gouvernements s’ils croient qu’une décision relative aux politiques publiques pourrait nuire à leurs profits », a déclaré Robyn Benson, présidente nationale de l’AFPC.

« L’AFPC continuera de travailler avec les autres syndicats canadiens du secteur public afin de mobiliser la population contre les dispositions nuisibles de l’AECG, car celui-ci risque de préparer le terrain à d’autres accords comme le PTCI et le PTP, a-t-elle ajouté.

Lors de cette rencontre, coprésidée par Robyn Benson, les affiliés nord-américains de l’ISP et des représentants des secteurs publics ont présenté leurs rapports et parlé d’enjeux importants, comme la syndicalisation, les droits des travailleuses et travailleurs et la lutte contre la privatisation.

Problèmes liés à l’AECG

  • Les sociétés étrangères exerceraient un pouvoir sans précédent pour contourner les tribunaux nationaux et pourraient poursuivre notre gouvernement si une décision relative aux politiques publiques les empêchait de générer des bénéfices.
  • Le coût des produits pharmaceutiques augmenterait de 1 milliard de dollars par année.
  • Il serait plus compliqué de remédier aux privatisations infructueuses dans des secteurs comme la santé, l’eau ou l’énergie ou d’élargir les services publics à l’avenir.
  • Les droits des provinces, des municipalités, des écoles et des hôpitaux seraient limités pour optimiser le rendement de leurs dépenses en favorisant l’achat de biens et de services locaux.

Rappel

  • Le Canada est le pays développé qui fait l’objet du plus grand nombre de poursuites en vertu des règles actuelles encadrant les droits des investisseurs de l’ALÉNA.
  • Nous avons déjà versé plus de 200 millions de dollars à des sociétés

Une préfiguration des conséquences du TAFTA : les cliniques privées contre l’hôpital public de Roubaix

Une préfiguration des conséquences du TAFTA : les cliniques privées contre l'hôpital public de Roubaix

Le mardi 19 avril à 18h30 aura lieu un débat important à Roubaix (théâtre Pierre de Roubaix, 78 boulevard de Belfort à Roubaix).

L’affaire est peu banale. Une fédération de cliniques privées a décidé d’attaquer en justice l’hôpital public.

Sur quelles bases ? Tout simplement parce que l’hôpital reçoit des fonds de l’Etat pour assurer les urgences et l’accueil des populations en souffrance.

La fédération des cliniques réclame les mêmes montants, évidemment sans avoir l’intention d’assurer les mêmes prestations.

On est là devant une préfiguration de ce que pourrait donner les Accords de libre échange (Tafta, Ceta). En d’autres termes, c’est du Tafta avant la lettre, où n’importe quelle entreprise privée pourrait attaquer un service public pour entrave à ses profits.

Pour nous informer, Bernard Deleu, de l’UPC (Université Populaire et Citoyenne de Roubaix), sera accompagné de syndicalistes CGT et SUD Santé sociaux de l’hôpital, avec le témoignage d’une salariée de l’hôpital de Roubaix.

Le débat est organisé par Attac Métropole, l’Université Populaire et Citoyenne de Roubaix et les Retraités Solidaires. Il s’inscrira évidemment dans le cadre de la défense des services publics comme outils de solidarité et boucliers contre la cupidité des entreprises privées et des multinationales.

L’association « Pour Politis » sera présente.


On achève bien les chevaux…, pourquoi pas les agriculteurs ?

Pour les énarques et les commissaires européens : « tout est possible, tout est réalisable, c’est le jeu de la vie »…, à grands renforts de directives, d’ouvertures à la concurrence (faussée), toujours selon les bons vouloirs et l’aval des USA, sans oublier la servilité déconcertante de nos représentants-négociateurs-bradeurs.

« document écrit avec respect pour tous ceux qui ont perdu leur âme de paysan (contraints et forcés), et avec irrévérence envers ceux qui ont accepté toutes les compromissions avec les instances bruxelloises et se sont rendus coupables-complices d’une stratégie destructrice, non encore pleinement aboutie… »

Afin d’en comprendre la finalité, un peu d’histoire et quelques chiffres pour les français, dont les deux tiers de leurs grands-parents et famille proche travaillaient aux tâches de la terre.

 

1)- Population vivant de l’agriculture :

en 1900 : 16 Millions (dont 8.2 Millions d’actifs) sur 39 Millions d’habitants.

en 1954 : 9.5 Millions (dont 5.1 Millions d’actifs) sur 42.8 Millions d’habitants.

en 1968 : 7.3 Millions ( dont 3 Millions d’actifs) sur 49.8 Millions d’habitants.

en 2000 : 3 Millions (dont 1.3 Millions d’actifs) sur 60 Millions d’habitants

en 2015 : 1.8 Million (dont 850.000 actifs) sur 66.6 Millions d’habitants

2)- Le nombre d’exploitations :

en 1900 : 2.9 Millions

en 1954 : 2.3 Millions

en 2000 : 665.000

en 2015 : 490.000

200 fermes disparaissent actuellement chaque semaine en France et depuis 1950, 3% ont disparu en moyenne chaque année, signifiant en avoir divisé le nombre par 5 depuis cette dernière date .

Les surfaces moyennes par exploitation ont évoluées de la façon suivante :

en 1900 : 9.5 Ha

en 1954 : 14.8 Ha

en 2000 : 66 Ha

en 2015 : 78 Ha

Il est à noter que les exploitations céréalières mettent en valeur 116 Ha en moyenne.

3)- La SAU (Surface Agricole Utilisée) :

Surface en baisse continue : en 1954 elle constitue 70 % du territoire pour ne représenter en 2015 que 52 % (soit 29 Millions d’Ha, dont environ 1 million en jachère). Il est à noter que la tendance s’accélère au rythme de 220 Ha perdus chaque jour depuis 2014.

4)- Les traités règlementaires :

Issue du traité de Rome en 1957, la PAC a été mise en place progressivement à partir de 1964. cet accord avait une orientation résolument « productiviste et protectionniste », en opposition avec les intérêts du GATT et de l’OMC, ce qui, par conséquent, ne pouvait être pérenne.

Dès sa mise en place, les sociétés plurinationales américaines organisèrent en catimini les handicaps au bon fonctionnement de l’Europe agricole, et notamment lors d’une réunion secrète le 11 juin 1965 au Département d’Etat américain avec Monsieur Jean Monnet et Robert Marjolin (vice président de la CEE à l’époque) : les éléments de cette réunion occulte, qui avait trait à l’organisation de la zone Euro, (avec l’aval de l’oncle Sam, of course…), ont été déclassifiés et consultables en 2000.

l’Agriculture en France étant un secteur stratégique, (puisque terre d’excellence gastronomique, terre de savoir-faire et de savoir-vivre), on comprend la réaction du grand Charles de Gaulle à l’issue de cette réunion :

« Quant à cette Commission, elle doit disparaître. Je ne veux plus d’Hallstein. Je ne veux plus de Marjolin. Je ne veux plus jamais avoir à faire à eux. […] Je ne veux plus que le gouvernement français ait affaire à ces types-là. […] Le problème, c’est toute cette mafia de supranationalistes, qu’ils soient commissaires, parlementaires ou fonctionnaires. Ce sont tous des ennemis. Ils ont été mis là par nos ennemis. » (extrait de « C’était de Gaulle », Alain Peyrefitte, Fayard, Tome II, pp.290-291)

François Mitterrand non plus ne s’y était pas trompé, et déclarait en substance dès son élection : « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs les américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, une guerre à mort. »

Le ver était dans le fruit dès 1965 et les USA, depuis lors, avec des actions constantes de lobbying à Bruxelles et souvent l’appui des britanniques au sein même du Parlement Européen , n’ont eu de cesse de complexifier les rapports entre membres de l’Union Européenne agricole (les PAC successives revisitées), pour atteindre le summum avec le prochain traité TAFTA – Trans-Atlantic Free Trade Agreement *, (toujours en cours de négociation), selon le même processus étatsuniens non démocratique : « sous le sceau du secret ».

* aussi connu sous le nom de TTIP, (Transatlantic Trade and Investment Partnership)

Rappelons-nous également que les USA, non pas par grandeur d’âme, mais conformément à leur ADN hégémonique et affairiste, dès 1941 avaient mis sur pied l’organisation de l’après-guerre sous toutes ses formes pour notre beau pays (y compris l’agriculture), en voulant imposer un statut de « protectorat » qui aurait été régi et dirigé par 6.000 hommes, prêts et formés sous la bannière de l’AMGOT (l’Administration Militaire Alliée des Territoires Occupés), en imposant par ailleurs le dollar dans tous les territoires libérés. C’est grâce au GPRF (Gouvernement Provisoire de la République Française), sous l’égide du général de Gaulle, ayant refusé cette « fausse monnaie » et extrêmement soupçonneux des réelles intentions prédatrices américaines, que la France a échappé à cette colonisation.

La situation en 2016

Le premier objectif consiste à retirer toute souveraineté à chaque membre de l’UE pour ses productions agricoles (mais aussi industrielles), en appliquant la doxa productiviste néo-libérale, réputée sauver la planète ! (relayée complaisamment par la Commission de Bruxelles, la FNSEA, les Chambres d’agriculture, le Crédit Agricole, la MSA, sans oublier les Lycées agricoles et les très dévoués Journalistes de gouvernement !…).

Dans ce jeu de Go, les intérêts se jouent et s’opposent entre 4 acteurs principaux : le « contribuable », « l’agriculteur », « l’UE » et « le consommateur ».

Les lobbyistesd’affaires s’appuient astucieusement sur l’industrie agro-alimentaire et la grande distribution pour « séduire » le consommateur avec des prix bas attractifs. l’UE adosse ses subventions aux impôts contributifs de chaque Etat membre pour calmer avec parcimonie les agriculteurs, en les rendant toutefois de plus en plus dépendants, mais en ne manquant pas hypocritement de sanctionner les Etats qui tentent de soutenir les paysans par des aides spécifiques d’urgence.

La grande distribution multinationale (Wal-Mart, Costco, Carrefour,…) en rajoute une couche, aux fins de réaliser des marges bénéficiaires maximales, en imposant des prix bas à l’achat, des marges arrières, des standards liés au marketing, etc… écrasant littéralement les marges propres aux fournisseurs des matières premières, à savoir les agriculteurs. Le chiffre d’affaires des 10 premiers groupes mondiaux de distribution représente 30 % de l’ensemble des ventes des 250 premiers groupes, expliquant le poids considérable et démesuré dans les négociations avec les producteurs agricoles. Par voie de conséquence, vous pouvez aisément imaginer les rôles respectifs et les influences tactiques de chacune des parties dans la négociation TAFTA en cours (le 12ème cycles ayant commencé le 18/02/2016).

 

Le grand ordonnateur spéculateur… « Le Marché », prend en compte tous ces éléments pour définir les prix à la vente et à l’achat, et on connaît d’entrée de jeu, lesquels parmi les acteurs cités seront les gagnants (l’agro industrie, la grande distribution et les consommateurs) et les perdants (les agriculteurs).

Qu’importe pour les fonctionnaires bruxellois de l’UE « non élus » si tout ce circuit monétaire agricole constitue comptablement une affaire blanche, en rapprochant par exemple pour 2013 le revenu « net » de la branche agricole (9,5 Milliards €) avec celui des subventions (9 Milliards €). Le revenu du travail serait « nul » sans les aides aux agriculteurs et aux produits, démontrant que le travail de l’agriculteur est « complètement absent » dans les prix à la production !.. une aberration de plus.

Pour un agriculteur responsable, comment concilier des paramètres contradictoires ciblés par les mégas superstructures administratives de Bruxelles, tout en ne gagnant rien ?.. lesquels « oligarques-experts-capitalistes-mondialistes-anglo yankees » récitent leur credo en faveur d’une agriculture européenne « plus propre et plus concurrentielle », une agriculture « ouverte sur le monde » tout en étant « très réglementée », une agriculture avec de fortes règles en matière sociale, environnementale et de sécurité alimentaire, une agriculture « solidaire des pays en développement » et en mesure de relever le défi des agrocarburants !…, au seul profit de « l’Industrie » agro-alimentaire, en zappant au passage dans leur raisonnement lié à ce nouvel eldorado les 7,5 milliards de bouches à nourrir.

Le second objectif s’ingénue à translater TOUT le monde paysan « autonome » (dans l’UE comme dans les pays du tiers monde) sur le vaste échiquier de « l’Agro-Business », dont les rouages sont contrôlés mondialement par la pétrochimie, la finance, et la grande distribution : l’agriculteur, dans ces conditions, ne servant que le rôle de simple pion pour le roi « Marché ». A l’image des mythologies anciennes, pour satisfaire la soif des dieux, il doit être consenti régulièrement des « sacrifices »… les normes, les règles, les lois du marché correspondent aujourd’hui aux croyances païennes de l’époque ancestrale. Plus proche de nous, le moyen-âge avait sa cohorte de cerfs et de gueux au service de sa seigneurie…, le modèle idéal dont rêve les Ukases de Washington et de Bruxelles pour demain ?

Curieusement, depuis quelques années, des attaques bactériologiques d’origine indéterminée ciblent l’Europe (grippe aviaire du poulet, bactérie Eceh du concombre espagnol, virus de l’hépatite du canard…), avec des erreurs de diagnostic reconnues à posteriori, mais qui cause des pertes considérables en terme financier aux éleveurs et maraîchers concernés, voire leur disparition progressive par dépôt de bilan. A qui peut profiter cette déstabilisation : au Marché ? aux producteurs concurrents hors UE ? aux spéculateurs financiers ? à la grande distribution ?… en aucun cas aux agriculteurs. Selon l’ONG internationale OXFAM, une nouvelle guerre est à redouter, elle concernerait les ressources pour l’alimentation, face à l’augmentation exponentielle de la démographie mondiale projetée jusqu’en 2030 et les perspectives de doublement du prix des céréales à cette date.

Après avoir dépossédé la France des prérogatives souveraines pour sauver sa paysannerie, TAFTA va se charger de la mise à mort des derniers bastions récalcitrants, en douceur et en profondeur, « à l’insu de notre plein gré » comme disaient certains, puisque tout se passe « hors circuit démocratique ». Ce traité transatlantique, (s’ajoutant à la crise actuelle des migrants…) est un fusil à deux coups, car non seulement il inféodera le système productif agricole de chaque pays, mais il met déjà le feu à la cohérence de l’Union Européenne toute entière, ce qui n’est pas pour déplaire à l’oncle Sam.

 

Les « experts pro-atlantistes » en négociation depuis de nombreuses années pour ce traité transatlantique TAFTA, qui sont-ils ? 

1)- les vassaux des géants de l’agro-alimentaire : Cargill, Coca Cola, PepsyCo, Kellog’s, General Mills, Kraft Foods, Mars International, Procter & Gamble (les 8 faisant tous partie du Top 12 mondial).

Il est intéressant de signaler que Cargill (N° 1 mondial) avec 120 Milliards $ de CA par an et 160.000 « employés », avance masqué, toujours en toute discrétion, et modifie sans attirer l’attention, selon ses propres besoins, la législation des pays occupés (67) !.. vive la démocratie.

Par ailleurs, infiltrée au sein de l’Europe, la société Mondelez International du groupe Kraft Foods, (dont le siège mondial est à Chicago), occupe une position de choix pour jouer le rôle du cheval de Troie au profit des USA.

https://www.oxfamfrance.org/communique-presse/face-cachee-des-marques/dix-geants-lagroalimentaire-negligent-droits-millions

2)- les vassaux des géants semenciers : Monsanto, Dupont, Land O’ Lakes (tous US) font partie du Top 5 mondial de la catégorie. Les bienfaits de Monsanto (16 Milliards $ de CA par an) sur le productivisme sont-ils encore à démontrer ?… mais qu’en est-il pour la santé, suite à l’utilisation de PCB, DDT, Roundup, agent orange, semences OGM (Terminator), hormones de croissance (rBGH) ?,… silence, on produit.

Qu’avons-nous comme négociateur européen à opposer à cette machine de guerre redoutablement efficace dans les négociations TAFTA ? Pierre Moscovici !.. un commissaire européen issu du monde « bisounours », avec une effarante passivité, plus enclin à communiquer qu’à agir, complètement déconnecté des conséquences sanitaires d’un tel traité, se cantonnant dans des positions philosophiques du genre  » je suis persuadé que c’est un accord gagnant-gagnant, possiblement (…) Si ça fonctionne bien, c’est une opportunité d’exportation formidable vers un très grand marché, qui, aujourd’hui, est fermé « . Il est pitoyable de constater que des raisonnements de ce type n’empêcheront pas nos agriculteurs de souffrir encore plus, en aggravant leur situation financière face aux importations sauvages (et bradées) de boeufs et oeufs hormonés, céréales aux OGM, poulets chlorés, porc à la ractopamine.

A ce dernier sujet, le géant US de l’industrie porcine « Smithfield » a depuis 10 ans, contribué au dumping sur le marché européen et aux crises que l’on connaît, en signant des contrats joint-venture avec des entreprises polonaises et roumaines notamment, tout en profitant d’importantes subventions de Bruxelles pour installer des porcheries-usines avec abattoirs intégrés, et se félicitant de la chute du prix de détail au profit des consommateurs (- 20 % en 10 ans),,… et de ses dividendes astronomiques.

https://www.grain.org/fr/article/entries/5141-les-lois-semencieres-qui-criminalisent-les-paysannes-et-les-paysans-resistances-et-luttes

3)- les vassaux des géants de la grande distribution : Walmart (476 Milliards $ de CA par an), Costco, Carrefour, Schwarz, Tesco, … les USA représentant 5 des 10 premiers groupes mondiaux (voir tableau ci-après).

Ces trois groupes ont réinstauré le « collectivisme moderne », avec pléthore d’employés dans le monde entier (des millions), et sont par voie de conséquence peu enclins à la sensiblerie en matière humaine ou sociale. Alors, pour ce qui concerne les termes du traité TAFTA, qui entraînera le monde agricole vers des Cours d’arbitrage privées ayant la capacité de pénaliser des Etats, bon courage à nos Moscovici et consorts… quant aux organisations syndicales, elles brillent en grande majorité par leur absence d’argument en faveur des petites et moyennes exploitations, par contre elles adhèrent à ces règles de poker menteur.

La finalité de cette longue marche mondialiste pour l’agriculture consiste à créer sur toute la planète de nouveaux Kibboutz ou de gigantesques kolkhozes, dans lesquels le paysans deviendra de gré ou de force le nouvel « ouvrier agricole » du 21ème siècle ! avec un coût salarial contrôlé « à l’ancienne »…

A titre d’exemple, les 250 fermes collectives israéliennes (directement associées à l’industrie alimentaire) emploient 100.000 personnes (majoritairement des palestiniens transfrontaliers) ; les fermes de 2.000 à 3.000 vaches existantes en Europe sont les prémisses de cette nouvelle organisation aux fins d’optimisation de rentabilité… avec le concours de salariés délocalisés payés 5 € de l’heure, et toujours l’objectif global « séducteur » de baisser les prix à la vente aux consommateurs, mais en aggravant le faible coût payé au producteur. Quant à la direction et la gestion des kolkhozes, elles étaient directement inféodées aux décisions des autorités des collectivités territoriales étatiques, elles le seront demain aux bons soins des multinationales de l’agro-business, soumises aux pressions constantes et aux exigences des rendements de la part de leurs actionnaires.

