TAFTA et CETA sont mal en point. Mais les milieux d’affaire et leurs serviteurs à la Commission européenne et dans les gouvernements ont d’autres fers au feu, et tout d’abord le TiSA (Trade in Services Agreement).
Le Conseil européen du 18 octobre à Luxembourg a finalement renoncé à se prononcer sur le traité de libre-échange euro-canadien – le CETA.
Ce report ou cet abandon fait suite à la suspension des négociations de son grand frère euro-étasunien – le TAFTA. Les peuples, grossièrement écartés de ces négociations, ont donc remporté deux batailles contre la prise de pouvoir des multinationales, aidées par la Commission européenne et la plupart des gouvernements nationaux, le nôtre en premier. C’est donc une victoire de la démocratie, ce processus « qui sans cesse arrache aux gouvernements oligarchiques le monopole de la vie publique et à la richesse la toute-puissance sur les vies » comme le dit Jacques Rancière.
Ces deux projets de traités longuement préparés par les milieux d’affaire font partie d’une longue suite de traités de libre-échange qui sont en fait des traités d’allégeance aux multinationales ou des traités de liberté des affaires. Sans revenir sur les plus de 3000 traités bilatéraux, notons les grands traités multilatéraux : le traité nord-américain ALÉNA en vigueur depuis 1994, l’Organisation mondiale du commerce ou OMC depuis 1995, l’Accord multilatéral sur l’investissement ou Ami et la Zone de libre-échange des Amériques ou ZLÉA, tous deux abandonnés en 1998, puis l’Accord commercial anti-contrefaçon dit Acta abandonné en 2010, enfin l’Accord de partenariat transpacifique signé en février de cette année mais pas encore ratifié. Des 3 projets de traités euro-africains avec l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe, seul ce dernier a été signé récemment bien que les négociations soient terminées depuis plus de 2 ans ; quant à la ratification…
Avec le report ou l’abandon des traités transatlantiques, on voit que la bataille est rude au niveau mondial entre les peuples et les oligarchies sous prétexte de commerce.
La prochaine bataille : faire capoter le projet d’Accord sur le commerce des services (ACS ou TiSA pour Trade in Services Agreement en anglais) dont les négociations ont débuté en février 2012 et pourraient se terminer en décembre de cette année.
Cinquante pays sont concernés dont l’Union européenne et les États-Unis, représentant les deux tiers du commerce mondial, en écartant soigneusement tous les grands pays émergents.
Objectif : ouvrir totalement les activités tertiaires à la concurrence internationale et empêcher toute intervention publique ; plus précisément :
programmer la fin des services publics par leur privatisation à terme,
mettre en place une institution, appelée « forum de coopération réglementaire », donnant un large pouvoir aux multinationales pour freiner les réglementations qui leurs déplaisent et pousser celles qui augmentent leurs bénéfices, et enfin donner aux multinationales étrangères l’accès exclusif à une ‘justice’ privée pour arbitrer leurs différends envers les États, en fait une pseudo-justice qui bafoue les principes fondamentaux d’un droit juste et équitable.
Et tout ceci pour quel bénéfice socio-économique ? Aucune étude d’impact prospective n’a été publiée, mais les études d’impact menées pour les autres grands traités de libre-échange montrent au plus des impacts positifs dérisoires, au pire des impacts très négatifs en termes d’emplois, de PIB, et de répartition des richesses.
Santé, environnement, climat, transports, droit du travail, culture, finances – qui dépendent largement des services – sont les cibles de cet Accord sur le commerce des services ou Tisa : dans tous ces domaines, les citoyens en pâtiront. Tous ? non, car l’infime minorité des actionnaires des multinationales verra ses revenus bondir et surtout son pouvoir encore s’étendre, au détriment de la démocratie.
Le secret des négociations est absolu et on comprend pourquoi au vu du contenu et des conséquence de ce traité. Le silence des médias sur l’un des plus importants traités de libre-échange en discussion est impressionnant, malgré les fuites dues à WikiLeaks. C’est aux citoyens d’agir : comme ils ont pu faire reculer l’AMI, la ZLÉA, l’ACTA et maintenant le TAFTA et le CETA,
c’est maintenant au TiSA qu’il nous faut nous attaquer jusqu’à son abandon.
Nous savons bien pourquoi le gouvernement français tout en donnant l’impression de rejeter le TAFTA, devenu trop impopulaire, soutient avec force le CETA, pas encore assez connu. C’est précisément parce que grâce au CETA, couplé à l’ALENA, on obtient les mêmes résultats que ceux recherchés par le TAFTA avec, comme premiers bénéficiaires, les 40.000 firmes américaines qui ont un siège au Canada.
Un parlementaire vient d’adresser à une citoyenne hostile au CETA (accord UE-Canada déjà négocié) comme au TAFTA (accord UE-USA encore en négociation) une lettre qui se veut rassurante à tous égards et qui affirme que CETA et TAFTA n’ont rien en commun. Voici le modèle de réponse que j’ai proposé à cette citoyenne qui m’a contacté. Libre à chacun de s’en inspirer.
Monsieur le Député,
Je vous remercie d’avoir pris la peine de me répondre, même si votre réponse ne peut me satisfaire, car elle constitue une véritable insulte à l’intelligence commune. Pour le dire très poliment, Monsieur le Député, vous fondant sur l’ignorance supposée des citoyens, vous dites la chose qui n’est pas. Enfin, je présume que vous utilisez les éléments de réponse qu’on vous a préparés, car aucun esprit indépendant ne pourrait assumer une telle intoxication.
Malgré tous les efforts de la Commission européenne et, pour ce qui nous concerne, des gouvernements français successifs, nous disposons du texte complet du CETA, du texte du mandat européen de négociation du TAFTA et des éléments de la négociation en cours grâce aux fuites organisées par des fonctionnaires qui ont un sens plus élevé de la démocratie que les politiques.
Sur base d’un examen comparatif des deux textes, et sauf à nous prendre pour des imbéciles, il est impossible d’affirmer comme vous le faites que « ces deux accords n’ont rien à voir l’un avec l’autre. »
Ils traitent des mêmes sujets, ils proposent les mêmes objectifs et ils mettent en oeuvre les mêmes moyens. Le CETA n’est pas un TAFTA déguisé, ce sont des traités jumeaux.
Dans le CETA comme dans le TAFTA, on traite de l’accès aux marchés et des droits de douane, du commerce des services, des investissements, des marchés publics, de la compatibilité réglementaire et de la coopération réglementaire, de l’énergie, de l’arbitrage des conflits entre firmes privées et pouvoirs publics…
Dans le CETA comme dans le TAFTA, on trouve, pour chacun de ces domaines, les propositions formulées par les grandes firmes transnationales et avancées dans le cadre de la négociation du cycle de Doha de l’OMC par l’intermédiaire des euro-américains. Le CETA comme le TAFTA sont des initiatives destinées à contourner l’échec du cycle de Doha.
Dans le CETA comme dans le TAFTA, toutes les propositions poursuivent les mêmes objectifs : affaiblir la puissance publique au profit du secteur privé, affaiblir l’Etat et les collectivités territoriales face aux firmes privées, affaiblir la défense de l’intérêt général – santé, éducation, environnement – au profit d’intérêts particuliers.
Dans le CETA comme dans le TAFTA, ce sont les principes fondamentaux de la démocratie qui sont remis en question.
A moins de manquer totalement de cohérence, les reproches adressés au TAFTA doivent l’être, avec la même force, à l’égard du CETA.
Nous savons très bien pourquoi le gouvernement français tout en donnant l’impression de rejeter le TAFTA, devenu trop impopulaire, soutient avec force le CETA, pas encore assez connu. C’est précisément parce que grâce au CETA, couplé à l’ALENA, on obtient les mêmes résultats que ceux recherchés par le TAFTA avec, comme premiers bénéficiaires, les 40.000 firmes américaines qui ont un siège au Canada.
Monsieur le Député, on peut tromper les gens un temps, on ne peut pas les tromper tout le temps. La classe politique, dans son écrasante majorité, a fait du mensonge une méthode de gouvernement. C’est ce qui explique le rejet massif dont elle est aujourd’hui l’objet.
Les syndicats canadiens affiliés à l’Internationale des services publics (ISP), une fédération internationale qui représente 20 millions de travailleurs partout dans le monde, sont vivement opposés à l’Accord économique et commercial global (AECG) Canada-UE, en dépit des changements apportés récemment aux dispositions sur les investissements.
L’AECG était un point important à l’ordre du jour de la réunion des affiliés nord-américains de l’ISP, qui s’est tenue les 3 et 4 mars 2016 à Ottawa. L’AFPC était l’hôte de la réunion.
« Nous voulons nous assurer que les syndicats et parlementaires européens comprennent qu’à notre avis, l’AECG demeure une mauvaise entente, car elle donne aux sociétés étrangères le pouvoir de contourner les tribunaux nationaux et de poursuivre les gouvernements s’ils croient qu’une décision relative aux politiques publiques pourrait nuire à leurs profits », a déclaré Robyn Benson, présidente nationale de l’AFPC.
« L’AFPC continuera de travailler avec les autres syndicats canadiens du secteur public afin de mobiliser la population contre les dispositions nuisibles de l’AECG, car celui-ci risque de préparer le terrain à d’autres accords comme le PTCI et le PTP, a-t-elle ajouté.
Lors de cette rencontre, coprésidée par Robyn Benson, les affiliés nord-américains de l’ISP et des représentants des secteurs publics ont présenté leurs rapports et parlé d’enjeux importants, comme la syndicalisation, les droits des travailleuses et travailleurs et la lutte contre la privatisation.
Problèmes liés à l’AECG
Les sociétés étrangères exerceraient un pouvoir sans précédent pour contourner les tribunaux nationaux et pourraient poursuivre notre gouvernement si une décision relative aux politiques publiques les empêchait de générer des bénéfices.
Le coût des produits pharmaceutiques augmenterait de 1 milliard de dollars par année.
Il serait plus compliqué de remédier aux privatisations infructueuses dans des secteurs comme la santé, l’eau ou l’énergie ou d’élargir les services publics à l’avenir.
Les droits des provinces, des municipalités, des écoles et des hôpitaux seraient limités pour optimiser le rendement de leurs dépenses en favorisant l’achat de biens et de services locaux.
Rappel
Le Canada est le pays développé qui fait l’objet du plus grand nombre de poursuites en vertu des règles actuelles encadrant les droits des investisseurs de l’ALÉNA.
Nous avons déjà versé plus de 200 millions de dollars à des sociétés
Le président Barack Obama en a fait le coeur de sa politique économique mais les prétendants à sa succession ne veulent pas en entendre parler: le libre-échange a spectaculairement perdu la cote aux Etats-Unis.
Dans le pays chantre de la mondialisation, l’abolition des barrières commerciales compte ainsi de farouches détracteurs parmi les candidats à l’investiture présidentielle, chez les démocrates mais aussi, de manière plus surprenante, côté républicain.
Poussée sur sa gauche par son rival Bernie Sanders, Hillary Clinton a ainsi affirmé que les accords de libre-échange avaient « l’air souvent fantastiques sur le papier » mais que leurs résultats n’étaient pas toujours « à la hauteur ».
Après avoir tergiversé, la favorite des primaires démocrates a même formellement déclaré son opposition au traité de libre-échange récemment signé par les Etats-Unis et 11 pays de la région Asie-Pacifique (TPP). « Je ne crois pas qu’il remplisse les critères élevés que j’avais fixés », a-t-elle tranché.
Bernie Sanders va plus loin. Ces accords sont un « désastre pour les travailleurs américains » et contribuent à un « nivellement par le bas » favorable aux grandes entreprises, affirme le sénateur socialiste qui vient de remporter l’Etat du Michigan (nord), durement touché par la désindustrialisation.
De l’autre côté de l’échiquier, le ton est à peine différent. Donald Trump, qui fait la course en tête chez les républicains, martèle que les accords commerciaux actuels « n’apportent rien de bon » et promet des mesures protectionnistes contre la Chine ou le Mexique.
Son principal rival, Ted Cruz, est plus bien modéré mais il a toutefois refusé en 2015 de voter en faveur d’une procédure d’accélération des négociations commerciales.
– Inquiétudes –
Cette rhétorique et l’écho qu’elle rencontre commencent à « inquiéter » les milieux d’affaires, très attachés au libre-échange, reconnaît-on chez le puissant lobby patronal de l’US Chamber of Commerce. « Les remèdes proposés sont pires que la maladie », assure à l’AFP un de ses vice-présidents, John Murphy.
Ce nouveau ton tranche également avec les récentes décennies pendant lesquelles les Etats-Unis ont défendu l’ouverture des frontières commerciales et l’accélération des échanges, faisant fi des alternances politiques.
Le démocrate Bill Clinton a ainsi paraphé en 1994 le traité de libre-échange Nafta avec le Mexique et le Canada tandis que son successeur à la Maison Blanche George W. Bush a multiplié les accords commerciaux.
Barack Obama a prolongé cet héritage en s’engageant dans deux vastes accords régionaux: le TPP et son équivalent européen, le TTIP. « Un commerce juste et libre est porteur de millions d’emplois américains bien payés », assurait-il en 2013.
Trois ans plus tard, les électeurs américains en semblent de moins en moins persuadés.
« Nous voyons les conséquences de ces politiques commerciales qui ne sont jamais attachées à aider les Américains à s’adapter à la montée en puissance de la concurrence économique mondiale », affirme à l’AFP Edward Alden, expert au Council on Foreign Relations.
C’est dans l’industrie manufacturière américaine que le libre-échange est accusé d’avoir causé le plus de dégâts. Depuis 1994, le nombre de salariés du secteur, souvent des emplois peu qualifiés, a fondu de près de 30%.
« Il y a beaucoup de gens qui n’ont pas profité de la mondialisation et qui montrent dans cette élection à quel point ils sont en colère », poursuit M. Alden.
L’opacité des négociations commerciales contribue également à alimenter la méfiance.
« L’époque où (…) on sortait avec un accord et que les gens disaient +ok, ça me va+ » est révolue. Les gens veulent être impliqués, ils veulent de la transparence », a admis mercredi la commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström, de passage à Washington.
Si ce changement de cap se confirmait, les Européens, déjà confrontés au scepticisme de leur population, et les Etats signataires du TPP auront en principe fort à faire avec le prochain pensionnaire de la Maison Blanche.
Mais les discours de campagne ne survivent pas toujours à la realpolitik. « On est habitué », assure M. Murphy, citant l’exemple du candidat Obama de 2008 alors très critique sur le libre-échange. « Le nouvel occupant du Bureau ovale se rend souvent compte que le commerce est un outil nécessaire pour la prospérité américaine », assure-t-il.
Des multinationales qui traînent des Etats en justice pour imposer leur loi et faire valoir leurs « droits », cela ne relève pas du fantasme : on compte déjà plus de cinq cents cas dans le monde.
par Benoît Bréville & Martine Bulard
Il a suffi de 31 euros pour que le groupe français Veolia parte en guerre contre l’une des seules victoires du « printemps » 2011 remportées par les Egyptiens : l’augmentation du salaire minimum de 400 à 700 livres par mois (de 41 à 72 euros). Une somme jugée inacceptable par la multinationale, qui a porté plainte contre l’Egypte, le 25 juin 2012, devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), une officine de la Banque mondiale. Motif invoqué ? La « nouvelle loi sur le travail » contreviendrait aux engagements pris dans le cadre du partenariat public-privé signé avec la ville d’Alexandrie pour le traitement des déchets (1). Le grand marché transatlantique (GMT) en cours de négociation pourrait inclure un dispositif permettant ainsi à des entreprises de poursuivre des pays — c’est en tout cas le souhait des Etats-Unis et des organisations patronales. Tous les gouvernements signataires pourraient alors se trouver exposés aux mésaventures égyptiennes.
Le lucratif filon du règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE) a déjà assuré la fortune de nombreuses sociétés privées. En 2004, le groupe américain Cargill a, par exemple, fait payer 90,7 millions de dollars (66 millions d’euros) au Mexique, reconnu coupable d’avoir créé une nouvelle taxe sur les sodas. En 2010, la Tampa Electric a obtenu 25 millions de dollars du Guatemala en s’attaquant à une loi plafonnant les tarifs de l’électricité. Plus récemment, en 2012, le Sri Lanka a été condamné à verser 60 millions de dollars à la Deutsche Bank, en raison de la modification d’un contrat pétrolier (2).
Encore en cours, la plainte de Veolia a été déposée au nom du traité d’investissement conclu entre la France et l’Egypte. Signés entre deux pays ou inclus dans des accords de libre-échange, il existe plus de trois mille traités de ce type dans le monde. Ils protègent les sociétés étrangères contre toute décision publique (une loi, un règlement, une norme) qui pourrait nuire à leurs investissements. Les régulations nationales et les tribunaux locaux n’ont plus droit de cité, le pouvoir se voyant transféré à une cour supranationale qui tire sa puissance… de la démission des Etats.
Au nom de la protection des investissements, les gouvernements sont sommés de garantir trois grands principes : l’égalité de traitement des sociétés étrangères et des sociétés nationales (rendant impossible une préférence pour les entreprises locales qui défendent l’emploi, par exemple) ; la sécurité de l’investissement (les pouvoirs publics ne peuvent pas changer les conditions d’exploitation, exproprier sans compensation ou procéder à une « expropriation indirecte ») ; la liberté pour l’entreprise de transférer son capital (une société peut sortir des frontières avec armes et bagages, mais un Etat ne peut pas lui demander de partir !).
Les recours des multinationales sont traités par l’une des instances spécialisées : le Cirdi, qui arbitre le plus d’affaires, la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI), la Cour permanente de La Haye, certaines chambres de commerce, etc. Les Etats et les entreprises ne peuvent, le plus souvent, pas faire appel des décisions prises par ces instances : à la différence d’une cour de justice, une cour d’arbitrage n’est pas tenue d’offrir un tel droit. Or l’écrasante majorité des pays ont choisi de ne pas inscrire la possibilité de faire appel dans leurs accords. Si le traité transatlantique inclut un dispositif de RDIE, ces tribunaux verront en tout cas leur emploi du temps bien garni. Il existe vingt-quatre mille filiales de sociétés européennes aux Etats-Unis et cinquante mille huit cents succursales américaines sur le Vieux Continent ; chacune aurait la possibilité d’attaquer les mesures jugées nuisibles à ses intérêts.
Pour qu’advienne le paradis sur terre des avocats d’affaires
Voilà près de soixante ans que des sociétés privées peuvent attaquer des Etats. Le procédé a longtemps été peu utilisé. Sur les quelque cinq cent cinquante contentieux recensés à travers le monde depuis les années 1950, 80 % ont été déposés entre 2003 et 2012 (3). Pour l’essentiel, ils émanent d’entreprises du Nord — les trois quarts des réclamations traitées par le Cirdi viennent des Etats-Unis et de l’Union européenne — et visent des pays du Sud (57 % des cas). Les gouvernements qui veulent rompre avec l’orthodoxie économique, comme ceux de l’Argentine ou du Venezuela, sont particulièrement exposés (voir carte « Règlement des différends sur l’investissement »).
Les mesures prises par Buenos Aires pour faire face à la crise de 2001 (contrôle des prix, limitation de sortie des capitaux…) ont été systématiquement dénoncées devant les cours d’arbitrage. Arrivés au pouvoir après des émeutes meurtrières, les présidents Eduardo Duhalde puis Néstor Kirchner n’avaient pourtant aucune visée révolutionnaire ; ils cherchaient à parer à l’urgence. Mais le groupe allemand Siemens, soupçonné d’avoir soudoyé des élus peu scrupuleux, s’est retourné contre le nouveau pouvoir — lui réclamant 200 millions de dollars — quand celui-ci a contesté des contrats passés par l’ancien gouvernement. De même, la Saur, une filiale de Bouygues, a protesté contre le gel du prix de l’eau au motif que celui-ci « port[ait] atteinte à la valeur de l’investissement ».
Quarante plaintes ont été déposées contre Buenos Aires dans les années qui ont suivi la crise financière (1998-2002). Une dizaine d’entre elles ont abouti à la victoire des entreprises, pour une facture totale de 430 millions de dollars. Et la source n’est pas tarie : en février 2011, l’Argentine affrontait encore vingt-deux plaintes, dont quinze liées à la crise (4). Depuis trois ans, l’Egypte se trouve sous les feux des investisseurs. Selon une revue spécialisée (5), le pays est même devenu le premier destinataire des recours de multinationales en 2013.
Pour protester contre ce système, certains pays, tels le Venezuela, l’Equateur ou la Bolivie, ont annulé leurs traités. L’Afrique du Sud songe à suivre cet exemple, sans doute échaudée par le long procès qui l’a opposée à la compagnie italienne Piero Foresti, Laura De Carli et autres au sujet du Black Economic Empowerment Act. Cette loi octroyant aux Noirs un accès préférentiel à la propriété des mines et des terres était jugée par les Italiens contraire à l’« égalité de traitement entre des entreprises étrangères et les entreprises nationales (6) ». Etrange « égalité de traitement » que ces patrons européens revendiquent alors que les Noirs sud-africains, qui représentent 80 % de la population, ne possèdent que 18 % des terres et que 45 % vivent sous le seuil de pauvreté. Ainsi va la loi de l’investissement. Le procès n’est pas allé jusqu’au bout : en 2010, Pretoria a accepté d’ouvrir des concessions aux demandeurs transalpins.
Ainsi, un jeu « gagnant-perdant » s’impose à tous les coups : soit les multinationales reçoivent de lourdes compensations, soit elles contraignent les Etats à réduire leurs normes dans le cadre d’un compromis ou pour éviter un procès. L’Allemagne vient d’en faire l’amère expérience.
En 2009, le groupe public suédois Vattenfall dépose plainte contre Berlin, lui réclamant 1,4 milliard d’euros au motif que les nouvelles exigences environnementales des autorités de Hambourg rendent son projet de centrale au charbon « antiéconomique » (sic). Le Cirdi juge la protestation recevable et, après moult batailles, un « arrangement judiciaire » est signé en 2011 : il débouche sur un « adoucissement des normes ». Aujourd’hui, Vattenfall poursuit la décision de Mme Angela Merkel de sortir du nucléaire d’ici à 2022. Aucun montant n’est officiellement avancé ; mais, dans son rapport annuel de 2012, Vattenfall chiffre la perte due à la décision allemande à 1,18 milliard d’euros.
Bien sûr, il arrive que les multinationales soient déboutées : sur les deux cent quarante-quatre cas jugés fin 2012, 42 % ont abouti à la victoire des Etats, 31 % à celle des investisseurs et 27 % ont donné lieu à un arrangement (7). Elles perdent alors les millions engagés dans la procédure. Mais des « profiteurs de l’injustice (8) », pour reprendre le titre d’un rapport de l’association Corporate Europe Observatory (CEO), attendent de récupérer le magot. Dans ce système taillé sur mesure, les arbitres des instances internationales et les cabinets d’avocats s’enrichissent, peu importe l’issue du procès.
Pour chaque contentieux, les deux parties s’entourent d’une batterie d’avocats, choisis au sein des plus grandes entreprises et dont les émoluments oscillent entre 350 et 700 euros de l’heure. Les affaires sont ensuite jugées par trois « arbitres » : l’un est désigné par le gouvernement accusé, l’autre par la multinationale accusatrice et le dernier (le président) en commun par les deux parties. Nul besoin d’être qualifié, habilité ou appointé par une cour de justice pour arbitrer ce type de cas. Une fois choisi, l’arbitre reçoit entre 275 et 510 euros de l’heure (parfois beaucoup plus), pour des affaires dépassant fréquemment les cinq cents heures, ce qui peut susciter des vocations.