A titre indicatif, un projet à 161 Milliards $ est en cours (Groupe Zhongding) concernant une ferme de 100.000 vaches (!) dans le nord-est de la Chine, destinée à produire 800 millions de litres de lait par an, nécessitant le fourrage de 100.000 Ha, dont 30 % de la production serait exportée en Russie.

http://www.humandee.org/spip.php?article98

Après la vente de notre industrie lourde et de transformation depuis les années 70, est organisée depuis 35 ans, sous le contrôle de nos politiques béats et impuissants, la grande braderie des ressources humaines agricoles, et par redondance celles de notre modèle social. Il est utile de rappeler que les agriculteurs français ont été sommés, sous la pression de Bruxelles, de rembourser les aides reçues couvrant la période 1998-2002, avec des Ministres agissant au simple titre de collecteurs passifs !… Gardons également en mémoire la récente crise ukrainienne (fomentée par la CIA), ayant pour conséquence le 1er Août 2014 un embargo « forcé » de l’UE (aveugle et sourde) envers la Russie et la réplique de cette dernière par la suspension des importations de produits agricoles européens… Merci beaucoup pour ces dommages collatéraux causés en 16 mois à nos 28 Millions de fermiers européens (6 Milliards € à fin 2015 !..).

La FNSEA(agent de traitrise) a beau jeu de manifester en 2016, alors qu’elle a tressé la corde fatidique pour les paysans qui se pendent, en leur faisant croire aux vertus des « lois du Marché », lesquelles devaient tous les conduire à la « richesse éternelle »…, après toutefois, pour ces nouveaux croyants, avoir investi un brin avec le concours bienveillant du Crédit Agricole. Ce syndicat majoritaire a encouragé et accompagné pendant 50 ans toutes les politiques ayant conduit à ce massacre, en veillant à ce que les centaines de milliards reversés aux agriculteurs le soient principalement au profit des nouveaux adeptes du productivismes c.à.d les plus grandes exploitations et les plus riches (puisque proportionnellement aux surfaces exploitées). Pour les petites et moyennes exploitations, il demeurait toutefois, pendant toute la période, la possibilité de tendre la main de la mendicité à Bruxelles et solliciter une obole, histoire de leur faire perdre toute dignité…

Aujourd’hui, l’Europe c’est« soumission, trahison, et compromission ». Tous nos grands mamamouchis sont émasculés, impuissants et incapables un jour de dire « NON » (et par la même occasion, reprendre la main dans toutes les négociations), car l’Europe sans la France n’existe plus (rappelons-nous que le grand Charles savait se faire respecter de la sorte). Tous les médias préfèrent nous leurrer avec moult autres sujets secondaires et taire les câlins actuels de Bruxelles avec la Turquie dans le contexte migratoire, avec la contrepartie de leur intégration (80 millions d’âmes) dans l’UE, pour l’affaiblir encore plus… On peut vraiment redouter le pire à venir pour nos agriculteurs.

La grande messe annuelle du salon de l’agriculture 2016

Ce salon est véritablement devenu la vitrine et la consécration de l’agro-industrie et du monde agricole productiviste. Les 650.000 visiteurs ont pu constater l’omniprésence des Lidl, MacDonalds, Charal, et autres multinationales ou distributeurs de produits transformés. Preuve vivante de l’éradication de l’agriculture paysanne. L’objectif de communication affiché sur l’évolution sociale est de faire croire à une formidable cohabitation entre ces deux mondes, et tenter de se racheter une image de coopération avec les paysans en adaptant les discours, un comble !.. le renard et la poule dans le même enclos… Les chahuts et les violences verbales envers le chef de l’Etat et certains Ministres tendent à démontrer le contraire de cette belle image d’Epinal médiatique.

Xavier Beulin (Président de la FNSEA) n’a pas manqué de cynisme et d’ambiguïté en représentant les éleveurs ruinés, alors qu’il est Pdg d’un géant agro-industriel (Groupe Avril) et qu’il favorise un système économique qui éradique l’agriculture authentique (notamment en important des poulet brésiliens dans ses usines), tout en encourageant parallèlement les opérations commandos de la FNSEA contre les importations de volailles portant atteinte à nos éleveurs ! C’est un remake du « pompier-pyromane ».

Les AMAP (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne – 200.000 adhérents) n’ont même pas de stand (!), contraints de squatter un recoin sur celui de la région Ile-de-France, aux antipodes de l’opulence du stand FNSEA. Les plus beaux animaux exposés ne sont hélas plus le reflet des élevages devenus industriels, (pour exemple la race « White large » représente 60 % des porcs français, rien à voir avec les traditionnels pedigrees « cul noir », « gascon » ou « blanc d’ouest » exposés).

A grand renfort de panneaux publicitaires, on retrouve la touche du productivisme dans toutes les présentations d’animaux à viande ou destinés à la production laitière, avec ce type de slogan : « l’assurance de performances économiques de haut niveau »…on se croirait au salon de l’automobile.

Les perspectives ?

Si rien ne bouge dans un sens positif très rapidement, le nombre de 600 suicides de paysans en 2015 augmentera mécaniquement et proportionnellement aux difficultés financières (déjà dramatiques),

qui vont rapidement devenir « insurmontables » tant sur un plan financier que psychologique, car n’oublions surtout pas les qualités mentales et morales requises pour travailler la terre.

Des solutions ?

La première est politique :« Sans prise de contrôle, rien n’est possible » le répétait Charles de Gaulle. La voie super productiviste a été choisie et inéluctablement adulée depuis 50 ans. Si la grande Europe ne reviens pas vers un vrai marché commun, une concurrence non faussée, privilégiant d’abord les intérêts communautaires, la seule possibilité de reprise en main est hélas de sortir de la PAC, des négociations TAFTA (3.415.000 signataires européens opposés au 15/03/2016), et menacer sortir « officiellement » de l’UE. La transition sera probablement douloureuse, mais à l’image des africains mordus par un serpent vert dans les bananiers « il vaut mieux se couper la main qu’un bras » (ce qu’ils n’hésitent pas une seconde à faire, sur la minute qu’il leur reste à vivre après la morsure).

Quel est le politique providentiel actuel que vous pressentez courageux pour une telle démarche ? Manuel Valls ?… lequel, au dernier Salon de l’agriculture prétend pouvoir « faire changer l’Europe« , sans prendre en compte que pour qu’il y ait un « véritable » changement, il faudra quitter l’Europe si les règles ne sont pas revues fondamentalement et dans l’instant. Le premier Ministre n’arrive même pas à imposer à la commission bruxelloise de lever son veto et les tracasseries administratives contre Intermarché et Leclerc, lesquels se sont engagés à soutenir la filière porcine française, en achetant au prix plancher de 1,40 € le Kilo. No comment sur le processus Kafkaien de ces médiocres ploutocrates.

La deuxième est économique et commerciale : Elle implique de concert les consommateurs et les agriculteurs par des formes alternatives de production et de commercialisation en tissant les liens coopératifs dans son environnement proche (vente directe, AMAP, marchés de producteurs, etc…). L’augmentation des surfaces bio et du nombre d’AMAP démontrent la prise de conscience naissante des problèmes fondamentaux de la production de masse et les consommateurs sont prêts à assumer leurs responsabilités citoyennes envers les paysans à l’agonie et coopérer en toute intelligence pour le bien financier et sanitaire de chacun. Revenir impérativement à une production de qualité et des prix rémunérateurs pour les agriculteurs est dans le domaine du possible, dès lors que l’on oubliera définitivement notre dernier lavage de cerveau, tentant de nous faire croire que nourrir l’humanité était une « mission industrielle » comme une autre et que les consommateurs pouvaient s’abandonner benoîtement aux pros du secteur, en faisant passer les paysans authentiques pour des ringards…

La troisième est écologique : Probablement « Le » point positif au crédit du Ministre Le Foll, qui a beaucoup travaillé à Bruxelles pour que la France devienne le leader de l’agro-écologie européenne (combinant agronomie et écologie), et il a mis en oeuvre les premières mesures dans ce sens, au grand damne et l’hostilité maladive de la FNSEA, (preuve que cette idée pourrait permettre à la France de redevenir une puissance agricole florissante).

Prions pour que les deux premières solutions ne nous soient pas imposées un jour, dans un contexte guerrier comme ce fut le cas en 1940 (ou au cours des grandes famines et disettes de l’histoire…), car ce jour là, tous les psaumes de la nouvelle religion mondialiste voleront en éclat, et chacun d’entre nous devra se rapprocher encore plus de nos paysans pour obtenir le minimum vital, et survivre.

J’ai écrit cet article par amour de nos paysans, … ceux qui, avec leur labeur, leur courage et leur sueur façonnent, entretiennent, cultivent le pays, et nourrissent leurs concitoyens.

suit ma version revisitée de la fable « le laboureur et ses enfants« 

Travailler, ce n’est hélas plus la peine, 

Ce sont les fonds qui manquent chaque matin.

Un pauvre agriculteur, sentant sa mort prochaine,

Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.

Gardez-vous leur dit-il, de poursuivre l’exploitation

Que nous ont laissé nos chers parents.

Des dettes énormes sont engrangées dorénavant,

Je ne sais plus que faire, je n’ai plus de courage.

Mes amours, vous n’en viendrez jamais à bout,

Quittez vos champs dès qu’on aura fait août.

Priez, rangez, vendez, ce n’est plus votre place,

Vous attendent de nouvelles normes qui harassent.

Le père mort, les fils se détournent des champs,

Deçà, delà, travaillant ; si bien qu’au bout de l’an,

Ce ne sont que souvenirs et avantages.

D’argent, point d’obtenu. Mais le père fut sage

En les avisant, de leur éviter la mort,

Que beaucoup se donnent avec remords.

***

source : agoravox


TAFTA/TTIP : le Collectif Stop Tafta rejette l’avis du CESE

Montreuil, le 23 mars 2016 – Alors que le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s’est prononcé hier soir sur le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, le Collectif Stop Tafta déplore la timidité de l’avis soumis à la troisième assemblée de la République. Celle-ci omet en effet de s’attaquer au cœur des controverses que soulève l’accord TAFTA et délivre un texte oiseux, qui fait quelques concessions dérisoires pour mieux soutenir la perspective du gouvernement et de la Commission.

Saisi par le gouvernement, le CESE a énoncé ce jour ses recommandations concernant les négociations sur l’accord Union européenne-Etats Unis (TAFTA ou TTIP).

Cet avis constituait une opportunité pour questionner les principes sur lesquels se fonde le TAFTA. Or l’analyse du CESE ne parvient pas à mettre en évidence les incompatibilités flagrantes du TAFTA avec les enjeux démocratiques et environnementaux du 21ème siècle.

L’accord demeure négocié dans le plus grand secret, malgré la parodie de transparence que sont les « salles de lectures » sécurisées mises en place à Bruxelles et quelques capitales européennes.

Et si le CESE reconnait la nécessité d’un vrai débat public, il se trompe en affirmant que le TAFTA représente une opportunité vers une transition écologique, alors que la logique même de l’accord, l’augmentation du commerce transatlantique, et notamment des énergies fossiles, aggravera encore la crise climatique.

De plus, le CESE ne conteste pas l’utilité de la coopération règlementaire et du mécanisme de règlement des différends investisseur-Etat, alors qu’ils confèrent d’importantes prérogatives aux multinationales, aux dépens des citoyens.

« Affirmer que la coopération règlementaire pourrait engendrer un nivellement des normes par le haut va à l’encontre de tous les éléments émanant des négociations », dénonce Emmanuel Aze, de la Confédération paysanne. « De nombreux épisodes récents montrent au contraire que l’influence des multinationales entraine une érosion des réglementations et des normes. »

« Le CESE confirme les immenses privilèges accordés aux multinationales », poursuit Nicolas Roux, des Amis de la Terre. « En cautionnant la réforme de l’arbitrage investisseur-Etat, l’avis ne remet pas en cause le caractère non-démocratique de ce mécanisme. »

Rien de surprenant puisque le CESE, du fait de son fonctionnement et des jeux politiques internes, a délibérément cherché à établir un texte neutre, qui se contente de pointer les différents points de vue en présence sur les sujets clés, sans jamais assumer une orientation véritable.

De surcroît, des amendements de dernière minute, issus d’un lobbying intense des entreprises, ont contribué à renforcer les incohérences de l’avis. L’institution protège ainsi son consensus paisible, mais renonce à toute ambition.

Le TAFTA donnera la priorité au commerce et à l’investissement, aux dépens de la démocratie, de l’emploi et de l’environnement. Il nuira même aux intérêts économiques européens, en bouleversant profondément les marchés agricoles de la région et en facilitant la concurrence des PME américaines à l’égard de leurs homologues d’Europe.

Le Collectif Stop Tafta rejette donc l’avis du CESE et appelle à l’arrêt immédiat des négociations.


TAFTA/TTIP : le Conseil économique, social et environnemental (CESE) établit lui aussi ses lignes rouges

Traité transatlantique : le Cese établit lui aussi ses lignes rouges

Dans un avis adopté mardi 22 mars, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) apporte à son tour sa contribution aux négociations transatlantiques en cours entre les Etats-Unis et l’Union européenne dans le cadre du TAFTA. Les membres du palais d’Iéna y revendiquent une transparence accrue, défendent les services publics et le droit de réglementer dans l’intérêt public, ainsi que l’agriculture familiale et la préférence accordée aux petites et moyennes entreprises.

A peine installé, la nouvelle assemblée du Conseil économique, social et environnemental (CESE) a choisi de se pencher en premier lieu sur la négociation en cours du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI, également appelé TAFTA ou TTIP). Pas opposé par principe à la négociation, l’avis adopté mardi 22 mars se veut mesuré : il appelle tantôt à « plus d’Europe » pour réduire les divergences intra-européennes – par exemple sur une définition commune apportée aux services publics – en vue de rééquilibrer le rapport de forces avec les Etats-Unis dans les négociations, sans hésiter pour autant à tracer des limites à ne pas dépasser en l’état actuel des choses.

L’idée de la commission des Affaires européennes et internationales du CESE était de « mettre l’accent sur un certain nombre de principes mais aussi de lignes rouges sur lesquels l’Union européenne ne peut pas céder. Les enjeux sociétaux ne doivent pas se voir subordonnés aux enjeux commerciaux ! » décrypte le rapporteur de cet avis, Christophe Quarez. A l’instar du Sénat français voici quelques semaines ou bien encore du Parlement européen et du Conseil des communes et régions d’Europe (CCRE), ce cadre chez GDF Suez et membre du CESE au nom de la CFDT appelle à garantir plus de transparence vis-à-vis de la société civile, notamment en accordant une position d’observateur aux ONG et en assurant la tenue d’un grand débat public, contradictoire, au niveau national.

Vers une libéralisation des services publics ?

Pour le CESE, les négociateurs de cet accord doivent impérativement tendre vers un mieux-disant social et environnemental. A ce titre, Christophe Quarez s’étonne, pour ne pas dire regrette, la méthode de négociation « relativement nouvelle dans le domaine du commerce international » qu’ont choisi de retenir les deux parties. Le principe des « listes négatives » implique en effet d’exclure, au préalable et de façon spécifique, tous les secteurs et règlementations ne devant pas être négociés, sous peine d’être éventuellement soumis à terme à la libéralisation entamée par l’Accord général sur le commerce des services (AGCS).

« Si des lignes rouges ont été tracées en ce qui concerne les services publics d’intérêt général (ainsi que les services audiovisuels, à la demande de la France), l’étendue, l’imprécision et l’instabilité des définitions des services publics non soumis à concurrence laissent craindre l’éventualité d’un découpage de certains services pour les réintroduire dans le secteur concurrentiel […] En tout état de cause, il n’existe pour l’avenir aucune garantie contre l’inclusion de certains pans de secteurs aussi essentiels que la santé, les services sociaux, l’éducation, la culture, la défense et d’autres» craint le CESE. Et ce, malgré, donc la déclaration rassurante de Cécilia Malmström sur le sujet dans un entretien accordé à la Gazette à l’été 2015.

Règlementer dans l’intérêt public

Le rapporteur de l’avis du CESE s’inquiète également du fait que la méthode de « liste négative » induise automatiquement un effet cliquet et une clause de statu quo. Et pour cause : ces deux dispositions font que « tout engagement pris d’ouverture au secteur privé ne peut être remis en cause, et tout nouveau secteur qui émergera dans l’avenir ne pourra être protégé pour l’aider à se développer. » Outre ne pas avoir la garantie que les services publics soient effectivement exclus des négociations, le CESE craint également le mécanisme d’arbitrage privé (RDIE) réduise le droit souverain des autorités politiques à réglementer dans l’intérêt général ainsi qu’à édicter des normes d’intérêt public.

Dans le cas où le traité transatlantique verrait le jour, la décision de remunicipaliser un service public local pourrait effectivement être dénoncé par des investisseurs ayant recours aux tribunaux d’arbitrage privé. « La mairie de Paris n’aurait pas pu créer aussi facilement une régie municipale afin de reprendre la main sur le service public de l’eau jusqu’ici délégué au privé. Cette décision aurait en tout cas pu entraîner le versement d’une compensation financière à l’opérateur, avec l’argent public » illustre Christophe Quarez.

C’est pourquoi le CESE propose tout d’abord de « reconsidérer la proposition de la Commission européenne en vue de la création  d’une véritable cour de justice », qui s’appuierait sur des juges issus des magistratures nationales et non d’arbitres privés. Ensuite, l’avis stipule son souhait de sanctionner les recours abusifs au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) et plaide pour l’introduction de sanctions à l’encontre des  investisseurs qui utiliseraient de manière abusive de tels mécanismes.

Autant de souhaits auxquels vient se rajouter celui sur le caractère mixte du futur accord. « C’est une condition sine qua non pour nous » précise Christophe Quarez, qui ne comprendrait pas comment un accord si novateur et atypique, dépassant de loin l’habituelle baisse des tarifs douaniers et la suppression d’obstacles techniques au commerce, puisse être conclu sans ratification par les parlements nationaux. Enfin, le rapporteur aimerait éviter que le calendrier des négociations « soit dépendant des échéances politiques ». Dans son viseur, les élections présidentielles américaines qui pourraient conduire à un accord signé dans la précipitation, « un désastre pour la démocratie ».


Gaz de Schiste : heureusement que le Tafta et l’ISDS ne sont pas pas en application

Gaz de schiste: la justice déboute Schuepbach qui réclamait 117 millions d’euros à l’Etat

Paris – Le groupe pétrolier Schuepbach, qui réclamait 117 millions d’euros à l’État suite à l’abrogation de ses permis d’exploitation de gaz de schiste, a vu sa demande d’indemnisation rejetée par la justice, a-t-on appris mardi auprès du tribunal administratif de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise).

Dans leur délibéré rendu le 11 mars, les juges affirment que la compagnie américaine, qui avait manifesté par le passé son intention de recourir à la fracturation hydraulique, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que le législateur interdise cette technique, jugée néfaste pour l’environnement.

Par conséquent, l’abrogation de ses permis d’exploitation, décrétée au lendemain de la loi de 2011 prohibant cette pratique, n’excède pas les aléas liés à son activité de recherche.

L’Etat ne peut donc être tenu pour responsable de la perte des investissements engagés par l’exploitant ni du manque à gagner faute d’exploiter le gisement, ont estimé les juges qui ont suivi les préconisations du rapporteur public lors de l’audience du 5 février.

Cette décision de justice confirme la nocivité de la fracturation hydraulique, comme ce fut le cas dans le passé pour l’amiante s’est félicité Me Hélène Bras, qui représentait l’eurodéputé Vert José Bové, intervenant volontaire dans cette procédure.

En décembre dernier, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait confirmé l’abrogation des permis d’exploitations de Nant (Aveyron) et de Villeneuve-de-Berg (Ardèche) délivrés en 2010 à Schuepbach qui a multiplié depuis près de cinq ans les recours contre la loi.

Il a en revanche rétabli en janvier des permis similaires délivrés à la même époque à Total, le groupe français s’étant engagé à ne pas utiliser la fracturation hydraulique.

La ministre de l’Environnement Ségolène Royal a décidé de faire appel de ce dernier jugement.


Doit-on autoriser les multinationales américaines à traduire les États européens devant des tribunaux supra nationaux ?

Même amendé, le mécanisme qui permettrait aux entreprises étrangères de porter plainte contre un État quand elles estiment qu’il a failli aux engagements pris dans un traité d’investissement est illégitime, estime le collectif de juristes qui signe ce texte.