Les arbitres (masculins à 96 %) proviennent pour l’essentiel de grands cabinets d’avocats européens ou nord-américains, mais ils ont rarement le droit pour seule passion. Avec trente cas à son actif, le Chilien Francisco Orrego Vicuña fait partie des quinze arbitres les plus sollicités. Avant de se lancer dans la justice commerciale, il a occupé d’importantes fonctions gouvernementales pendant la dictature d’Augusto Pinochet. Lui aussi membre de ce top 15, le juriste et ancien ministre canadien Marc Lalonde est passé par les conseils d’administration de Citibank Canada et d’Air France. Son compatriote L. Yves Fortier a quant à lui navigué entre la présidence du Conseil de sécurité de l’ONU, le cabinet Ogilvy Renault et les conseils d’administration de Nova Chemicals Corporation, Alcan ou Rio Tinto. « Siéger au conseil d’administration d’une société cotée en Bourse — et j’ai siégé au conseil de nombre d’entre elles — m’a aidé dans ma pratique de l’arbitrage international, confiait-il dans un entretien (9). Ça m’a donné une vue sur le monde des affaires que je n’aurais pas eue en tant que simple avocat. » Un véritable gage d’indépendance.
Une vingtaine de cabinets, principalement américains, fournissent la majorité des avocats et arbitres sollicités pour les RDIE. Intéressés à la multiplication de ce genre d’affaires, ils traquent la moindre occasion de porter plainte contre un Etat. Pendant la guerre civile libyenne, l’entreprise britannique Freshfields Bruckhaus Deringer conseilla par exemple à ses clients de poursuivre Tripoli, au motif que l’instabilité du pays générait une insécurité nuisible aux investissements.
Entre les experts, les arbitres et les avocats, chaque contentieux rapporte en moyenne près de 6 millions d’euros par dossier à la machine juridique. Engagées dans un procès de longue haleine contre l’opérateur aéroportuaire allemand Fraport, les Philippines ont même dû débourser la somme record de 58 millions de dollars pour se défendre — l’équivalent du salaire annuel de douze mille cinq cents enseignants (10). On comprend que certains Etats aux ressources faibles cherchent à tout prix des compromis, quitte à renoncer à leurs ambitions sociales ou environnementales. Non seulement un tel système profite aux plus riches, mais de jugements en règlements amiables, il fait évoluer la jurisprudence et donc le système judiciaire international hors de tout contrôle démocratique, dans un univers régenté par l’« industrie de l’injustice ».
MANCHESTER, N.H. – L’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) fait l’unanimité chez les gagnants démocrate et républicain de la primaire au New Hampshire. Le démocrate Bernie Sanders et le républicain Donald Trump souhaitent tous deux s’attaquer à l’accord commercial s’ils sont portés à la présidence des États-Unis.
Les objectifs ambitieux des candidats se heurtent toutefois à des obstacles politiques et légaux titanesques, à commencer par le fait que MM. Sanders et Trump n’ont pas encore remporté l’investiture de leurs partis respectifs, et leur accession à la Maison-Blanche est encore loin d’être assurée.
Les politiciens ont toutefois signalé clairement qu’ils voulaient mettre fin à l’accord commercial conclu en 1994, qui a eu des conséquences importantes sur le commerce entre ses signataires — le Canada, les États-Unis et le Mexique.
M. Trump a déclaré à l’automne au réseau CBS qu’il voulait au moins renégocier l’ALENA, sinon l’abroger complètement. Le milliardaire a qualifié l’accord de «désastre», ajoutant que «toute entente avait une fin».
Le candidat républicain a dit qu’il aimait l’idée du libre-échange en théorie, soulignant toutefois que cette entente n’était pas viable. Comme pour sa proposition d’interdire l’entrée aux musulmans aux États-Unis, M. Trump est resté vague sur les détails de cet objectif.
Bernie Sanders est quant à lui resté cohérent sur ce sujet tout le long de sa carrière au Congrès. Il s’est toujours vigoureusement opposé à l’ALENA depuis sa signature et il avait organisé une manifestation mémorable contre l’entente.
M. Sanders avait même présenté une loi qui aurait sabré dans le salaire des politiciens américains pour les harmoniser avec ceux du Mexique et ainsi faire ressentir aux élus ce qu’ils imposent aux travailleurs.
«L’essence de L’ALENA est que les travailleurs américains seront forcés de compétitionner contre les pauvres et désespérés Mexicains qui gagnent un salaire minimum de 58 cents par heure», avait déploré Bernie Sanders devant la Chambre des représentants, où il avait siégé avant d’être élu au Sénat.
Dans sa plateforme, le politicien promet de «renverser» certaines politiques commerciales, dont l’ALENA.
Mais selon un avocat commercial, le terme «renverser» suggère plusieurs options. Mark Warner est sceptique sur la possibilité que l’un ou l’autre des candidats ne mette fin à l’accord puisqu’il s’agirait d’un processus très complexe.
Même si un président donnait un préavis de six mois signifiant que les États-Unis se retirent de l’entente, certains éléments de l’ALENA ont été enchâssés dans l’accord de l’Organisation mondiale du commerce.
Un autre problème soulevé par d’autres experts est que les tarifs ne se rétabliraient pas automatiquement — le Congrès devrait les réimposer, ce qui ne serait pas une démarche facile en soi puisque les mesures devraient être approuvées par les deux chambres, dont le Sénat, où 60 pour cent des voix sont nécessaires.
Et finalement, il y a un autre défi de taille: la réalité de l’économie moderne. M. Warner a fait remarquer les entreprises deviennent de plus en plus mondialisées et qu’elles développent leurs produits en fonction de leur exportation partout sur la planète.
«On verrait des entreprises devenir folles. Comment renverser ces chaînes d’approvisionnement maintenant? Renverser l’ALENA équivaudrait à fermer la porte de la grange quand tout le monde est parti. Les changements qui ont été faits ont déjà (eu leurs effets)», a-t-il constaté.
« Le commerce, c’est la guerre. » Telle est la conclusion sans fioritures à laquelle en est arrivé Yash Tandon après avoir participé de près, pendant plusieurs décennies, aux négociations commerciales internationales aux côtés des pays du sud. Dans un livre paru il y a quelques mois, il montre combien l’histoire du libre-échange, bien loin des beaux discours sur le développement et la croissance, se réduit à une domination continue des pays pauvres par les pays occidentaux et leurs multinationales. Aujourd’hui, avec le débat sur le traité de libre-échange transatlantique, les Européens commencent à faire l’expérience de ce qui fait, depuis toujours, la réalité de l’autre côté de la planète.
Et si le commerce international et les traités de libre-échange n’étaient finalement qu’une arme au service des puissances occidentales et leurs entreprises pour exploiter et maintenir sous leur domination les populations de l’hémisphère sud et leurs gouvernements ? Nous sommes accoutumés à considérer l’arène commerciale internationale sous un jour sinon positif, du moins neutre. Les populations pauvres des pays du sud n’ont-elles pas tout à gagner à commercer et exporter leurs productions ? Et après tout, le domaine des règles – même lorsqu’il s’agit de règles commerciales – ne s’oppose-t-il pas par définition à celui de la contrainte et de la force brute ? Certes, fera-t-on valoir, il y a lieu d’améliorer le cadre des échanges mondiaux en renforçant les normes sociales et environnementales, mais même le statu quo ne reste-t-il pas préférable à ce qui serait la seule autre alternative possible : l’absence totale de règles ?
Ces douces certitudes, partagées par de nombreux citoyens européens, commencent à se trouver quelque peu ébranlées avec l’émergence du débat sur le projet de traité de libre-échange entre Union européenne et États-Unis (dit Tafta ou TTIP). Un traité commercial négocié dans le plus grand secret, menaçant de réduire les régulations sociales et environnementales au plus petit dénominateur commun, et de donner le droit aux multinationales de poursuivre les gouvernements qui mettraient en place des politiques nuisibles à leur taux de profit ? Pas de quoi rassurer sur les vertus du « doux commerce »… Il s’avère que parfois les « règles » commerciales peuvent être utilisées non pas pour renforcer l’état de droit, mais pour construire un état de non-droit et d’impunité, au profit des plus puissants.
Pour Yash Tandon, il s’agit là de la réalité fondamentale qui se cache derrière tous les beaux discours sur la contribution du libre-échange au développement et à la croissance. Et ce depuis le début, bien avant qu’il soit question du Tafta, dès la décolonisation, les négociations du GATT et la naissance de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Comme il l’explique dans un livre dont le titre résume on ne peut mieux le propos – Le commerce, c’est la guerre [1] – l’histoire du libre-échange et des négociations commerciales internationales est avant tout l’histoire de la domination continue des populations du sud par l’Europe et les États-Unis – d’abord dans le domaine de l’agriculture et de l’alimentation (qui reste un point de contentieux majeur à l’OMC jusqu’à aujourd’hui), puis dans le secteur industriel, et aujourd’hui de plus en plus dans le domaine de la propriété intellectuelle ou des services.
Une histoire écrite « dans le sang et la violence »
Une histoire qui reste avant tout, selon Yash Tandon, écrite « dans le sang et la violence » : « Si l’on restreint la définition de la guerre à la violence organisée impliquant des armes à feu, alors bien entendu, il y a des différences cruciales, aussi bien dans la réalité que dans le droit, entre la guerre et le commerce. Mais en réalité le commerce tue de la même manière que les armes de destruction massive [2]. » Il peut tuer de manière très directe, en privant les pauvres de l’accès à certains médicaments essentiels sous prétexte de protéger la propriété intellectuelle, en ruinant l’agriculture vivrière et les politiques d’autosuffisance alimentaire pour favoriser les exportations de matières premières, ou bien encore en cas d’imposition de sanctions commerciales qui privent les populations d’accès aux produits de première nécessité. Et il entraîne aussi, selon Yash Tandon, des effets dramatiques de manière indirecte, en entravant le développement industriel de l’Afrique et en dépossédant les habitants du continent de leur accès aux ressources naturelles. « Des milliers d’Africains tentent de s’échapper vers l’Europe au risque de leur vie, mais à l’intérieur même de l’Afrique il y en a littéralement des millions d’autres qui sont des réfugiés intérieurs, privés de terres et des autres ressources nécessaires à leur survie par des firmes globales qui les écrasent grâce au pouvoir du capital et de la technologie. »
Ce diagnostic n’émane pas d’un militant peu averti ou à l’indignation trop facile. Yash Tandon a suivi de près les discussions commerciales internationales durant des décennies, en tant que négociateur pour son Ouganda natal puis pour le Kenya, en tant que fondateur et président du SEATINI [3], puis en tant que directeur du Centre Sud, un think tank des pays du sud basé à Genève.
La meilleure preuve des liens étroits entre le commerce et les rapports de force géopolitiques ? « L’Organisation mondiale du commerce est la seule entité internationale avec le Conseil de sécurité des Nations unies à avoir un pouvoir réel – le pouvoir d’imposer des sanctions commerciales. Or les sanctions sont un acte de guerre. » Et les sanctions prononcées par l’OMC ou dans d’autres cadres multilatéraux ont toujours tendu à s’aligner de près sur les options géopolitiques des grandes puissances, à commencer par les États-Unis et l’Europe.
Impérialisme
C’est dire que le livre de Yash Tandon est aussi un vibrant plaidoyer pour la pertinence de la notion d’« impérialisme », quelque peu passée de mode, pour analyser les relations internationales. « L’occident voudrait croire que l’impérialisme a cessé avec la fin de la colonisation. Mais non. Le colonialisme bilatéral s’est simplement transformé en impérialisme multilatéral. Au lieu de la Grande-Bretagne gouvernant l’Ouganda ou la France gouvernant l’Algérie, c’est aujourd’hui l’Europe qui domine l’Afrique, aux côtés des États-Unis et du Japon. Ils gouvernent collectivement à travers les institutions de gouvernance mondiale comme le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, l’OMC et l’Union européenne. » L’ascension de ces institutions internationales ainsi que de puissantes firmes multinationales aux intérêts propres, partiellement distincts de ceux de leurs pays d’origine, ne représente qu’un nouvel avatar du même système mondial de domination. Pour Yash Tandon – mais c’est un point sur lequel il paraît plus difficile de le suivre -, l’émergence de la Chine et des autres BRICS (Brésil, Russie, Inde et Afrique du sud) n’y change pas grand chose : même si les BRICS sont « de grands pays », « dans l’arène du commerce international, de la technologie, de la propriété intellectuelle et de la finance internationale, ils sont relativement faibles ».
Si l’Union européenne aime, par comparaison avec son partenaire américain, se donner des airs de vertu en matière de normes commerciales et de relations internationales, cette posture ne résiste pas à l’épreuve des faits. Contrairement à ses prétentions, l’Europe « ne recherche pas un système global plus équilibré, bien au contraire ». Et c’est devenu bien pire avec l’adoption en 2006 de la stratégie « Global Europe », fortement influencée par les milieux économiques. Le vieux continent utilise l’arme de l’OMC de manière plus agressive encore que les États-Unis pour protéger ses intérêts et ceux des ses multinationales. Sous couvert de favoriser le commerce avec les pays les plus pauvres (dits « pays ACP » pour Afrique, Caraïbes et Pacifique), l’Union cherche aussi et surtout, et de plus en plus, à favoriser ses propres intérêts, en leur imposant des « Accords de partenariat économique » supprimant toute forme de protection de leurs marchés intérieurs.
Une façade d’état de droit
Si les règles du commerce international sont ainsi biaisées en faveur des intérêts économiques occidentaux, comment expliquer alors que les dirigeants des pays du sud continuent à acquiescer aux conditions imposées par l’Europe et les États-Unis et aux traités qui leur sont proposés ? « En théorie, les gouvernements sont ‘libres’ d’accepter ou de rejeter les dispositions contenues dans les accords commerciaux. En pratique, les gouvernements du sud sont otages de l’aide internationale, des capitaux et de la technologie des occidentaux. Les pays du sud ne peuvent se protéger qu’en érigeant des barrières commerciales, mais ils ne sont pas autorisés à le faire par les règles de l’Organisation mondiale du commerce. »
Les négociations commerciales internationales n’offriraient ainsi que l’apparence du droit, masquant une réalité de contrainte, comme l’illustre le double visage de l’OMC : « Certes, l’OMC constitue une plateforme de négociation multilatérale (du moins à [son siège à] Genève. Les accords régionaux comme le Tafta ou le TransPacific Partnership (TPP) sont des traités plurilatéraux, qui ne sont régis pas aucune norme. En un sens, ils sont donc plus dangereux. Néanmoins, il faut préciser une chose : l’OMC n’est régulée qu’à Genève. Lorsqu’elle tient ses Conférences ministérielles en dehors de Genève – comme à Nairobi en décembre 2015 – l’OMC se transforme en monstre tyrannique. Toutes les règles sont oubliées, et l’Empire exerce son pouvoir nu pour mettre au pas les pays du sud. J’ai participé à presque toutes les conférences ministérielles de l’OMC, et je décris dans mon livre comment les choses se passent réellement. » Textes signés sans avoir été lus, décisions prises par un petit groupe de pays (pays occidentaux et quelques pays du sud triés sur le volet) dans les « salons verts » devenant contraignantes pour les absents, interprétation du droit à l’avantage des plus puissants… telle est la triste réalité de cette institution. Et quand bien même les pays du sud réussissent parfois à faire front à l’OMC, les pays occidentaux peuvent toujours contourner l’obstacle en privilégiant les traités bilatéraux ou d’autres forums de négociation commerciale.
C’est pourquoi Yash Tandon estime, malgré ce qu’en espèrent certaines ONG, que « l’OMC n’est pas réformable ». La dissymétrie de rapport de forces entre les puissances occidentales et les autres lui est trop consubstantielle. Il mise avant tout sur l’unité des pays du sud (qui peut toutefois paraître de plus en plus problématique) et surtout sur les alliances entre la société civile et les gouvernements du sud les plus volontaristes, qui ont permis quelques succès partiels dans le domaine de l’agriculture ou de l’accès aux médicaments.
Tafta, ou l’occident soumis à sa propre médecine
Peut-on considérer qu’avec le projet d’accord de libre-échange transatlantique Tafta, c’est un peu comme si les intérêts économiques occidentaux, et en particulier les multinationales, s’apprêtaient à faire subir aux nations européennes et nord-américaines le traitement qu’ils réservent ainsi depuis des décennies aux pays de l’hémisphère sud ? Fort de son expérience, Yash Tandon juge les mobilisation actuelles en Europe contre Tafta d’un œil favorable, mais sans trop d’illusions.
« Les multinationales occidentales ont commencé à se tourner contre leurs propres populations dès l’intensification de la mondialisation dans les années 1980. Ce qui est nouveau est la régionalisation de cette mondialisation néolibérale. Le débat actuel sur le Tafta et le TPP [Trans Pacific Partnership, projet de traité de libre-échange entre les États-Unis et une quinzaine de pays du pourtour Pacifique] est bienvenu, mais je pense qu’en Europe, il reste trop focalisé sur l’aspect économique et juridique. La dimension militaire du Tafta et du TPP demeure largement ignorée, alors qu’ils ne constituent qu’une autre facette de l’Otan. C’est la raison pour laquelle les États-Unis parviennent à convaincre les gouvernements européens de signer le Tafta. »
« Nous, en Afrique, nous avons subi les conséquences de notre propre Tafta imposé par l’Union européenne : les Accords de partenariat économique. Toutes ces années, il y a eu très peu de débats en Europe, même au sein de la gauche, sur la situation qui nous était faite, et encore moins de solidarité concrète. Maintenant que la gauche s’est engagée de manière déterminée dans la bataille contre Tafta, je suggère qu’elle inclue les APE, la version impérialiste nord-sud du Tafta, dans ses discours et dans sa lutte. »
Le livre de Yash Tandon interpelle à double titre. D’abord comme antidote à la naïveté, et en tant que rappel salutaire sur la réalité des rapports de force en matière de commerce international. Son rejet total de la possibilité de réformer et améliorer l’OMC et les règles commerciales actuelles – et a fortiori le Tafta – peut paraître radical, mais il indique bien quel est le véritable standard auxquels ces accords devraient être soumis pour être démocratiquement légitimes. Ensuite, parce qu’il suggère que la contestation citoyenne actuelle du projet de traité transatlantique ne deviendra véritablement pertinente et efficace que si elle s’inscrit aussi dans une démarche globale de remise en cause du système commercial mondial actuel.
L’entreprise canadienne TransCanada a annoncé le 6 janvier son intention de poursuivre les USA devant un tribunal arbitral en raison de la décision de B. Obama de ne pas autoriser le projet d’oléoduc KeyStone XL, oléoduc ayant pour but de transporter les pétroles bitumineux issus de l’Alberta jusqu’au Golfe du Mexique.
TransCanada s’appuie sur le mécanisme de règlement des différends Investisseur-Etat du traité de l’ALENA (accord de libre-échange
USA-Canada-Mexique).
TransCanada réclame donc la bagatelle de 15 milliards de dollars de compensation, arguant du manque à gagner au regard des profits qu’elle escomptait ! La firme a par ailleurs initié un recours juridique parallèle contre le gouvernement Obama, auprès d’une cour fédérale au Texas, avec pour argument que le refus d’Obama allait à l’encontre de la Constitution des USA.
Ces plaintes rappellent encore une fois que les accords UE/Canada (CETA) et UE/USA (TAFTA) comprennent des dispositifs semblables à ceux de l’ALENA permettant à une entreprise Nord-américaine ou européenne d’attaquer une décision publique avec les mêmes arguments que TransCanada.
Notons aussi que cette plainte ne peut que contribuer à dissuader les gouvernements nord-américains d’agir pour le climat (si tenté qu’ils aient réellement l’intention de le faire…). Sans compter le coût de la procédure et les potentielles indemnités qui seront facturés aux contribuables états-uniens.
SAUVER LE CLIMAT EN SIGNANT DES ACCORDS DE LIBRE-ECHANGE ?
On se doute de la réponse avec l’exemple de TransCanada. Et comment croire à la sincérité des négociateurs Nord-américains et européens de la COP21, quand ces mêmes négociateurs continuent à donner la priorité à la libéralisation massive du commerce international et à la protection des droits des investisseurs ?
Un nouveau rapport publié par des ONG européennes analyse plusieurs exemples de poursuites initiées par des entreprises pour faire abandonner des politiques visant à réduire les recours aux énergies fossiles ou favoriser les renouvelables.
Au total, pas moins de 35% des litiges Etats-investisseurs concernent à ce jour le secteur des énergies et des industries extractives. Selon ce rapport, ces litiges sont majoritairement tranchés en faveur des entreprises, avec à la clé des compensations se chiffrant souvent en centaines de millions d’euros.
La question de l’accès au pétrole et au gaz étatsunien est une priorité de l’Union européenne dans le cadre de la négociation du TAFTA. A tel point que la Commission de l’UE a exigé que « toute mention explicite du commerce » soit exclue dans l’accord climatique de Paris. Message reçu cinq sur cinq par les négociateurs de la COP21 !
La conclusion est claire : le combat contre le TAFTA, CETA et autres accords de libre échange est une composante essentielle de la lutte pour sauver le climat.
UN EURO-DÉPUTÉ PS BELGE EXIGE L’ARRÊT DES NÉGOCIATIONS SUR LE TAFTA
Marc Tarabella est un député européen belge, membre du PS belge, en charge de l’agriculture et de la Protection des consommateurs au Parlement européen. Il est parvenu à se procurer le rapport d’évaluation des gains des projets de TTIP (ou TAFTA), interne au ministère de l’agriculture américain.
Ce qu’il a lu l’a amené à publier, juste avant Noël, un communiqué public qui a le mérite de mettre les points sur les i. Selon ce communiqué, les conclusions du rapport interne du ministère américain de l’agriculture sont « sans appel : d’une part, le secteur agricole européen serait le grand perdant de cet échange, d’autre part les Européens pourraient même subir des effets négatifs en cas d’accord.
De l’aveu même des Américains, les Européens n’ont pas grand-chose à y gagner. »
Et le député du PS belge de conclure : « Au vu de ces résultats, je demande l’arrêt pur et simple des négociations avec les États-Unis. Je ne veux pas voir mener à l’abattoir l’agriculture européenne et dans son sillage la subsistance alimentaire européenne. »
Nous aimerions savoir ce que pensent nos euro-députés français, et PS en particulier, de cette prise de position.
LES ÉCHÉANCES DU LIBRE ÉCHANGE
TAFTA/TTIP :
• 12e cycle de négociations à Bruxelles du 22 au 26 février. Le Tafta avance et le niveau de libéralisation des droits de douane a été fixé lors du dernier round à Miami (97%).
• Risque de précipitation des négociations avec l’élection présidentielle aux USA et de l’accouchement d’un accord allégé avec un renvoi vers la coopération réglementaire.
Du côté américain, les négociateurs veulent donc aller plus vite avant la fin du mandat d’Obama ; mais il faut tenir compte du poids du TPP (accord trans-pacifique) qui doit passer devant le congrès, ce qui rend les choses compliquées…
CETA (accord UE/Canada) :
• La phase de mise en forme légale (« legal scrubbing ») est terminée et la phase de traduction toujours en cours.
• Il se pourrait que le dossier arrive sur le bureau du conseil des ministres de l’UE le 13 mai pour signature → un accord de ce type requiert la majorité qualifiée. La ratification devant le parlement européen interviendrait alors à la rentrée, vers octobre.
• Discussions en ce moment sur la réécriture du chapitre sur ISDS → le scénario de l’ICS semble acceptable par les deux parties au traité.
• En cours également, la procédure Cour européenne justice sur la compatibilité de l’accord UE-Singapour avec les traités UE (mais aussi si c’est un accord mixte?).
C’est une décision contraignante → l’accord en question saute si la CJE rend un verdict négatif. Cette décision ne fera pas forcément jurisprudence (et donc influencer sur la ratification du CETA) ; la question est de savoir si la Commission attend ce jugement avant d’initier la ratification du CETA ou si elle considère que cela n’a rien à voir.
Libre-échange contre climat : la plainte de TransCanada contre l’État fédéral américain confirme les craintes des mouvements citoyens
Communiqué de presse
L’entreprise canadienne TransCanada a annoncé mercredi 6 janvier son intention de poursuivre l’État fédéral américain devant un tribunal arbitral en raison de la décision du Président Obama de ne pas autoriser le projet d’oléoduc KeyStone XL [1]. KeyStone avait pour but de transporter les pétroles bitumineux issus des champs de l’Alberta jusque dans le Golfe du Mexique.
TransCanada s’appuie sur le chapitre 11 de l’ALENA (Accord de libre-échange USA-Canada-Mexique) et le mécanisme de règlement des différends Investisseur-État du traité. L’entreprise estime la décision du Président Obama injuste, et prétend que des permis ont été octroyés à des projets similaires dans le passé. Selon elle, cette décision ne serait pas fondée sur la qualité intrinsèque du projet mais sur la « perception de la communauté internationale que l’administration fédérale américaine devrait agir en leader en matière de lutte contre le changement climatique » [2].
TransCanada réclame donc 15 milliards de dollars de compensation, arguant du manque à gagner au regard des profits qu’elle escomptait. TransCanada a par ailleurs initié un recours juridique parallèle contre le gouvernement Obama, auprès d’une cour fédérale au Texas, affirmant que le refus du Président d’accorder le permis de construire allait à l’encontre de constitution américaine. La compagnie aura ainsi le privilège de choisir la décision qui lui sera la plus avantageuse, droit dont nul autre citoyen ou entreprise nationale ne peut jouir.
Les plaintes déposées par TransCanada confirme les inquiétudes des mouvements sociaux et citoyens. Ceux-ci alertent depuis des mois parlementaires et responsables politiques français et européens des risques que comportent les accords de libre-échange lorsqu’ils incluent un mécanisme d’arbitrage au bénéfice exclusif des investisseurs étrangers. L’accord UE/Canada (CETA) et l’accord UE/États-Unis (TAFTA), qui comprendront ce type de dispositif, pourraient de la même façon permettre à une entreprise européenne ou nord-américaine d’attaquer une décision publique dès lors qu’elle menacera ses intérêts, fut-elle nécessaire à la santé publique, à la protection de l’environnement ou à la sauvegarde du climat [3].
Pour Amélie Canonne, de la campagne Stop TAFTA en France, « cette nouvelle plainte prouve que la cohabitation entre le régime international de commerce et d’investissement actuel et l’ambition prétendue de lutter contre le changement climatique est impossible. ALENA, TAFTA ou CETA sont incompatibles avec les objectifs affichés lors de la COP21, car ils permettront à n’importe quelle entreprise du secteur des énergies fossiles d’attaquer toute politique ambitieuse visant à la transition énergétique. »
« Le cas TransCanada pose une question démocratique fondamentale : est-il normal qu’une entreprise puisse unilatéralement contester une décision d’intérêt général devant un panel d’arbitres ne répondant à aucune juridiction publique ? Cette plainte va dissuader les gouvernements nord-américains d’agir pour le climat, et contribuer à paralyser l’action publique. Sans compter le coût de la procédure et les potentielles indemnités, qui seront facturés aux contribuables américains » commente Nicolas Roux, également engagé dans la campagne Stop TAFTA en France.
Some say the US/EU trade deal that could be agreed this year will open up markets and promote UK growth. Others fear it will drive down wages and promote privatisation
Cheap American olive oil could, in a few years’ time, be sitting on supermarket shelves next to the Tuscan single estate varieties loved by British foodies. At present a prohibitive tariff on US imports effectively prices them out of contention.
But a groundbreaking trade deal could lower the $1,680-a-tonne tariff on US olive oil to match the $34 a tonne the US charges on imports from the EU. Or the tariffs could disappear altogether. Either way, Greek, Spanish and Italian olive farmers must fear the Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP), a deal that aims to create a level playing field between them and massive US agri-businesses.
Trade deals were once seen as a panacea for global poverty. In the 1990s, the World Trade Organisation was formed to harmonise cross-border regulations on everything from cars to pharmaceuticals and cut tariffs in order to promote the free flow of goods and services around the world.
There was always a fear that, far from being a winning formula for all, lower tariffs would favour the rich and powerful and crucify small producers, who would struggle to compete in an unprotected environment.
The effects of the North American Free Trade Agreement (Nafta), signed by the US, Mexico and Canada in 1993, appeared to justify that fear: it became in later years a cause celebre for anti-poverty campaigners, angered by the plight of Mexican workers. Not only were they subjected to low wages and poor working conditions by newly relocated US corporations – and, as consumers, to the relentless marketing power of Walmart, Coca Cola and the rest – but the major fringe benefit of cutting corruption remained illusory.
This year the US hopes to sign what many believe will be Nafta’s direct successor – TTIP. Should it get the green light from Congress and the EU commission, the agreement will be a bilateral treaty between Europe and the US, and, just like Nafta before it, outside the ambit of a gridlocked WTO.
Supporters say it will be an improvement on its predecessor because the main proponents are a liberal US president and a European commission that considers itself concerned with workers and consumers. Why, the commission asks, would 28 relatively affluent member states with concerns about high unemployment, stagnant wages, welfare provision and climate change agree to a charter that undermines workers’ rights, attacks public services or reduces environmental regulations?
TTIP is also billed as an agreement between equals that allows both sides to promote trade: it is claimed that the UK’s national income could be raised by £4bn-£10bn annually, or up to £100bn over 10 years. That amounts to a 0.3 percentage point boost to GDP, which would have pushed this year’s expected 2.4% growth to 2.7%.
But it strikes fear into the hearts of many, who believe it to be a Trojan horse for rapacious corporations. These corporations, hellbent on driving down costs to enhance shareholder value, spell the end for Europe’s cosy welfare states and their ability to shield fledgling or, in the case of steel and coal, declining industries from the harsh realities of open competition.
TTIP has been compared to the 1846 Corn Law abolition, which either swept away protectionist tariffs that impoverished millions of workers, or protected a vital source of food and led Karl Marx to ask: “What is free trade under the present condition of society?” His answer was: “It is the freedom which capital has to crush the worker.” Is that the case with TTIP? Here are five key factors to consider.
Health and public services
From the moment TTIP became part of President Barack Obama’s growth strategy, critics have feared that he little realised the expansionary intentions of US healthcare companies or was too distracted to care. The concern relates to the prospect of EU countries, under pressure from rising healthcare costs, handing over major parts of healthcare provision to the private sector. Once services are in private hands, say critics, TTIP rules will prevent them being taken back into state control.
Since these fears were voiced, trade negotiators have excluded provisions that would have allowed firms to sue governments for the loss of health and public services contracts once they expired. This allows the UK’s rail franchise system and the contracting-out of health services to continue under time-limited contracts.
But the US private health industry, which is the largest in the world, views a Europe struggling with the needs of an ageing baby-boomer generation as ripe for the picking. For this reason alone, contracting out the distribution of drugs, the supply of medical devices and the provision of vital services could prove irresistible.
Dispute resolution
A little known facet of every trade deal is a separate form of arbitration for the businesses covered by the agreement, allowing them to avoid the civil courts. As such, the investor-state dispute resolution (ISDS) gives foreign investors the power to sue a government for introducing legislation that harms their investment.
Famously, it was used by big tobacco to sue the Australian government when it introduced plain cigarette packaging. Before and after the scandal, other governments have come under legal challenge from corporations concerned that public policymaking is denying them revenues.
In spring 2014, UN official and human rights lawyer Alfred de Zayas called for a moratorium on TTIP negotiations until ISDS was excluded. He warned that the secret court tribunals held to settle trade disputes were undemocratic. Their reliance on a small group of specialist lawyers also meant that arbitrators sitting in judgment were the ones who at other times represented corporate clients.
De Zayas feared that smaller states would find themselves in the same position as many governments in trade disputes, suffering huge legal bills and long delays to public policy reforms. He was joined in his mission by NGOs and, most importantly, by MEPs in Strasbourg.
As a first concession, the US side agreed to prohibit “brass-plate” firms – those that exist only by name in a county, without any employees or activity – from suing a government. This aimed to prevent a repeat of the Australia incident when the Ukrainian arm of tobacco firm Philip Morris, effectively a brass-plate entity, spearheaded the attack on plain packaging.
Many EU politicians said this concession was too easy to circumvent, leaving corporations in a powerful position. So Europe’s chief negotiator, Swedish commissioner Cecilia Malmström, hatched a scheme for an international court of arbitration – an open public forum instead of the private court system. Even her critics said it was a bold move, and unlikely to be accepted by the Americans.
Washington has countered with proposals for a more transparent ISDS court, with live-streamed meetings and the publication of all documents. Not enough, says de Zayas, who wrote recently: “Alas, countless ISDS awards have shown a business bias that shocks the conscience. To the extent that the procedures are not transparent, the arbitrators are not always independent and the annulment procedure is nearly useless, ISDS should be abolished as incompatible with article 14(1) of the ICCPR [International Covenant on Civil and Political Rights] which requires that all suits at law be decided by independent and competent tribunals under the rule of law.”
The two sides have yet to formally discuss either proposal: under deals between the US and Japan and the EU and Canada the issue was barely mentioned, but it is now expected to be among the most contentious.
Regulations
Michael Froman, the US chief negotiator, described the task of harmonising regulations as follows: “For years the US and EU have accepted each other’s inspection of aeroplanes because it was obvious they would not be able to check all the planes landing in their jurisdiction. We seek to expand this practice to other areas.”
So how would Froman apply this to the fact that American cars will still be left-hand drive, restricting their use on British roads? He argues that the cost of imported cars, research and development and testing can still benefit from the harmonisation of regulations on either side of the Atlantic.
Yet there is nothing US food regulators would like less than to accept processed foods tested by EU officials who failed to spot the horsemeat scandal.
And EU regulators are duty bound to reject GM foods, after sustained protests by Europe’s consumers in direct conflict with US farmers. Washington claims it will accept the science when it applies to regulations, which supports GM foods being accepted by the EU as part of TTIP, just as it is part of the WTO agreement.
Tariffs
Dispensing with tariffs seems like a straightforward process compared with tackling complex regulations. Under TTIP, tariffs on goods and services should disappear, though it is expected that some will only be reduced, and others may take years to go the way of history.
Under the Trans Pacific Partnership (TPP) recently agreed, but not yet implemented, between the US, Japan, Australia, Vietnam and other East Asian countries, all goods, from pork to cars, are covered.
A good example of how long it can take for tariffs to come down is found in the case of the 2.5% rate slapped on Japanese car imports to the US: this will start to be incrementally lowered 15 years after the agreement takes effect, halved in 20 years and eliminated in 25 years. In return, Japan will, among other things, lower its tariff on imported beef from 38.5% to 9% over 16 years. A similar programme could be possible under TTIP, with olive oil tariffs lowered over 25 years.
Labour standards and workers’ rights
Japanese trade unions supported the TPP deal, and unions in Europe are expected to follow suit with TTIP. They accept that labour protection rules lie outside the scope of a deal, and that their governments can therefore continue to implement minimum wage legislation and other supportive measures without being sanctioned.
But unions, where they exist, tend to represent workers in successful industries, which naturally welcome access to wider markets. Workers in weaker areas of the economy could find their jobs coming under pressure from harmonised regulations, lower tariffs, or even just exposure to a US rival with a work ethic that denies most employees more than two weeks’ holiday a year.
TTIP is important to the UK government because the US is our biggest market for goods and services outside the EU. It’s seen as especially important for small and medium-sized businesses, which appreciate the lack of language barrier. Britain also has a trade surplus with the US: we export more than we import, which helps counterbalance the country’s huge trade deficit.
Such is the momentum behind the talks that a deal could be agreed by the end of the year, and go before Congress and EU parliaments in 2017. Both sides claim to be making good progress. But the dispute over ISDS and protests from farmers could yet quash Obama’s hopes for US olive oil sales.
Le présent document a pour objet de servir d’avertissement aux Européens qui se soucient de la santé de leur peuple, de la résilience de leurs communautés, du destin de leurs services publics et de la protection de leurs ressources naturelles.
En 1989, le Canada et les États-Unis ont signé l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis (ALÉ). En 1994, les deux pays et le Mexique ont signé l’Accord de libre-échange nordaméricain (ALENA). Ces deux accords donnaient le ton à la nouvelle génération d’accords commerciaux bilatéraux et régionaux, et créaient un modèle toujours largement appliqué par la plupart des gouvernements.
Dans le cadre de l’ALÉ, le Canada a perdu la majeure partie de son assise manufacturière, car les multinationales américaines ont fermé leurs usines canadiennes et les ont délocalisées. Le Canada a également cédé le contrôle règlementaire de ses réserves d’énergie. L’ALENA a introduit une nouvelle disposition, le règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE, ou ISDS pour « investor-state dispute settlement »), en vertu duquel les multinationales des trois pays auraient le droit de poursuivre les gouvernements pour des modifications apportées à des lois, politiques ou pratiques ayant un impact négatif sur leur résultat net.
L’héritage de l’ALENA est bien vivant et bien présent dans le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP, pour « Transatlantic Trade and Investment Partnership ») entre l’Union européenne et les États-Unis, et l’Accord économique et commercial global (AECG) signé entre l’Union européenne et le Canada. Alors que ces accords exagèrent les prévisions budgétaires découlant des échanges commerciaux de plusieurs façons, ils contiennent tous deux des dispositions relatives au mécanisme de RDIE, qui sont particulièrement controversées en Europe.
En conséquence de l’ALENA, le Canada est le pays du monde développé qui a fait l’objet du plus grand nombre de poursuites en vertu du mécanisme de RDIE, et les Canadiens ont une histoire importante à partager avec les Européens alors qu’ils luttent contre le TTIP et l’AECG. Le présent document a pour objet de servir d’avertissement aux Européens qui se soucient de la santé de leur peuple, de la résilience de leurs communautés, du destin de leurs services publics et de la protection de leurs ressources naturelles.
Je ne comprends pas l’engouement des Québécois pour l’indépendance puisque nous avons déjà cédé notre souveraineté aux multinationales. De quelle liberté parle-t-on quand une entreprise privée peut contester nos lois devant les tribunaux, selon les ententes de libre-échange négociées en secret: l’ALENA, l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (l’AÉCG) et le Partenariat Transpacifique?
Poussés par le patronat et les transnationales, nos gouvernements troquent de plus en plus notre liberté contre une poignée de sociétés privées, dont les pouvoirs surpassent ceux de l’État.
Ces ententes accordent aux sociétés des pays membres le droit de contester toutes les lois et les règles sur la protection de l’eau, de l’environnement, de nos services publics, de nos pensions, notre santé, nos aqueducs, routes et ponts, qu’ils considèrent une entrave à leur capacité de faire des profits. Donc une transnationale peut poursuivre nos gouvernements pour pertes de profits, dans des tribunaux secrets, à huis clos, sans qu’il ne soit possible de recourir à l’appel. Ces accords internationaux ne portent nullement ni sur l’intérêt public, ni sur l’environnement.
Selon le Centre canadien de politiques alternatives, le Canada a déboursé 171 millions de dollars en compensation aux transnationales pour des poursuites sous le chapitre 11 de l’ALENA depuis sa rentrée en vigueur en 1994.
En 1997, l’entreprise américaine Ethel Corp. a exigé 251 millions du gouvernement canadien parce qu’il venait d’interdire son additif pour l’essence MMT, un produit neurotoxique, nocif pour la santé et l’environnement. Une entente à l’avantage de l’entreprise lui a permis de continuer de vendre son additif et, de plus, le gouvernement canadien a été obligé de se rétracter publiquement, puis verser une somme de 1,3 million de dollars US en guise de compensation.
De même, en 2002, la firme américaine S. D. Myers a obtenu 6 milliards de dollars du Canada pour avoir osé interdire l’exportation d’un produit toxique, le BPC.
De plus, notre système de soins de santé publique est convoité comme une source de profits par les sociétés privées. Un investisseur américain de Phoenix (Arizona) a menacé de porter plainte, dans le cadre de l’ALENA, contre notre système de santé publique, parce qu’il était frustré dans son projet de construire et gérer un hôpital privé à Vancouver.
Ainsi, en 2005, le géant américain UPS a porté plainte devant le tribunal de l’ALENA, supposément pour des avantages indus accordés à une société nationale, Postes Canada.
Pire encore, la transnationale Dow Chemical a poursuivi le Québec devant le tribunal de l’ALENA pour avoir interdit l’utilisation d’un pesticide, nocif pour la santé, dans la province.
La papetière Abitibi Bowater, incorporée aux États-Unis dans l’État du Delaware, a poursuivi le gouvernement canadien sous l’égide de l’ALENA, simplement parce que le gouvernement de Terre-Neuve a osé enlever l’usage gratuit de centrales hydroélectriques, à la suite de la fermeture sauvage de ses usines. La compagnie a obtenu la somme de 130 millions de dollars en dédommagement.
En 2010, une pétrolière américaine, Lone Pine Resources, a poursuivi le gouvernement du Québec en réclamant 250 millions de dollars à cause d’un moratoire sur l’exploration du pétrole et du gaz dans le fleuve Saint-Laurent.
Après l’interdiction par la Colombie Britannique des exportations en vrac de l’eau, la société Sun Belt Corporation de la Californie, a contesté cette prohibition, en vertu du Chapitre 11 de l’ALENA, exigeant 10 milliards de dollars en dommages.
En vertu de l’ALENA, le Canada exporte maintenant 70% de nos réserves du pétrole et 61% du gaz naturel que nous produisons vers les États-Unis. Même si nous connaissons une pénurie de pétrole, nous n’avons pas le droit de diminuer nos exportations vers les États-Unis. Ce qui nous oblige à importer une grande quantité de pétrole de l’étranger pour subvenir à nos propres besoins. Or, nous n’avons pas le droit de réduire notre extraction de pétrole pour sauver notre planète des GES.
Un autre exemple de graves conséquences qui lie les mains de nos gouvernements est le fait que notre banque centrale publique canadienne, la seule au monde, crée en 1935 avec le but de dépanner nos gouvernements par l’entremise de prêts abordables et sans intérêts, doit s’incliner devant les décisions des banques privées centrales européennes et américaines.
Pendant des années, nos élites n’ont pas arrêté de marteler que la mondialisation et le libre-échange seraient source d’emplois et de prospérité. Vérification faite, c’est un mensonge. Le Québec a perdu des milliers d’emplois, bien rémunérés, dans le secteur manufacturier. Les salaires stagnent et la sous-traitance se propage partout, avec la précarisation des emplois à temps partiel, ce dont les femmes sont particulièrement touchées, et les inégalités augmentent. Beaucoup de chômeurs ont été exclus de la couverture des prestations de l’État.
Les accords de libre-échange constituent une Charte de droits pour les grandes sociétés et empêchent les gouvernements de légiférer pour le bien commun.
Dans ce contexte, nos gouvernements sont devenus des marionnettes dans les mains des grandes sociétés, et au diable la souveraineté de l’État. Avant d’envisager la souveraineté, il faudrait d’abord la réclamer aux sociétés privées, dont elles se sont accaparées. Nous ne sommes plus maîtres chez nous et alors, la souveraineté…?
Les accords de libre-échange soulèvent bien des inquiétudes quant aux risques qu’ils font peser, notamment sur notre alimentation. Les négociations du très emblématique TTIP en sont un bon exemple, particulièrement au vu du manque total de transparence qui les caractérise.
Quel sera l’impact du TTIP sur la qualité de notre assiette, sur notre modèle agricole ou encore nos politiques publiques ? Nous avons interrogé Marie Arena sur ce sujet qu’elle connaît bien, notamment en qualité d’eurodéputée, membre de la Commission du commerce international au Parlement européen.
Quid de l’impact de l’abaissement des barrières tarifaires sur notre système alimentaire ?
La diminution des barrières tarifaires n’est pas forcément ce qui nous posera le plus de difficultés. Celle des barrières non-tarifaires et ses conséquences sur les produits est beaucoup plus inquiétante.
Sur la question des barrières tarifaires, des tarifs préférentiels visant certaines catégories de produits sont établis entre les pays. Par exemple, il y a aujourd’hui une négociation des tarifs préférentiels appliqués à l’exportation des productions de viande du Canada vers l’Europe ; elle est assortie de la condition que cette viande respecte les normes européennes. Dans ce cas, les tarifs préférentiels ne viennent pas modifier la norme mais ils peuvent avoir des effets sur nos producteurs locaux.
On risque d’avoir moins de choix dans nos assiettes parce qu’il sera davantage encore dicté par l’industrie agroalimentaire. La production locale aura du mal à faire face à ces économies d’échelle que les grosses industries peuvent négocier. Autrement dit, les accords internationaux favorisent les exploitations de type industriel, il faut le savoir.
La Commission se veut rassurante dans ses communications, mais qu’en est-il réellement du risque de l’abaissement des normes sociales, environnementales et sanitaires ?
Je dis toujours : « je n’ai jamais vu un vendeur vendre ses produits en vantant ses défauts ».
La Commission souhaite ces accords internationaux ; elle ne va donc pas en montrer les défauts, elle met en avant leurs qualités, au contraire ! La première chose que nous devons faire est de vérifier que les avantages mis en avant sont réels. Or actuellement, ce n’est pas clair dans les différentes études d’impact, nous avons besoin d’informations correctes.
Si les entreprises sont tellement demandeuses de cet accord, ce n’est pas pour la question des tarifs puisque ceux-ci sont déjà très bas. Elles ont un autre intérêt, manifestement… Or la Commission assure que l’on ne va pas modifier nos normes ; quel est alors l’intérêt pour une entreprise de vouloir un accord international ? On en déduit que ce que dit la Commission est faux. A voir l’engouement des multinationales à défendre cet accord transnational, il est clair qu’elles y trouvent un intérêt. Et c’est forcément via la question de la norme.
La signature du TTIP n’est pas automatiquement synonyme d’abaissement de la norme. L’Europe déclare son intention d’exiger une clause de « stand still », c’est-à-dire de ne pas descendre en-deça de ce qui est acquis aujourd’hui. C’est déjà ça.
Le problème se pose pour l’avenir. La logique d’un tel accord voudrait que, dans le futur, les deux continents abordent la problématique de la norme de la même manière. Or pour le moment, les visions sont diamétralement opposées de part et d’autre de l’Atlantique. En Europe, on applique le principe de précaution alors qu’aux Etats-Unis, c’est le principe du risque qui prime. Un produit (soupçonné cancérigène, par exemple) peut rester sur le marché tant que sa nocivité n’est pas démontrée. Il ne sera retiré du marché qu’à la condition qu’on en établisse la preuve formelle.
Ces différentes approches sont-elles donc inconciliables ?
Dans le cadre du TTIP existe ce qu’on appelle « le forum de coopération règlementaire ». Il s’agit d’un groupe de régulateurs chargés de négocier pour faire converger ces approches. Ce qui pose problème, c’est que l’industrie est partie prenante de ces discussions, ce qui introduit automatiquement un vice dans le système. Surtout lorsque l’on sait les moyens que ces industries déploient dans les secteurs de la recherche et dans les chaires universitaires.
Pour nous, c’est là qu’est le danger. Demain, on risque de voir arriver dans notre assiette des produits qui participent de la culture du risque et non plus de celle du principe de précaution. On n’aura peut-être pas des poulets chlorés mais peut-être pire !
Lors de notre colloque [1], la Fevia a expliqué que les entreprises belges avaient eu tellement d’efforts à faire pour s’adapter à ces normes imposées, qu’il n’était pas question de les brader…
Normes : position de l’industrie européenne ?
Les normes européennes n’ont pas été établies avec le soutien de l’industrie, elles lui ont été imposées. Si demain le mécanisme mis en place entraînait moins de normes, je ne pense pas que le secteur industriel européen mette un frein à cette dérégulation. Du côté des Etats-Unis, l’approche normative est extrêmement contraignante à certains endroits et cela pose le même problème aux industries.
Par conséquent, un accord qui lèverait ces contraintes régulatrices arrangerait tant les entreprises américaines qu’européennes. Elles ont le même objectif : faire le plus d’argent possible. C’est le but d’une entreprise.
La viande issue du clônage n’est pas indiquée comme telle aux Etats-Unis. La Commission pourrait-elle faire changer les choses en matière de traçabilité ?