« RDIE », pour règlement des différends entre investisseurs et États : derrière ce nom barbare, propre à décourager tout débat citoyen, se cache un mécanisme qui permet aux entreprises étrangères de porter plainte contre un État quand elles estiment qu’il a failli aux engagements pris dans un traité d’investissement. Le RDIE s’est fait connaître peu à peu du grand public en raison des excès récents commis par certains investisseurs.

Une proposition qui ne lève pas les inquiétudes

Le projet d’inclure un RDIE dans le Partenariat Transatlantique de Commerce et d’investissement, en négociation depuis 2013 entre l’Union européenne et les États-Unis (appelé TTIP, TAFTA en anglais), a suscité une mobilisation telle, que la Commission Européenne a été contrainte de mettre sur la table une proposition révisée en novembre 2015 : le système juridictionnel des investissements.

Cette réforme est-elle suffisante pour répondre aux inquiétudes ? Certainement pas. Même si elle a perdu de son tranchant, une épée de Damoclès reste suspendue au-dessus de nos démocraties. Jugeons-en plutôt.

Les améliorations institutionnelles et l’instauration bienvenue d’un tribunal d’appel, ne modifient pas l’équilibre général du dispositif qui offre une voie de recours privilégiée pour les investisseurs étrangers pour contester une décision de politique publique. Ces derniers disposeraient ainsi de la liberté de choisir entre l’arbitrage ou les tribunaux nationaux et par conséquent le droit applicable qui leur est le plus favorable, contrairement aux entreprises domestiques, rompant ainsi avec le principe d’égalité devant la loi. Un dispositif, parallèle aux systèmes judiciaires existants, dont la compatibilité même avec le droit européen et les règles du marché unique n’est pas garantie et sur lequel la Cour de Justice de l’Union européenne devrait être invitée à se prononcer avant d’entamer des discussions plus approfondies avec les États-Unis.

Des garde-fous insuffisants

Quant aux garde-fous proposés pour assurer le respect du droit des États à instaurer des règles sociales, environnementales, financières ou fiscales, ou pour prévenir les conflits d’intérêts des arbitres et pour encadrer les recours, ils sont encore largement insuffisants pour mettre un terme aux dérives observées au cours de ces dix dernières années. Entre 2005 et 2015, ce sont plus de 400 plaintes qui ont été déposées dans le monde par des investisseurs étrangers touchant à des domaines de plus en plus sensibles des politiques publiques. L’énergéticien suédois Vattenfall réclamerait ainsi 4,7 milliards d’euros à l’Allemagne, suite à sa décision de sortie du nucléaire. Le cigarettier Philip Morris a attaqué l’Uruguay et l’Australie, s’estimant lésé par les effets des politiques de prévention du tabagisme et exige des compensations dont le montant n’est pas connu. Si la requête n’a pas abouti contre l’Australie, le pays aurait déboursé quelque 50 millions d’euros d’argent public dans la procédure. Quant au pétrolier américain Lone Pine, il demande 250 millions de dollars au Canada, suite au moratoire sur la fracturation hydraulique. Et en janvier, c’est l’entreprise TransCanada qui a annoncé qu’elle poursuivait les États-Unis et exigeait 15 milliards de dollars de compensations après le rejet du projet de pipeline Keystone XL. De l’aveu de certains lobbyistes, la seule évocation de poursuites peut permettre de décourager les États de renforcer des législations visant à protéger l’environnement, respecter les droits humains ou préserver la stabilité financière.

La capacité d’attirer des capitaux pas démontrée

Ce RDIE est-il même vraiment nécessaire ? La corrélation entre l’instauration d’un tel dispositif de protection des investissements et la capacité d’attirer des capitaux n’est pas démontrée. Et l’existence de systèmes juridiques performants aux États-Unis et dans l’Union européenne rend d’autant plus perplexe face au besoin prétendu d’un tel mécanisme supra juridictionnel. Insensible à cet argument, Bruxelles cherche à tout prix à faire accepter le principe. L’adoption d’un RDIE reformé dans l’accord négocié avec le Canada ouvrirait, s’il était ratifié, la possibilité à environ 80 % des entreprises américaines opérant dans l’Union Européenne de porter plainte à l’égard des États membres via leurs filiales canadiennes.

L’action de la France en faveur de la réforme du dispositif de RDIE dans les négociations du Traité transatlantique a certes permis d’ouvrir le débat mais seules des améliorations cosmétiques ont été proposées pour le moment. Et à ce stade, la solution la plus sage pour préserver le droit des États à adopter des règles démocratiques reste sans conteste celle proposée à plusieurs reprises par l’Assemblée Nationale et le Sénat de l’élimination pure et simple de ce mécanisme illégitime dans les négociations.

Signataires :

Rainer Geiger, avocat, anc. Professeur associé de droit public, Université de Paris I

William Bourdon, Avocat et Président de Sherpa

Maître Tessonnière et Maître Lafforgue, du Cabinet TTLA, avocats au barreau de Paris

Eric Alt, Magistrat, vice président d’Anticor

Paul Allies, Professeur émérite à l’Université de Montpellier-Faculté de Droit et science politique

Emmanuel Daoud, Avocat au barreau de Paris, membre du Conseil de l’Ordre, cabinet VIGO, membre du Groupe d’action judiciaire de la FIDH.

Bertand Warusfel, Professeur à l’Université Lille 2, avocat au barreau de Paris

Antoine Comte, Avocat au barreau de Paris

Jean-Pierre Dubois, Professeur de droit public à l’Université de Paris-Sud

Chantal Cutajar, Directrice du GRASCO – Université de Strasbourg

Alexandre Faro, avocat au Barreau de Paris, Cabinet Faro & Gozlan

Source : http://www.la-croix.com/


Inquiétudes des ONG quant aux conséquences du TTIP sur l’accès aux médicaments.

Un collectif d’organisations non gouvernementales (ONG), dont Health Action International (HAI), s’est inquiété, dans une position publiée le 18 février 2016, des conséquences du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) sur l’accès aux médicaments.

En effet, selon les ONG, ce dernier pourrait nuire à l’accessibilité, au développement d’une innovation centrée sur les besoins et à la conception de structures d’incitations alternatives, en raison notamment de dispositions visant à restreindre les décisions nationales en matière de prix et de remboursement de médicaments et renforcer la  propriété intellectuelle.

En outre, les négociateurs souhaiteraient entériner la réglementation en matière de secret des affaires, réduisant ainsi l’accès à l’information sur les médicaments. La mise en place de groupes de travail de coordination bilatérale sur la propriété intellectuelle et les décisions de prix et de remboursement pourrait également influencer les politiques nationales dans le sens d’une réduction des barrières au commerce.

La proposition d’inclusion d’un mécanisme de résolution des différends entre investisseurs et Etats inquiète les ONG dans la mesure où elle pourrait permettre à des investisseurs d’attaquer des décisions nationales visant à préserver la santé et l’intérêt publics. Enfin, la coopération notamment en matière de propriété intellectuelle et de prix et de remboursement risque de nuire aux politiques des pays en développement pour améliorer l’accès à des médicaments abordables.


L’Accord de Libre-Echange Transatlantique (TAFTA ) : Un projet anti-démocratique, climaticide et aux retombées économiques limitées

Depuis 2013, le Conseil de l’Union Européenne a donné mandat à la Commission pour négocier avec les Etats-Unis un accord de libre échange. L’objectif est de créer un vaste marché de consommateurs (800 millions de personnes) en supprimant l’ensemble des entraves au commerce (droits de douanes, quotas, différences entre les législations…). Par son ampleur, ce traité serait susceptible d’imposer des normes mondiales pour le commerce international.

Ces négociations menées par la Commission sont totalement opaques, les gouvernants nationaux et les députés européens n’ont pas accès à l’ensemble des éléments de négociation. La société civile est par exemple totalement exclue des négociations. Néanmoins, certains documents ayant fuité donnent suffisamment d’informations pour estimer que cet accord est non seulement anti-démocratique et climaticide, mais qu’il est aussi contraire aux intérêts économiques européens notamment pour le secteur agricole et l’ensemble des PME.

Ce traité prévoit la mise en place de mécanismes d’arbitrages privés qui permettraient aux grandes multinationales de faire condamner les Etats qui prendraient des mesures sociales ou environnementales contraire à leurs intérêts. Ceci est inacceptable.

Déjà présents dans de précédents traités, les conséquences s’en révèlent désastreuses à l’image d’une des filiales de l’entreprise Phillip Morris qui poursuit l’Australie pour avoir mis en place des législations anti-tabac. Enfin le développement de la coopération règlementaire afin de faire converger les législations européennes et américaines a de fortes chances de conduire à un nivellement par le bas des réglementations sociales et environnementales. Le « principe de précaution » qui fait référence en droit de l’Union Européenne est donc menacé par ce traité.

La Fondation Nicolas Hulot demande l’arrêt des négociations du TAFTA qui a été depuis rebaptisé Partenariat Transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) et la non ratification des accords de libre échange avec le Canada, Singapour et le Vietnam. L’Union Européenne doit redéfinir ses priorités notamment pour prendre en compte l’accord de Paris.

A minima, l’Union Européenne doit s’engager sur :

  • Une transparence complète sur le processus de négociation vis-à-vis de la société civile
  • La suppression des mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et Etats
  • Intégrer l’ensemble de la société civile au processus de gouvernance de la coopération règlementaire

Tafta TTIP


Inquiétudes des ONG quant aux conséquences du TTIP sur l’accès aux médicaments.

Un collectif d’organisations non gouvernementales (ONG), dont Health Action International (HAI), s’est inquiété, dans une position publiée le 18 février 2016, des conséquences du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) sur l’accès aux médicaments. En effet, selon les ONG, ce dernier pourrait nuire à l’accessibilité, au développement d’une innovation centrée sur les besoins et à la conception de structures d’incitations alternatives, en raison notamment de dispositions visant à restreindre les décisions nationales en matière de prix et de remboursement de médicaments et renforcer la  propriété intellectuelle. En outre, les négociateurs souhaiteraient entériner la réglementation en matière de secret des affaires, réduisant ainsi l’accès à l’information sur les médicaments. La mise en place de groupes de travail de coordination bilatérale sur la propriété intellectuelle et les décisions de prix et de remboursement pourrait également influencer les politiques nationales dans le sens d’une réduction des barrières au commerce. La proposition d’inclusion d’un mécanisme de résolution des différends entre investisseurs et Etats inquiète les ONG dans la mesure où elle pourrait permettre à des investisseurs d’attaquer des décisions nationales visant à préserver la santé et l’intérêt publics. Enfin, la coopération notamment en matière de propriété intellectuelle et de prix et de remboursement risque de nuire aux politiques des pays en développement pour améliorer l’accès à des médicaments abordables.

Pour plus d’informations, voir :

http://haiweb.org/publication/why-you-should-be-concerned-about-ttip-and-access-to-medicines/


Litiges entreprise-Etat /CETA / AECG : Bruxelles gagne une manche !

La commissaire commerce, Cécilia Malmström, sourire. Les Canadiens accepté régime protection investissements élaborés services Commission européenne.

  • La commissaire au commerce, Cécilia Malmström, peut sourire. Les Canadiens ont accepté le régime de protection des investissements élaborés par les services de la Commission européenne. – THIERRY CHARLIER AFP

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Dans l’accord de libre échange conclu avec le Canada, le CETA, la Cour d’arbitrage des litiges entre entreprise et Etat proposée par Bruxelles, a été acceptée par Ottawa.

Cécilia Malmström, la commissaire européenne au Commerce, pouvait, ce lundi afficher un large sourire de satisfaction. La proposition de Bruxelles , finalisée en novembre dernier, d’établir un tribunal permanent en charge d’arbitrer les litiges entre une entreprise et un Etat dans le cadre de l’accord de libre-échange conclu entre l’Union européenne et le Canada ( CETA ) a été acceptée par Ottawa. C’est le deuxième pays, après le Vietnam , qui conforte la position européenne en la matière. Ce feu vert des autorités canadiennes renforce donc d’autant les chances de mise en œuvre du CETA. Comme l’a souligné Cécilia Malmström, lors d’un point presse aujourd’hui à Bruxelles, « la phase de traduction juridique du texte du CETA est désormais achevée. Le texte sera soumis au Conseil européen en juin et le Parlement européen se prononcera probablement à l’automne sur le projet lors d’un vote », a-t-elle expliqué. Les Parlements nationaux des 28 Etats membres se prononceront par la suite. Avec de meilleures chances de donner leur feu vert.

Des juges indépendants

Depuis plusieurs mois, alors que l’accord du CETA avait été conclu en septembre 2014, les Européens avaient souhaité revoir le mécanisme d’arbitrage des litiges investisseurs-Etat tel qu’il avait été conçu au départ. A l’origine, les deux parties avaient prévu ce que les spécialistes ont coutume d’appeler un ISDS, l’acronyme anglais pour Règlement des Différends Investisseurs-Etat. Une disposition du texte qui avait provoqué une levée de boucliers en Europe. Accusé, par les ONG mais aussi par les parlementaires – européens ou nationaux- et les politiques, de faire la part trop belle aux multinationales et d’empêcher les Etats de réglementer comme ils l’entendent en matière de protection des consommateurs, l’ISDS tel qu’imaginer n’avait aucune chance de passer le cap du Parlement européen. La Commission européenne avait alors mené une vaste consultation publique fin 2014 avant de mettre sur la table une réforme de cet ISDS tant contesté. Bruxelles a élaboré un nouveau mécanisme: l’Investment Court System. C’est un tribunal permanent et non plus ad hoc de quinze juges indépendants des entreprises. Leur CV devra faire apparaître une expérience de juge national avec des compétences reconnues, une manière d’écarter les avocats d’affaires qui jouaient jusqu’alors souvent alternativement le rôle d’arbitre et d’avocat, avec des risques de conflits d’intérêts. La Court est transparente, dotée, en particulier, d’un mécanisme d’appel des décisions et encadre drastiquement les pratiques. Comme l’a rappelé aujourd’hui Cécilia Malmström, « ce système garantit le droit de réguler des Etats. Il prévoit même des sanctions contre toute plainte abusive d’une entreprise » avec des pénalités en cas d’abus avéré.

La balle est dans le camp américain

C’est donc cette Court permanente que les Canadiens ont accepté d’intégrer au CETA. « Nous pouvons dire, en toute confiance, que nous avons répondu aux attentes des pays membres et du parlement européen », a jugé Cécilia Malmström. « Je suis ravi que nous ayons été capable de parvenir à un accord avec nos partenaires canadiens », a pour sa part déclaré Frans Timmermans, le vice-président de la Commission européenne. « Nous démontrons notre détermination à protéger le droit de nos gouvernements à réguler et à nous assurer que les litiges relatifs aux investissements seront jugés en concordance totale avec la règle du droit », a-t-il ajouté.

Bruxelles ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Dans le cadre des négociations actuelles entre les Etats-Unis et l’Union européenne pour la mise en place du vaste partenariat transatlantique (TTIP), la Commission espère bien que Washington emboîtera le pas à Ottawa. Le projet est d’ailleurs entre les mains de la partie américaine depuis novembre 2015 alors que la semaine dernière s’est achevée la douzième session de discussion du TTIP à Bruxelles. L’enjeu, et la commissaire Malmström ne s’en cache pas, est d’imposer ce nouveau standard de la protection des investissements des entreprises au niveau mondial avec une Court multilatérale permanente. Son but: protéger les entreprises de toute discrimination, toute nationalisation et de toute expropriation abusive et non d’empêcher les Etats de réguler leur marché. Ce que l’ISDS classique ne permettait pas aux yeux des Européens. La balle est désormais dans le camp américain.

Richard Hiault

source : http://www.lesechos.fr/monde/europe/021732522829-litiges-entreprise-etat-bruxelles-gagne-une-manche-1203682.php?vSRuWoKUQhiJt2qG.99


CETA : la version finale confirme un accord funeste

Communiqué de presse

La Commissaire Malmström a annoncé aujourd’hui l’achèvement de la « mise en forme juridique » de l’accord UE-Canada (CETA). Cette nouvelle étape sera-t-elle enfin l’occasion d’un débat public authentique sur le traité UE-Canada et ses potentiels impacts ?

Paris, le 2 février 2016 – Chrystia Freeland, la Ministre canadienne du Commerce, et Cecilia Malström, la Commissaire européenne au Commerce, ont annoncé aujourd’hui la finalisation de l’accord de libre-échange UE-Canada (CETA). Le texte consolidé est désormais consultable sur cette page.

L’UE a profité du processus de révision juridique pour opérer des transformations substantielles sur le chapitre « Investissement » du CETA, et remplacer l’ISDS « classique » par sa version dite « réformée », le Système de cour sur l’investissement (ICS). Or, pour Frédéric Viale d’Attac France, « l’ICS proposé par la DG Commerce ne répond pas au problème fondamental que pose l’ISDS : l’octroi de droits exceptionnels et exclusifs aux investisseurs. Pire, l’UE se propose de pérenniser et d’institutionnaliser l’arbitrage investisseur-État, dans un premier temps pour tous les accords de l’UE puis via une future cour multilatérale sur l’investissement. Les négociateurs confirment ainsi l’entrée d’une « réforme » dont les sociétés civiles européennes et nord-américaines n’ont cessé de révéler la dangerosité [1]. »

Pour Emmanuel Aze de la Confédération Paysanne , « la propagande exaltée de la Commissaire ne trompe personne. Le CETA comporte de nombreuses dispositions nuisibles aux droits économiques, sociaux et environnementaux des Européens. Il prévoit par exemple la libéralisation du commerce de viande bovine et porcine, qui va fragiliser encore un peu plus les éleveurs français. »

Amélie Canonne, de l’AITEC poursuit : « Une des raisons d’être du traité UE-Canada a toujours été d’accélérer la production de pétroles bitumineux dans l’Alberta du Nord et de pouvoir les exporter aisément vers l’Europe, sans considération des conséquences pour l’eau, le climat, les sols… et c’est cet accord que la DG Commerce présente aujourd’hui comme très bon pour l’UE et ses citoyens, et que la France s’apprête à soutenir, après avoir fait signer l’Accord de Paris à 195 gouvernements le 12 décembre. »

Le texte final étant désormais connu, le Collectif Stop TAFTA appelle le gouvernement à :
- faire établir une évaluation sérieuse des implications économiques, sociales et environnementales de l’accord pour la France,
- organiser un débat parlementaire crédible en amont du Conseil des ministres européens qui seront invités à l’approuver.

 


Traité transatlantique : les discussions s’intensifient, vers une conclusion en 2016 ???

Le négociateur en chef de l’Union européenne pour le traité de libre-échange transatlantique a annoncé vendredi 26 février une intensification des discussions sur ce projet aussi opaque que controversé. « Nous sommes prêts à envisager une conclusion en 2016 à condition que les fondamentaux soient bons », a déclaré Ignacio Garcias Bercero en conclusion du 12e cycle de négociation. De nombreux observateurs estiment que l’objectif des deux parties est de clore les discussions avant la fin du mandat de Barack Obama.

Des « avancées substantielles » sont attendues d’ici à l’été concernant la libéralisation des marchés (accès aux marchés publics, baisse des derniers droits de douane, ouverture des marchés pour les services). Mais aucun détail n’a été livré, conformément à la stricte confidentialité observée par les négociateurs depuis le début des discussions, en 2013.

Soucieux de répondre aux critiques de plus en plus nourries, Ignacio Garcias Bercero a martelé que l’accord devra « tenir compte du niveau de protection coulé dans nos législations respectives » et garantir « un niveau de protection de nos concitoyens renforcé ou équivalent » aux normes actuelles. Le but de ces négociations reste néanmoins de « réduire les entraves aux échanges » et d’« éviter les coûts indus » pour les entreprises. Seule précision apportée par le négociateur, il s’agirait de « nous reposer davantage sur le travail des autorités de régulation de l’autre côté de l’Atlantique » pour accélérer les certifications des produits et services américains.