On a connu des difficultés sur la traçabilité en Europe, récemment encore sur la question de la viande de bœuf remplacée par du cheval dans des lasagnes. Nous aurons encore plus de mal à garantir cette traçabilité avec l’ouverture à d’autres pays. D’autant que le traité prévoit que c’est le régulateur du pays d’origine qui est responsable du contrôle et donne les garanties aux pays d’importation.
Si l’on édicte des normes harmonisées, je pense que nous devons être responsables de leur contrôle, surtout quand la norme est initialement différente d’une entité à l’autre.
Vous disiez que cet accord se ferait à l’avantage des grandes multinationales. Se pose alors la question des tribunaux d’arbitrage. Quel est ce formidable outil qui nous est proposé ?
L’outil envisagé a pour objectif de protéger les investisseurs.
Il faut être conscient que le droit de propriété est l’un des mieux protégés aujourd’hui, partout dans le monde, et le mieux défendu dans le cadre de nos tribunaux publics. Cette question de propriété est l’essence même de notre droit.
Mais les investisseurs – tant européens qu’américains – réclament plus que cette protection publique ; ils exigent une forme de protection privée. Ce qui revient à dire qu’ils ne font pas confiance aux tribunaux publics pour défendre leurs droits de propriété. Admettons un instant que les juridictions publiques ne fonctionnent pas ; dans ce cas, il faut alors les rendre performantes pour tout le monde, populations et investisseurs !
L’alternative qu’ils proposent, dans le cadre d’une affaire les opposant à un Etat, ce sont des tribunaux privés où les juges viendraient du milieu des affaires et seraient choisis par ce même milieu. L’Etat serait obligé de s’y conformer, tout en choisissant lui-même un juge issu d’on ne sait où, chargé de défendre la notion d’intérêt général. Si l’on compare les sommes que le privé peut engager pour défendre ses intérêts avec le budget qu’un Etat peut consacrer, vous voyez tout de suite la disproportion ! D’un côté vous aurez un « super méga avocat d’affaire de Wall Street » et de l’autre, probablement un très bon professionnel mais qui ne disposera pas du même soutien au niveau des structures des Etats.
Un autre problème et pas des moindres, c’est le coût des tribunaux privés. Huit millions d’euros : c’est la somme minimale qu’il faut pouvoir mettre sur la table dès que l’on décide d’introduire une affaire en justice ! Alors quand on nous dit que ce système est fait pour protéger les PME, il ne faut pas rêver ! C’est vraiment un dispositif de multinationales.
Si l’on résume, nous avons donc une multinationale qui peut, par décision d’un tribunal privé, faire condamner un Etat non pas à 8 millions d’euros mais à 200, 300 ou 400 millions de dommages et intérêts parce que cet Etat a pris une mesure dans l’intérêt général de sa population. Nous en avons un exemple aujourd’hui avec le procès intenté par le cigarettier Philip Morris contre l’Etat australien qui a décidé d’indiquer que le tabac nuit à la santé sur les paquets de cigarettes. Philip Morris estime que cette mesure lui porte préjudice, qu’elle est une entrave au commerce.
C’est la raison pour laquelle nous sommes radicalement opposés au mécanisme de cours et tribunaux privés. Car dans les faits, il avantage le business et met politiques publiques d’intérêt général et intérêts financiers privés au même niveau.
La nouvelle Commission a quelque peu soufflé le chaud et le froid sur ce sujet…
La Commission se rend compte aujourd’hui que l’ISDS (Investor State Dispute Settlement) pose vraiment des difficultés.
Les citoyens sont avertis. Ils se sont rendu compte qu’il n’est pas juste d’avoir des outils tels que ceux-là. 150.000 citoyens ont d’ailleurs répondu à la consultation, sur un sujet qui n’est pas facile à appréhender. Des plateformes de mobilisation se sont organisées.
Et plutôt que de corriger la raison pour laquelle les citoyens ont peur, la Commission fait du marketing. Elle garde le monstre mais l’habille autrement. On lui met une autre robe pour que ça passe mieux. Nous ne sommes pas d’accord ; le monstre existe, il faut le sortir de ce TTIP.
On a l’impression qu’il n’y a aucune transparence. Qui est au courant, qui est informé ?
Comme je l’ai dit, les études d’impact manquent de transparence et ont été conduites par des centres d’étude « lobbyés » par les industries. Cela pose problème.
Deuxièmement, 95 % des experts qui accompagnent les négociations sont issus du monde industriel, ce qui compromet complètement l’indépendance des négociations. Certains nous disent que cette représentation est normale puisque ce sont des négociations d’affaire. Mais non, le commerce ce n’est pas uniquement du commerce. Le commerce, c’est aussi une question de protection du consommateur, ce sont les normes.
Troisièmement, jusqu’il n’y a pas très longtemps, nous n’avions tout simplement pas accès aux documents. Aujourd’hui, la Commission a donné accès aux membres de Commission du commerce international, mais il faut savoir dans quelles conditions. Nous pouvons les consulter dans une salle de lecture, sans y emporter de téléphone, d’ordinateur, rien. Nous ne pouvons donc pas les faire lire par des experts, on ne peut y aller qu’en tant que parlementaire pour lire des milliers et des milliers de page. C’est aberrant comme situation !
Si la Commission a choisi cette non-transparence, c’est son problème. Mais nous demandons qu’à la fin des négociations, le document soit analysé par un cabinet d’études indépendant. Et tant que leurs conclusions ne seront pas connues, il n’y aura pas de décision. Si la Commission veut que l’on prenne une décision, ce sera non.
Avez-vous une idée du rapport de force actuel entre ceux qui sont pour le TTIP et ceux qui sont contre ?
C’est très difficile à dire. Revoyons ce qui s’est passé avec ACTA, le traité contre la contrefaçon. Initialement, le rapport de force lui était favorable. Mais après tout le remue-ménage des plateformes citoyennes, ACTA n’est pas passé lors du vote, pour les mêmes raisons : le manque de transparence, le rôle des lobbies économiques, le fait que la position des citoyens n’était pas prise en considération. Deux ou trois mois avant, ACTA serait passé.
Je pense que l’on est ici dans le même cas de figure. Si l’on allait au vote aujourd’hui, sans mobilisation, on risquerait d’avoir le TTIP tel qu’il est. Mais le vote n’interviendra qu’en 2017. Il faut mobiliser pour changer les lignes. Pas pour exiger le retrait de l’accord mais pour dire : « On peut avoir des échanges qui soient des échanges justes et qui prennent en considération les attentes des citoyens de part et d’autre ». Parce que les Etats-Unis, ce sont aussi des citoyens américains tout aussi préoccupés par ces accords de libre-échange.
En début d’interview, vous avez pointé le risque que représentait l’accord de libre-échange avec le Canada. Pourquoi ? Parce que c’est une sorte de répétition générale ?
Oui, parce que c’est « le petit frère » en réalité. L’accord avec le Canada [NDLR : le CETA, Comprehensive Trade and Economic Agreement], personne ne s’en soucie, ne s’en méfie. Le Canada est un partenaire qu’on aime bien parce qu’il a des normes sociales – pas environnementales mais sociales en tout cas – assez proches des normes européennes. C’est aussi un partenaire qui, en termes d’impact sur nos relations commerciales, est moins important. Donc, on ne se méfie pas. Or, tout ce qu’il y a dans l’accord avec le Canada est l’embryon de ce qu’on aura dans l’accord avec les Etats-Unis. Ce qu’on demande pour le TTIP, on doit donc aussi le demander pour le Canada.
Il y a un autre danger. Si le CETA passait tel quel aujourd’hui, et que l’on reporte l’accord américain pour de quelconques raisons ou que le parlement vote contre, le Canada serait un hub des produits américains grâce à l’accord canadien. Les américains utiliseraient la plateforme canadienne pour attaquer le marché européen, via l’ALENA [NDLR : accord de libre-échange nord-américain].
L’ALENA, parlons-en, a-t-il créé de l’emploi ?
Non. Les études sur l’ALENA montrent que c’était un accord de business entre multinationales. Les Etats-Unis et le Canada ont perdu des emplois manufacturiers au profit du Mexique, sans pour autant améliorer la condition mexicaine. L’ALENA n’a pas créé d’emplois, il y a eu plutôt un abaissement, un nivellement vers le bas de la protection sociale et des normes.
A propos de ces études d’impact, une demande a été faite pour que le Bureau fédéral du Plan fasse sa propre analyse. Où en est-on ?
Le Bureau fédéral du Plan s’estime tout simplement incapable de faire l’analyse tant qu’il ne sait pas exactement ce qu’il y a dans l’objet de la négociation.
On pourrait faire des scénarios par exemple…
Oui mais cela coûte très cher. Certains pays l’ont fait. L’Autriche, par exemple, a beaucoup travaillé sur la question de l’impact du TTIP pour elle, elle a des modèles. Je préconise donc que les centres belges d’étude utilisent les modèles des centres d’études étrangers pour les appliquer aux données qui sont les leurs.
Mais encore une fois, l’idéal serait une politique de prévention anticipant les risques que le TTIP représente.
Si l’on détermine, par exemple, que le solde net du TTIP est positif (ce dont on n’est pas sûr) mais qu’il y a des gagnants et des perdants, on doit aujourd’hui l’anticiper au niveau européen. Si l’on sait que telle région risque d’être plus touchée parce qu’elle a un secteur qui est plus exposé, on ne doit pas attendre. Il faut renflouer dès maintenant les fonds de développement régionaux pour permettre à cette région de se positionner sur d’autres secteurs ou d’avoir un avantage compétitif.
Les libéraux ont une vision opposée ; ils estiment que c’est la logique du marché : certains gagnent, d’autres perdent. Et qu’il faut simplement « coller un petit sparadrap sur ceux qui perdent ». On ne veut pas une logique de sparadrap. On veut une logique structurante pour nos économies et nos emplois !
Dans son dernier livre, This Changes Everything Capitalism Vs. The Climate, l’auteure de La stratégie du choc, démontre de façon limpide les liens entre l’économie capitaliste et le dérèglement climatique. « Il est toujours plus facile de nier la réalité que d’abandonner notre vision du monde », écrit Naomi Klein, qui en appelle au sursaut des consciences. Un livre fort et passionné, facile à lire, où l’urgence sonne à chaque page.
Traités en faveur des multinationales
Mais ce capitalisme n’est que l’aboutissement de l’attitude de l’humanité qui, depuis la préhistoire, pille la nature au rythme du perfectionnement de ses moyens techniques.
Reste une contradiction fondamentale entre l’espoir d’une économie soutenable et les Traités de commerce internationaux « conçus pour permettre aux multinationales de scanner la planète pour trouver la main d’œuvre la moins chère et la plus disciplinée ». Si les sociétés productrices de pétrole ont beaucoup à perdre des politiques de lutte contre le changement climatique, leurs ouvriers peuvent, par contre, se reconvertir dans une nouvelle économie réellement verte.
Mais il faut pour cela empêcher les accords de commerce de libre échange de peser sur les décisions des gouvernements. En effet, parallèlement aux grandes foires inconséquentes sur le climat, ces négociations avancent, elles, secrètes et efficaces, étayées par un corpus règlementaire contraignant : après NAFTA signé par Clinton en 1993, ce sont aujourd’hui le CETA en cours de ratification, le TISA, et le TAFTA/TTIP qui sont en cours de négociation.
Le livre de Naomi Klein est d’autant plus percutant sur l’influence des lobbies que l’UE, qui négocie en ce moment même, en secret, le traité TAFTA/TTIP, vient de se doter d’un commissaire à l’énergie, Miguel Arias Canete, « toujours aux limites du conflit d’intérêt », et que la Commission vient de décider de retirer de la Directive sur la qualité des carburants l’interdiction des carburants issus des sables bitumineux – ceci torpille la législation de l’UE qui fixe un objectif de 6 % de réduction des émissions provenant des combustibles de transport.
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« Il est toujours plus facile de nier la réalité que d’abandonner notre vision du monde », écrit Naomi Klein dans son nouveau livre, Ceci change tout : le Capitalisme contre le climat.
D’une certaine manière, nous sommes tous des climato-sceptiques, parce que nous ne pouvons pas imaginer tout changer, nos modes de vie, nos perspectives d’avenir, l’économie. Alors, on enregistre toutes ces informations sans réagir et on se dit que ça va peut-être s’arranger, que rien n’est sûr.
C’est après la Conférence de Copenhague de 2009, que Naomi Klein a compris qu’on ne pouvait pas compter sur les chefs d’États, et « que personne ne viendrait nous sauver ! » Pourtant, « nous avons encore le choix et il n’est pas trop tard pour réussir à maintenir le réchauffement dans des limites tolérables, mais quoi que nous choisissions, tout changera drastiquement.
Soit nous décidons de ralentir le changement climatique et il faut transformer radicalement notre économie, soit nous continuons sur notre lancée sans rien changer au modèle économique, et c’est notre monde physique qui se transformera radicalement, pour le pire. »
Marché « fondamentaliste » et « Big Green » indulgents
Elle montre, dans la première partie du livre comment, à la fin des années 1980, le mouvement écologiste a déraillé et comment la mondialisation et une vision « fondamentaliste » du marché se sont imposées dans le monde développé, sous l’influence de groupes de réflexion puissants et bien financés.
Naomi Klein accuse certaines ONG environnementales, les « Big Green », d’indulgence envers les pollueurs, et l’ancien vice-président Al Gore d’être « en grande partie responsable de les avoir convaincues de soutenir l’Accord de libre-échange nord-américain NAFTA en 1993 ».
Elle fait remarquer qu’il y a loin entre les promesses sur le climat de Richard Branson, Michael Bloomberg ou le président Obama, et ce qu’ils font réellement. Et que le développement durable est un mythe.
Fausses solutions
La deuxième partie, « Pensée magique », ausculte les différentes solutions techniques, inquiétantes et lucratives, proposées pour résoudre le changement climatique, comme les systèmes de géo-ingénierie.
Elle épingle l’insidieux Bruno Latour qui alerte les humains sur le climat mais conseille de « continuer ce que nous avons commencé, à une échelle toujours plus ambitieuse… » Et Klein de penser, suivant sa théorie du Choc, qu’il sera difficile d’empêcher ces folies si le dérèglement climatique devient trop grave.
Il est d’autant plus difficile de changer une vision du monde que les profits en dépendent. « Si nous n’avons pas fait ce qu’il fallait pour réduire les émissions, explique Naomi Klein, c’est parce que cela allait contre le capitalisme déréglementé, qui est l’idéologie dominante depuis 1980. »
Et de fait, « avant le néolibéralisme de Thatcher et Reagan, l’augmentation du taux des émissions avait baissé, passant de 4,5 % par an pendant les années 1960, à environ 1 % par an au début des années 1990, pour revenir à 3,4 % par an entre 2000 et 2008. Puis, après un fléchissement en 2009 dû à la crise, le taux est remonté à 5,9 % en 2010 ! Ainsi les émissions globales de CO2 étaient de 61 % plus élevées en 2013 qu’en 1990, lorsque les négociations vers un Traité sur le climat ont réellement commencé. » Naomi Klein montre aussi qu’il y a un lien direct entre la mondialisation du commerce et les émissions.
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Des raisons d’espérer
Pourtant, le livre reste optimiste, car, dit-elle, « c’est peut-être au moment du désastre ou juste après, qu’il est possible de reconstruire autrement. » Et, « en 2009, une étude a montré comment 100 % de l’énergie nécessaire dans le monde, pour tous les usages, pourrait être fournie par l’eau, le vent et le soleil dès 2030. »
La troisième partie du livre salue la construction d’une économie alternative basée sur des principes et des valeurs nouvelles et l’émergence d’un mouvement populaire, Blockadia, qui gagne des victoires étonnantes contre le secteur des combustibles fossiles, par exemple sur le front du désinvestissement des sociétés pétrolières.
« Les vraies solutions à la crise du climat sont aussi notre meilleur espoir de construire un système économique beaucoup plus stable et plus équitable », explique-t-elle. « Les gens sont prêts à faire des sacrifices, s’ils ont l’impression que l’effort demandé est équitablement réparti dans toutes les catégories sociales, et que les riches paient leur part en proportion. »
Courageuse et passionnée, Naomi Klein a écrit un livre fort, facile à lire, où l’urgence sonne à chaque page.
dans ce document, élaboré par MORE (Movement for Responsibility in Trade Agreements), l’auteur invite les PME à se pencher sur cinq questions relatives au Transatlantic Free Trade Area, TAFTA, l’accord en cours de négociation entre l’Union Européenne et les États-Unis.
— Le TAFTA sera-t-il favorable à l’économie européenne dans son ensemble ?
— Le TAFTA sera-t-il positif pour les PME européennes ?
— Répondra-t-il davantage aux intérêts des grandes entreprises qu’à ceux des PME ?
— La revue à la baisse des réglementations européennes, l’un des objectifs affichés du gouvernement américain, sera-t-elle positive pour les PME européennes ?
— Le TAFTA va-t-il réduire l’influence des PME sur les processus d’élaboration des réglementations ?
Les faits et commentaires exposés par l’auteur en réponse à ces questions devraient conduire les PME à réexaminer les affirmations qui prônent les bienfaits du TAFTA et à douter de la sagesse dont fait preuve l’UE en concluant cet accord.
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Selon ses promoteurs, le « Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement » (Transatlantic Trade and Investment Partnership, TTIP ou Transatlantic Free Trade Area, TAFTA) profitera à toutes les entreprises, mais est-ce réellement le cas ? La Commission Européenne et les Etats-Unis affirment que l’accord aidera tout particulièrement les PME (Petites et Moyennes Entreprises) et pas seulement les multinationales.
Peut-on les croire ? Une fois approuvé, il sera impossible de revenir en arrière. Depuis l’automne 2014, la Commission Européenne répète à loisir que les PME devraient profiter davantage du TAFTA que les grandes entreprises, notamment grâce à la suppression des formalités administratives et des fastidieuses procédures bureaucratiques nécessaires pour exporter vers les États-Unis. Curieusement, les PME n’étaient pratiquement pas mentionnées dans la première campagne de promotion du
TAFTA. Les PME européennes doivent sérieusement se pencher sur le TAFTA avant de considérer qu’il va défendre leurs intérêts.
Le TAFTA est actuellement en cours de négociation entre les États-Unis et l’Union Européenne (UE). Les principaux défenseurs du TAFTA sont les grandes multinationales de part et d’autre de l’Atlantique qui constituent le TABC (Transatlantic Business Council) et qui travaillent en coulisses depuis des décennies pour faire en sorte qu’il aboutisse. À Bruxelles, des sociétés de lobbying engagées à grand frais pour vendre le TAFTA aux parlementaires et aux médias prônent ses bienfaits pour les 20 millions de PME européennes, qui représentent 99,8 % des entreprises répertoriées, 57 % de la valeur ajoutée au PIB du continent et emploient 66,5 % de tous les salariés (1). Pourtant, les PME ne disposent pas des ressources pour profiter du TAFTA au même titre que les grandes entreprises. MORE (2) considère que les entreprises doivent être beaucoup mieux informées sur le TAFTA et ses conséquences sur leuravenir en Europe. Ce court document répertorie les cinq principales questions qui concernent tout particulièrement les PME. Elles méritent de recevoir de meilleures réponses de la Commission Européenne et des défenseurs du TAFTA que celles obtenues jusqu’à aujourd’hui.
1: De manière générale, l’impact du TAFTA sera-t-il positif pour l’économie européenne ?
Les rapports commandés par la Commission Européenne (CE) suggèrent que le TAFTA améliorera le PIB annuel de l’Europe de 0,05 % en moyenne, soit un gain de 0,5 % cumulé sur dix ans. Les économistes ont qualifié ce gain de « dérisoire » et une croissance de 0,05 % supplémentaire par an comme une « erreur d’arrondi». Même si ces prévisions se réalisaient, cela voudrait dire qu’une économie qui enregistre une croissance de 2 % par an, passerait à 2,05 % par an avec le TAFTA. Pensez à vos propres prévisions de ventes et de dépenses. Un changement positif ou négatif de 0,05 % par an permet-il de vous rassurer ?
Pourtant, ces modestes bénéfices pourraient coûter cher. Les rapports de la CE prévoient également qu’au moins 1,3 million de travailleurs européens devraient perdre leur emploi en raison des déplacements de main-d’œuvre qui se produiront dans le cadre du scénario « ambitieux » du TAFTA, prôné par la Commission Européenne ; et plus de 680 000 travailleurs européens perdraient leur emploi dans le cadre d’un scénario « moins ambitieux » (3). Dans le jargon des économistes, le « déplacement de main d’œuvre » signifie que des personnes vont perdre leur emploi. Il est raisonnable de penser qu’un grand nombre de ces pertes d’emploi toucheront les PME.
Les déclarations de la CE ont fait l’objet de critiques de toutes parts. Un excellent rapport de l’OFSE (Österreichische Forschungsstiftung für Internationale Entwicklung – Fondation autrichienne pour le développement international, à Vienne) (4,5) souligne qu’elles ne tiennentpas compte des coûts de l’ajustement social et macro-économique que le TAFTA entraînerait.
Ceux-ci pourraient réduire les bénéfices de 40 %. À la fin de l’année 2014, des fonctionnaires de la Commission Européenne et des gouvernements européens ont commencé à remettre en cause les chiffres figurants dans les rapports qu’ils avaient demandés, alors qu’ils avaient fondé leur défense du TAFTA sur ces derniers. En décembre 2014, l’université de Tufts aux États-Unis (6) a publié les résultats d’une étude sur les conséquences économiques du TAFTA, dans laquelle les chercheurs utilisent une méthode des Nations Unies pour évaluer l’impact de l’accord.
L’étude dresse un tableau bien moins encourageant que celui annoncé par la Commission Européenne. Elle prévoit une perte nette pour l’UE aussi bien en termes d’exportations que de PIB, après une décennie d’application du TAFTA, et une réduction des salaires nets. Les chercheurs de l’université de Tufts prévoient également une perte de 600 000 emplois.
De ce fait, les fondements macro-économiques du TAFTA sont, dans le meilleur des cas, contestables.
Au vu de ces incertitudes, est-il sage que les petites entreprises européennes acceptent le TAFTA ?
2: L’impact du TAFTA sera-t-il positif pour les PME européennes ?
La Commission Européenne affirme que le TAFTA « sera tout particulièrement intéressant pour les PME, puisque les barrières douanières tendent à peser de manière disproportionnée sur les petites entreprises qui ont moins de ressources pour y faire face que les entreprises de plus grande taille » (7). Dans son rapport de novembre 2014, le Conseil de l’Atlantique Nord (8) avance que « étant donné l’impact économique majeur du TAFTA (ces bénéfices dérisoires cités dans la réponse à la Questions 1 ci-dessus), même les PME qui n’exportent pas profiteront du partenariat », sans pour autant fournir de chiffres ou une analyse pour étayer cette affirmation.
Est-ce vrai ? Où sont les preuves ?
Cela peut sembler difficile à croire, pourtant il semble qu’au-delà de la simple affirmation que le TAFTA doit être bon pour les PME, il n’existe aucune preuve pour le confirmer. En revanche, il y autres accords de libre échange sur les PME.
L’exemple le plus pertinent est celui de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) entre le gigantesque marché des États-Unis et de plus petites économies, celles du Canada et du Mexique.
Les États-Unis, le Canada et le Mexique ont signé l’ALENA en 1994. Nous disposons désormais de 20 ans d’informations sur son impact sur les PME. Dans leur rapport sur l’ALENA, l’OFSE (9) et le CEPR- DC (10) concluent que l’impact de l’ALENA sur les petites exploitations agricoles auMexique a été dévastateur. Le CEPR écrit : « L’ALENA… a eu un impact considérable sur l’emploi en milieu agricole puisque les subventions du maïs et d’autres produits ont entraîné la disparition de fermes familiales au Mexique. Entre 1991 et 2007, 4,9 millions de petits agriculteurs mexicains ont disparu alors que les travailleurs saisonniers dans les industries agro-exportatrices ont augmenté d’environ 3 millions. Ce la signifie une perte nette de 1,9 millions d’emplois ».
Comme pour le TAFTA, les gouvernements avaient promis que les petites entreprises seraient les grands gagnants de l’ALENA. Cette promesse n’a pas été tenue. D’après un rapport récent de Public Citizen qui reprend des sources officielles du gouvernement américain : « la croissance des exportations des petites entreprises américaines vers les pays non-ALENA a dépassé de plus de 50 % la croissance des exportations vers les partenaires ALENA, le Canda et le Mexique, entre 1996 et 2012… Les exportations des petites entreprises vers le Mexique et le Canada dans le cadre de l’ALENA ont augmenté de moi ns de la moitié que celles des grandes entreprises vers les partenaires de l’ALENA (47 % contre 97 % au cours de la même période). Il en résulte que la part des petites entreprises américaines sur le total des exportations des États-Unis vers le Mexique et le Canada a baissé dans le cadre de l’ALENA » (11). Un autre point bien documenté est le niveau élevé d’investissement s étrangers faits au Mexique, en grande partie provenant d’entreprises américaines (notamment dans l’industrie automobile) qui ontdélocalisé leurs activités vers le Mexique pour profiter d’une main d’œuvre moins chère, contribuant ainsi à la perte d’environ 700 000 emplois aux États-Unis, d’après le Congrès américain (12).
Il n’y a actuellement pas d’informations disponibles sur l’impact économique potentiel du TAFTA sur les PME européennes, secteur par secteur, en considérant l’impact combiné des exportations vers les États-Unis et des importations vers leurs marchés nationaux à partir des États-Unis. En revanche, nous avons une montagne d’affirmations infondées selon lesquelles le « TAFTA sera bénéfique pour les PME ».
La question est donc la suivante : étant donné que les PME représentent au moins 50 % du PIB européen et 60 % de tous les emplois, et si l’on pense aux bouleversements à grande échelle qu’entraînera le TAFTA, est-il sage de mettre en péril une partie aussi importante de nos économies ?
3: Le TAFTA répondra-t-il davantage aux intérêts des grandes entreprises que des PME ?
Le TAFTA souhaite encourager les investissements directs étrangers des entreprises américaines en Europe et des entreprises européennes aux États-Unis, en partant de l’hypothèse attrayante mais non prouvée que ces investissements génèreront emplois et croissance. Pour pousser les entreprises à investir, il est proposé que le TAFTA prévoie un mécanisme d’arbitrage connus sous le nom de « mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États » (Investor-state dispute settlement, ISDS) auquel les entreprises américaines investissant en Europe pourraient avoir recours pour obtenir une réparation financière si elles peuvent prouver que la réglementation d’un État a réduit leurs profits passés, présents ou à venir. Concrètement, ce système place les pratiques des entreprises en dehors des processus législatifs normaux et de la démocratie. Il est de ce fait très controversé.
Dans ces tribunaux, qui existent déjà dans le cadre d’autres accords commerciaux, trois avocats du secteur privé siègent (souvent à huis-clos) et prononcent un jugement, généralement sans appel. Le risque de se retrouver devant un tel tribunal peut conduire un gouvernement à reconsidérer la législation actuelle ou proposée. La grande majorité des environ 600 affaires enregistrées qui ont été portées devant ces tribunaux l’ont été par de grandes entreprises (13).
Elles ont souvent réussi à obtenir des compensations financières importantes. Par exemple, le Canada a été condamné à payer 13 millions de dollars à l’entreprise americaine Ethyl suite à l’interdiction par le Parlement canadien d’un additif à l’essence pour des raisons de protection de l’environnement. La société Ethyl l’avait poursuivi devant un tribunal arbitral dans le cadre des accords ALENA.
Est-il probable que les PME utilisent l’ISDS ? Bien que la Commission Européenne et les États-Unis argumentent que rien n’empêchera les PME d’avoir recours à ces tribunaux, est-ce réaliste ? Y-a-t-il des chances qu’un petit boulanger allemand, un petit agriculteur français ou une petite société de chauffage et de plomberie au Royaume-Uni saisissent les tribunaux arbitraux ? Étant donné que les frais juridiques à la charge des plaignants se sont élevés en moyenne à 8 millions de dollars par cas et que les arbitres sont rémunérés entre 600 et 700 US$ de l’heure (14), cela semble bien improbable. Puisque rares sont les PME qui pourraient se le permettre, il semble que l’ISDS soit réservé aux grandes entreprises et non aux PME. À cet égard, il est intéressant de noter que la principal e association indépendante de PME allemande, la BVMW (Bundesverband Mittelständische Wirtschaft), qui compte 270 000 PME membres, a condamné publiquement l’ISDS (15), car trop onéreux et compliqué à utiliser pour ses membres, représentant donc un privilège de fait pour les multinationales.Un autre aspect pourrait aller à l’encontre des intérêts des PME. La protection quele TAFTA offre aux investisseurs (par l’intermédiaire de l’ISDS), pourrait encourager les entreprises européennes à délocaliser leurs installations de production aux États-Unis pour profiter d’une main d’œuvre moins chère. Cela peut représenter un risque pour les PME qui fabriquent des composants et qui se sont installés à proximité de leur principal client, comme c’est souvent le cas dans le secteur automobile. Si leur client délocalise ses usines aux États-Unis, elles pourraient alors perdre leur principale activité. Cela peut également affecter d’autres PME qui fournissent des marchandises ou des services à de grandes entreprises. De nombreuses entreprises américaines ont profité de l’ALENA pour délocaliser leur production au Mexique, comme cela est indiqué plus haut. De ce fait, les dispositions de protection des investissements prévues dans le TAFTA s’avèrent plus avantageuses pour les grandes entreprises que pour les PME.
Un « chapitre » PME (16), actuellement en cours de négociation, va être ajouté au TAFTA. Les détails sur la manière dont le TAFTA devrait aider les PME ne sont pas encore connus, mais les premiers textes suggèrent que le chapitre devrait inclure des échanges d’information, des sites Web et la création de bases de données. Cela pourrait apporter une certaine aide aux PME européennes qui souhaitent exporter vers les États-Unis, mais est-ce suffisant pour pousser les PME qui n’exportent pas actuellement à le faire ?
D’après le Conseil de l’Atlantique-Nord « seul 25 % des plus de vingt millions de PME européennes exportent en dehors de leurs frontières nationales, et seulement 13 % exportent à l’extérieur de l’Europe. » Les exportations vers les États-Unis constituent seulement une petite partie de la contribution des PME au PIB de l’Europe. Si le TAFTA multipliait par deux cette contribution (en restant très optimistes), l’augmentation nette du PIB européen que cela représenterait serait toutefois négligeable. En outre, beaucoup de PME ont passé des années, voire des générations, à construire des relations, fondées sur les bonnes pratiques, avec des clients locaux, régionaux, nationaux et européens.
Alors que certaines PME exportent hors des frontières européennes, beaucoup d’entre elles ne disposent pas des ressources internes ou du capital risque pour investir dans le personnel nécessaire à l’exportation vers les États-Unis, ou n’ont pas besoin de le faire. La plupart de leurs marchandises et de leurs services sont également destinés aux marchés européens. L’hypothèse en matière de modélisation économique selon laquelle le marché américain et les marchés locaux européens sont équivalents à tous égards peut s’appliquer aux fabricants de marchandises, comme les voitures,
qui sont vendues à l’échelle internationale, mais n’est probablement pas applicable à des produits comme la nourriture qui sont influencés par les cultures locales, nationales et régionales. Cela n’a pas été pris en compte dans les modèles économiques simples du TAFTA.
La question est donc : pourquoi la Commission européenne a décidé de ne pas indiquer quelles sont les entreprises pour lesquelles le TAFTA a été conçu ? S’agit-il d’entreprises comme la vôtre ?
4: La revue à la baisse des réglementations européennes sera-t-elle positive pour les PME européennes ?
Le TAFTA n’est pas comme d’autres accords commerciaux dont vous avez entendu parler.
Réduire les barrières douanières (frais de douane) n’est en réalité qu’une mesure secondaire et non sa principale fonction. Son objectif premier est d’éliminer, ou « d’harmoniser » (en fait, réduire) la réglementation dans des domaines tels que la qualité alimentaire, la santé, la sécurité, la nutrition et l’environnement aux États-Unis et en Europe, ce qui constitue, dans le langage des documents officiels de la Commission européenne, des « barrières » ou des « entraves » au commerce. Alors que supprimer les procédures inefficaces et redondantes est un objectif louable, que les PME soutiendraient sans aucun doute vivement, la question qui intéresserait vraiment ces dernières est : quel sera l’impact de cette suppression des « barrières aux échanges » sur mon entreprise ?
Considérons que des entreprises américaines, qui produisent des produits ou des services conformément à des réglementations moins exigeantes (et donc moins coûteuses à respecter), seront en mesure de proposer des produits de manière rentable à un prix inférieur à celui des entreprises européennes devant se conformer à des réglementations plus contraignantes. Si tel est le cas, alors les entreprises américaines devraient être en mesure de conquérir des parts de marché importantes des PME dans de nombreux secteurs. Les PME seraient alors confrontées à deux options tout aussi difficiles l’une que autre : soit réduire leurs coûts de base de 30 %-40 % (la différence moyenne entre les salaires américains et européens) pour rester compétitifs, soit complètement transformer leur offre et leurs systèmes de production en très peu de temps.
Après quelques années de lutte infructueuse, de nombreuses PME européennes finiraient probablement par faire faillite, contribuant à augmenter le chômage et la désolation de beaucoup de communautés qui vivent grâce aux petites et moyennes entreprises. Il convient de rappeler que plus de 60 % des travailleurs en Europe sont employés par des PME. Ce qui est sûr, c’est que même si ce qui précède ne devait se réaliser que partiellement, les PME devraient se sentir concernées par la réduction ou l’élimination des réglementations prévues par le TAFTA. Il est intéressant de souligner que les organismes officiels qui représentent les PME dans plusieurs grands pays d’Europe (le FSB au Royaume-Uni, la CGPME en France et le DIHK en Allemagne) soutiennent ouvertement le TAFTA. Pourtant, ils n’ont pas réussi à convaincre des avantages économiques du TAFTA, surtout pour les PME.
La question est donc : pourquoi aucune autorité ne semble être consciente des conséquences potentiellement désastreuses du TAFTA pour les PME et, si c’est le cas, pourquoi ne sont-elles pas honnêtes quant à l’impact que le TAFTA pourrait avoir sur les PME ?
5: Le TAFTA va-t-il réduire l’influence des PME sur les processus réglementaires ?
L’une des principales mesures envisagées dans le cadre du TAFTA consistera à établir un processus de « coopération réglementaire », où les régulateurs de part et d’autre se réuniront régulièrement et décideront quelles réglementations et normes doivent être modifiées ou introduites à l’avenir. D’après les propositions publiées en janvier 2015 par la Commission européenne (17), plusieurs « acteurs » comprenant de grandes entreprises et vraisemblablement des PME (ou plus probablement uniquement leurs associations professionnelles), seront consultés à différentes étapes de ce processus avant que de nouvelles réglementations soient autorisées. Si nous reprenons les mots de l’ancien Commissaire chargé du commerce extérieur de la Commission européenne, Karel de Gucht, l’objectif est que le TAFTA devienne un « accord vivant », qui adapte constamment la réglementation pour favoriser le commerce.
Cette invitation qui propose aux entreprises d’avoir une voix, ou peut-être même un véto, dans le processus d’élaboration des réglementations est un écart considérable par rapport au processus démocratique existant en Europe. D’après le rapport (18) du très respecté Corporate Europe Observatory basé à Bruxelles, ce processus de « coopération réglementaire » est un danger pour la démocratie en Europe et creuse l’écart entre les citoyens les moins bien protégés, ce qui inclut les PME, et ceux qui ont le pouvoir d’introduire des lois et réglementions.
La plupart des PME ne jouent pas un rôle important dans leurs associations professionnelles, même lorsqu’elles en ont un. Beaucoup de directeurs ou de propriétaires de PME sont trop occupés à assurer le fonctionnement de leur petite entreprise pour pouvoir se consacrer à ces activités. Certaines font partie de groupements d’entreprises qui incluent également des entreprises bien plus grandes. En fait, les PME sont peut-être même moins impliquées dans les décisions relatives au TAFTA que les citoyens ordinaires et dépendent des représentants politiques pour défendre leurs intérêts.
La question que nous nous posons est la suivante : pourquoi les gouvernements européens et leurs parlements voudraient soutenir une telle atteinte à leur pouvoir et est-ce que cela va dans l’intérêt des citoyens européens ?
Richard Elsner MORE
MORE
(Movement for Responsibility in Trade Agreements, Mouvement pour la responsabilité dans les accords commerciaux), est une association de PME et de citoyens européens créée pour veiller à ce que les accords commerciaux tels que le TAFTA répondent équitablement aux intérêts des entreprises et de la société ainsi que pour protéger les PME en Europe et aux États-Unis. MORE a établi de solides relations de collaboration avec des associations de PME indépendantes en Europe. L’initiative est apolitique et financée par des fondations européennes, notamment la Schöpflin Stiftung en Allemagne qui en est le membre fondateur.
Références
(1) Rapport annuel de la Commission européenne sur les PME européennes 2012-2013
(2) MORE. Ce court document a été rédigé par MORE (Movement for Responsibility in Trade Agreements, Mouvement pour la responsabilité dans les accords commerciaux), une association de citoyens européens créée pour veiller à ce que les accords commerciaux tels que le TTIP répondent équitablement aux intérêts des entreprises et de la société ainsi que pour protéger les PME en Europe et aux États-Unis.
Son site Web sera bientôt disponible.
(3) Reducing Transatlantic Barriers to Trade and Investment : Center for Economic Policy Research. Mars 2013
(4) TTIP – A GOOD DEAL? Werner Raza, Fondation de la recherche autrichienne pour ledéveloppement international (ÖFSE) ; Lance Taylor, The New School for Social Research ; Bernhard Tröster, (ÖFSE) et Rudi von Arnim, Université d’Utah à Salt Lake City, Schwartz Center for Economic policy Analysis, Policy Note, Décembre 2014 – étude qui passe en revue les quatre principaux exercices de modélisation économique utilisés pour défendre le TTIP.
(5) Assess TTIP: Assessing the Claimed Benefits of the Transatlantic Trade and Investment Partnership, W Raza, J Grumiller, L taylor, B Tröster, R v Arnim, OFSE 2014
(6) The Transatlantic Trade and Investment Partnership: European Disintegration, Unemployment and Instability, Jeronim Capaldo, TUFT S University. Octobre 2014
(7) TTIP: The Opportunities for small and medium-sized enterprises. Office des publications de l’Union européenne, ISBN 978-92-79-36461
(8) TTIP: Big Opportunities for Small Business, The Atlantic Council, Novembre 2014
(9) Ex-ante versus ex-post assessment of the economic benefits of Free Trade Agreements: Lessons from NAFTA, J-A Grumiller. Mai 2014
(10) Did NAFTA help Mexico? An assessment after 20 years; M Weisbrot, S Lefebvre et J Sammut, CEPR, Washington DC
(11) Raw Deals for Small Businesses: US Small Firms have endured slow and decling Exports under “Free Trade” Deals: Public Citizen. Février 2015
(12) NAFTA at 20: Overview and Trade Effects : Congressional Research Service: Villareal & Fergusson. Avril 2014
Un mécanisme permettant aux grandes entreprises d’intenter des poursuites agressives contre les Etats cristallise une partie des inquiétudes suscitées par le projet de création d’une zone de libre-échange dans l’Atlantique Nord.
Une manifestation contre le traité transatlantique, à Narbonne, le 11 octobre 2014 – AFP/Raymond Roig
Plus d’un million de personnes en Europe ont signé diverses pétitions contre le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement [ou TTIP, son acronyme en anglais]. En Grande-Bretagne, selon une enquête réalisée par YouGov, les trois quarts des sondés estiment que cet accord serait néfaste pour le pays, contre un quart qui le jugent bénéfique. L’institut n’a toutefois pas posé la question suivante : “Avez-vous la moindre idée de ce qu’est le TTIP ?” (Pour être honnête, ils sont tout de même un tiers à avoir eu le bon sens d’avouer leur ignorance.)
Le TTIP, actuellement en cours de négociation entre les Etats-Unis et l’Union européenne, est un ambitieux projet de création d’une zone de libre-échange dans l’Atlantique Nord. Débarrassées des barrières douanières et fortes d’une réglementation harmonisée, les entreprises pourraient entrer en concurrence (et les biens circuler librement) de la Californie à la Croatie. D’instinct, j’ai envie d’approuver. Mais les opposants au TAFTA [son autre acronyme, pour Transatlantic Free Trade Agreement, “traité de libre-échange transatlantique”] ne sont peut-être pas dans l’erreur.
Déficit démocratique
Toute négociation sérieuse passe par une dose de bluff, et l’excès de transparence peut effectivement faire obstacle à de nécessaires compromis. Une part de secret est indispensable. Mais Bruxelles et Washington, où l’essentiel de ces négociations est mené, sont les capitales mondiales du lobbying – des villes où les multinationales dépensent des fortunes dans les meilleurs restaurants. Face à un processus si peu ouvert, il est difficile de donner tort à ceux qui accusent le TTIP d’être totalement soumis aux intérêts des grandes entreprises, ou à ceux qui redoutent, par exemple, que l’Europe évolue vers un système de brevets à l’américaine – où le brevet est de moins en moins un moteur de l’innovation, et de plus en plus un permis de poursuivre en justice.
Un problème accentué par le “déficit démocratique” de l’Europe, d’une ampleur telle que peu d’Européens s’attendent à ce que les accords soient soumis à l’examen législatif nécessaire auquel procèdent certains Parlements nationaux. La Commission européenne, consciente du problème que pose cette défiance, a dernièrement rendu publics des projets de textes afin de préciser sa position dans divers domaines controversés.
Mais la principale inquiétude de l’opinion européenne porte sur l’incorporation dans le traité d’un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats, ou ISDS dans son acronyme en anglais. Depuis les années 1980, cet instrument est devenu la norme dans les accords commerciaux conclus entre les Etats-Unis et des pays moins développés, et il s’est également imposé dans d’autres traités bilatéraux entre économies développées et économies émergentes. Dans le cadre d’un mécanisme d’ISDS, quand des entreprises s’estiment lésées par des Etats parties au traité, le différend est réglé par un tribunal d’arbitrage international. Nombre de pays pauvres ne possédaient pas de justice indépendante et avaient un besoin urgent d’investissements étrangers : se soumettre à un arbitrage international était le moyen de protéger à la fois les populations locales et les investisseurs contre des politiques à courte vue et des dirigeants corrompus.
Renoncer à l’ISDS ?
Le dispositif n’a pas tardé à trouver sa place dans des accords passés entre pays développés. L’ISDS est ainsi intégré à l’Accord de libre-échange nord-américain [Alena, entre Etats-Unis, Mexique et Canada], alors même qu’on peut difficilement considérer que la législation canadienne pèche par une mauvaise protection des investisseurs étrangers. Or, ces dix dernières années, plusieurs grandes entreprises, pour la plupart américaines, se sont prévalues de ce mécanisme de règlement des litiges pour intenter des poursuites agressives. Le cigarettier Philip Morris s’est ainsi appuyé sur des accords bilatéraux entre Hong Kong et l’Australie pour dénoncer un encadrement de la publicité sur le tabac comme une atteinte à sa propriété.
Les détracteurs du mécanisme redoutent que l’ISDS soit utilisé pour attaquer le système de santé britannique : un procès a ainsi été intenté contre le service public de santé au Canada en 2008. Même si ce type d’action en justice est sans fondement, le simple spectre des poursuites peut avoir un effet dissuasif sur le législateur : le cas australien a ainsi poussé la Nouvelle-Zélande à remettre à plus tard ses mesures antitabac.
Avis aux négociateurs : ils auraient beaucoup plus de facilité à vendre le TTIP à une opinion européenne sceptique s’ils renonçaient à l’ISDS.
In 1997, Canada restricted import and transfer of the gasoline additive MMT because it was a suspected neurotoxin that had already been banned in Europe. Ethyl Corp., the U.S. multinational that supplied the chemical, sued the government for $350 million under the North American Free Trade Agreement and won! Canada was forced to repeal the ban, apologize to the company and pay an out-of-court settlement of US$13 million.
The free trade agreement between Canada, the U.S. and Mexico was never designed to raise labor and environmental standards to the highest level. In fact, NAFTA and other trade agreements Canada has signed—including the recent Foreign Investment Promotion and Protection Agreement with China—often take labor standards to the lowest denominator while increasing environmental risk. The agreements are more about facilitating corporate flexibility and profit than creating good working conditions and protecting the air, water, land and diverse ecosystems that keep us alive and healthy.
Canada’s environment appears to be taking the brunt of NAFTA-enabled corporate attacks. And when NAFTA environmental-protection provisions do kick in, the government often rejects them.
According to a study by the Canadian Centre for Policy Alternatives, more than 70 percent of NAFTA claims since 2005 have been against Canada, with nine active cases totaling $6 billion outstanding. These challenge “a wide range of government measures that allegedly interfere with the expected profitability of foreign investments,” including the Quebec government’s moratorium on hydraulic fracturing, or fracking.
Quebec imposed the moratorium in 2011 pending an environmental review of the controversial gas-and-oil drilling practice. A U.S. company headquartered in Calgary, Lone Pine Resources Inc., is suing the federal government under NAFTA for $250 million. A preliminary assessment by Quebec’s Bureau d’audiences publiques sur l’environnement found fracking would have “major impacts,” including air and water pollution, acrid odours and increased traffic and noise. Fracking can also cause seismic activity.
According to the CCPA, Canada has been sued more often than any other developed nation through investor-state dispute settlement mechanisms in trade agreements. Under NAFTA, “Canada has already lost or settled six claims, paid out damages totaling over $170 million and incurred tens of millions more in legal costs. Mexico has lost five cases and paid damages of US$204 million. The U.S. has never lost a NAFTA investor-state case.”
NAFTA does, however, have a watchdog arm that’s supposed to address environmental disputes and public concerns, the Commission for Environmental Cooperation. But Canada is blocking the commission from investigating the impacts of tailings ponds at the Alberta oilsands.
Environmental Defence, Natural Resources Defense Council and three people downstream from the oilsands asked the CEC to investigate whether tailings leaking into the Athabasca River and other waterways represent a violation of the federal Fisheries Act. According to the complaint, the tailings ponds, which are actually much larger than what most people would think of as ponds, are spilling millions of litres of toxic liquid every day. Environmental Defence says the CEC found “plenty of evidence that tar sands companies were breaking Canadian law and lots of evidence that the Canadian government was failing to do anything about it.”
It’s the third time in the past year that Canada has prevented the commission from examining environmental issues. Canada earlier blocked an investigation into the protection of polar bears from threats including climate change and one concerning the dangers posed to wild salmon from BC fish farms.
Trade agreements are negotiated in the best interests of corporations instead of citizens. On top of that, federal and provincial governments keep pinning our economic hopes on volatile oil and gas markets, with little thought about how those resources could provide long-term prosperity. Recent plummeting oil prices show where that leads.
These priorities are screwed up. We end up with a boom-and-bust economy and the erosion of social programs as budgets are slashed when oil prices drop. Skewed trade deals allow corporations to override environmental protections that haven’t already been gutted, and create a labor climate in which wages, benefits and working standards fall.
It’s time for Canada to recognize that a diversified economy and citizens’ right to live in a healthy environment are more important than facilitating short-term profits for foreign and multinational corporations.
Conférence de presse de représentants de l’Institut canadien de l’industrie de l’acier
Les principaux acteurs de l’industrie canadienne de l’acier se mobilisent pour contrer ce qu’ils perçoivent comme une menace à l’économie du pays. Ils demandent aux différents paliers de gouvernement d’intervenir pour contrer le protectionnisme américain et soutenir l’achat d’acier local dans leurs projets d’infrastructures.
Selon eux, la clause protectionniste « Buy American » empêche les compagnies canadiennes d’obtenir des contrats aux États-Unis lorsqu’il s’agit de contrats publics. Le problème, disent-ils, est que la balance commerciale canadienne dans ce domaine est passée d’une balance commerciale positive à une balance commerciale négative.