« Un nouveau système d’instances judiciaires »

Autre « composante critique » de la négociation, de l’aveu même du responsable européen : les mesures communes de « protection des investissements » et la création de tribunaux arbitraux qui supplanteront les législations nationales. Le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE), qui fait notamment l’objet d’une opposition des parlementaires français, est défendu par Bruxelles. « Des zones de convergences se dessinent », vers « un nouveau système d’instances judiciaires pour la sécurisation des investissements », a simplement annoncé le négociateur européen.

À la fronde de la société civile et des parlementaires de tous bords, s’est récemment ajoutée la voix de 5000 dirigeants de PME en Autriche, en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. Ils demandent la suspension des négociations sur ce traité qui les expose à une « concurrence déloyale » avec les grandes entreprises américaines.


L’accord CETA (Europe-Canada) sera-t-il appliqué avant même le feu vert des parlements ?

La signature de l'accord CETA entre l'UE et le Canada, le 26 janvier 2014 à Ottawa. (AFP / GEORGES GOBET)

La négociation à huis clos de grands accords de libre-échange internationaux est-elle anti-démocratique ? Non, répondent toujours les autorités qui les négocient, faisant valoir que tout accord de ce type doit préalablement être ratifié par le Parlement européen à la majorité de ses membres, et même parfois par les Vingt-Huit parlements nationaux.

Une défense qui pourrait s’étioler au cours des prochains mois, à l’occasion de la finalisation de l’accord CETA entre l’Union européenne et le Canada, souvent présenté comme le « petit cousin » du (plus célèbre) traité transatlantique Europe/Etats-Unis.

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ISDS réssucité : Rebaptisé « ICS », l’arbitrage Investisseur-Etat renaît sous une nouvelle forme

Résurrection : rebaptisé « ICS », la « Charte des pleins pouvoirs » des entreprises dans le TAFTA renaît sous une nouvelle forme

Selon un nouveau rapport publié par l’Aitec et 16 partenaires européens [1], la « nouvelle » proposition de la Commission en matière d’arbitrage d’investissement s’apprête à confirmer les pleins pouvoirs déjà confiés aux entreprises et investisseurs étrangers par l’ISDS (Règlement des différends Investisseur-Etat). Ressuscité dans des habits d’apparence neuve et inoffensive, l’ISDS persiste pourtant dans sa nature et ses objectifs. La publication de cette étude intervient quelques jours avant la réouverture des discussions sur la protection de l’investissement dans le TAFTA à Bruxelles, pour la première fois après deux ans. La publication de cette étude intervient quelques jours avant la réouverture des discussions sur la protection de l’investissement dans le TAFTA [2].

« L’ISDS ressuscité – Rebaptisé ’ICS’, la ’Charte des pleins pouvoirs’ des entreprises renaît sous une nouvelle forme » montre comment la promotion des privilèges des investisseurs étrangers dans le négociations commerciales de l’UE se poursuit quand bien même la Commission tente de rebaptiser le mécanisme d’arbitrage Investisseur-État sous un nouveau nom : l’« ICS » pour Investment Court System ou Système judiciaire sur l’investissement. Suite à la publication de la proposition européenne, la polémique avait gonflé en Europe à l’automne dernier, et beaucoup avaient dénoncé la menace directe portée par ce « nouveau » mécanisme, conçu en réalité pour apprivoiser l’opposition massive au mécanisme ISDS.

Le rapport montre qu’en vertu de l’ICS, la responsabilité et les risques financiers incombant aux États membres de l’UE seront démultipliés. 19 pays supplémentaires de l’UE pourront désormais être directement attaqués par les investisseurs états-uniens, contre seulement neuf pays aujourd’hui ayant déjà ratifié un accord d’investissement avec les États-Unis. Plus de 47 000 entreprises – contre 4 500 aujourd’hui – pourront intenter des poursuites, et le TAFTA créera un risque d’ouvrir la porte à 900 poursuites potentielles de la part d’investisseurs états-uniens contre l’UE, contre neuf contentieux publiquement connus aujourd’hui en vertu des traités existants.

Le rapport présente également l’étude d’un cas étourdissant : la poursuite du gouvernement états-unien par l’entreprise canadienne TransCanada, qui demande une compensation de 15 milliards de dollars suite au rejet du très controversé projet d’oléoduc Keystone XL par le Président Barack Obama. [3]. L’étude de cas montre que ce dossier « TransCanada » – à l’image d’autres procédures intentées contre des lois et réglementations visant à la protection de la santé, de l’environnement et, de manière générale, de l’intérêt général – sera tout a fait possible sous le régime de l’ICS puisque ce dernier inclut les mêmes droits exceptionnels pour les investisseurs que ceux sur lesquels est basée la plainte de TransCanada.

Pour Amélie Canonne, de l’Aitec, « L’ICS remet l’ISDS en selle sous une forme supposément acceptable pour l’opinion publique et les législateurs nationaux et pour la première fois depuis deux ans, il sera de retour dans les négociations sur le TAFTA la semaine prochaine. Or ce que la Commission propose correspond exactement à que les citoyens refusent : des droits exceptionnels pour les entreprises, assortis d’aucune obligation, et donc la possibilité d’exiger des milliards d’euros de compensation, ou de paralyser l’action publique, lorsqu’elles jugeront que les lois et les réglementations entravent leur habilité à engendrer des profits. ».
Et de poursuivre : « Des eurodéputés souhaitent l’inclusion de l’ICS dans l’accord UE-Cananada (CETA [4]). Mais le « nouveau » modèle d’ISDS proposé par la Commission est tout aussi dangereux pour la démocratie, la législation d’intérêt public, et l’argent du contribuable que l’ « ancienne » version du chapitre 10 sur la protection de l’investissement. Qui peut être dupe d’une telle opération ? ».

Notes

[1Publié par : Corporate Europe Observatory (CEO), Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs (AITEC), Attac Autriche, Campact, ClientEarth, Ecologistas en acción, Forum Umwelt & Entwicklung, Instytut Globalnej Odpowiedzialności (IGO), PowerShift, Seattle to Brussels Network (S2B), Traidcraft, Transnational Institute (TNI), Umanotera, War on Want, Védegylet, Vrijschrift, 11.11.11

[2Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement à Bruxelles, pour la première fois après deux ans

[3En vertu de l’accord ALENA

[4Accord économique et commercial global


TAFTA, ISDS : Des tribunaux pour détrousser les Etats

Des multinationales qui traînent des Etats en justice pour imposer leur loi et faire valoir leurs « droits », cela ne relève pas du fantasme : on compte déjà plus de cinq cents cas dans le monde.

Il a suffi de 31 euros pour que le groupe français Veolia parte en guerre contre l’une des seules victoires du « printemps » 2011 remportées par les Egyptiens : l’augmentation du salaire minimum de 400 à 700 livres par mois (de 41 à 72 euros). Une somme jugée inacceptable par la multinationale, qui a porté plainte contre l’Egypte, le 25 juin 2012, devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), une officine de la Banque mondiale. Motif invoqué ? La « nouvelle loi sur le travail » contreviendrait aux engagements pris dans le cadre du partenariat public-privé signé avec la ville d’Alexandrie pour le traitement des déchets (1). Le grand marché transatlantique (GMT) en cours de négociation pourrait inclure un dispositif permettant ainsi à des entreprises de poursuivre des pays — c’est en tout cas le souhait des Etats-Unis et des organisations patronales. Tous les gouvernements signataires pourraient alors se trouver exposés aux mésaventures égyptiennes.

Le lucratif filon du règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE) a déjà assuré la fortune de nombreuses sociétés privées. En 2004, le groupe américain Cargill a, par exemple, fait payer 90,7 millions de dollars (66 millions d’euros) au Mexique, reconnu coupable d’avoir créé une nouvelle taxe sur les sodas. En 2010, la Tampa Electric a obtenu 25 millions de dollars du Guatemala en s’attaquant à une loi plafonnant les tarifs de l’électricité. Plus récemment, en 2012, le Sri Lanka a été condamné à verser 60 millions de dollars à la Deutsche Bank, en raison de la modification d’un contrat pétrolier (2).

Encore en cours, la plainte de Veolia a été déposée au nom du traité d’investissement conclu entre la France et l’Egypte. Signés entre deux pays ou inclus dans des accords de libre-échange, il existe plus de trois mille traités de ce type dans le monde. Ils protègent les sociétés étrangères contre toute décision publique (une loi, un règlement, une norme) qui pourrait nuire à leurs investissements. Les régulations nationales et les tribunaux locaux n’ont plus droit de cité, le pouvoir se voyant transféré à une cour supranationale qui tire sa puissance… de la démission des Etats.

Au nom de la protection des investissements, les gouvernements sont sommés de garantir trois grands principes : l’égalité de traitement des sociétés étrangères et des sociétés nationales (rendant impossible une préférence pour les entreprises locales qui défendent l’emploi, par exemple) ; la sécurité de l’investissement (les pouvoirs publics ne peuvent pas changer les conditions d’exploitation, exproprier sans compensation ou procéder à une « expropriation indirecte ») ; la liberté pour l’entreprise de transférer son capital (une société peut sortir des frontières avec armes et bagages, mais un Etat ne peut pas lui demander de partir !).

Les recours des multinationales sont traités par l’une des instances spécialisées : le Cirdi, qui arbitre le plus d’affaires, la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI), la Cour permanente de La Haye, certaines chambres de commerce, etc. Les Etats et les entreprises ne peuvent, le plus souvent, pas faire appel des décisions prises par ces instances : à la différence d’une cour de justice, une cour d’arbitrage n’est pas tenue d’offrir un tel droit. Or l’écrasante majorité des pays ont choisi de ne pas inscrire la possibilité de faire appel dans leurs accords. Si le traité transatlantique inclut un dispositif de RDIE, ces tribunaux verront en tout cas leur emploi du temps bien garni. Il existe vingt-quatre mille filiales de sociétés européennes aux Etats-Unis et cinquante mille huit cents succursales américaines sur le Vieux Continent ; chacune aurait la possibilité d’attaquer les mesures jugées nuisibles à ses intérêts.

Pour qu’advienne le paradis sur terre
des avocats d’affaires

Voilà près de soixante ans que des sociétés privées peuvent attaquer des Etats. Le procédé a longtemps été peu utilisé. Sur les quelque cinq cent cinquante contentieux recensés à travers le monde depuis les années 1950, 80 % ont été déposés entre 2003 et 2012 (3). Pour l’essentiel, ils émanent d’entreprises du Nord — les trois quarts des réclamations traitées par le Cirdi viennent des Etats-Unis et de l’Union européenne — et visent des pays du Sud (57 % des cas). Les gouvernements qui veulent rompre avec l’orthodoxie économique, comme ceux de l’Argentine ou du Venezuela, sont particulièrement exposés (voir carte « Règlement des différends sur l’investissement »).

Les mesures prises par Buenos Aires pour faire face à la crise de 2001 (contrôle des prix, limitation de sortie des capitaux…) ont été systématiquement dénoncées devant les cours d’arbitrage. Arrivés au pouvoir après des émeutes meurtrières, les présidents Eduardo Duhalde puis Néstor Kirchner n’avaient pourtant aucune visée révolutionnaire ; ils cherchaient à parer à l’urgence. Mais le groupe allemand Siemens, soupçonné d’avoir soudoyé des élus peu scrupuleux, s’est retourné contre le nouveau pouvoir — lui réclamant 200 millions de dollars — quand celui-ci a contesté des contrats passés par l’ancien gouvernement. De même, la Saur, une filiale de Bouygues, a protesté contre le gel du prix de l’eau au motif que celui-ci « port[ait] atteinte à la valeur de l’investissement ».

Quarante plaintes ont été déposées contre Buenos Aires dans les années qui ont suivi la crise financière (1998-2002). Une dizaine d’entre elles ont abouti à la victoire des entreprises, pour une facture totale de 430 millions de dollars. Et la source n’est pas tarie : en février 2011, l’Argentine affrontait encore vingt-deux plaintes, dont quinze liées à la crise (4). Depuis trois ans, l’Egypte se trouve sous les feux des investisseurs. Selon une revue spécialisée (5), le pays est même devenu le premier destinataire des recours de multinationales en 2013.

Pour protester contre ce système, certains pays, tels le Venezuela, l’Equateur ou la Bolivie, ont annulé leurs traités. L’Afrique du Sud songe à suivre cet exemple, sans doute échaudée par le long procès qui l’a opposée à la compagnie italienne Piero Foresti, Laura De Carli et autres au sujet du Black Economic Empowerment Act. Cette loi octroyant aux Noirs un accès préférentiel à la propriété des mines et des terres était jugée par les Italiens contraire à l’« égalité de traitement entre des entreprises étrangères et les entreprises nationales (6) ». Etrange « égalité de traitement » que ces patrons européens revendiquent alors que les Noirs sud-africains, qui représentent 80 % de la population, ne possèdent que 18 % des terres et que 45 % vivent sous le seuil de pauvreté. Ainsi va la loi de l’investissement. Le procès n’est pas allé jusqu’au bout : en 2010, Pretoria a accepté d’ouvrir des concessions aux demandeurs transalpins.

Ainsi, un jeu « gagnant-perdant » s’impose à tous les coups : soit les multinationales reçoivent de lourdes compensations, soit elles contraignent les Etats à réduire leurs normes dans le cadre d’un compromis ou pour éviter un procès. L’Allemagne vient d’en faire l’amère expérience.

En 2009, le groupe public suédois Vattenfall dépose plainte contre Berlin, lui réclamant 1,4 milliard d’euros au motif que les nouvelles exigences environnementales des autorités de Hambourg rendent son projet de centrale au charbon « antiéconomique » (sic). Le Cirdi juge la protestation recevable et, après moult batailles, un « arrangement judiciaire » est signé en 2011 : il débouche sur un « adoucissement des normes ». Aujourd’hui, Vattenfall poursuit la décision de Mme Angela Merkel de sortir du nucléaire d’ici à 2022. Aucun montant n’est officiellement avancé ; mais, dans son rapport annuel de 2012, Vattenfall chiffre la perte due à la décision allemande à 1,18 milliard d’euros.

Bien sûr, il arrive que les multinationales soient déboutées : sur les deux cent quarante-quatre cas jugés fin 2012, 42 % ont abouti à la victoire des Etats, 31 % à celle des investisseurs et 27 % ont donné lieu à un arrangement (7). Elles perdent alors les millions engagés dans la procédure. Mais des « profiteurs de l’injustice (8) », pour reprendre le titre d’un rapport de l’association Corporate Europe Observatory (CEO), attendent de récupérer le magot. Dans ce système taillé sur mesure, les arbitres des instances internationales et les cabinets d’avocats s’enrichissent, peu importe l’issue du procès.

Pour chaque contentieux, les deux parties s’entourent d’une batterie d’avocats, choisis au sein des plus grandes entreprises et dont les émoluments oscillent entre 350 et 700 euros de l’heure. Les affaires sont ensuite jugées par trois « arbitres » : l’un est désigné par le gouvernement accusé, l’autre par la multinationale accusatrice et le dernier (le président) en commun par les deux parties. Nul besoin d’être qualifié, habilité ou appointé par une cour de justice pour arbitrer ce type de cas. Une fois choisi, l’arbitre reçoit entre 275 et 510 euros de l’heure (parfois beaucoup plus), pour des affaires dépassant fréquemment les cinq cents heures, ce qui peut susciter des vocations.

Les arbitres (masculins à 96 %) proviennent pour l’essentiel de grands cabinets d’avocats européens ou nord-américains, mais ils ont rarement le droit pour seule passion. Avec trente cas à son actif, le Chilien Francisco Orrego Vicuña fait partie des quinze arbitres les plus sollicités. Avant de se lancer dans la justice commerciale, il a occupé d’importantes fonctions gouvernementales pendant la dictature d’Augusto Pinochet. Lui aussi membre de ce top 15, le juriste et ancien ministre canadien Marc Lalonde est passé par les conseils d’administration de Citibank Canada et d’Air France. Son compatriote L. Yves Fortier a quant à lui navigué entre la présidence du Conseil de sécurité de l’ONU, le cabinet Ogilvy Renault et les conseils d’administration de Nova Chemicals Corporation, Alcan ou Rio Tinto. « Siéger au conseil d’administration d’une société cotée en Bourse — et j’ai siégé au conseil de nombre d’entre elles — m’a aidé dans ma pratique de l’arbitrage international, confiait-il dans un entretien (9). Ça m’a donné une vue sur le monde des affaires que je n’aurais pas eue en tant que simple avocat. » Un véritable gage d’indépendance.

Une vingtaine de cabinets, principalement américains, fournissent la majorité des avocats et arbitres sollicités pour les RDIE. Intéressés à la multiplication de ce genre d’affaires, ils traquent la moindre occasion de porter plainte contre un Etat. Pendant la guerre civile libyenne, l’entreprise britannique Freshfields Bruckhaus Deringer conseilla par exemple à ses clients de poursuivre Tripoli, au motif que l’instabilité du pays générait une insécurité nuisible aux investissements.

Entre les experts, les arbitres et les avocats, chaque contentieux rapporte en moyenne près de 6 millions d’euros par dossier à la machine juridique. Engagées dans un procès de longue haleine contre l’opérateur aéroportuaire allemand Fraport, les Philippines ont même dû débourser la somme record de 58 millions de dollars pour se défendre — l’équivalent du salaire annuel de douze mille cinq cents enseignants (10). On comprend que certains Etats aux ressources faibles cherchent à tout prix des compromis, quitte à renoncer à leurs ambitions sociales ou environnementales. Non seulement un tel système profite aux plus riches, mais de jugements en règlements amiables, il fait évoluer la jurisprudence et donc le système judiciaire international hors de tout contrôle démocratique, dans un univers régenté par l’« industrie de l’injustice ».

Benoît Bréville & Martine Bulard


Total cherche à échapper à l’impôt grâce à un traité de libre-échange (Pétrole ougandais)

 par Edward Ronald Segyawa, Frank Mulder

Les mécanismes de protection des investisseurs étrangers inclus dans les traités de libre-échange connus sous le nom d’ISDS – aujourd’hui au centre de la contestation du projet d’accord commercial entre Europe et États-Unis – sont depuis longtemps utilisés par les entreprises occidentales de faire pression sur les pays en développement. Poursuivi l’année passée par Total pour un litige fiscal lié au pétrole, l’Ouganda a rejoint le nombre des nations qui se posent la question : « Comment avons-nous jamais pu accepter ça ? »

Cet article a été publié initialement en anglais par Inter Press Service. Reproduit avec autorisation. Traduction : Olivier Petitjean.

Début 2015, la compagnie pétrolière française Total a déposé une requête en arbitrage commercial international contre le gouvernement de l’Ouganda. Ce type d’arbitrage est, en un mot, un mécanisme visant à résoudre une litige non pas devant un tribunal public, mais en se fiant au verdict d’un tribunal privé. Les deux parties choisissent un arbitre, généralement un juriste spécialisé dans le droit de l’investissement, et les deux arbitres ainsi désignés en choisissent ensemble un troisième. Le processus se déroule sous l’égide, en l’occurrence, de la Banque mondiale.

Pour l’Ouganda, il s’agit d’une nouvelle avanie dans sa tentative laborieuse de transformer ses ressources pétrolières en revenus.

Noms paisibles

Les réserves de pétrole brut du pays sont estimées par les géologues gouvernementaux à 6,5 milliards de barils, dont la moitié git sous le célèbre parc naturel de Murchison Falls, réputé pour sa faune sauvage. Les puits ont été dotés de noms exotiques tels que Crocodile, Buffalo (« buffle »), Giraffe (« girafe ») et Warthog (« phacochère »).

Ces noms paisibles contrastent avec les conflits amers que suscite le pétrole. La mise en production commerciale a été plusieurs fois retardée par des litiges avec les entreprises prospectrices sur la fiscalité et les plans de développement. Désormais, c’est l’entreprise pétrolière française Total qui refuse de payer ses taxes. Elle a acquis une participation de 33% dans un projet de Tullow Oil dont la valeur est estimée à 2,9 milliards de dollars. Selon la législation ougandaise, en cas d’acquisition de participations dans un projet de ce type, une taxe administrative sur les transferts de propriété doit être acquittée.

Cependant, la firme pétrolière refuse de s’exécuter, estimant qu’elle n’a aucune obligation légale à payer la somme réclamée par le gouvernement. Total n’a pas révélé le montant en jeu, ni les raisons pour lesquelles elle conteste cette taxation, mais une source au sein de l’autorité fiscale ougandaise avait déclaré à Reuters il y a quelque temps que le contrat de partage de production entre l’Ouganda et les propriétaires de la concession incluait une exemption fiscale.

Secret

Depuis leurs bureaux dans un immeuble de verre de huit étages situé dans le quartier cossu et verdoyant de Nakasero, dans la capitale ougandaise Kampala, la directrice des affaires générales de Total, Ahlem Friga-Noy, nous a déclaré qu’« au vu des obligations de confidentialité applicables, nous ne sommes pas en mesure de commenter la procédure ».

Le Bureau du Procureur général du gouvernement de l’Ouganda répond de manière identique : « Nous sommes sous l’obligation de ne pas révéler la teneur de l’affaire au public jusqu’à ce que cela soit approprié. »

Ce qui nous renvoie directement au problème fondamental que pose l’arbitrage commercial international. Dans un tribunal normal, toutes les parties affectées et toutes les parties prenantes ont droit à la parole, ou du moins le droit d’écouter, mais une cour d’arbitrage est extrêmement opaque. Personne n’est obligé de rien révéler. L’État ougandais s’est-il réellement comporté de manière contestable ? Ou bien est-ce l’entreprise qui abuse des mécanismes d’arbitrage comme moyen de pression pour obtenir un allégement de son fardeau fiscal ? Le public n’a aucun moyen de le savoir, jusqu’à ce que le verdict du tribunal privé – qui implique souvent des amendes de plusieurs millions de dollars – soit rendu public.

Sandwich néerlandais

Le problème auquel est aujourd’hui confronté l’Ouganda a été rendu possible par la signature en 2000 d’un Traité bilatéral d’investissement avec les Pays-Bas. Selon les termes de ce traité, tous les investisseurs néerlandais en Ouganda ont le droit de requérir un arbitrage devant un tribunal de la Banque mondiale s’ils ont le sentiment d’avoir été traités injustement. L’entreprise française Total Ouganda s’est enregistrée aux Pays-Bas.

Cette manœuvre est connue sous le nom de « sandwich néerlandais » : elle consiste à placer une filiale néerlandaise entre vous et le pays où vous opérez, ce qui vous fait devenir un investisseur néerlandais. Ce qui permet de transformer un traité d’investissement en outil permettant de traîner un État devant un tribunal à Washington composé de trois personnes proches du monde des affaires et ayant le pouvoir d’imposer des amendes pouvant se compter en milliards de dollars, sans aucune possibilité d’appel. Si l’Ouganda est condamné à verser une compensation et refuse de la payer, l’entreprise aura le droit de faire saisir des actifs ougandais partout dans le monde.

En contradiction avec la loi ougandaise

Ceci est en totale contradiction avec la loi ougandaise, estime l’avocat et défenseur renommé des droits humains Isaac Ssemakadde. « Selon la constitution de l’Ouganda, la fiscalité relève exclusivement de la législation de l’État. » Ce qui signifie que les litiges doivent être tranchés sur la seule base de la législation nationale. « Même un contrat entre parties ne peut prévaloir sur les obligations fixées par la loi. Il n’y a donc aucune place pour l’arbitrage en matière de fiscalité », explique-t-il.

« Dans le cadre d’un litige fiscal antérieur entre Heritage Oil and Gas et l’autorité fiscale ougandaise, la Haute Cour a interdit au gouvernement de renvoyer la procédure devant des tribunaux d’arbitrage à Londres ou ailleurs en dehors de la juridiction des tribunaux ougandais », ajoute Ssemakadde.

Bref, « Total bénéficie d’un traitement préférentiel différent des autres personnes morales commerciales, en violation de l’article 21 de la constitution de l’Ouganda, lequel stipule que toutes les personnes sont égales devant la loi ».

Personne n’est en mesure de vérifier les allégations de Total sur l’existence d’une exemption fiscale parce que les contrats de partage de production sont confidentiels. Ceci en dépit de la promulgation dès 2005 en Ouganda d’une loi sur le droit d’accès à l’information. Cette situation restreint de fait la discussion et la connaissance de ce qui se passe au sein du secteur pétrolier ougandais à une poignée de hauts fonctionnaires et de bureaucrates. L’Ougandais ordinaire est tenu à l’écart de ce qui s’y passe.

Cette opacité est avantageuse non seulement pour les compagnies pétrolières, mais aussi pour certains hommes politiques, qui semblent intéressés à « personnaliser » les revenus pétroliers. Le président ougandais Yoweri Museveni a ainsi récemment expliqué à ses concitoyens que ceux qui cherchaient à le défier politiquement lors des prochaines élections générales « étaient après son pétrole ».

Traités bilatéraux d’investissement

Une carte interactive réalisée par des journalistes néerlandais avec tous les cas connus d’ISDS dans le monde montre que ces mécanismes sont principalement utilisés contre les pays en développement. Parfois, ces derniers se sont clairement comportés de manière condamnable vis-à-vis d’un investisseur, mais dans d’autres cas, l’ISDS est très probablement utilisé comme outil de pression et de menace par les firmes multinationales, en vue d’obtenir de meilleures conditions commerciales. Le coût de ces procédures s’élève à 8 millions de dollars en moyenne, selon le calcul de l’Organisation pour la coopération et le développement économique.

Pour les avocats et les arbitres eux-mêmes, les mécanismes ISDS sont simplement un outil efficace pour défendre l’état de droit. « Je suis content que l’arbitrage existe », déclare un avocat néerlandais spécialisé dans le droit de l’investissement. « Il y a beaucoup d’États voyous dans le monde. Et de quoi se plaignent-ils ? Ce sont bien eux qui ont signé le traité. »

« Au final, c’est le contribuable lambda ougandais qui doit assumer le poids et les conséquences des énormes sommes d’argent qui devront être dépensées pour ce processus d’arbitrage »,, dénonce Ssemakadde. « Tandis que Total peut se permettre de financer une équipe d’avocats à Washington pour, par exemple, un mois, l’Ouganda n’en a pas réellement les moyens. »

Les gens demeurent dans l’ignorance des accords qui sont passés, et de qui fait réellement pression sur qui. Jusqu’à ce que le public ougandais commence à considérer le pétrole, ainsi que les traités que signe son gouvernement, comme lui appartenant collectivement, et non comme le domaine réservé d’une petite élite au sein de l’appareil d’État, les entreprises comme Total continueront à traîner le pays dans des procédures d’arbitrage onéreuses, payées par les contribuables ougandais, qui sont les véritables propriétaires des ressources nationales.

Edward Ronald Segyawa et Frank Mulder

Cet article fait partie d’un projet de recherche mené par De Groene Amsterdammer, Oneworld et Inter Press Service, et soutenu par l’European Journalism Centre (rendu possible par la Fondation Gates). Pour plus d’informations : www.aboutisds.org.


Les juges allemands contre l’ISDS : fin de non recevoir opposée à la Commission Européenne

L’association principale des juges allemands (DRB) s’oppose à l’établissement d’une cour internationale des investissements dans le cadre du TAFTA, disant n’y voir « ni base légale ni nécessité ».

Dans une déclaration publiée le 2 février, l’association met l’accent sur les points suivants :

  • Il n’y a pas de base soutenant l’hypothèse selon laquelle les systèmes légaux des États membres ne sont pas suffisamment fiables pour protéger adéquatement les investisseurs étrangers. L’idée d’une cour spéciale réservée aux investisseurs étrangers fait « fausse route ».
  • Le DRB exprime également ses doutes considérables en ce qui concerne la compétence de l’Union Européenne pour établir une telle cour internationale. Celle-ci interférerait gravement avec les systèmes juridiques et législatifs des États membres et de l’Union.
  • L’indépendance des arbitres (appelés « juges » dans la proposition de la Commission) fait aussi l’objet de vives critiques : la proposition de la Commission ne garantit ni leur indépendance financière, et ne précise pas les modalités de la sélection des dits arbitres.

Arbitrage d’investissement (ISDS) : les opposants au TAFTA contre la nouvelle proposition de la Commission européenne

Alors que l’Assemblée nationale examine aujourd’hui un rapport sur l’arbitrage d’investissement (rapport Seyba Dagoma sur le mécanisme de règlement des différends États-investisseurs dans les accords internationaux ), 33 organisations de la société civile (Amis de la terre, Anticor, Attac, Institut Veblen, Oxfam, Sherpa, etc.) désaprouvent la proposition de réforme de l’arbitrage d’investissement de la Commission européenne.

Ils appellent les parlementaires français à y faire opposition, notamment dans le cadre des négociations du traité  transatlantique. Le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) permet aux investisseurs étrangers de porter plainte contre des États quand ils estiment que des décisions de politiques publiques affectent leurs intérêts.

« Il est utilisé de plus en plus souvent de façon abusive, avec le risque de dissuader les gouvernements de prendre des mesures d’intérêt public et de miner les principes démocratiques« , soulignent les associations dans un communiqué. Et de citer le dernier cas en date : l’entreprise TransCanada réclame 15 milliards de dollars au gouvernement américain pour ne pas avoir autorisé le projet Keystone XL.(Voir aussi les effets sur l’environnement ici)

Depuis le début des négociations concernant le TAFTA, de plus en plus de voix s’élèvent pour demander l’exclusion du RDIE du projet de traité transatlantique. En 2014, 97% des 150 000 réponses reçues lors de la consultation de la Commission européenne sur le TAFTA lui étaient défavorables. En France, l’Assemblée nationale a voté plusieurs résolutions demandant son exclusion des négociations.

En réponse, la Commission européenne a dû présenter une nouvelle proposition le 12 novembre denier, reprenant, entre autres, des propositions de la France. Mais selon les associations signataires du communiqué, malgré quelques améliorations comme l’instauration d’un mécanisme d’appel et d’une liste prédéfinie d’experts compétents pour officier comme arbitres, « la nouvelle proposition de mécanisme d’arbitrage de la Commission européenne ne répond ni aux préoccupations de fond exprimées par les eurodéputés en juin 2015, ni à celles formulées par les parlementaires français dans plusieurs résolutions ou par les citoyens. Elle ne peut et ne doit pas être validée en l’état, et doit être exclue des négociations sur le TAFTA« .


L’avenir du TTIP se joue peut-être en Wallonie

Cecilia Malsmtröm a-t-elle convaincu ? Pas sûr. Pourtant, elle s’est montrée très rassurante, battant en brèche autant que possible les inquiétudes soulevées par les députés wallons.

Campagne de promotion ou d’information?

« Je ne suis pas là pour faire la promotion du traité« . En réponse à notre question « Avez-vous le sentiment d’avoir convaincu? », la Commissaire européenne adopte une attitude très neutre. Elle négocie le traité, dit-elle, parce qu’elle a le mandat unanime de 28 pays européens pour le faire. Point.

La conviction qu’elle y met tranche toutefois avec les réflexions désabusées des députés: On a bien vu ce qu’il est resté des promesses de l’OMC, dit l’un. Un autre souligne les dégâts sur l’emploi que cause la directive sur le détachement des travailleurs, pourtant présentée comme une avancée. Un troisième parle de traité d’inspiration libérale qui risque de ruiner les services publics. Un autre encore interroge sur l’origine des études qui promettent un avenir radieux après l’adoption du traité.

Des balises pour les discussions

La Commissaire ne peut compter dans l’assemblée que sur le seul appui – mesuré – du Mouvement Réformateur. Pas d’angélisme mais pas non plus de suspicion populiste qui affublerait le traité de tous les maux avant qu’on ne sache ce qu’il prévoit, disent en substance les libéraux. Sauf que ce sera trop tard pour réagir, laissent entendre les députés des autres bancs.

Paul Magnette, le Ministre-Président wallon, assiste au débat. Il évoque 3 réticences vis-à-vis du TTIP. Plus exactement, il parle de « balises aux discussions ». « On voit les avantages mais on mesure aussi les inconvénients« , explique-t-il. Et il précise: « Si nos normes sociales devaient être menacées, si nos normes environnementales devaient être menacées, si elles devaient demain avoir moins d’importance que les règles en matière de commerce, ça ne serait pas acceptable. » Pas plus acceptable le fait de recourir, en cas de conflit, à des arbitrages privés plutôt qu’aux tribunaux. Traité imbuvable, a fortiori, s’il permet de détricoter les services publics.

En déphasage avec le reste de l’Europe

Au cœur des questions: le modèle européen de protection du citoyen peut-il être préservé en face d’une Amérique du Nord à la réputation protectionniste chez elle et libre-échangiste ailleurs?

La Commissaire se fait toutefois pressante. Elle souligne que la Belgique figure, selon certaines études, dans le Top 4 des nations qui ont le plus à gagner du TTIP. Elle évoque l’emploi lié aux exportations – 1 poste sur 6 en Belgique – et elle souligne que s’éloigner du pôle de croissance américain, c’est condamner l’Europe au déclin économique.

Elle porte enfin l’estocade: « Sachez, dit-elle, que dans 24 pays, les citoyens réclament l’adoption du TTIP… »

Autrement dit, ceux qui s’y opposent font figure, au mieux, de vilains petits canards, au pire, de francs-tireurs en retard d’une guerre.

Transparence

La démonstration porte-t-elle? Sans doute un peu mais, jusqu’ici, pas assez pour ébranler la conviction des députés qui rappellent que la situation les inquiète; qu’en face d’eux, il y a une Amérique dont l’attitude commerciale est quelquefois équivoque; que c’est la cohérence européenne qui est en danger; que le modèle d’agriculture européen risque d’être balayé…

Les arguments ne manquent pas. Et ils puisent des indices dans cette posture dont les négociateurs européens assument aujourd’hui la conséquence: les pourparlers sont menées à l’abri des regards démocratiques; on n’a pas accès aux textes américains autrement que pendant un cours laps de temps, sous surveillance, sans moyen d’analyse et encore: si on est un député autorisé. Ça fait plutôt tache quand on se dit « transparent » et ça génère de la suspicion.

On ne tire pas les ficelles mais on pourrait les couper

Cecilia Malmström est bien consciente de tout ceci. Elle ne le cache d’ailleurs pas quand elle explique que sa visite à Namur est la 20ème à un parlement national, fédéral ou régional. Long pèlerinage justifié par un but: si elle obtient un accord avec les – éventuels – partenaires américains, elle devra encore accrocher la ratification européenne au bas du document.

Or, il existe à ce jour deux hypothèses entre lesquelles on n’a pas encore tranché: soit l’accord final dépend uniquement des instances européennes et c’est le Parlement européen qui signe tout seul. Soit l’accord est considéré comme « mixte », et il doit aussi être ratifié par les États membres dans les parlements nationaux et régionaux.

Et si c’est le cas, si petite soit-elle, la Wallonie pourrait faire capoter l’accord! On imagine que tout sera fait pour ne pas devoir en arriver là. Mais puisqu’on n’en sait encore rien, mieux vaut sans doute calmer le jeu tout de suite, rassurer les frileux ou les contraindre si c’est possible. Cecilia Malmström s’est essayée ce vendredi à l’exercice. Elle a même dit son intention de revenir si nécessaire.

Les députés wallons ont salué sa présence. C’est une initiative démocratique, ont-ils dit. Ils ont même souligné que la Commissaire européenne témoignait plus d’égards envers eux que le Gouvernement fédéral. Et même s’ils ne caressent que de loin la chimère de bouleverser le cours de l’histoire européenne, ils sont probablement repartis avec l’idée qu’ils peuvent peut-être l’infléchir un peu.


Veolia réclame à la Lituanie plus de 100 millions d’euros d’indemnités

 

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Libération | 27 janvier 2016

Veolia réclame à la Lituanie plus de 100 millions d’euros d’indemnités

Le groupe français Veolia a annoncé mercredi avoir demandé un arbitrage international contre la Lituanie, à laquelle il réclame plus de 100 millions d’euros d’indemnisation au titre d’un «traitement injuste et l’expropriation» de ses filiales.

«Veolia a eu recours à l’arbitrage international en raison du manque de volonté de l’Etat lituanien d’indemniser la compagnie, à la suite des modifications injustes et discriminatoires dans les lois et règlements qui ont entraîné des pertes importantes de ses filiales», Vilniaus Energija et Litesko, a indiqué Veolia dans un communiqué.

Selon le groupe français, «la Lituanie a lancé une campagne de harcèlement pour des raisons politiques» contre Veolia, qui estime le montant initial de compensations à plus de 100 millions d’euros.

«Malgré notre excellent bilan, nous n’avons pas eu d’autre choix que de déposer hier une demande d’arbitrage international devant le CIRDI [Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements] à Washington, DC», a déclaré lors d’une conférence de presse à Vilnius Malika Ghendouri, vice-présidente de Veolia pour l’Europe centrale et orientale.

Veolia affirme que les autorités lituaniennes refusent de lui compenser les pertes de ses filiales Vilniaus Energija et Litesko, subies à cause de changements législatifs et réglementaires qu’il juge discriminatoires.

«Nous n’avons pas vu les documents, et on ne peut pas commenter les détails», a déclaré pour sa part le ministre lituanien de l’Energie, Rokas Masiulis, après l’annonce de Veolia. «On ne peut exclure qu’une poursuite en justice soit engagée contre Vilniaus Energija, dont les parts sont détenues par Veolia, car il y a beaucoup de faits qui confirment des actions inappropriées de Vilniaus Energija», a-t-il ajouté. «Il semble cependant que c’est Veolia qui a tiré le premier coup et essayera de prouver que c’est l’Etat qui lui a fait du mal et non l’inverse», a-t-il encore déclaré.

Vilniaus Energija a jusqu’en avril 2017 pour restituer le réseau de chauffage de Vilnius, loué en 2002 pour une période de 15 ans et dans lequel la société a investi environ 160 millions d’euros (plus de 200 millions d’euros en Lituanie au total), à la société municipale Vilniaus Silumos Tinklai (VST).

La société Litesko gère des systèmes de chauffage dans neuf villes lituaniennes.


TAFTA-TTIP / CETA / LIBRE ÉCHANGE : QUOI DE NEUF EN CE DÉBUT 2016 ?

TRANSCANADA : DE L’ALENA … AU TAFTA
L’entreprise canadienne TransCanada a annoncé le 6 janvier son intention de poursuivre les USA devant un tribunal arbitral en  raison de la décision de B. Obama de ne pas autoriser le projet d’oléoduc KeyStone XL, oléoduc ayant pour but de transporter les pétroles bitumineux issus de l’Alberta jusqu’au Golfe du Mexique.
TransCanada s’appuie sur le mécanisme de règlement des différends Investisseur-Etat du traité de l’ALENA (accord de libre-échange
USA-Canada-Mexique).
TransCanada réclame donc la bagatelle de 15 milliards de dollars de compensation, arguant du manque à gagner au regard des profits qu’elle escomptait ! La firme a par ailleurs initié un recours juridique parallèle contre le gouvernement Obama, auprès d’une cour fédérale au Texas, avec pour argument que le refus d’Obama allait à l’encontre de la Constitution des USA.
Ces plaintes rappellent encore une fois que les accords UE/Canada (CETA) et UE/USA (TAFTA) comprennent des dispositifs semblables à ceux de l’ALENA permettant à une entreprise Nord-américaine ou européenne d’attaquer une décision publique avec les mêmes arguments que TransCanada.