L’industrie de la construction en acier connaît présentement un déficit commercial de 600 millions de dollars, de sorte que plusieurs constructeurs décident de fonder de nouvelles usines aux États-Unis afin d’avoir accès aux contrats publics américains.
C’est ce qu’a fait, notamment, l’entreprise Canam. Au lieu d’investir 30 millions de dollars au Québec et du même coup créer une centaine d’emplois, Canam a investi au sud de la frontière.
Marc Dutil, président-directeur général de Canam, affirme qu’une telle décision s’impose d’elle-même :
« Si je vous donne le choix d’investir au Canada, où seulement le marché canadien est disponible, ou d’investir aux États-Unis, où j’ai accès à toute l’Amérique du Nord », qu’allez-vous choisir?, lance le PDG québécois.
« Décision après décision, en multipliant par des centaines d’entreprises, vous allez finir dans 10, 15, 20 ans avec un marché canadien avec des sous-investissements. » — Marc Dutil
Les représentants de l’industrie de l’acier demandent aux décideurs politiques d’adopter des mesures visant à favoriser l’achat local.
À titre d’exemple, ils ont vigoureusement dénoncé le fait que le mégaprojet de remplacement du pont Champlain, qui n’est pas soumis aux accords commerciaux, ne comprenne pas de critère d’approvisionnement local en acier. Ils ont demandé que cette situation soit corrigée dès maintenant.
Germain Blais, président-directeur général de Beauce Atlas, affirme que plusieurs fabricants au Québec pourraient travailler de concert pour réaliser cette imposante infrastructure.
« Pour Beauce Atlas, on ne le ferait pas au complet, mais on pourrait le faire avec des partenaires comme Canam ou Supermétal. » — Germain Blais, PDG de Beauce Atlas
Les mesures de type « Buy American »
Depuis 2012, 30 États américains ont introduit des mesures de type « Buy American », qui empêchent les fournisseurs canadiens de soumissionner sur leurs projets, ce que déplorent vivement les acteurs de l’industrie. Ces mesures sont permises en dépit de l’Accord de libre-échange nord-américain parce que celui-ci vise les décisions au niveau fédéral.
Pendant ce temps, les fournisseurs américains, eux, ont un accès sans restriction au marché canadien.
Les représentants de l’industrie ont notamment demandé aux gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral d’adopter des mesures de réciprocité, c’est-à-dire de n’accepter pour leurs projets que les soumissions d’entreprises situées dans des États qui acceptent aussi les soumissionnaires canadiens.
L’Institut canadien de la construction en acier (ICCA) a réuni les différents acteurs de l’industrie afin de créer un lobby pour faire pression auprès des gouvernements.
L’industrie de l’acier emploie environ 110 000 personnes au Canada, dont 17 000 au Québec, et génère des revenus de plus de 14 milliards de dollars annuellement.
Selon l’ICCA, toutefois, de 2002 à 2011, l’effet combiné des mesures protectionnistes et du dumping a vu le Canada passer de 1,4 milliard de dollars d’exportations nettes d’acier de charpente à un déficit de 600 millions de dollars.
New Report ‘Prosperity Undermined’ Fact Checks Administration, Corporate Lobbyists and GOP Leadership With 20 Years of Data on Jobs, Economy
Fast Tracked trade deals have exacerbated the income inequality crisis, pushed good American jobs overseas, driven down U.S. wages, exploded the trade deficit and diminished small businesses’ share of U.S. exports, a new report from Public Citizen’s Global Trade Watch shows. The report, “Prosperity Undermined,”compiles and analyzes 20 years of trade and economic data to show that the arguments again being made in favor of providing the Obama administration with Fast Track trade authority have repeatedly proved false.
President Barack Obama is expected to push Fast Track for the Trans-Pacific Partnership (TPP). The pact, initiated by George W. Bush, literally replicates most of the job-offshoring incentives and wage-crunching terms found in the North American Free Trade Agreement (NAFTA) and would roll back Obama administration achievements on health, financial regulation and more.
“It’s not surprising that Democrats and Republicans alike are speaking out against Fast Track because it cuts Congress out of shaping trade pacts that most Americans believe cost jobs while empowering the president to sign and enter into secret deals before Congress approves them,” said Lori Wallach, director of Public Citizen’s Global Trade Watch. “In their speeches and commentary, the administration, corporate interests and GOP leadership disregard the real, detrimental impacts that previous fast tracked trade deals – which serve as the model for the Trans-Pacific Partnership – have had on America’s middle class over the past 20 years.”
The new report shows a 20-year record of massive U.S. trade deficits, American job losses and wage suppression. More specifically, data show that:
Trade Deficits Have Exploded: U.S. trade deficits have grown more than 440 percent with Fast Tracked U.S. FTA countries since the pacts were implemented, but declined 16 percent with non-FTA countries during the relevant period. Since Fast Track was used to enact NAFTA and the World Trade Organization, the U.S. goods trade deficit has more than quadrupled, from $216 billion to $870 billion. Small businesses’ share of U.S. exports has declined, while U.S. export growth to countries that are not FTA partners has exceeded U.S. export growth to FTA partners by 30 percent over the past decade. ‘
Good American Jobs Were Destroyed: Nearly 5 million U.S. manufacturing jobs – one in four – were lost since the Fast Tracking of NAFTA and various NAFTA-expansion deals. Since NAFTA, more than 845,000 U.S. workers have been certified under just one narrow U.S. Department of Labor (DOL) program for Americans who have lost their jobs due to imports from Canada and Mexico and offshored factories to those countries.
U.S. Wages Have Stagnated, Inequality Soared: Three of every five manufacturing workers who lose jobs to trade and find reemployment take pay cuts, with one in three losing greater than 20 percent, according to DOL data. Overall, U.S. wages have barely increased in real terms since 1974 – the year that Fast Track was first enacted – while American worker productivity has doubled. Since Fast Track’s enactment, the share of national income captured by the richest 10 percent of Americans has shot up 51 percent, while that captured by the richest 1 percent has skyrocketed 146 percent. Study after study has revealed an academic consensus that status quo trade has contributed to today’s unprecedented rise in income inequality.
Food Exports Flat, Imports Soared: Under NAFTA and the WTO, U.S. food exports have stagnated while food imports have doubled. The average annual U.S. agricultural deficit with Canada and Mexico under NAFTA’s first two decades reached $975 million, almost three times the pre-NAFTA level. Approximately 170,000 small U.S. family farms have gone under since NAFTA and WTO took effect.
Damaging Results of Obama’s “New and Improved” Korea Trade Deal: Since the Obama administration used Fast Track to push a trade agreement with Korea, the U.S. trade deficit with Korea has grown 50 percent – which equates to 50,000 more American jobs lost. The U.S. had a $3 billion monthly trade deficit with Korea in October 2014 – the highest monthly U.S. goods trade deficit with the country on record. After the Korea FTA went into effect, U.S. small businesses’ exports to Korea declined more sharply than large firms’ exports, falling 14 percent.
“Big dollars for big corporations and special interests calling the shots – that’s what the American people hear when only the country’s top corporate lobbyists are shaping America’s trade agreements,” said Wallach. “With such high stakes, we cannot let the Fast Track process lock Congress and the public out of negotiations that will have lasting impacts on the livelihoods, rights and freedoms of American families, workers and businesses.”
Canada — Le Canada fait l’objet d’un plus grand nombre de plaintes en vertu de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) que ses partenaires mexicains et américains, indique une étude du Centre canadien de politiques alternatives.
Selon l’auteur de l’étude publiée mercredi, le Canada a dû verser plus de 150 millions de dollars en dommages — sans compter les dizaines de millions de dollars dépensés en frais juridiques — depuis la signature de l’ALENA, en 1994.
Scott Sinclair ajoute que 45 % des plaintes étudiées par le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États établi par le chapitre XI de l’entente avaient été intentées contre le Canada. De plus, le nombre de plaintes a augmenté au cours des 10 dernières années. L’auteur de l’étude estime qu’il est très tentant pour des investisseurs étrangers de lancer les dés et d’intenter des poursuites contre le Canada.
Selon le ministère du Commerce international, le chapitre xi de l’ALENA fournit aux entreprises «un climat d’investissement prévisible et fondé sur des règles» quand elles investissent dans un pays étranger. Il établit aussi des procédures de règlement des différends conçues de manière à permettre un recours opportun à un tribunal impartial.
Un porte-parole du ministre Ed Fast a dit que ce mécanisme est un élément fondamental de la politique commerciale du gouvernement depuis plusieurs années car il protège les investisseurs canadiens contre la discrimination à l’étranger.
Certains opposants estiment que ce mécanisme favorise les sociétés multinationales et peut décourager les gouvernements démocratiques à prendre des mesures visant l’intérêt public. Ils craignent que les investisseurs étrangers utilisent ce mécanisme pour contourner les tribunaux canadiens.
M. Sinclair indique que 12 poursuites avaient été intentées contre le Canada entre 1995 et 2005. Depuis, 23 plaintes ont été déposées contre le Canada en vertu du chapitre xi de l’ALENA. Neuf autres plaintes n’ont pas encore fait l’objet d’une décision. Le Canada a perdu ou a conclu des ententes à six reprises, versant des compensations dépassant les 170 millions $. A titre de comparaison, les États-Unis n’ont jamais perdu une cause tandis que le Mexique a payé 204 millions $ en dommages après avoir perdu cinq causes.
Par exemple, la société américaine Lone Pine Resources a déposé une plainte de 250 millions $ pour faire lever le moratoire imposé par le gouvernement du Québec sur l’exploitation des gaz de schiste par fracturation hydraulique.
* il en sera de même avec le CETA/AECG et le TAFTA/TTIP qui contiennent l’IDSD
Selon les affirmations de ses élites, relayant celles des États-Unis, le Mexique devrait jouir des bienfaits de l’Accord de libre-échange nord-américain (Nafta ou Alena) [1], qu’il a signé il y a 20 ans avec les États-Unis et le Canada. Mais la réalité, c’est que le Mexique est devenu un État failli, dont les autres pays d’Amérique centrale et d’Amérique du sud fuient l’exemple. Les administrations centrales et locales sont inefficaces et souvent corrompues, les inégalités ont explosé et les gangs omniprésents font près de 2 000 victimes chaque mois [2]. Au point que la population mexicaine cherche depuis longtemps à émigrer, principalement vers les États-Unis, rencontrant la mort à la frontière, dans le désert, sous les coups de la garde nationale américaine et des narco-trafiquants mexicains et américains bien établis aux États-Unis même [3]. Mais le gouvernement mexicain essaie de maintenir le cap, soumis en permanence aux pressions de Washington.
A l’occasion de ce vingtième anniversaire du Nafta, des bilans peuvent être tirés. Loin d’évoluer vers la prospérité, la société mexicaine compte encore 45 % de pauvres, soit 53 millions de personnes [4]. En une vingtaine d’années, le pourcentage de pauvres a baissé de 2 %. Ce n’est pas le signe d’une amélioration foudroyante du niveau de vie de la population, comme le laissent entendre les protagonistes du traité, pour en vanter les bienfaits.
Le mic mac de l’import-export avec les États-Unis…
Un deuxième argument en faveur du Nafta est l’explosion des exportations mexicaines, qui ont doublé, alors que celles du Canada et des États-Unis n’ont augmenté que de 30 % durant cette même période. Le traité aurait donc été beaucoup plus favorable au Mexique qu’à ses deux partenaires. Mais, comme l’explique un article publié par Marianne hier 15 décembre [5], de telles statistiques doivent être examinées en détail. Elles montrent bien leur caractère trompeur.
En effet, en 2013, les trois-quarts du volume des exportations mexicaines sont composés de biens eux-mêmes importés précédemment par le Mexique, notamment des États-Unis ! C’est que le Mexique héberge sur son territoire un nombre important de sociétés de commerce nord-américaines, qui y bénéficient, grâce aux détaxations et déréglementations autorisées par le Nafta, de facilités leur permettant de réexporter vers les États-Unis, et plus largement vers le monde, une grande partie de leurs produits importés au Mexique. La valeur ajoutée par l’économie mexicaine, c’est-à-dire par le travail des citoyens mexicains, est infime. En effet, il ne s’agit pas d’un pays en développement qui installerait sur son territoire des usines de fabrication filiales de maisons-mères, lesquelles font appel à un fort emploi local.
… et l’effet Wallmart
L’article de Marianne évoqué ci-dessus parle de l’effet Walmart. Walwart est une chaine américaine tentaculaire de distribution, installée au Mexique dès 1991. Sa prospérité doit beaucoup au Nafta et au libre-échange, le Mexique l’ayant rapidement exemptée de taxes à l’importation. Walmart a par ailleurs largement utilisé la corruption pour s’implanter dans tous les lieux urbains et touristiques jusque là interdits au commerce. Ses produits, tous généralement importés des États-Unis, sont vendus sur le marché mexicain à des prix légèrement inférieurs à ceux vendus aux États-Unis, mais le modeste gain de pouvoir d’achat en résultant pour les consommateurs du pays est compensé par le fait que la plupart de ces produits, échappant au minimum de réglementation imposée aux États-Unis pour la protection des consommateurs, encouragent l’obésité, l’alcoolisme et l’empoisonnement par les composés chimiques.
Le Nafta concoure à appauvrir le peuple mexicain…
Le Nafta bénéficie aux grands groupes américano-mexicains. Et il accélère le mécanisme d’expropriation des cultivateurs pauvres, la sur-exploitation des ressources naturelles et plus généralement l’exploitation capitaliste des travailleurs et des petits artisans.
L’agriculture traditionnelle, considérée (y compris à travers les westerns hollywoodiens) comme faisant partie de la civilisation mexicaine, est désormais anéantie sans ménagement. Il en est de même des petits commerces. Certes, les intérêts financiers mexicains installés à Wall Street en tirent des bénéfices croissants, mais ils utilisent ces bénéfices pour spéculer sur les marchés financiers au lieu d’investir au Mexique même pour développer la production locale.
… qui cherchent à émigrer aux États-Unis
Il ne reste plus aux victimes de cette américanisation forcée qu’à tenter de s’expatrier illégalement aux États-Unis. Au cours de ce processus, ils tombent aux mains, comme rappelé ici en introduction, des réseaux de narco-traficants et de prostitution. Certains parlent même de trafics d’organes. Aux États-Unis, sur onze millions de clandestins présents sur le territoire américain, six millions seraient mexicains. Au Mexique même, l’on compterait désormais 90 000 victimes des gangs, sans mentionner 300 000 disparus, que l’on ne retrouvera jamais. A ce nombre viennent de s’ajouter les 43 étudiants d’Iguala, venus sous le feu de l’actualité ces derniers jours [6]. Sans être prophète de mauvais augure, on peut penser qu’eux-aussi ne seront jamais retrouvés.
Le Canada tire aussi les marrons du Nafta
Dans cette lutte entre le pot de fer et le pot de terre n’oublions pas les grands intérêts canadiens, originaires de ce pays si propre et si honnête [7]. Ils viennent s’ajouter à leurs homologues nord-américains pour pressurer la population et l’économie mexicaine.
Le futur Tafta européen, réplique à grande échelle du Tafta
Le traité Nafta, dont les mérites avaient été annoncés à grand bruit dès son origine, en 1994, et qui ont été vantés depuis lors à répétition, devrait servir de modèle aux accords équivalents que Washington voudrait imposer aux États européens, sous le nom de Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (également connu sous le nom de Traité de libre-échange transatlantique Tafta), comme aux États du Pacifique sous le nom de Partenariat transpacifique (TPA).
Les groupes de pression qui militent, au sein de la Commission européenne comme dans les gouvernements nationaux, en vue d’une approbation rapide du Tafta, ne peuvent évidemment ignorer ce côté peu reluisant du Nafta. Mais ils espèrent en tirer des avantages analogues.
Au moment où l’Europe s’engage, bien lentement d’ailleurs, dans des procédures d’harmonisation fiscale afin d’essayer d’éviter les abus de ce qui a été nommé le Luxleaks, c’est-à-dire l’attribution aux multinationales américaines d’une exemption d’impôts quasi-totale, dès lors qu’elles installent des filiales au Luxembourg, nous pouvons nous préparer, dans le cadre du Tafta, à la reconduction de cette impunité scandaleuse, mais cette fois à l’échelle de l’Atlantique nord tout entier. S’y ajoutera, dans le cadre du pivot organisé par Obama en direction de l’Asie Pacifique, un élargissement de l’espace ouvert européen vers une partie de l’Asie et du Pacifique.
Jean-Paul Baquiast
Notes
[1] L’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA, en anglais, North American Free Trade Agreement, NAFTA, en espagnol Tratado de Libre Comercio de América del Norte, TLCAN) est un traité, entré en vigueur le 1er janvier 1994, qui crée une zone de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique. (Wikipédia, français)
En vertu du Country of Origin Labeling (COOL), l’étiquette de la viande de bœuf et de porc vendue au détail aux États-Unis doit indiquer le pays d’origine des animaux.
Cette réglementation force ainsi les abattoirs américains à ségréguer le bétail étranger, ce qui tire le prix de ces animaux à la baisse.
Le Canada et le Mexique contestent le COOL depuis six ans devant l’OMC.
Le 20 octobre dernier, le tribunal leur donnait gain de cause pour une 3e fois. Ce jugement permettait à Ottawa d’imposer des mesures de rétorsion contre des produits américains.
Le vendredi 28 novembre, Washington a toutefois déposé une demande d’appel devant le tribunal de l’Organisation. La demande sera examinée par l’Organe d’appel permanent de l’OMC. Cette dernière dispose de trois mois pour rendre son rapport.
Les ministres canadiens du Commerce et de l’Agriculture, Ed Fast et Gerry Ritz, se sont dits profondément déçus de l’intention des États-Unis d’en appeler de la décision rendue en matière d’étiquetage indiquant le pays d’origine.
Le bilan de l’ALENA (accord USA, CANADA, MEXIQUE) a été fait.
Le 1er janvier 1994, entrait en vigueur la signature de l’Accord de Libre Échange Nord-Américain (ALENA), entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, promettant un développement sans précédent des échanges commerciaux entre les trois pays, par l’accroissement du volume des exportations, dont les bénéfices allaient irriguer toute l’économie mexicaine.
Seize ans plus tard, le constat est amer. L’ALENA, promesse d’un «bien-être général», a littéralement laminé l’agriculture mexicaine, et notamment les petits paysans (21% de la population active).
Au nom du «libre-échange», le Mexique a progressivement démantelé le système qui avait pourtant permis son autosuffisance alimentaire pendant des décennies, à savoir des prix garantis aux producteurs locaux et un contrôle des prix pratiqués dans les villes (soutien à la consommation).
Dans le même temps, le pays s’est retrouvé inondé de maïs américain (transgénique) vendu trois fois moins cher que le maïs «criollo» (local), en raison des subventions accordées par Washington aux producteurs américains.
Incapables de résister à cette concurrence que d’aucuns dénoncent comme un dumping déloyal, trois millions de petits paysans ont dû cesser leur activité et rejoindre les bidonvilles mexicains ou tenter leur chance comme travailleurs clandestins aux États-Unis, tandis que progressent les taux de malnutrition (mais aussi d’obésité) et de pauvreté dans tout le pays.
On parle beaucoup des méfaits potentiels du projet de traité transatlantique de commerce et d’investissement pour l’Europe et ses régulations.
Mais de l’autre côté de l’Atlantique, ses conséquences pourraient être tout aussi désastreuses, notamment en ce qui concerne l’enjeu des gaz et pétrole de schiste.
Ilana Solomon dirige le programme « Commerce responsable » du Sierra Club, l’une des principales organisations écologistes américaines. Elle était récemment de passage en France pour faire connaître l’opposition d’une grande partie de la société civile américaine au projet de traité transatlantique. Entretien.
Étienne Lebeau, ‘expert Europe’ du syndicat belge CNE-GNC, explique, en 11 minutes, on ne peut plus clairement les conséquences qu’engendrerait la signature du Traité Transatlantique !
Le Partenariat transpacifique (PTP) qui se négocie entre 12 pays qui bordent l’océan Pacifique créerait, dit-on, la plus grande zone de libre-échange au monde. Et les gouvernements, comme d’habitude, promettent que cet accord va stimuler la croissance économique. Il y a plutôt lieu de croire que le PTP ne va profiter qu’aux plus riches aux dépens du reste de la population.
Carte présentant les pays impliqués dans le Partenariat transpacifique
Les pays impliqués dans le PTP jusqu’à maintenant sont :
du côté des Amériques : Canada, États-Unis, Mexique, Pérou et Chili ;
du côté de l’Asie et de l’Océanie : Japon, Vietnam, Brunei, Malaisie, Singapour, Australie et Nouvelle-Zélande.
Un déficit démocratique évident
Malgré le fait que les négociations formelles du PTP aient débuté en mars 2010 et qu’il y ait déjà eu une vingtaine de rondes de négociation (la dernière en date a eu lieu au Vietnam en mai), les négociations se déroulent dans l’opacité la plus totale. Mais grâce aux fuites de documents, on réussit quand même à en savoir un peu plus que les banalités habituelles répétées par les gouvernements à savoir que le PTP représenterait un marché de 792 millions de personnes, avec un PIB combiné de 28,1 billions de dollars (un billion équivaut à 1 000 milliards), soit près de 40 % de l’économie mondiale, ce qui accroîtrait les échanges, donc engendrerait une hausse du PIB et du nombre d’emplois dans les pays impliqués.
Et comme d’habitude, seules les grandes entreprises savent ce qui se trame dans ces négociations parce qu’elles ont un accès direct aux dirigeants des pays impliqués, au point où elles dictent aux élus ce qu’elles souhaitent voir ou ne pas voir dans cet accord. Par exemple, le Conseil canadien des chefs d’entreprise exhorte le gouvernement Harper à ne pas poser de conditions à son admission dans le PTP même s’il ne s’y est joint qu’à la 15e ronde de négociations. Il est donc fort possible que le gouvernement du Canada obtempère et qu’il accepte tout ce qui s’était négocié jusque-là.
Les agriculteurs ont ainsi raison de craindre que la gestion de l’offre ne soit sacrifiée par le Canada parce qu’aucun autre pays du PTP ne veut d’un tel système qui permet aux producteurs de lait, d’œufs et de volailles, de recevoir un prix couvrant leur coût de production en échange d’une limitation de l’entrée de produits importés. La souveraineté alimentaire canadienne pourrait être fragilisée par la fin de ce système.
Les accords de libre-échange ont peu à voir avec le commerce
L’économiste Jim Stanford a fait la démonstration que les échanges commerciaux croissent davantage en dehors qu’à l’intérieur des accords de libre-échange signés par le Canada. Il a analysé ses cinq accords de libre-échange les plus « anciens » (États-Unis, Mexique, Israël, Chili et Costa Rica).
Résultat? Les exportations canadiennes vers ces pays ont crû, en moyenne annuelle, moins rapidement que celles vers les pays sans accord (4,77 % versus 5,11 %). De plus, les importations au Canada en provenance de pays libre-échangistes ont crû plus rapidement que celles en provenance des autres pays (8,67 % contre 7,25 %), avec pour résultat que la balance commerciale du Canada est déficitaire depuis une dizaine d’années. Ce qui fait dire à Stanford que, si le but est d’accroître les exportations et de renforcer la balance commerciale du Canada, signer des accords de libre-échange n’est vraiment pas la chose à faire.
Les (grandes) entreprises ont-elles des droits?
Comme il ne s’agit pas de promouvoir les échanges commerciaux, à quoi servent ces accords? À accorder des « droits » aux entreprises multinationales. On sait que le PTP aura un chapitre de protection des investisseurs étrangers, très similaire au chapitre 11 de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA). Une entreprise pourrait donc poursuivre un gouvernement devant un tribunal international si un gouvernement adoptait une mesure dont elle ne veut pas.