Notons aussi que cette plainte ne peut que contribuer à dissuader les gouvernements nord-américains d’agir pour le climat (si tenté qu’ils aient réellement l’intention de le faire…). Sans compter le coût de la procédure et les potentielles indemnités qui seront  facturés aux contribuables états-uniens.

 SAUVER LE CLIMAT EN SIGNANT DES ACCORDS DE LIBRE-ECHANGE ?
On se doute de la réponse avec l’exemple de TransCanada. Et comment croire à la sincérité des négociateurs Nord-américains et  européens de la COP21, quand ces mêmes négociateurs continuent à donner la priorité à la libéralisation massive du commerce international et à la protection des droits des investisseurs ?
Un nouveau rapport publié par des ONG européennes analyse plusieurs exemples de poursuites initiées par des entreprises pour faire abandonner des politiques visant à réduire les recours aux énergies fossiles ou favoriser les renouvelables.
Au total, pas moins de 35% des litiges Etats-investisseurs concernent à ce jour le secteur des énergies et des industries extractives. Selon ce rapport, ces litiges sont majoritairement tranchés en faveur des entreprises, avec à la clé des compensations se chiffrant souvent en centaines de millions d’euros.
La question de l’accès au pétrole et au gaz étatsunien est une priorité de l’Union européenne dans le cadre de la négociation du TAFTA. A tel point que la Commission de l’UE a exigé que « toute mention explicite du commerce » soit exclue dans l’accord climatique de Paris. Message reçu cinq sur cinq par les négociateurs de la COP21 !
La conclusion est claire : le combat contre le TAFTA, CETA et autres accords de libre échange est une composante essentielle de la lutte pour sauver le climat.
UN EURO-DÉPUTÉ PS BELGE EXIGE L’ARRÊT DES NÉGOCIATIONS SUR LE TAFTA
Marc Tarabella est un député européen belge, membre du PS belge, en charge de l’agriculture et de la Protection des consommateurs au Parlement européen. Il est parvenu à se procurer le rapport d’évaluation des gains des projets de TTIP (ou TAFTA), interne au ministère de l’agriculture américain.
Ce qu’il a lu l’a amené à publier, juste avant Noël, un communiqué public qui a le mérite de mettre les points sur les i. Selon ce communiqué, les conclusions du rapport interne du ministère américain de l’agriculture sont « sans appel : d’une part, le secteur agricole européen serait le grand perdant de cet échange, d’autre part les Européens pourraient même subir des effets négatifs en cas d’accord.
De l’aveu même des Américains, les Européens n’ont pas grand-chose à y gagner. »
Et le député du PS belge de conclure : « Au vu de ces résultats, je demande l’arrêt pur et simple des négociations avec les États-Unis. Je ne veux pas voir mener à l’abattoir l’agriculture européenne et dans son sillage la subsistance alimentaire européenne. »
Nous aimerions savoir ce que pensent nos euro-députés français, et PS en particulier, de cette prise de position.

LES ÉCHÉANCES DU LIBRE ÉCHANGE

TAFTA/TTIP :
• 12e cycle de négociations à Bruxelles du 22 au 26 février. Le Tafta avance et le niveau de libéralisation des droits de douane a été fixé lors du dernier round à Miami (97%).
• Risque de précipitation des négociations avec l’élection présidentielle aux USA et de l’accouchement d’un accord allégé avec un renvoi vers la coopération réglementaire.
Du côté américain, les négociateurs veulent donc aller plus vite avant la fin du mandat d’Obama ; mais il faut tenir compte du poids du TPP (accord trans-pacifique) qui doit passer devant le congrès, ce qui rend les choses compliquées…
CETA (accord UE/Canada) :
• La phase de mise en forme légale (« legal scrubbing ») est terminée et la phase de traduction toujours en cours.
• Il se pourrait que le dossier arrive sur le bureau du conseil des ministres de l’UE le 13 mai pour signature → un accord de ce type requiert la majorité qualifiée. La ratification devant le parlement européen interviendrait alors à la rentrée, vers octobre.
• Discussions en ce moment sur la réécriture du chapitre sur ISDS → le scénario de l’ICS semble acceptable par les deux parties au traité.
• En cours également, la procédure Cour européenne justice sur la compatibilité de l’accord UE-Singapour avec les traités UE (mais aussi si c’est un accord mixte?).
C’est une décision contraignante → l’accord en question saute si la CJE rend un verdict négatif. Cette décision ne fera pas forcément jurisprudence (et donc influencer sur la ratification du CETA) ; la question est de savoir si la Commission attend ce jugement avant d’initier la ratification du CETA ou si elle considère que cela n’a rien à voir.

Le partenariat transatlantique et la justice privée

L’article 23 du mandat donné par les gouvernements, de l’Union européenne à la Commission de Bruxelles pour négocier un grand marché transatlantique  (GMT) avec les USA précise « (…) L’Accord devrait viser à inclure un mécanisme de règlement des différends investisseur-Etat efficace et des plus modernes, garantissant la transparence, l’indépendance des arbitres et ce qui est prévu par l’Accord, y compris à travers la possibilité pour les Parties d’appliquer une interprétation contraignante de l’Accord. (…). » L’article 32 étend la compétence d’un tel mécanisme aux matières sociales et environnementales et l’article 45 à l’ensemble des matières couvertes par le mandat. En outre, l’article 27 précise que « L’Accord sera obligatoire pour toutes les institutions ayant un pouvoir de régulation et les autres autorités compétentes des deux Parties ». Ce qui signifie qu’un tel RDIE pourra être aussi utilisé contre des décisions des Communes, des Départements et des Régions, dont le pouvoir de régulation est garanti par l’article 72 de la Constitution de la République.

Ainsi formulées, les dispositions du mandat européen sont susceptibles de trouver les mêmes applications que celles prévues par l’ALENA. Elles sont d’ailleurs semblables à celles qu’on trouve dans certains traités de libre-échange passés par l’UE avec des pays du Sud comme avec le traité signé – mais pas encore ratifié – avec le Canada.

Le GMT a suscité une opposition qui ne cesse de croître. Des centaines de collectivités territoriales ont demandé l’arrêt des négociations. Des syndicats ouvriers et agricoles, des organisations de défense des droits humains, des consommateurs ou de l’environnement, et plus de trois millions de signatures collectées dans toute l’UE ont fait de même. Si d’autres aspects de ce projet mobilisent des secteurs particuliers, le RDIE est un des dangers majeurs retenus par les critiques de ce projet de traité, même parmi ceux qui en acceptent le principe. Dans plusieurs pays, des résolutions parlementaires – sans effets de droit – ont demandé son retrait de la négociation. Le rejet est tel, y compris au sein de gouvernements qui avaient pourtant approuvé le mandat de négociation, que la Commission européenne, qui redoute le refus des parlements de le ratifier, vient de proposer un nouveau système juridictionnel pour les conflits entre investisseurs et pouvoirs publics.

Ce système serait composé d’un tribunal de première instance et d’une cour d’appel ; les arrêts seraient rendus par des juges « hautement qualifiés » à l’image des magistrats de la Cour internationale de Justice ; la capacité des investisseurs à saisir cette juridiction ferait l’objet de définitions précises et le droit des Etats de réglementer serait consacré et protégé. Un tel projet, qui a le mérite de rencontrer plusieurs des objections formulées à l’encontre de l’arbitrage, appelle une véritable refonte de tout le système d’arbitrage élaboré depuis 1923 et réclame non seulement l’adhésion des Etats-Unis, ce qui est très loin d’être acquis, mais surtout celle de toutes les organisations privées qui participent de ce système. Pour que la proposition de la Commission européenne soit autre chose que de la poudre aux yeux destinée à calmer les inquiétudes, il faudrait que le RDIE soit retiré du GMT et que soit convoquée une conférence internationale réunissant tous les acteurs de l’actuel système d’arbitrage. Seule une telle initiative offrirait une perspective crédible d’un vrai changement. Dans les deux cas, on est loin du compte.

Ce qui justifie tous les doutes sur la volonté réelle de modifier vraiment le RDIE dans le cadre du GMT. D’autant que c’est la Commission elle-même qui a proposé les articles qui le concernent dans le mandat européen. Et l’on sait depuis peu que dans la négociation du traité de libre-échange avec le Canada, c’est la Commission européenne qui l’a introduit alors qu’il ne s’y trouvait pas au départ et qu’elle a fait de même pour le projet d’Accord sur le Commerce des Services, une négociation totalement secrète qui a pour objet d’amplifier et de rendre irréversibles les effets de l’Accord Général sur le Commerce des Services i.

Quand la Commission invoque son souci de transparence pour justifier une telle réforme de l’arbitrage, comment la croire alors qu’elle pratique l’opacité dans toutes les négociations qu’elle conduit ou auxquelles elle participe ? Quand la Commission, qui est à l’origine de tant de propositions qui toutes concourent à la dérégulation et au dépérissement des Etats au profit des firmes privées, devient soudainement le défenseur du droit des Etats à réglementer, comment la prendre au sérieux ?

i Raoul Marc Jennar, « Cinquante Etats négocient en secret la libéralisation des services », Le Monde diplomatique, septembre 2014.


Tafta / Ttip : l’élaboration des normes et des lois bientôt confiée aux lobbies industriels ?

C’est l’un des piliers de l’accord transatlantique de libre échange Tafta (appelé aussi TTIP), en négociation depuis 2013 : la « coopération réglementaire ». Que cache ce jargon techno ? La coopération réglementaire est une procédure de négociation pour fixer les normes et règlementations encadrant la fabrication d’un produit ou la commercialisation d’un service, quel que soit le secteur économique concerné. Cette négociation entre plusieurs États se déroule avant que les normes soient adoptées par leurs parlements respectifs, et vise ainsi à faciliter leur commerce en faisant en sorte que les standards soient communs. Jusqu’ici tout va bien, sauf que… « La coopération réglementaire réduit nos processus démocratiques », accuse l’ONG bruxelloise Corporate Europe Observatory dans un rapport publié ce 18 janvier [1]. Car les groupes de travail constitués pendant ces négociations sont très largement influencés par les grandes entreprises du secteur concerné. Un peu comme si l’on confiait l’élaboration d’une loi – sur l’encadrement des pesticides par exemple, les normes de pollution d’une voiture ou les ingrédients pouvant entrer dans la composition d’un aliment – aux industriels qui les fabriquent.

Le Tafta se propose d’institutionnaliser de tels mécanismes entre l’Union européenne et les États-Unis. « L’amélioration de la compatibilité des réglementations entre l’UE et les États-Unis est un aspect charnière des négociations relatives au partenariat transatlantique de commerce et d’investissement. Il s’agit là du volet des négociations le plus prometteur en matière d’emploi et de croissance. Il sera en outre synonyme d’une offre plus variée pour les consommateurs et du renforcement (et non de l’affaiblissement) des réglementations. » Voilà ce que promet la Commission européenne. L’ONG Corporate Europe Observatory (CEO) n’est pas du tout du même avis. Pour elle, « la coopération réglementaire dans l’accord proposé entre les États-Unis et l’Union européenne augmentera le pouvoir des lobbyistes des grandes entreprises pour attaquer les lois qui sont dans l’intérêt public et pour restreindre le pouvoir de nos élus. ».

Pour le démontrer, l’ONG analyse six exemples de négociations transatlantiques récentes sur des réglementations dans les domaines de la protection des données, de la gestion des déchets électroniques, des tests de produits cosmétiques sur les animaux, des substances industrielles qui attaquent la couche d’ozone, des émissions de l’aviation civile et de la régulation financière. À chaque fois, le mécanisme de coopération réglementaire à l’œuvre de manière informelle a agi dans le sens d’un affaiblissement des règlementations aux dépens du consommateur, du citoyen, et des principes démocratiques.

Un projet de dérégulation lancé il y a vingt ans

« Il est important de ne pas oublier que la coopération réglementaire n’est pas un phénomène nouveau et que ce qui est maintenant au cœur des négociations est la prochaine étape d’un projet commun lancé il y a vingt ans », note le rapport. Dans cette histoire qui commence au début des années 1990, une date marque un tournant : celle du lancement du « Dialogue transatlantique entre entreprises » (Trans-Atlantic Business Dialogue, TABD), par le département états-unien du Commerce et la Commission européenne. Son objectif : « Servir de dialogue officiel entre les leaders états-uniens et européens du business et entre les secrétaires de cabinet états-uniens et les commissaires européens. »[Voir ici.]] Que se passe-t-il dans ces discrets lieux de décisions ? « Au fil des années, le TABD est devenu très influent, et de hauts fonctionnaires européens et états-uniens ont pris l’habitude de demander un avis détaillé aux lobbys des affaires afin d’adapter l’agenda officiel aux demandes des entreprises, rapporte Corporate Europe Observatory. Des décisions officielles cruciales ont été prises sous l’influence majeure du TABD et des priorités des grandes entreprises. »

Le rapport prend l’exemple des réglementations sur les cosmétiques. En 1993, l’Union européenne projette d’interdire la mise sur le marché de produits cosmétiques testés sur des animaux. Le groupe de dialogue transatlantique interentreprises TABD ne tarde pas à réagir. « La position du TABD était qu’une interdiction devait être repoussée et que les interdictions ne devraient être qu’une option si l’industrie pouvait utiliser des méthodes d’expérimentation alternatives. » Conséquence : la Commission européenne repousse l’entrée en vigueur de l’interdiction et propose de remplacer l’interdiction de mise sur le marché par une simple prohibition des expérimentations animales sur le territoire de l’UE. Le Parlement européen n’a pas cédé. Il a adopté en 2002 une véritable interdiction de mise sur le marché des produits testés sur les animaux, mais avec des concessions sur le calendrier. Finalement, « l’interdiction de mise sur le marché est entrée en vigueur vingt ans après qu’une première décision ait été prise et quinze ans après qu’elle ait été envisagée pour la première fois », précise l’ONG.

Un processus similaire s’est déroulé sur la question des déchets électroniques. Là aussi, les projets de réglementation du début des années 1990 aboutissent, une décennie plus tard, à des directives bien moins ambitieuses. À la lumière de ces exemples et des quatre autres cas examinés dans le rapport, Corporate Europe Observatory alerte : « La coopération réglementaire n’est ni plus ni moins qu’une boîte à outils pour les lobbys des entreprises. Elle leur fournit une série de voies d’accès leur permettant d’avoir la main sur l’agenda réglementaire officiel. » Avec le traité transatlantique Tafta, ce mécanisme deviendrait obligatoire. Ce sujet en constitue même l’un des trois chapitres. Avec le mécanisme de traitement arbitral des conflits entre États et multinationales (l’Investor-state dispute settlement, ISDS), qui permet aux multinationales de réclamer des indemnités en cas de mesures qu’elles jugent défavorables, c’est aussi l’un des volets du projet les plus controversés. Et une confiscation encore plus grande de la possibilité d’élaborer des lois d’intérêt général.

Notes

[1“Le dangereux duo réglementaire : Comment la coopération réglementaire transatlantique sous le TTIP permettra à l’administration et aux grandes entreprises de s’en prendre aux intérêts publics”, réalisé en partenariat avec l’ONG allemande Lobby Control, téléchargeable ici.


Les lobbies vont écraser la démocratie

Les autorités européennes et américaines tentent de réduire la coopération réglementaire, une des facettes du TTIP, à un simple processus technique. Mais il faut se préoccuper de la capacité de cet outil à abaisser nos normes. Une prise de conscience est urgente. Une opinion de Lora Verheecke et David Lundy – Corporate Europe Observatory (cette ONG travaille sur les menaces que grandes entreprises et lobbies font peser sur la démocratie en Europe). 


Les menaces pour la démocratie et les droits que fait peser le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP : l’accord commercial entre les États-Unis et l’Union européenne actuellement en cours de négociation entre la Commission européenne et le gouvernement américain) ont fait couler beaucoup d’encre. Les critiques se sont concentrées sur le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États. Ce mécanisme permet aux entreprises de contester les décisions démocratiques d’États souverains si elles considèrent que de tels choix compromettent leurs bénéfices.

Pourtant, il existe une facette du TTIP tout aussi dangereuse pour les normes et la démocratie mais qui est souvent oubliée : la coopération réglementaire. Derrière cette appellation se cache un ensemble dangereux de procédures. Le peu d’attention portée à cet aspect a permis à ceux qui préféreraient éviter le débat sur ces questions de propager des messages rassurants sur la coopération réglementaire : il ne s’agirait que d’un simple outil pour éliminer toutes formalités administratives redondantes et en finir avec la bureaucratie. En réalité, la coopération réglementaire est un assortiment de procédures qui renforcera le pouvoir des lobbies des grandes entreprises contre toute législation favorisant les intérêts publics et diminuera le pouvoir des élus.

Depuis le début de la coopération réglementaire transatlantique, en 1995, l’Union européenne et les États-Unis sont déterminés à inclure les grandes entreprises dans le processus de prise de décision. C’est dans cet esprit que la Commission européenne et le département du Commerce américain ont participé à la mise en place du dialogue transatlantique entre entreprises (Transatlantic Business Dialogue, TABD, en anglais), un club de PDG issus des plus grandes entreprises de part et d’autre de l’Atlantique. Au fil des années, le TABD est devenu très influent et de hauts fonctionnaires européens et américains ont pris l’habitude de consulter de manière approfondie ce lobby des affaires pour faire coïncider l’agenda officiel avec les demandes des entreprises.

Contre les intérêts publics

Le TTIP prévoit la mise en place d’un organe de coopération réglementaire chargé d’évaluer si les lois européennes et américaines sont compatibles entre elles ainsi qu’avec les objectifs de commerce et d’investissement. Un tel organe ouvrira la porte aux souhaits des lobbies des grandes entreprises en matière de réglementation, ralentira l’adoption de nouvelles règles et modifiera celles déjà existantes. La coopération réglementaire a donc peu à voir avec le commerce. Elle cherche surtout à saboter toute loi en faveur des intérêts publics.

Certains exemples démontrent comment la coopération réglementaire et le TABD ont déjà favorisé les priorités des grandes entreprises au détriment de l’intérêt public. En 1993, l’Union européenne a voté un amendement de sa directive relative aux cosmétiques visant à interdire, à partir de 1998, la mise sur le marché de produits cosmétiques testés sur des animaux. C’était sans compter sur la pression des autorités américaines sur la Commission européenne pour qu’elle lève cette interdiction, considérée par les États-Unis comme une entrave au commerce. Les États-Unis n’ont pas hésité à brandir la menace d’une plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Le TABD a pris part à cette affaire bien avant que la proposition ne soit présentée devant une assemblée élue. En octobre 1999, son opposition était par ailleurs évidente : « Si cette interdiction entre en vigueur […], elle aura des conséquences sérieuses sur le commerce entre les États-Unis et l’Union européenne. » Malgré cette forte pression, le Parlement européen a voté l’interdiction en 2002, condamnant fermement ce que les parlementaires jugeaient comme une interférence inappropriée des États-Unis dans la politique de l’Union européenne. Cependant, des concessions ont été accordées en ce qui concerne le calendrier.

L’interdiction de mise sur le marché est entrée en vigueur en 2009, vingt ans après la première décision sur ce sujet, et quinze ans après la date initialement envisagée. Bien que les grandes entreprises auraient préféré l’abandon de cette proposition, elles ont réussi à imposer un retard considérable grâce à la coopération réglementaire.

Les PDG de Wall Street ont pris peur

De tels efforts conjugués entre les autorités européennes et américaines ont aussi permis au conglomérat financier AIG – un géant mondial des assurances – d’échapper aux contrôles avant la crise financière. En 2002, l’Union européenne a adopté une nouvelle réglementation pour veiller à ce que les sociétés transfrontalières dont les activités concernent différents secteurs des marchés financiers n’échappent plus à la réglementation relative à l’adéquation des fonds propres. Dès lors, les entreprises américaines du secteur auraient dû être contrôlées par une institution européenne et respecter la réglementation européenne en matière d’adéquation des fonds propres. Les PDG de Wall Street ont immédiatement pris peur et ont interpellé les autorités financières des États-Unis qui se sont concertées avec l’Union européenne. Dans le cadre de la coopération réglementaire, des discussions ont été menées pour rapprocher les réglementations européennes et américaines. Elles ont permis aux entreprises américaines du secteur de la finance de pouvoir opérer dans l’Union européenne sans contrôle réel des autorités européennes.