Et ce n’est pas un problème théorique comme l’a révélé la poursuite récente de Lone Pine Resources contre le Canada, en vertu du chapitre 11 de l’ALÉNA, pour le moratoire imposé par le gouvernement du Québec à l’exploration du gaz de schiste sous le fleuve Saint-Laurent. Lone Pine conteste une mesure gouvernementale légitime de protection de l’environnement et, de surcroît, adoptée démocratiquement. La compagnie demande 250 millions de dollars en dédommagements qui seraient tirés des coffres du gouvernement parce qu’il a tenté de défendre les droits de ses citoyens et de protéger son territoire.
Mais ce n’est pas si surprenant parce que le mécanisme de règlement des différends investisseur-État est biaisé par nature. Les entreprises peuvent poursuivre les gouvernements, mais pas l’inverse, et ce, devant un système de justice parallèle où les arbitres ont avantage à rendre des décisions en faveur du plaignant puisque leur rémunération et leurs futurs mandats en dépendent.
C’est sans doute pourquoi de nombreux pays (Afrique du Sud, Inde, Indonésie) décident maintenant de mettre fin aux accords qui prévoient de tels « droits » pour les investisseurs étrangers, alors que l’Allemagne conteste la présence de ce mécanisme dans l’accord États-Unis – Union européenne.
Droits de propriété intellectuelle élargis et prolongés
Le chapitre sur la protection des droits de propriété intellectuelle a fait l’objet d’une fuite et ce qu’on apprend n’est pas rassurant.
Le PTP irait ici nettement plus loin que l’ALÉNA. Les compagnies pharmaceutiques veulent obtenir la prolongation de leurs brevets, ce qui retarderait d’autant l’arrivée de médicaments génériques beaucoup moins chers. Et ce qui est une question de finances publiques dans les pays riches devient une question de vie ou de mort dans de nombreux pays en développement.
Pour ce qui est d’internet, des demandes des États-Unis ont des réminiscences de l’ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement). Les infractions mineures au copyright seraient carrément rendues criminelles et les simples citoyen(ne)s pourraient être poursuivi(e)s pour avoir partagé des fichiers avec un(e) ou des ami(e)s et même être banni(e)s à vie du web.
Pour toutes ces raisons et de nombreuses autres, le Réseau québécois sur l’intégration continentale – formé d’une quinzaine d’organisations syndicales, étudiantes, de femmes, de défense des droits humains et de coopération internationale – a décidé de mettre le PTP dans sa ligne de mire pour les mois à venir pour tenter d’empêcher cette mainmise des firmes multinationales sur le futur de nos sociétés.
Les élections européennes sont sans soute les plus importantes cette année et on ne vous le dit pas ! Les futurs eurodéputés diront oui ou non au Traité de Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement. Voter à ces élections est le seul moyen dont nous disposons, nous, citoyens d’Europe, pour faire en sorte que ce traité, qui remettrait en cause notre mode de vie, ne soit jamais signé.
Les élections européennes se déroulent le dimanche 25 mai 2014. Depuis des semaines, les médias ne nous parlent que, avec une gravité feinte, de l’abstention qu’ils annoncent massive et, avec une délectation à peine dissimulée, du score du FN qu’ils prédisent stratosphérique.
Du fond et des idées, on commence à peine à parler et les jours sont maintenant comptés avant le scrutin. Alors, il faut aller à l’essentiel.
Ces élections ne sont pas une péripétie de la vie « démocratique » nationale et européenne.
La raison est simple : les députés qui seront élus devront, dans quelques mois, se prononcer pour ou contre le traité de Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement.
Ce traité est aussi appelé TTIP pour « Transatlantic Trade and Investment Partnership », GMT pour « Grand Marché Transatlantique » ou encore TAFTA pour « Transatlantic Free Trade Area”.
Si vous fréquentez les arrière-cours du net, vous avez déjà entendu parler de ce traité et de ses dangers depuis des mois voire des années. Si vous vous contentez de la télé et de la radio, il est probable que vous avez découvert son existence il y a peu.
L’origine : l’échec des négociations de l’OMC au niveau mondial
A la suite de l’échec des négociations menées au niveau de l’OMC (cycle de Doha), les Etats-Unis ont décidé de mettre en place des accords régionaux ne risquant pas de rencontrer l’opposition des états émergeants. Deux traités sont donc négociés : Le Partenariat Trans-Pacifique (PTP) implique principalement, outre les USA, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les Philippines, la Thaïlande … et le partenariat transatlantique qui implique les Etats de l’Union Européenne.
Les Etats-Unis font le pari que les règles les plus libérales de l’OMC, rendues applicables dans ces deux marchés, s’imposeront de fait au reste du monde et notamment aux BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).
Des négociations opaques et sous l’influence des multinationales
Côté européen, c’est la Commission qui négocie l’accord avec les américains.
Pour cela, la Commission a reçu un mandat des Etats, mandat qu’elle a elle-même préparé et rédigé en collaboration étroite avec les représentants des milieux patronaux et financiers (93 % des 130 réunions préparatoires se sont tenues avec des multinationales).
Le mandat a été formellement adopté par les Etats au mois de juin 2013. Ont officiellement connaissance du contenu de ce mandat, les chefs d’Etats et la Commission. Ont officieusement connaissance du mandat, les lobbies qui ont participé à sa rédaction et qui assistent la Commission dans les négociations et les Etats-Unis puisqu’il est établi qu’ils espionnaient les institutions européennes et certains chefs d’Etat comme la Chancelière allemande. Sont officiellement tenus dans l’ignorance du contenu du mandat, les parlementaires européens et nationaux et bien évidement les citoyens européens …
Concrètement, c’est le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, qui négocie pour l’Europe. Karel De Gucht est un ultralibéral adepte du tout marché et de la dérégulation, soupçonné de fraude fiscal dans son pays …
Officiellement, le secret qui entoure ce mandat et ces négociations est justifié par la nécessité de ne pas dévoiler à l’autre partie les marges de manœuvre dont on dispose. On sait ce qu’il en est du secret du mandat vis-à-vis des grandes oreilles américaines…
La vraie raison de ce secret et de l’absence de débat public sur ce sujet est que si les citoyens étaient informés, ils s’opposeraient à ce projet de traité.
François Hollande l’a bien compris, lui qui a déclaré lors d’un voyage officiel à Washington : « Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu’il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations ».
Pourquoi donc devrions-nous avoir peur ?
Une remise en cause programmée de notre mode de vie
Ce traité, s’il entre un jour en vigueur, bouleversera nos vies et nos sociétés.
Le mandat donné à la Commission stipule :
« L’Accord prévoira la libéralisation réciproque du commerce des biens et services ainsi que des règles sur les questions en rapport avec le commerce, avec un haut niveau d’ambition d’aller au-delà des engagements actuels de l’OMC. »
Pour atteindre ces objectifs, il est prévu deux types de mesures.
Tout d’abord, la suppression des droits de douane. Cette mesure impactera essentiellement l’agriculture européenne l’exposant à des importations massives de produits agricoles américains bon marchés car produits selon des normes sociales, sanitaires et écologiques plus basses que celles en vigueur en Europe. Ceci contribuera, dans une course à la productivité, à une industrialisation maximum de l’agriculture impliquant un recours accru aux engrais et pesticides.
Le second type de mesures consiste à réduire « les barrières non tarifaires ». Concrètement, cela veut dire éliminer toutes les normes jugées inutiles pouvant gêner le commerce. On touche là au cœur du problème car ces barrières non tarifaires ne sont rien d’autre que nos normes sociales, sanitaires, alimentaires, environnementales, techniques …
L’objectif est d’arriver à une harmonisation des réglementations. La norme la moins contraignante deviendra dans la majorité des cas la règle commune. On imagine mal en effet, un traité ayant pour objectif de favoriser le commerce imposer à l’une des parties des règles plus contraignantes que celles jusque-là en vigueur.
Or, majoritairement, ces normes sont moins contraignantes aux Etats-Unis notamment en matières sociale, alimentaire ou environnementale. Les USA n’ont pas ratifié les conventions de l’organisation Internationale du Travail (OIT). Les USA n’ont pas ratifié le Protocole de Kyoto….
Concrètement, ce traité conduira immanquablement à une dérégulation, à une baisse des standards dans de nombreux domaines. Les victimes en seront les consommateurs, les salariés, l’environnement …
Il ne sera ainsi plus possible de refuser l’exploitation du gaz de schistes, l’importation de bovins élevés aux hormones, la culture d’OGM, l’importation de volailles lavées au chlore, la vente libre des armes … toutes restrictions qui seront qualifiées d’entraves inutiles au commerce !
Les partisans du traité argueront du fait que plusieurs fois le texte mentionne la protection des droits sociaux et environnementaux. Ils oublieront de vous préciser qu’il s’ agit toujours de vœux pieux non contraignants.
Ce traité, du fait de l’application maximum des principes de l’OMC, notamment celui du traitement national, conduira à un mouvement de privatisations dans les domaines de l’éduction, de la santé et de la sécurité sociale.
Une justice sur mesure pour les multinationales
Pour faire respecter ce traité est prévu un « mécanisme de règlement des différends entre Etats et investisseurs ».
Si une multinationale estime qu’un Etat viole le traité, par exemple en prenant une loi trop protectrice de l’environnement dont le respect engendre un surcoût pour elle, elle pourra porter le litige, non pas devant une juridiction étatique nationale mais devant des arbitres privés. C’est une déclinaison du système de l’arbitrage pratiqué dans le monde des affaires, le dossier Tapie ayant démontré les merveilles que peut produire ce mode de règlement des litiges …
Un Etat sera donc jugé par des arbitres privés dont la décision ne sera pas susceptible d’appel. Si l’Etat est reconnu coupable, il devra soit renoncer à sa loi, votée par les représentants du peuple, soit payer une amende de quelques millions voire milliards d’euros pour dédommager la multinationale privée du gain espéré.
Un tel mécanisme existe déjà dans le cadre de l’ALENA, l’accord de libre-échange liant les Etats-Unis, le Mexique et le Canada. En 20 ans de pratique, l’Etat canadien a été attaqué 30 fois par des multinationales. Le Canada a perdu 30 fois.
Ce système est taillé sur mesure pour les multinationales qui pourront imposer aux Etats ou toutes collectivités publiques de renoncer à des règles prises dans l’intérêt général.
Des avantages impossibles à démontrer
Comment justifie-t-on économiquement ce traité ? Car favoriser le commerce pour favoriser le commerce c’est un peu court.
La Commission a donc mandaté un organisme « indépendant », le Center for Economic Policy Research. Celui-ci a conclu qu’à l’horizon 2027, on pouvait attendre une augmentation de 0,5 % du PIB européen et la création de 400.000 emplois.
Vous avez bien lu ! Dans 13 ans, on peut espérer que le traité transatlantique aura généré un misérable gain de 0,5 % du PIB européen et créé 400.000 emplois alors que l’Europe compte aujourd’hui 26 millions de chômeurs !
On pourrait penser que c’est un adversaire du monde des affaires qui a réalisé cette étude mais non. Le directeur du CEPR, Guillermo de la Dehesa, est conseiller de la banque d’affaires américaine Goldman Sachs depuis 1988, membre du comité exécutif de la banque Santander, conseiller du laboratoire pharmaceutique Lily, président des Assurances Aviva depuis 2000. Il était aussi un des dirigeants de la branche Europe de Coca Cola de 2004 à 2006.
On peut en conclure que cette étude est très optimiste…
Ce traité n’aura donc pas ou peu d’impact sur le volume de notre économie.
Faisons le bilan de tout cela.
Qui va y gagner ? Réponse : les multinationales qui verront les contraintes sociales, sanitaires et environnementales fondre comme neige au soleil, leur permettant de produire à moindre coût.
Qui va y perdre ? Réponse : nous les citoyens qui verront les normes protectrices reculer, les services publics attaqués, notre souveraineté bafouée.
Ce sont 200 ans de progrès sociaux, les fondements de notre République qui sont remis en cause par un accord commercial !
Seuls les députés européens pourront s’opposer à la conclusion du traité.
Si les élections européennes sont si importantes, c’est qu’elles vont désigner les eurodéputés qui auront à se prononcer sur ce traité. Ils seront les seuls représentants élus à pouvoir stopper le processus. Les parlements nationaux ne seront pas consultés malgré les molles dénégations de Karel De Gucht. La qualification d’accord mixte nécessitant une ratification au niveau européen et au niveau national sera à terme écartée puisqu’elle placerait l’accord sous la menace d’un vote négatif d’un seul parlement national.
En allant voter dimanche, vous aurez donc l’occasion, et ce sera la seule, de dire non au Traité de grand marché transatlantique.
Qui est pour, qui est contre ?
Seuls deux grands mouvements politiques mènent, en France, une campagne pour dénoncer les menaces que fait peser ce traité sur notre mode de vie. Il s’agit d’Europe Ecologie Les Verts et du Front de Gauche. D’autres partis plus petits sont également engagés dans ce combat : Nouvelle Donne, Debout la République…
Sont favorables au traité, le PS, l’UMP, l’UDI et le FN. Ce dernier fait mine de s’insurger contre le projet d’accord mais lorsqu’il s’est agi de voter, au sein de collectivités locales, des motions ou résolutions contre ce projet, les élus du FN ont toujours voté contre celles-ci et donc pour le grand marché transatlantique.
Dimanche, allez voter, pour vous, pour vos enfants et pour la mémoire de tous ceux qui, au cours des siècles, se sont battus pour notre modèle de société où l’intérêt général prévaut sur les intérêts particuliers.
La mise en place éventuelle d’un tribunal arbitral réglant les différends entre un investisseur et un Etat est contestée.
Un tel traité bilatéral pourrait menacer le droit de légiférer des Etats membres de l’Union européenne.
C’est l’une des questions épineuses qui agite le landerneau politique et économique européen à l’approche du renouvellement du Parlement. Les Etats-Unis et l’Union européenne doivent-ils signer un traité bilatéral d’investissement et mettre en place un tribunal d’arbitrage supranational pour les conflits qui surgiraient entre un investisseur et un Etat ? Les deux grands blocs commerciaux qui négocient un vaste partenariat transatlantique (TTIP) l’envisagent. Mais, devant la levée de boucliers qu’il suscite en Europe, la Commission européenne a été contrainte de marquer une pause. La question est soumise à consultation publique. Jusqu’au début de l’été.
PAR LUDOVIC LAMANT
ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 2 MAI 2014
À l’approche des européennes, les opposants à l’accord de libre-échange en chantier entre l’UE et les États-Unis donnent de la voix. Ils s’inquiètent des risques qui pèseraient sur les normes de santé, de sécurité ou d’environnement en Europe. Mais un mécanisme d’arbitrage prévu dans le texte, qui autorise des entreprises à attaquer des États en justice, focalise de plus en plus l’attention. De notre envoyé spécial à Bruxelles. Après la catastrophe de Fukushima en 2011, l’Allemagne annonce l’arrêt définitif de ses centrales nucléaires dans les dix ans à venir. Un groupe énergétique suédois, Vattenfall, propriétaire de deux centrales nucléaires dans le pays, s’indigne : à ses yeux, cette décision menace ses profits à moyen terme. En mai 2012, l’entrepriselance une procédure en justicecontre Berlin, devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), basé à Washington.
Vattenfall réclame 3,7 milliards d’euros de dédommagement aux autorités allemandes, pour compenser les pertes à venir. Le groupe s’appuie sur un texte précis, signé notamment par la Suède et l’Allemagne : le traité énergétique européen, entré en vigueur en 1998, qui garantit aux investisseurs étrangers des « conditions stables » pour leurs investissements. En résumé : une entreprise poursuit en justice un État, pour des décisions prises au nom de l’intérêt public, parce qu’elles menacent sa rentabilité.
La bataille juridique est lancée, l’issue incertaine.
Bienvenue dans le monde merveilleux de l’arbitrage entre « État » et « investisseur ».
Ces mécanismes, qui voient s’affronter des groupes privés et des exécutifs démocratiquement élus, se sont multipliés ces dernières années. Inconnus du grand public, ils répondent à un sigle que seuls les spécialistes en droit du commerce international, et certains réseaux d’activistes, connaissent bien : « ISDS » (mal traduit en français: « règlement des différends entre investisseurs et États »).
La plupart des accords de libre-échange conclus dans les années 2000 contiennent un volet « ISDS ». Leur objectif est simple : offrir le maximum de garanties juridiques à des entreprises privées, pour les encourager à investir dans des pays étrangers.
En tout, plus de 3 000 traités internationaux intègrent ce type de clauses. L’an dernier, 274 litiges de
ce genre ont été tranchés, selon les chiffres des Nations unies(43 % en faveur des États et 31 % pour les investisseurs, le reste à l’amiable). Et quand l’État perd, c’est l’argent du contribuable qui est versé à l’entreprise… Des milliards de dollars de compensations financières sont en jeu chaque année.
La procédure, complexe, pourrait, à l’occasion de la campagne pour les européennes, arriver jusqu’aux oreilles du grand public. Car elle constitue l’un des piliers les plus contestés de l’accord de libre échange en chantier, entre les États-Unis et l’Union européenne (dont l’un des sigles, toujours en anglais, est le « TTIP »). Les négociations entre Bruxelles et Washington ont commencé en juillet 2013, mais sont encore loin d’avoir abouti – si elles aboutissent un jour.
Mais ce sont bien les eurodéputés élus fin mai qui auront le dernier mot sur le texte, et pourront le valider, ou le rejeter, une fois les négociations bouclées – sans doute d’ici plusieurs années.
Lors d’un débat télévisélundi soir à Maastricht, entre candidats à la présidence de la commission, l’Allemande Ska Keller, la chef de file pour les Verts, y a même fait allusion, en s’en prenant à ses adversaires : « Tous vos groupes au parlement européen ont voté une résolution qui va donner le droit aux entreprises d’attaquer en justice les gouvernements européens », a-t-elle déclaré (à 1h24’22 », vidéo-ci-dessous).
Il n’est pas certain que grand-monde ait compris la référence à la résolution votée en mai 2013 par le parlement, qui a majoritairement soutenu l’ouverture des négociations avec Washington. Mais la bataille contre le TTIP, et son volet arbitrage en particulier, est en train de grossir depuis plusieurs mois dans nombre de pays européens, à commencer par l’Allemagne. En France, des partis opposés sur le principe à l’accord de libre-échange avec les États-Unis (Front national, Front de gauche, EELV, NPA, Nouvelle Donne, etc.) pourraient, eux aussi, s’emparer haut et fort du sujet.
Sur le papier, les entreprises étrangères peuvent exiger des États des compensations financières dès qu’elles estiment qu’une décision des autorités publiques a mis à mal une partie de leurs investissements. De manière directe, via des expropriations (c’est par exemple ce qu’avait décidé l’Argentine en 2012, à l’encontre du pétrolier espagnol Repsol, chassé du pays) ou plus souvent indirecte, via l’adoption de nouveaux textes législatifs, qui renforcent les contraintes environnementales ou sanitaires: ce fut par exemple le cas de la compagnie américaine Lone Pine qui, en 2013, a attaqué en justice le Canada, sur la base du traité de libre-échange ALENA, parce que le Québec venait de décider un moratoire sur le gaz de schiste.
Pratiquée à grand échelle, la technique peut vite devenir vertigineuse. Ce mécanisme d’arbitrage « autorise les entreprises à remettre en cause le droit souverain des États à légiférer, en faisant valoir leurs propres intérêts commerciaux », s’inquiète l’ONG Amis de la Terre Europe dans une étude publiée fin 2013. Dans les négociations avec Bruxelles, « les États-Unis sont déterminés à obtenir les meilleures conditions, pour que des entreprises privées explorent le potentiel européen en matière de combustibles non classiques, dont des gaz de schiste et des sables bitumineux », s’alarme l’association. « Le fond de l’ISDS, c’est de permettre aux entreprises de récupérer leur investissement si cela tourne mal », résume Johannes Kleis, du BEUC, le bureau européen des unions de consommateurs (qui inclut l’UFC-Que choisir). « Très bien. Mais je ne vois pas en quoi il faudrait passer pour cela devant des tribunaux spéciaux. Il y a des tribunaux nationaux qui peuvent être saisis par les entreprises qui s’estiment flouées, et c’est largement suffisant. »
Une consultation publique ouverte pendant trois mois
L’affaire est d’autant plus explosive que « les soi-disant neutralité et indépendance de cette justice d’arbitrage internationale sont une illusion », assure Cecilia Olivet, co-auteure d’unelongue étude de référence, financée par deux ONG, CEO et TNI, et qui s’intéresse, en particulier, au profil des juges qui tranchent ces litiges à travers le monde. « La loi et les différends qui en découlent sont en grande partie façonnés par les cabinets d’avocats, les arbitres eux-mêmes, et plus récemment, par une poignée de spéculateurs qui tirent beaucoup d’argent de ces différends. »
L’avenir du TTIP tout entier, grand projet de José Manuel Barroso, le patron de la commission européenne sur le départ, risque-t-il de capoter à cause des controverses de plus en plus musclées sur le volet arbitrage du texte ?
Sentant le vent tourner, la commission a changé de tactique à la fin du printemps. « Ils ont fini par entendre l’exaspération de la société civile sur ce sujet, et ils n’ont eu d’autre choix que de lâcher un peu de lest », analyse Johannes Kleis, du BEUC.
En mars, l’exécutif européen s’est résolu à publier le texte actuel des négociations sur le volet ISDS, pour mener, pendant trois mois, une « consultation ». Une rupture, alors que, jusqu’à présent, les États membres de l’UE se sont toujours refusés à publier ne serait-ce que le mandat donné à la commission à l’été 2013 pour négocier avec les États-Unis. « Ce n’est pas un référendum pour ou contre l’ISDS, c’est une consultation publique, ouverte, où chacun peut donner son avis pour améliorer le texte », précise le porteparole de Karel De Gucht, le commissaire européen au commerce.
Citoyens lambda, think tanks, ONG, cabinets d’avocats, lobbies industriels… Tout le monde est invité à répondre d’ici à début juillet à ce questionnaire (à lire ici). Mais encore faut-il comprendre ce texte de droit, d’une technicité redoutable (voir le document ci-dessous). « C’est la consultation publique la plus complexe que j’aie jamais vue : la priorité est donnée aux cabinets d’avocats spécialisés pour répondre, et sûrement pas aux citoyens », regrette Johannes Kleis, du BEUC. « Les questions sont orientées, et le texte est écrit sur un registre très légaliste, qui le rend difficile d’accès pour le grand public », constate Cecilia Olivet (TNI).
Sur mediapart.fr, un objet graphique est disponible à cet endroit.
« En acceptant de publier le texte, la commission montre des signes de faiblesse. Mais la question, maintenant, c’est de savoir si l’on a de vraies marges de manoeuvre pour la suite », résume Amélie Canonne, à la tête de l‘AITEC, une association de solidarité internationale, spécialisée sur les questions de finance et de développement. Personne ne sait exactement quel sort sera réservé aux réponses, aussi précises et sérieuses soient-elles, lorsqu’elles seront traitées par les équipes de la commission. Et le débat, au sein de la société civile, est vif : faut-il jouer le jeu de cette consultation, quitte à cautionner une procédure qui n’est peut-être qu’un leurre ? Ou envoyer des réponses point par point, pour tenter d’améliorer un texte qu’il faudrait, dans l’idéal, rejeter en bloc ? Opposition frontale ou pragmatisme ?
« Le mécanisme de l’ISDS existe depuis des décennies. Cela n’a rien de neuf. Des inquiétudes légitimes sont apparues, auxquelles nous essayons de répondre. Mais pourquoi cela fait autant de bruit aujourd’hui ? Il y a une stratégie claire, de la part de certains groupes critiques, surtout pendant cette période électorale en Europe, qui avancent avec un agenda idéologique, qui sont contre le développement du commerce international, et qui tentent d’instrumentaliser l’ensemble des discussions sur le TTIP », se défend John Clancy, le porte-parole du commissaire De Gucht.
L’exécutif de José Manuel Barroso a déjà laissé entrevoir quelques « clarifications » et « améliorations » : inscrire noir sur blanc le « droit à réguler » des États au nom de l’intérêt général, ou encore mettre en place un « code de conduite » qui encadrerait les activités des juges saisis des dossiers. Car c’est l’une des caractéristiques de ce secteur très spécialisé du droit international: les conflits d’intérêts sont nombreux.