Quand la crise financière a éclaté, il est rapidement devenu évident que les autorités de contrôle ne savaient presque rien des comptes européens des entreprises américaines du secteur financier. Ce fut certainement le cas avec la banque d’investissement Lehman Brothers et le géant des assurances AIG dont le département des produits financiers était basé à Londres. AIG était aussi devenu un acteur de premier plan dans le secteur des contrats d’échange du risque de crédit (CDS pour ses acronymes en anglais) – un type de contrat qui offre une garantie contre le non-remboursement d’un prêt.

En septembre 2008, la disparition du conglomérat a joué un rôle clé dans la crise financière. Son incapacité à honorer ses engagements envers les détenteurs de CDS a précipité sa chute. La coopération réglementaire a affaibli les contrôles et, ce faisant, les autorités ont été incapables de faire face à la crise en formation. Le plus inquiétant est que tous ces scénarios se sont produits alors que la coopération réglementaire se fondait sur une base volontaire, et de loin non exhaustive, au sein d’une structure institutionnelle faible.

Les choses seraient bien différentes dans le cadre du TTIP : les mêmes lobbies d’affaires utilisent, en effet, ces négociations du TTIP pour faire inscrire ces procédures dans les règles d’élaboration des lois. Dès lors, ce sont tous les succès passés et futurs en matière de politique environnementale, de droits du travail et de protection du consommateur qui sont menacés. Comme l’a déclaré la Chambre de commerce des États-Unis, l’un des lobbies d’affaires les plus importants, la coopération réglementaire est un « cadeau qui ne cesse de rapporter gros », mais seulement aux grandes entreprises. Alors que les autorités européennes et américaines tentent de faire passer la coopération réglementaire comme un simple processus technique, elle est, selon nous, un sujet controversé qui doit être débattu publiquement. Se préoccuper de la capacité de cet outil à abaisser nos normes et affaiblir notre démocratie est tout à fait légitime. En 2016, une prise de conscience sur cet enjeu crucial est nécessaire.

-> Le rapport « Le dangereux duo réglementaire : comment la coopération réglementaire transatlantique sous le TTIP permettra à l’administration et aux grandes entreprises d’attaquer l’intérêt public » peut être consulté à l’adresse suivante: http://corporateeurope.org/international-trade/2016/01/dangerous-regulatory-duet


Arbitrage ISDS Australie / Philip Morris : avantage Australie. Le tribunal n’a pas statué sur le fond.

L’Australie gagne son arbitrage ISDS contre le cigarettier Philip Morris ?

Cela faisait partie des affaires les plus souvent citées pour illustrer les risques des tribunaux d’arbitrage d’investissement ISDS (Investor-state dispute settlement, des instances où des multinationales peuvent demander des comptes aux Etats dans lesquels elles investissent, voir encadré en fin d’article), accusés d’empêcher les Etats de légiférer pour le bien public. Elle s’est finalement dégonflée à la fin de l’année 2015 à la faveur d’une sentence déboutant Philip Morris de son recours contre la décision de l’Australie d’imposer le paquet de cigarettes neutre.

Si cette décision arbitrale retire un épouvantail exemplaire à ceux qui se battent contre l’intégration d’un ISDS au futur traité transatlantique Europe/Etats-Unis, elle n’est pas de nature à les rassurer complètement. En effet, le tribunal ISDS, sis dans l’annexe de la cour permanente d’arbitrage (CPA) à Singapour, n’a pas statué sur le fond.

En clair, il n’a pas tranché la question de savoir si, en introduisant en 2011/2012 une loi sur le paquet neutre, le gouvernement travailliste australien avait exproprié le cigarettier Philip Morris de ses droits de propriété intellectuelle, en le contraignant à retirer son logo et sa charte graphique de ses paquets, ou s’il était dans son droit, car cette mesure visait à dissuader les potentiels consommateurs et protéger leur santé (d’ailleurs, hasard ou non, la consommation de tabac a baissé de plus de 10 % l’année suivant la loi). Les trois arbitres ne se sont pas prononcés sur le bien-fondé de l’indemnisation de quelque 50 millions de dollars réclamée par la multinationale.

En effet, dans sa sentence du 17 décembre 2015, le tribunal ISDS s’est contenté de se déclarer incompétent pour prendre en charge le litige. Si la décision intégrale n’a pas encore été publiée, il semblerait que le tribunal ait jugé la requête de Philip Morris illégitime pour des questions de procédure. La firme d’origine américaine se serait en effet restructurée en rattachant sa filiale australienne à une entité à hong-kongaise dans le seul but de pouvoir attaquer l’Australie en vertu d’un traité d’investissement Hong-Kong-Australie datant de 1993.

Une ruse appelée “treaty shopping”, ou “tourisme des traités”, que n’auraient guère appréciée les arbitres – signe, selon un connaisseur du monde de l’arbitrage, que “contrairement à ce qu’on entend souvent, les arbitres ne sont pas systématiquement pro-investisseurs et ne cherchent pas à engranger un maximum de dossiers pour augmenter leurs honoraires”.

Toujours dans l’expectative

Si le gouvernement australien a poussé un grand ouf de soulagement après cette décision, elle n’est pas forcément une bonne nouvelle pour tout le monde. En effet, “rien dans la décision ne valide [la légalité du] paquet neutre en Australie ou ailleurs”, comme l’a souligné l’un des pontes de Philip Morris. En refusant de trancher l’affaire sur le fond, le tribunal ne donne donc aucune indication dans un sens ou dans un autre sur la légalité de telles politiques anti-tabac au regard des milliers de traités d’investissement en vigueur dans le monde.

Que va faire la Nouvelle-Zélande, qui avait décidé par précaution de suspendre la mise en place du paquet neutre jusqu’à l’aboutissement de l’affaire Philip Morris/Australie ? Elle reste pour l’instant dans l’expectative

Que va-t-il advenir de l’Uruguay, également attaqué par Philip Morris depuis 2010 pour sa politique anti-tabac ? L’épée de Damoclès d’une amende de 22 millions de dollars reste au-dessus de la tête de ce pays au PIB de 48 milliards d’euros.

Les autres pays qui sont en train d’adopter le paquet neutre, comme la France, le Royaume-Uni ou l’Irlande, sont-ils à l’abri de grosses amendes en cas d’attaques par les multinationales du tabac ?

Voilà autant de questions auxquelles l’affaire Philip Morris/Australie n’a pas répondu, et qui ne sont pas de nature à rassurer les détracteurs du mécanisme ISDS.

Maxime Vaudano

En bref : comment marche l’ISDS

Plusieurs milliers de traités d’investissement bilatéraux et multilatéraux contiennent un mécanisme d’ISDS, qui peuvent différer d’un contexte à l’autre. Si le futur traité transatlantique en intégrait un, voilà comment cela pourrait fonctionner : un investisseur américain (généralement une multinationale) qui exerce une activité sur le territoire français (ou de toute autre pays européen) pourrait attaquer l’Etat français devant un tribunal arbitral pour obtenir une compensation s’il s’estimait lésé par une décision française.

Pour avoir gain de cause, il devrait prouver que la France a enfreint certaines dispositions du traité transatlantique. Trois arbitres seraient amenés à trancher, selon la formule la plus répandue : un nommé par l’investisseur, un par la France, tandis que le troisième devrait faire l’objet d’un consensus entre les deux parties ou, à défaut, être nommé par le président de la structure qui accueille l’arbitrage (le Cirdi, un organe dépendant de la Banque mondiale, dans la plupart des cas). A l’issue de la sentence, si la France était condamnée à indemniser l’investisseur, elle n’aurait aucune possibilité d’appel, et serait contrainte de s’exécuter.


La Commission européenne ne voulait voir aucune mention du commerce dans l’accord de Paris (COP 21)cop

Depuis la révolution industrielle, au milieu du XIXe siècle, la teneur en CO2 de l’atmosphère ne cesse de croître et n’a pas d’équivalent au cours du dernier million d’années.

 « Le réchauffement du système climatique est sans équivoque et, depuis les années 1950, beaucoup de changements observés sont sans précédent, indique le dernier rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). L’atmosphère et l’océan se sont réchauffés, la couverture de neige et de glace a diminué, le niveau des mers s’est élevé et les concentrations de gaz à effet de serre ont augmenté. » « L’influence de l’homme sur le système climatique est clairement établie (…). Pour limiter le changement climatique, il faudra réduire notablement et durablement les émissions de gaz à effet de serre (GES). »
Mais la libéralisation du commerce à tout prix, préconisée par la doxa économique, n’est-elle pas le premier ennemi de la transition écologique ?

Projections pour les décennies à venir: si l’on reste sur la tendance des dix dernières années, le réchauffement climatique, d’ici à 2100, atteindra presque 4 degrés en France et plus de 8 degrés en moyenne sur l’ensemble des terres émergées. Autrement dit, le chaos: sécheresse, désertification, ouragans surmultipliés, montées des océans, raréfaction de l’eau douce, disparition de très nombreuses espèces vivantes. Donc guerres et migrations humaines démesurées. Rappelons aussi les émeutes de la faim provoquées en 2008 par la hausse du prix des céréales causée par la spéculation financière.

Seule l’hypothèse optimiste permettrait de contenir la hausse de température globale au-dessous de 2 °C. Au-delà, on ne peut écarter un emballement, avec une déglaciation rapide du Groenland, une modification de la circulation océanique profonde et un dégel du pergélisol (sol gelé en profondeur) dans les terres boréales, entraînant la libération massive de CO2.
Mais l’hypothèse optimiste suppose que l’on réduise sans tarder les émissions et les ramène à néant en deux ou trois générations. Officiellement, tous les Etats partagent cet impératif depuis le Sommet de la Terre de Rio, en 1992. Pourtant, depuis cette ode mondiale à la sauvegarde de la planète, la situation n’a cessé de s’aggraver. En 2013, le total des rejets de CO2 dépassait 35,3 milliards de tonnes, contre 23 milliards de tonnes en 1990.
Aridité, ouragans, dérèglement de la mousson : le Sud subit déjà les effets des changements sans avoir connu les bénéfices du développement. En Afrique, le désert avance dans les zones sahéliennes, tandis que 620 millions de personnes n’ont toujours pas accès à l’électricité.

Une responsabilité colossale revient aux pays développés, et en particulier aux Etats-Unis. Depuis sa création, l’entreprise pétrolière Chevron aurait à elle seule envoyé dans l’atmosphère plus de dix fois ce que l’ensemble des pays de l’Afrique subsaharienne (hors Afrique du Sud) ont émis depuis 1850 ; Gazprom, autant que toute l’Afrique.
L’origine principale du dérèglement tient à l’utilisation du charbon, du pétrole et du gaz.

Maxime Combes, économiste membre d’Attac, dans le journal  La Tribune, 21/12/2015: « En amont de la COP21, la Commission européenne [a] clairement explicité dans un document secret – rendu public suite à une fuite – qu’elle ne voulait voir aucune « mention explicite du commerce » dans l’accord de Paris, de même que des questions de propriété intellectuelle. Objectif atteint : le paragraphe qui donnait les moyens aux pays pauvres de ne pas être contraint par les droits de propriété intellectuelle [brevets] pour accéder aux technologies « vertes » a été supprimé, tout comme celui visant à inclure l’aviation et le transport maritime dans l’accord. »
Or Le transport de fret représente déjà 15% des émissions humaines de CO2 et progresse sans cesse.

En novembre 2014, François Hollande faisait au Canada la promotion des investissements des entreprises françaises dans l’exploitation du pétrole issu des sables bitumineux en Alberta (Canada), l’un des plus sales de la planète.

Le système économique actuel ne veut surtout pas changer: il favorise l’agriculture productiviste qui épuise et pollue les terres et les aliments, facilite la politique des hypermarchés organisant la surconsommation, le gaspillage et l’obsolescence programmée.
La préparation de cette 21e conférence s’est caractérisée par le rôle croissant qu’y ont joué les multinationales.
Et les dirigeants qui sont venus plaider la main sur le cœur pour un accord sur le climat négocient dans l’ombre l’instauration d’un grand marché transatlantique (GMT, TAFTA) qui vise à « garantir un environnement économique ouvert, transparent et prévisible en matière d’énergie et un accès illimité et durable aux matières premières ».
En Février 2014, François Hollande en visite aux États-Unis déclarait à propos du traité transatlantique: « Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu’il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations ».

Le chaos climatique ne sera évité qu’en laissant l’essentiel des réserves d’énergie fossile dans le sol.
Or avant meme le TAFTA, l’accord CETA conclu entre le Canada et l’Union européenne est une arme de destruction massive pour le climat. Il pourrait entrer en vigueur dès 2016, après le feu vert du Conseil et du Parlement européens. Il va tout d’abord augmenter les émissions de gaz à effet de serre (GES) via la hausse du transport de fret.
Il octroie aux entreprises le droit exclusif d’intenter des poursuites contre un État désireux d’instaurer une politique climatique durable si l’entreprise estime que cette politique porterait atteinte à ses intérêts, en d’autres termes à ses profits.

C’est en vertu de ce mécanisme que l’entreprise américaine Schuepbach réclame déjà 117 millions d’euros à l’Etat français pour manque à gagner après la loi contre l’extraction des gaz de schistes qui l’a privée de l’exploitation de sous-sols en Ardèche et Aveyron. Le procès devait s’ouvrir en pleine COP 21: cette société et Total intentent un recours pour annuler cette loi. A l’évidence celle-ci serait-elle abandonnée après acceptation de ces traités transatlantiques.
De même, la société LonePine poursuit le Québec en raison de son moratoire sur la fracturation hydraulique, technique indispensable à l’exploitation des gaz de schistes.
Par ailleurs ces traités mettent en place des organes technocratiques qui contrôleront, en concertation avec les lobbies industriels et financiers, la conformité de tout projet de loi aux exigences du droit commercial et des objectifs de libéralisation du commerce transatlantique, avant même que la loi ne puisse être votée.

Maxime Combes (extraits):
« Au lendemain de la conclusion de l’accord de Paris, le directeur général de l’OMC, Roberto Azevedo, signait une tribune pour expliquer qu’il faut « faire du commerce un allié dans la lutte contre les changements climatiques ». Objectif ? Poursuivre la libéralisation du commerce mondial, notamment pour le secteur des « biens et services environnementaux ».

La Convention-cadre des Nations-Unies sur le changement climatique, établie en 1992 à Rio de Janeiro, sacralise ainsi la libéralisation du commerce et de l’investissement. Il n’est pas question que « les mesures prises pour lutter contre les changements climatiques […] constituent des entraves déguisées au commerce international », exprime clairement son article 3.5.

L’UE a donc obtenu le maintien de cette dichotomie intenable : à l’OMC et aux accords bilatéraux / régionaux tout ce qui concerne le fonctionnement de l’économie mondiale. A l’ONU et aux négociations climat tout ce qui se trouve en aval de cette machine à réchauffer la planète, c’est-à-dire ce qu’il se passe en bout et au delà de là cheminée quand les émissions de GES sont relâchées dans l’atmosphère. A l’OMC les accords contraignants avec mécanismes de sanction. A l’ONU les accords additionnant des engagements volontaires sans mécanisme de sanction.

Ce pare-feu, que l’accord de Paris entérine, désarme les meilleures volontés et entrave les politiques de lutte contre les dérèglements climatiques et/ou de transition énergétique. Comme s’il était possible de réduire drastiquement les émissions de GES sans toucher à l’organisation même de l’économie mondiale. C’est impossible. Les exemples ne manquent pas. Ainsi la province canadienne de l’Ontario avait décidé de fermer des centrales thermiques au charbon pour développer des énergies renouvelables à l’aide d’un dispositif de tarif préférentiel de rachat de l’électricité pour les entreprises utilisant majoritairement de la main d’œuvre locale et des matériaux locaux. Ce dispositif, qui avait créé 20 000 emplois, a été jugé non conforme aux règles commerciales par l’Organisme des Règlements des différends de l’OMC et a du être démantelé. »

(Maxime Combes, économiste et membre d’Attac France.
Il publie Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition, Seuil, coll. Anthropocène)

En 2009, le groupe public suédois Vattenfall dépose plainte contre l’Allemagne, lui réclamant 1,4 milliard d’euros au motif que les nouvelles exigences environnementales des autorités de Hambourg rendent son projet de centrale au charbon « antiéconomique » (sic). Le tribunal juge la protestation recevable et, après moult batailles, un « arrangement judiciaire » est signé en 2011 : il débouche sur un « adoucissement des normes ». Aujourd’hui, Vattenfall poursuit la décision de Mme Angela Merkel de sortir du nucléaire d’ici à 2022. Aucun montant n’est officiellement avancé ; mais, dans son rapport annuel de 2012, Vattenfall chiffre la perte due à la décision allemande à 1,18 milliard d’euros.

L’entreprise canadienne TransCanada a annoncé mercredi 6 janvier 2016 son intention de poursuivre l’État fédéral américain devant un tribunal arbitral en raison de la décision du Président Obama de ne pas autoriser le projet d’oléoduc KeyStone XL. KeyStone avait pour but de transporter les pétroles bitumineux issus des champs de l’Alberta jusque dans le Golfe du Mexique. TransCanada réclame donc 15 milliards de dollars de compensation, arguant du manque à gagner au regard des profits qu’elle escomptait.
TransCanada a par ailleurs initié un recours juridique parallèle contre le gouvernement Obama, auprès d’une cour fédérale au Texas, affirmant que le refus du Président d’accorder le permis de construire allait à l’encontre de constitution américaine.
L’accord UE/Canada (CETA) et l’accord UE/États-Unis (TAFTA), qui comprendront ce type de dispositif, pourront de la même façon permettre à une entreprise européenne ou nord-américaine d’attaquer une décision publique dès lors qu’elle menacera ses intérêts, fut-elle nécessaire à la santé publique, à la protection de l’environnement ou à la sauvegarde du climat.
Pour Amélie Canonne, de la campagne Stop TAFTA en France, « cette nouvelle plainte prouve que la cohabitation entre le régime international de commerce et d’investissement actuel et l’ambition prétendue de lutter contre le changement climatique est impossible.ALENA, TAFTA ou CETA sont incompatibles avec les objectifs affichés lors de la COP21, car ils permettront à n’importe quelle entreprise du secteur des énergies fossiles d’attaquer toute politique ambitieuse visant à la transition énergétique. »

« Le cas TransCanada pose une question démocratique fondamentale : est-il normal qu’une entreprise puisse unilatéralement contester une décision d’intérêt général devant un panel d’arbitres ne répondant à aucune juridiction publique ? Cette plainte va dissuader les gouvernements nord-américains d’agir pour le climat, et contribuer à paralyser l’action publique. Sans compter le coût de la procédure et les potentielles indemnités, qui seront facturés aux contribuables américains ». commente Nicolas Roux, également engagé dans la campagne Stop TAFTA en France.


L’État fédéral américain devant un tribunal arbitral

Libre-échange contre climat : la plainte de TransCanada contre l’État fédéral américain confirme les craintes des mouvements citoyens

Communiqué de presse

L’entreprise canadienne TransCanada a annoncé mercredi 6 janvier son intention de poursuivre l’État fédéral américain devant un tribunal arbitral en raison de la décision du Président Obama de ne pas autoriser le projet d’oléoduc KeyStone XL [1]. KeyStone avait pour but de transporter les pétroles bitumineux issus des champs de l’Alberta jusque dans le Golfe du Mexique.

TransCanada s’appuie sur le chapitre 11 de l’ALENA (Accord de libre-échange USA-Canada-Mexique) et le mécanisme de règlement des différends Investisseur-État du traité. 
L’entreprise estime la décision du Président Obama injuste, et prétend que des permis ont été octroyés à des projets similaires dans le passé. Selon elle, cette décision ne serait pas fondée sur la qualité intrinsèque du projet mais sur la « perception de la communauté internationale que l’administration fédérale américaine devrait agir en leader en matière de lutte contre le changement climatique » [2].

TransCanada réclame donc 15 milliards de dollars de compensation, arguant du manque à gagner au regard des profits qu’elle escomptait.
TransCanada a par ailleurs initié un recours juridique parallèle contre le gouvernement Obama, auprès d’une cour fédérale au Texas, affirmant que le refus du Président d’accorder le permis de construire allait à l’encontre de constitution américaine. La compagnie aura ainsi le privilège de choisir la décision qui lui sera la plus avantageuse, droit dont nul autre citoyen ou entreprise nationale ne peut jouir.

Les plaintes déposées par TransCanada confirme les inquiétudes des mouvements sociaux et citoyens. Ceux-ci alertent depuis des mois parlementaires et responsables politiques français et européens des risques que comportent les accords de libre-échange lorsqu’ils incluent un mécanisme d’arbitrage au bénéfice exclusif des investisseurs étrangers. L’accord UE/Canada (CETA) et l’accord UE/États-Unis (TAFTA), qui comprendront ce type de dispositif, pourraient de la même façon permettre à une entreprise européenne ou nord-américaine d’attaquer une décision publique dès lors qu’elle menacera ses intérêts, fut-elle nécessaire à la santé publique, à la protection de l’environnement ou à la sauvegarde du climat [3].

Pour Amélie Canonne, de la campagne Stop TAFTA en France, « cette nouvelle plainte prouve que la cohabitation entre le régime international de commerce et d’investissement actuel et l’ambition prétendue de lutter contre le changement climatique est impossible. ALENA, TAFTA ou CETA sont incompatibles avec les objectifs affichés lors de la COP21, car ils permettront à n’importe quelle entreprise du secteur des énergies fossiles d’attaquer toute politique ambitieuse visant à la transition énergétique. »

« Le cas TransCanada pose une question démocratique fondamentale : est-il normal qu’une entreprise puisse unilatéralement contester une décision d’intérêt général devant un panel d’arbitres ne répondant à aucune juridiction publique ? Cette plainte va dissuader les gouvernements nord-américains d’agir pour le climat, et contribuer à paralyser l’action publique. Sans compter le coût de la procédure et les potentielles indemnités, qui seront facturés aux contribuables américains » commente Nicolas Roux, également engagé dans la campagne Stop TAFTA en France.


TTIP / TAFTA : the key to freer trade, or corporate greed?

Some say the US/EU trade deal that could be agreed this year will open up markets and promote UK growth. Others fear it will drive down wages and promote privatisation
Dealers on the Chicago Mercantile Exchange
Dealers on the Chicago Mercantile Exchange: free trade with the EU is part of President Obama’s growth strategy. Photograph: John Gress/REUTERS

Cheap American olive oil could, in a few years’ time, be sitting on supermarket shelves next to the Tuscan single estate varieties loved by British foodies. At present a prohibitive tariff on US imports effectively prices them out of contention.

But a groundbreaking trade deal could lower the $1,680-a-tonne tariff on US olive oil to match the $34 a tonne the US charges on imports from the EU. Or the tariffs could disappear altogether. Either way, Greek, Spanish and Italian olive farmers must fear the Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP), a deal that aims to create a level playing field between them and massive US agri-businesses.

Trade deals were once seen as a panacea for global poverty. In the 1990s, the World Trade Organisation was formed to harmonise cross-border regulations on everything from cars to pharmaceuticals and cut tariffs in order to promote the free flow of goods and services around the world.

There was always a fear that, far from being a winning formula for all, lower tariffs would favour the rich and powerful and crucify small producers, who would struggle to compete in an unprotected environment.

The effects of the North American Free Trade Agreement (Nafta), signed by the US, Mexico and Canada in 1993, appeared to justify that fear: it became in later years a cause celebre for anti-poverty campaigners, angered by the plight of Mexican workers. Not only were they subjected to low wages and poor working conditions by newly relocated US corporations – and, as consumers, to the relentless marketing power of Walmart, Coca Cola and the rest – but the major fringe benefit of cutting corruption remained illusory.

This year the US hopes to sign what many believe will be Nafta’s direct successor – TTIP. Should it get the green light from Congress and the EU commission, the agreement will be a bilateral treaty between Europe and the US, and, just like Nafta before it, outside the ambit of a gridlocked WTO.

Supporters say it will be an improvement on its predecessor because the main proponents are a liberal US president and a European commission that considers itself concerned with workers and consumers. Why, the commission asks, would 28 relatively affluent member states with concerns about high unemployment, stagnant wages, welfare provision and climate change agree to a charter that undermines workers’ rights, attacks public services or reduces environmental regulations?

TTIP is also billed as an agreement between equals that allows both sides to promote trade: it is claimed that the UK’s national income could be raised by £4bn-£10bn annually, or up to £100bn over 10 years. That amounts to a 0.3 percentage point boost to GDP, which would have pushed this year’s expected 2.4% growth to 2.7%.

An anti-TTIP demonstration in Berlin this year.
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An anti-TTIP demonstration in Berlin this year. Photograph: Wolfram Steinberg/EPA

But it strikes fear into the hearts of many, who believe it to be a Trojan horse for rapacious corporations. These corporations, hellbent on driving down costs to enhance shareholder value, spell the end for Europe’s cosy welfare states and their ability to shield fledgling or, in the case of steel and coal, declining industries from the harsh realities of open competition.

TTIP has been compared to the 1846 Corn Law abolition, which either swept away protectionist tariffs that impoverished millions of workers, or protected a vital source of food and led Karl Marx to ask: “What is free trade under the present condition of society?” His answer was: “It is the freedom which capital has to crush the worker.” Is that the case with TTIP? Here are five key factors to consider.

Health and public services

From the moment TTIP became part of President Barack Obama’s growth strategy, critics have feared that he little realised the expansionary intentions of US healthcare companies or was too distracted to care. The concern relates to the prospect of EU countries, under pressure from rising healthcare costs, handing over major parts of healthcare provision to the private sector. Once services are in private hands, say critics, TTIP rules will prevent them being taken back into state control.

Since these fears were voiced, trade negotiators have excluded provisions that would have allowed firms to sue governments for the loss of health and public services contracts once they expired. This allows the UK’s rail franchise system and the contracting-out of health services to continue under time-limited contracts.

But the US private health industry, which is the largest in the world, views a Europe struggling with the needs of an ageing baby-boomer generation as ripe for the picking. For this reason alone, contracting out the distribution of drugs, the supply of medical devices and the provision of vital services could prove irresistible.

Dispute resolution

A little known facet of every trade deal is a separate form of arbitration for the businesses covered by the agreement, allowing them to avoid the civil courts. As such, the investor-state dispute resolution (ISDS) gives foreign investors the power to sue a government for introducing legislation that harms their investment.

Famously, it was used by big tobacco to sue the Australian government when it introduced plain cigarette packaging. Before and after the scandal, other governments have come under legal challenge from corporations concerned that public policymaking is denying them revenues.

In spring 2014, UN official and human rights lawyer Alfred de Zayas called for a moratorium on TTIP negotiations until ISDS was excluded. He warned that the secret court tribunals held to settle trade disputes were undemocratic. Their reliance on a small group of specialist lawyers also meant that arbitrators sitting in judgment were the ones who at other times represented corporate clients.

De Zayas feared that smaller states would find themselves in the same position as many governments in trade disputes, suffering huge legal bills and long delays to public policy reforms. He was joined in his mission by NGOs and, most importantly, by MEPs in Strasbourg.

As a first concession, the US side agreed to prohibit “brass-plate” firms – those that exist only by name in a county, without any employees or activity – from suing a government. This aimed to prevent a repeat of the Australia incident when the Ukrainian arm of tobacco firm Philip Morris, effectively a brass-plate entity, spearheaded the attack on plain packaging.

European commissioner Cecilia Malmstrom has proposed an international court of arbitration to settle investor disputes.
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European commissioner Cecilia Malmström has proposed an international court of arbitration to settle investor disputes. Photograph: Emmanuel Dunand/Getty

Many EU politicians said this concession was too easy to circumvent, leaving corporations in a powerful position. So Europe’s chief negotiator, Swedish commissioner Cecilia Malmström, hatched a scheme for an international court of arbitration – an open public forum instead of the private court system. Even her critics said it was a bold move, and unlikely to be accepted by the Americans.

Washington has countered with proposals for a more transparent ISDS court, with live-streamed meetings and the publication of all documents. Not enough, says de Zayas, who wrote recently: “Alas, countless ISDS awards have shown a business bias that shocks the conscience. To the extent that the procedures are not transparent, the arbitrators are not always independent and the annulment procedure is nearly useless, ISDS should be abolished as incompatible with article 14(1) of the ICCPR [International Covenant on Civil and Political Rights] which requires that all suits at law be decided by independent and competent tribunals under the rule of law.”

The two sides have yet to formally discuss either proposal: under deals between the US and Japan and the EU and Canada the issue was barely mentioned, but it is now expected to be among the most contentious.

Regulations

Michael Froman, the US chief negotiator, described the task of harmonising regulations as follows: “For years the US and EU have accepted each other’s inspection of aeroplanes because it was obvious they would not be able to check all the planes landing in their jurisdiction. We seek to expand this practice to other areas.”

So how would Froman apply this to the fact that American cars will still be left-hand drive, restricting their use on British roads? He argues that the cost of imported cars, research and development and testing can still benefit from the harmonisation of regulations on either side of the Atlantic.

Yet there is nothing US food regulators would like less than to accept processed foods tested by EU officials who failed to spot the horsemeat scandal.

And EU regulators are duty bound to reject GM foods, after sustained protests by Europe’s consumers in direct conflict with US farmers. Washington claims it will accept the science when it applies to regulations, which supports GM foods being accepted by the EU as part of TTIP, just as it is part of the WTO agreement.

Tariffs

Dispensing with tariffs seems like a straightforward process compared with tackling complex regulations. Under TTIP, tariffs on goods and services should disappear, though it is expected that some will only be reduced, and others may take years to go the way of history.

Under the Trans Pacific Partnership (TPP) recently agreed, but not yet implemented, between the US, Japan, Australia, Vietnam and other East Asian countries, all goods, from pork to cars, are covered.

A good example of how long it can take for tariffs to come down is found in the case of the 2.5% rate slapped on Japanese car imports to the US: this will start to be incrementally lowered 15 years after the agreement takes effect, halved in 20 years and eliminated in 25 years. In return, Japan will, among other things, lower its tariff on imported beef from 38.5% to 9% over 16 years. A similar programme could be possible under TTIP, with olive oil tariffs lowered over 25 years.

Labour standards and workers’ rights

Japanese trade unions supported the TPP deal, and unions in Europe are expected to follow suit with TTIP. They accept that labour protection rules lie outside the scope of a deal, and that their governments can therefore continue to implement minimum wage legislation and other supportive measures without being sanctioned.

But unions, where they exist, tend to represent workers in successful industries, which naturally welcome access to wider markets. Workers in weaker areas of the economy could find their jobs coming under pressure from harmonised regulations, lower tariffs, or even just exposure to a US rival with a work ethic that denies most employees more than two weeks’ holiday a year.

TTIP is important to the UK government because the US is our biggest market for goods and services outside the EU. It’s seen as especially important for small and medium-sized businesses, which appreciate the lack of language barrier. Britain also has a trade surplus with the US: we export more than we import, which helps counterbalance the country’s huge trade deficit.

Such is the momentum behind the talks that a deal could be agreed by the end of the year, and go before Congress and EU parliaments in 2017. Both sides claim to be making good progress. But the dispute over ISDS and protests from farmers could yet quash Obama’s hopes for US olive oil sales.

source : http://www.theguardian.com/


TTIP / TAFTA : l’arbitrage pose toujours problème

Mathilde Dupré Chargée de campagne pour la responsabilité dans les accords commerciaux à l’institut Veblen

Non à 97% : c’est le score enregistré par la proposition d’un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE) dans l’accord transatlantique de commerce et d’investissement, lors de la consultation publique menée par la Commission européenne. Le dispositif n’est certes pas nouveau puisqu’il a été inscrit dans plus de 3000 traités signés y compris par des pays européens. Il ouvre une voie de recours privilégiée devant un tribunal d’arbitrage privé pour un investisseur étranger d’un Etat contractant contre un autre Etat qui ne respecte pas les dispositions du traité en question.

Mais, progressivement détourné de son objet, il sert aujourd’hui à des multinationales à faire condamner des États devant des tribunaux privés. Motif ? Le manque à gagner induit par des décisions de politiques publiques d’intérêt général notamment sanitaires, environnementales, fiscales ou sociales. En Europe, il a déjà coûté aux contribuables européens plus de 3,5 milliards d’euros de compensations versées aux entreprises. Et ce n’est qu’un début car aucun plafond n’existe pour ces sanctions ; dans une plainte encore à l’étude, l’énergéticien suédois Vattenfall ne réclame pas moins de 4,7 milliards d’euros à l’Allemagne, suite à sa décision de sortir du nucléaire.

Face à ce mouvement d’opposition, Bruxelles a été contrainte de revoir sa copie, en se basant notamment sur des suggestions de la France. La nouvelle proposition européenne, officiellement publiée et soumise aux Américains le 12 novembre dernier, propose la création d’un système juridictionnel des investissements. Cette proposition constitue une amélioration par rapport au dispositif de départ dans la mesure où elle vise à créer une cour permanente et à instaurer notamment un mécanisme d’appel. Pour autant, elle reste inacceptable à plusieurs titres.

Situation paradoxale

Tout d’abord, a-t-on vraiment besoin d’un tel système de règlement des différends supranational ? Les Etats membres de l’UE, les Etats Unis et le Canada n’offrent-ils pas toutes les garanties d’un Etat de droit ? Avec sa proposition bis, la Commission ignore toujours cette interrogation légitime.

Le nouveau dispositif consacre toujours un double privilège accordé aux seuls investisseurs étrangers

Ensuite, quand bien même elle serait acceptée par les Etats-Unis, cette nouvelle proposition crée une situation paradoxale. La Commission ayant renoncé à l’intégrer dans d’autres accords en cours de ratification, elle demande aux Etats membres et aux eurodéputés de ratifier par exemple l’accord UE / Canada avec un RDIE ancienne formule. Or près de 80% des entreprises américaines opérant en Europe pourraient utiliser leur présence au Canada pour poursuivre des Etats européens sur la base de ce traité…

Par ailleurs, le nouveau dispositif envisagé n’est malheureusement pas de nature à rassurer les citoyens ni leurs représentants au Parlement européen.

Rupture d’égalité

Il consacre toujours un double privilège accordé aux seuls investisseurs étrangers. Ces derniers disposent ainsi du choix de la juridiction (tribunal national ou arbitrage international) et donc de la loi applicable (droit national ou disposition du traité) pour faire valoir leurs droits, alors que ce recours à l’arbitrage reste fermé aux entreprises domestiques (y compris une majorité de PME), aux consommateurs, aux travailleurs et aux éventuelles victimes d’abus de la part des entreprises.

Pour reprendre l’exemple allemand de la sortie du nucléaire, les énergéticiens nationaux tels que E.ON et RWE, qui ont dû affronter les mêmes conséquences liées à cette décision démocratique, ont donc porté l’affaire devant les tribunaux nationaux. Alors que pour Vattenfall, l’examen de la plainte se fait à l’aune des dispositions du traité et du droit international, plus favorables aux investisseurs, et non pas à celle du droit et de la jurisprudence allemands et européens. Il représente, à ce titre, une rupture de l’égalité des citoyens devant le droit et pourrait se révéler incompatible avec l’ordre juridique européen et les règles du marché unique. Il appartient à la Cour européenne de justice de se prononcer sur cette question essentielle avant d’aller plus loin dans la négociation. Encore faut-il qu’elle soit saisie à cet effet par le Conseil, la Commission ou le Parlement européen !

La proposition européenne ne règle pas non plus les enjeux d’indépendance et de conflit d’intérêts des « juges »

Autre point important, la préservation du droit des Etats à réguler n’est toujours pas garantie : si le principe est en théorie inscrit dans le texte, il reste fortement encadré en pratique. Les arbitres requalifiés en juges auront à se prononcer sur la nécessité des mesures adoptées par nos gouvernements, leur caractère non excessif ainsi que la légitimité de l’objectif politique poursuivi. Autrement dit, si un État membre décide d’interdire tel OGM autorisé au plan européen en invoquant le principe de précaution ou des effets sanitaires incertains, il reviendra au juge d’évaluer la pertinence de cette décision.

Une absence de plafond pour les compensations

Or, la proposition européenne ne règle pas non plus les enjeux d’indépendance et de conflit d’intérêts des « juges », dont la rémunération continuera de dépendre largement du nombre de plaintes déposées par les investisseurs et qui pourront être arbitres dans d’autres enceintes. Pas plus qu’elle ne plafonne les montants des compensations, qui peuvent dépasser largement les seuls investissements réalisés dès lors qu’ils prennent en compte les « attentes légitimes » des investisseurs sur des profits futurs ! La proposition française de sanctions à l’égard des plaintes abusives n’a quant à elle pas été retenue.

La Commission européenne juge sa nouvelle proposition équilibrée car elle ne satisfait vraiment ni les grandes entreprises, ni la société civile. Ce critère qui ne manque pas de surprendre ne saurait remplacer ceux, plus fondamentaux, de la compatibilité avec le droit européen et la préservation du droit des États à instaurer des politiques publiques visant, par exemple, la stabilité financière, la protection des individus ou de l’environnement.


Lutte contre le TTIP, l’AECG et le mécanisme de RDIE : les enseignements du Canada : le rapport

Le présent document a pour objet de servir d’avertissement aux Européens qui se soucient de la santé de leur peuple, de la résilience de leurs communautés, du destin de leurs services publics et de la protection de leurs ressources naturelles.

En 1989, le Canada et les États-Unis ont signé l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis (ALÉ). En 1994, les deux pays et le Mexique ont signé l’Accord de libre-échange nordaméricain (ALENA). Ces deux accords donnaient le ton à la nouvelle génération d’accords commerciaux bilatéraux et régionaux, et créaient un modèle toujours largement appliqué par la plupart des gouvernements.

Dans le cadre de l’ALÉ, le Canada a perdu la majeure partie de son assise manufacturière, car les multinationales américaines ont fermé leurs usines canadiennes et les ont délocalisées. Le Canada a également cédé le contrôle règlementaire de ses réserves d’énergie. L’ALENA a introduit une nouvelle disposition, le règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE, ou ISDS pour « investor-state dispute settlement »), en vertu duquel les multinationales des trois pays auraient le droit de poursuivre les gouvernements pour des modifications apportées à des lois, politiques ou pratiques ayant un impact négatif sur leur résultat net.

L’héritage de l’ALENA est bien vivant et bien présent dans le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP, pour « Transatlantic Trade and Investment Partnership ») entre l’Union européenne et les États-Unis, et l’Accord économique et commercial global (AECG) signé entre l’Union européenne et le Canada. Alors que ces accords exagèrent les prévisions budgétaires découlant des échanges commerciaux de plusieurs façons, ils contiennent tous deux des dispositions relatives au mécanisme de RDIE, qui sont particulièrement controversées en Europe.

En conséquence de l’ALENA, le Canada est le pays du monde développé qui a fait l’objet du plus grand nombre de poursuites en vertu du mécanisme de RDIE, et les Canadiens ont une histoire importante à partager avec les Européens alors qu’ils luttent contre le TTIP et l’AECG. Le présent document a pour objet de servir d’avertissement aux Européens qui se soucient de la santé de leur peuple, de la résilience de leurs communautés, du destin de leurs services publics et de la protection de leurs ressources naturelles.