D’après l’étude de Cecilia Olivet, à peine quinze arbitres, tous originaires des États-Unis, du Canada ou d’Europe, se sont partagé plus de la moitié de l’ensemble des différends dans le monde. Et certains des juges sont en fait d’anciens avocats qui ont travaillé pour les sociétés qui attaquent les États en justice.
« Il y a dix ans, lorsque l’industrie de l’ISDS restait confidentielle, ce sont des avancées qui nous auraient satisfaits. Mais aujourd’hui, il nous paraît évident que ces concessions ne répondront pas aux failles systémiques qu’introduit ce mécanisme », tranche Cecilia Olivet. Même scepticisme du côté des Amis de la Terre – Europe : « En l’état, les formulations du texte sont très vagues, à commencer par la définition de ce qu’est un investissement, ce qui risque d’ouvrir la voie à beaucoup de contentieux par la suite, favorables aux entreprises », met en garde Natacha Cingotti. Une « caricature de consultation », ont conclu Attac et AITEC dans un communiqué conjoint.
Les négociations avec le Canada, modèle du genre ?
Si le commissaire De Gucht a déjà dit à plusieurs reprises que l’ISDS n’était pas « (sa) religion », il répète aussi que ce volet figure bien dans le mandat que les chefs d’État et de gouvernement des 28 lui ont confié, pour mener les négociations avec Washington.
Et c’est donc aux capitales d’assumer ce choix. « Les négociations que l’on mène découlent du mandat qui nous a été donné ! » se défend-on chez De Gucht. De ce point de vue, la bataille exclusive et hyper-médiatisée qu’avait lancée la France, au printemps 2013, pour sauver « l’exception culturelle » peut paraître bien légère aujourd’hui. Paris n’a pas cherché à peser pour exclure l’ISDS du mandat, à l’époque – un choix qui pourrait se révéler lourd de conséquences (lire l’analyse que Mediapart avait publiée sur ce sujet, pendant le débat sur l’exception culturelle). Interrogée sur ce point par Mediapart, en avril 2014, celle qui était encore ministre du commerce extérieur, Nicole Bricq, a affirmé qu’elle avait tenté d’exclure le mécanisme d’arbitrage, du mandat – en vain, faute d’alliés autour de la table : « La commission européenne a intégré le processus démocratique et lancé une consultation pour trois mois, de manière que tout le monde participe à ce débat. Les choses avancent. On peut être isolés au départ, mais on trouve des alliances. Je rappelle quand même que quand on va être consultés sur ce mécanisme de règlement des différends, c’est l’unanimité qui prévaudra. Il y a des mécanismes démocratiques. » Fleur Pellerin, qui a succédé à Nicole Bricq au sein du gouvernement de Manuel Valls, ne s’est pas encore exprimée sur le sujet.
De son côté, l’Allemagne – où le débat public sur l’ISDS est décidément beaucoup plus vif – a créé la surprise. La première économie de la zone euro est l’un des membres de l’UE qui pousse le plus, aux côtés des Pays-Bas, de la Finlande ou de la Grande-Bretagne, pour une conclusion rapide du TTIP. Mais une secrétaire d’État de l’actuel gouvernement, Brigitte Zypries, a affirmé devant le Bundestag en mars, que Berlin souhaitait désormais exclure l’ISDS de l’accord de libre-échange avec les États-Unis.
« C’est une vraie surprise, mais il ne faut pas se tromper : l’Allemagne est opposée à l’intégration de l’ISDS dans l’accord transatlantique, mais pas au principe de l’ISDS en soi », nuance Cecilia Olivet. Berlin redoute surtout de devoir payer, via le budget européen, de volumineuses amendes dont risquent d’écoper certains États membres, notamment en Europe de l’Est, s’ils décident de faire évoluer leurs régulations dans les années à venir – par exemple en matière d’environnement. D’où la volonté de l’Allemagne de bloquer l’« européanisation » de ce mécanisme d’arbitrage, pour prendre les devants…
[[lire_aussi]]
Ailleurs en Europe, beaucoup de capitales y sont très favorables – et notamment dans les pays du Sud, de l’Italie à l’Espagne, en passant par la Grèce. Ce constat peut étonner, surtout quand on sait que certaines multinationales ont fait jouer les mécanismes d’arbitrage, qu’Athènes avait signés des années auparavant, pour spéculer sur la crise (lire cette autre étude des ONG CEO et TNI, publiée en mars 2014).
Quant aux parlementaires européens, les lignes sont en train de bouger – en partie sous l’effet de la campagne électorale. Le groupe des socialistes et démocrates (S&D), auquel appartient le PS français, vient d’effectuer un virage. Dans un récent communiqué, Hannes Swoboda, le patron du groupe, a défendu le principe du grand marché transatlantique, mais sans mécanisme d’arbitrage – une première. Mais Martin Schulz, le chef de file des socialistes pour la présidence de la commission, s’est gardé de tout commentaire jusqu’à présent. Tout au plus s’est-il engagé à publier le mandat des négociations s’il devenait patron de l’exécutif européen à la rentrée (mandat qui a par ailleurs déjà fuité ).
Des alliances vont-elles se former, pour exclure le volet ISDS des négociations ? Une lecture attentive du document soumis à consultation par la commission laisse tout de même un goût étrange. Car dans bien des cas, il est fait référence à un texte négocié quelques années plus tôt, entre le Canada et l’UE (connu, dans la bulle bruxelloise, sous le nom de code « CETA »). Les négociations pour cet accord ont duré de 2009 à 2013, mais le texte final n’a toujours pas été rendu public (il est officiellement en cours de traduction…) et ne sera soumis au vote des parlementaires européens sans doute que l’an prochain, en 2015.
Tout se passe comme si l’accord de libre-échange en chantier entre Bruxelles et Washington, prenait pour modèle le texte conclu (dans la douleur) par le Canada.
Et il y a fort à parier que le volet ISDS, dans le TTIP, sera proche d’un copié-collé des passages sur l’arbitrage dans CETA. C’est d’autant plus probable que l’accord avec le Canada est l’un des premiers où l’UE a pu faire valoir sa compétence en matière d’arbitrage et d’investissement (grâce au traité de Lisbonne, entré en vigueur en 2009). « On est en train de découvrir que la référence en matière de commerce international et de procédure d’arbitrage ne sera pas forcément établie par l’accord avec les États-Unis, mais celui avec le Canada », explique Amélie Canonne, de l’AITEC.
Pour la société civile, cela pose une question stratégique majeure : la vraie bataille à mener ne porte-t-elle pas, en priorité, sur le texte avec le Canada ?
En termes de calendrier, cela tombe plutôt bien : les ministres du commerce des 28 pourraient avoir à se prononcer sur la version finale de CETA courant mai, volet ISDS compris… Si le texte passe, il sera ensuite soumis au parlement européen – sans doute pas avant 2015. Ce sera un test d’ampleur, qui aura des conséquences directes sur l’avenir des négociations entre Washington et Bruxelles.
On ne pourra pas dire que nous ne savions pas ! N’oubliez jamais que nous sommes les citoyens de ce monde… NOUS !
En deux petites heures et en focalisant mes recherches sur une partie de l’article : « Le traité transatlantique, un typhon qui menace les Européens » de Lori M. Wallach (novembre 2013)[1], j’ai découvert que DEJA, ce qui aurait put être de la fiction est DEJA une réalité.
Je reproduis son intro : « Imagine-t-on des multinationales traîner en justice les gouvernements dont l’orientation politique aurait pour effet d’amoindrir leurs profits ? Se conçoit-il qu’elles puissent réclamer — et obtenir ! — une généreuse compensation pour le manque à gagner induit par un droit du travail trop contraignant ou par une législation environnementale trop spoliatrice ? » Eh bien c’est OUI, appuyé par un grand YES !
Démonstration
« Certains investisseurs ont une conception très extensive de leurs droits inaliénables. On a pu voir récemment des sociétés européennes engager des poursuites contre Lire la suite »
L’autre soir, plein d’ardeur printanière, je suis allé assister à une conférence de Raoul Marc Jennar (RMJ) sur le PTCI. Un coup de chapeau à RMJ capable de décortiquer les méandres de ce texte pendant deux heures, tout en restant clair, lucide et en captivant son public !
Mais alors, au retour, plus d’ardeur printanière, mais le moral dans les chaussettes !
En effet, comme souvent, la réalité est encore pire que la fiction !
J’avais déjà une petite idée bien négative de l’initiative, à ranger au compte libéral de l’UE, façon Lisbone-TCE-remis-sur-un-plateau-malgré-le-Non, as usual, sans plus.
Déjà l’article d’Agoravox de J.Dulourd avait précisé quelques points bien inquiétants sur les atteintes aux droits sociaux, au droit du travail, aux services publics et à la souveraineté des états eux-mêmes face aux grands groupes multinationaux ; tout ces risques encourus pour un hypothétique gain de 0,27 à 0,48% de croissance de PIB à l’horizon 2027. On peut lire ici l’étude du « Centre for economic policy research » qui a fourni ces analyses.
En outre, des secteurs entiers pourront être bouleversés tels l’agriculture (OGM, hormones, poulets-Javel, fermes-usines…) et les activités de production de machines électriques et d’équipements de transport, ainsi que la métallurgie, l’industrie du bois et du papier, les services d’affaire, de la communication et les services personnels.
Qui plus est, avec une pression à la baisse sur les salaires ! Et des impacts potentiels très modestes sur l’emploi (peut-être 400 000 à l’horizon 2027, et encore…), voire négatifs : « At sector level, roughly 0.2 to 0.5 per cent of the EU labour force (in terms of allocation across sectors) is de-located.” (0,2 à 0,5% des emplois délocalisés ou transférés à d’autres secteurs)
Ce texte fournit le cœur de l’argumentation de RMJ. C’est un document secret, rédigé en anglais et qui a été élaboré en concertation avec les représentants des grands groupes multinationaux des USA et d’Europe, le dialogue économique transatlantique (TABD). Il a été adopté en juin 2013 par le Conseil européen des Affaires Etrangères.
Le 1er janvier 1994, entrait en vigueur la signature de l’Accord de Libre Echange Nord-Américain (ALENA), entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, promettant un développement sans précédent des échanges commerciaux entre les trois pays, par l’accroissement du volume des exportations, dont les bénéfices allaient irriguer toute l’économie mexicaine.
Seize ans plus tard, le constat est amer. L’ALENA, promesse d’un «bien-être général», a littéralement laminé l’agriculture mexicaine, et notamment les petits paysans (21% de la population active). Lire la suite »
Mexico, du 28 au 31 janvier 2014 DÉCLARATION CONJOINTE
À vingt ans de la signature de l’ALÉNA, les organisations syndicales, paysannes, environnementales, de femmes et de Droits humains du Mexique, des États-Unis, du Canada et du Québec, se sont réunies à Mexico dans le cadre d’un Forum tri-national afin de réaliser le bilan des impacts de l’accord sur les droits humains, sociaux, environnementaux, culturels et les droits du travail. Nous déclarons que Lire la suite »
Alors que la Commission européenne poursuit en secret la négociation du traité transatlantique, dit Tafta, avec les Etats-Unis, il est utile d’examiner ce à quoi a servi le traité qui lui sert de modèle : l’Alena, entre les Etats-Unis, le Canada, et le Mexique. Le bilan est simple : il donne des pouvoirs exorbitants aux grandes entreprises. Lire la suite »
Cri d’alarme au Canada : 20 ANS D’ALÉNA, ÇA SUFFIT !
Rassemblement à Montréal le vendredi 31 janvier à midi devant le Complexe Guy-Favreau (200, boul. René-Lévesque Ouest), soit les bureaux du gouvernement fédéral à Montréal. Une initiative du chapitre de Montréal du Conseil des Canadiens et des Raging Granies, avec la participation de ATTAC-Québec, Eau Secours !, Universities Allied for Essential Medicines, GRAN (Grandmothers Advocacy Network) et la CSN, entre autres. En lien avec la grande marche internationale prévue à Mexico le 31 janvier, cet appel s’adresse à tous les groupes et communautés du Mexique, du Canada, du Québec et des États-Unis, pour qu’ensemble, le 31 janvier, nous disions ÇA SUFFIT ! Nous ne voulons plus du modèle de l’ALÉNA qui ne bénéficie qu’à l’élite économique et politique, ni d’un Partenariat transpacifique (TTP), d’un Accord Canada-Union européenne (AÉCG) ou de tout autre entente de « libre-échange » qui fasse primer les intérêts économiques des grandes entreprises sur le bien-être des populations !
Toutes les actions solidaires sur le continent nord-américain sont bienvenues, ainsi qu’au-delà.
Avez-vous signé la pétition pour aider nos amis canadiens ? (avant le 6 février 2014)
Pétition : Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AÉCG)
Depuis le 8 juillet 2013 les États-Unis et l’Union européenne ont entamé les négociations d’un accord de commerce et d’investissement proposé sous le nom de « Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement » (PTCI).
Ce projet d’accord de libre échange bilatéral appelé également Grand marché transatlantique ou TAFTA (Transatlantic Free Trade Agreement), se situe dans la lignée des politiques libérales et de dérégulation de la BM, du FMI et de l’OMC. Lire la suite »
Il fallait s’y attendre. Le 20e anniversaire de l’entrée en vigueur de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), liant le Canada, les États-Unis et le Mexique, donne lieu à l’habituel discours sur les bienfaits du libre-échange. Lire la suite »
Il est de ces événements internationaux que la presse mondialisée s’efforce de passer sous silence ou simplement d’occulter afin d’éviter qu’ils ne se propagent et perturbent l’agenda des multinationales, qualifiées de « club international des banquiers et des guerriers » par l’écrivain Eduardo Galeano. Leur dessein est de contrôler non seulement la vie humaine, mais aussi la nature. C’est ainsi qu’est passé inaperçu le « 5e Sommet continental », qui s’est tenu récemment dans le territoire autochtone La Maria dans le département du Cauca en Colombie, terre de la communauté indigène Nasa, où 4 000 représentants indigènes du continent américain ont formulé des propositions pour la défense de la Terre-Mère et ont exprimé leur rejet du modèle économique néolibéral dominant. Lire la suite »
Pour marquer le lancement de l’Année Internationale de l’Agriculture Familiale, la Commission Européenne a organisé une conférence sur ce thème le 29 novembre à Bruxelles, où La Via Campesina a été invitée à s’exprimer. [1] L’enjeu a été de défendre une vision paysanne de l’agriculture familiale, son importance dans l’économie européenne et mondiale, et ses qualités sociales et environnementales.
Des cinq continents, nous avons fait venir une vingtaine de paysans et paysannes affiliés : Inde, Mozambique, Nicaragua, Argentine, Etats-Unis, Mali, Maroc, et les Européens d’Italie, de France, de Croatie, de Roumanie, d’Espagne et de Norvège. La problématique ne concerne pas uniquement les pays du sud, Lire la suite »
(Profiting from injustice. How law firms, arbitrators and financiers are fuelling an investment arbitration boom)
Publié par Corporate Europe Observatory et le Transnational Institute
Synthese
Les deux dernières décennies ont vu l’essor silencieux d’un puissant régime international d’investissement, qui a pris au piège des centaines de pays et placé les bénéfices des entreprises devant les droits humains et l’environnement. Lire la suite »
Les organisations Transnational Institute (TNI) et Corporate Europe Observatory (CEO) ont publié conjointement un rapport sur l’arbitrage amplement documenté qui fera date |1|.
En effet, il s’agit d’un enjeu international de taille pour les États qu’ils soient du Sud ou du Nord qui demeure largement méconnu.
De quoi s’agit t-il exactement, le terme même d’arbitrage n’étant guère évocateur en dehors du domaine sportif ?
Il s’agit d’un cadre juridique spécifique qui permet aux entreprises multinationales d’attaquer via des traités sur l’investissement un pays qui aurait pris ou qui souhaiterait prendre des mesures sociales ou environnementales pour protéger sa population.
Les multinationales peuvent, elles, estimer que cela va porter préjudice à leurs bénéfices et réclamer devant des tribunaux d’arbitrage des indemnisations considérables.
Cet article se propose de lever le voile sur les ravages causés par l’industrie juridique de l’arbitrage.
En effet, si il est compréhensible d’avoir des instances chargées de régler des litiges, la critique de l’arbitrage doit se porter sur le système d’arbitrage en tant que tel. Le fondement de la critique tient déjà au fait que seules les entreprises multinationales peuvent traîner les Etats en justice devant ces tribunaux, la réciproque n’étant pas vraie, les Etats dont les multinationales qui opèrent sur leur territoire violent les droits humains ou contaminent l’environnement n’ont pas cette possibilité.
Une explosion du nombre de cas
En 1966, était créé le Centre international de règlement des différends liés à l’investissement (CIRDI), instance d’arbitrage partie prenante du groupe Banque Mondiale. Trente ans après sa création il n’y avait eu que 38 cas répertoriés.
La multiplication des Traités sur l’investissement – il en existe actuellement environ 3.000 au niveau mondial – la majorité d’entre eux bilatéraux, les autres étant multilatéraux comme dans le cas du Traité NAFTA entré en vigueur en 1995 entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique ou encore portent sur un sujet particulier comme le cas du Traité sur la Charte de l’énergie a été la base qui a permis le développement de l’arbitrage.
A côté du développement de la trame avec la multiplication du nombre de traités, le rôle offensif des cabinets d’avocats spécialisés dans l’arbitrage international est l’autre versant expliquant l’explosion des attaques dont sont victimes les Etats du Sud et du Nord qui portent préjudice à leur population.
Ainsi, si il n’y avait eu que 38 cas d’arbitrage répertoriés en 1996, en 2011 sur une période de 15 ans, leur nombre avait été multiplié par plus de 10 pour se monter à 450 avec parallèlement une explosion des montants en jeu.
Au cours des années 2009-2010, 151 cas ont été répertoriés dans lesquels les multinationales réclamaient une indemnisation se montant à au moins 100 millions de dollars |2|.
Une très lucrative industrie
L’aiguillon de ce qu’on peut réellement qualifier d’industrie de l’arbitrage ce sont les bénéfices astronomiques des firmes d’avocats spécialisés qui facturent jusqu’à 1000 dollars … de l’heure par avocat et bien souvent c’est toute une équipe qui est engagée sur une affaire. Cela a pour conséquence que les coûts juridiques d’un dossier se montent en moyenne à 8 millions et dépassent dans certains cas les 30 millions |3|.
Le rapport donne l’exemple des Philippines qui ont dû pour se défendre à deux reprises contre les attaques de l’opérateur aéroportuaire allemand Fraiport débourser la somme de 58 millions de dollars, ce qui équivaut au salaire annuel de 12.500 profs ou à la vaccination de 3,8 millions d’enfants.
Les pays qui ne peuvent se le permettre ou qui refusent de mettre autant d’argent se trouvent généralement confrontés au fait que les arguments de défense de leurs avocats ne disposent que de références législatives incomplètes et dispersées, ce qui augmente le fait qu’ils soient plus souvent condamnés.
Le rapport cite le cas de la République Tchèque qui n’a réussi à se défendre avec succès dans deux cas qu’une fois qu’elle a remplacé les avocats tchèques par des cabinets spécialisés.
Bien évidemment avec une telle rentabilité c’est le serpent qui se mord la queue, les firmes d’avocats recherchent avidement des cas à exploiter d’où découle une multiplication des cas.
Ainsi, par exemple, quand le géant suédois de l’électricité Vattenfall a annoncé son intention de poursuivre l’Allemagne, un cabinet d’avocats britannique a évalué comment les multinationales opérant dans le secteur de l’énergie en Grande Bretagne pourraient introduire une plainte dans le cas où la Grande-Bretagne adopterait une décision similaire à celle de l’Allemagne. Ces pratiques extrêmement agressives ont fait que ces cabinets d’avocats ont pu être qualifiés de « chasseurs d’ambulances », terme qui a été forgé aux Etats-Unis à la fin du XIXe siècle pour faire référence aux avocats qui cherchaient à tirer profit des lésions ou accidents affectant une personne en suivant les ambulances vers les urgences et en incitant ces personnes à faire des procès contre le corps médical.
L’argument marketing massue de ces cabinets spécialisés est qu’ils connaissent les arbitres, ce à quoi chacun est sensible – et donc qu’ils savent présenter au mieux le cas pour faire valoir les arguments de leurs clients.
Tout comme les avocats, les arbitres sont grassement rémunérés – entre 375 et 700 dollars de l’heure selon l’instance d’arbitrage |4|. Pour un litige de 100 millions de dollars, un arbitre peut gagner en moyenne 350.000 dollars. Leur neutralité prétendue est en contradiction flagrante avec le fait que leurs principales sources de revenus et d’opportunités découlent des pratiques arbitraires et abusives des multinationales.
Il faut de plus souligner l’extrême concentration du monde de l’arbitrage où selon l’ancien secrétaire général de la Chambre de Commerce International Guy Sebban « tout le monde connaît tout le monde |5| » et ce sont 15 arbitres qui ont accaparé la prise de décisions dans 55% du total des cas connus jusqu’à la date de rédaction du rapport (soit 450 cas) |6|.
Par ailleurs, étant donné les multiples casquettes des participants au système d’arbitrage, certains agissent également en tant que conseillers de gouvernements pour les inciter à signer des traités d’investissements rédigés en des termes peu précis pour ainsi multiplier les possibilités des multinationales d’introduire des plaintes. Et ce alors même qu’ils seraient censés protéger les intérêts des gouvernements.
Les avocats du secteur ont également une facilité d’accès aux législateurs et aux fonctionnaires publics en charge de négocier les traités d’investissement.
Par ailleurs, certains de ceux qui ont négocié sont ensuite devenus des noms connus du marché de l’arbitrage.
Ce contexte extrêmement malsain a ainsi été ironiquement décrit par le professeur Gus van Harten de la faculté de droit d’Osgoode Hall à Toronto dans une interview :
« Les avocats d’arbitrage ne se contentent pas de chasser les ambulances. Ils créent également les accidents car ceux qui sont aussi arbitres interprètent les traités dans un sens très large. La chasse aux ambulances a lieu après que leur ami ait mis une peau de banane sur la route |7| ».
Du renfort de la menace
Parfois la menace d’une plainte suffit pour qu’un gouvernement retire les mesures qu’il comptait mettre en place et cela ne concerne pas que les petits pays.
Ainsi l’Afrique du Sud qui avait adopté une loi pour la promotion économique de la population noire qui exigeait des multinationales opérant dans le pays comme les compagnies minières qu’elles transfèrent une partie de leurs actions entre les mains d’investisseurs noirs a été attaquée par un groupe d’investisseurs italiens. Le litige a pris fin après l’octroi à ces multinationales de nouvelles licences requérant un transfert d’actifs moindre.
De même, en 2009 et 2012 la multinationale suédoise de l’énergie Vattenfall a introduit deux plaintes contre l’Allemagne. La première réclamait à l’Allemagne 1,4 milliard d’euros pour les restrictions environnementales imposées à une de ses centrales de charbon. L’Allemagne a alors cédé et accepté de diminuer sa législation de protection de l’environnement. La seconde plainte réclamait une indemnisation de 3,7 milliards d’euros suite à la décision de l’Allemagne après la catastrophe de Fukushima de commencer à abandonner l’énergie nucléaire.
Suite aux programmes de réforme économique de blocages des tarifs de l’eau, de l’énergie, des télécommunications, mis en place consécutivement à la crise de 2001 pour protéger la population qui s’était massivement mobilisée, l’Argentine a été assaillie de plus de 40 plaintes.
Les Nations Unies ont d’ailleurs reconnu que les traités internationaux d’investissement, soubassement des plaintes – peuvent limiter gravement la capacité des Etats à lutter contre les crises financières et économiques |8|.
A l’autre bout du continent américain, un ex-fonctionnaire du gouvernement canadien témoigne de lettres envoyées par les cabinets de New York et Washington pratiquement à chaque fois que le gouvernement canadien voulait adopter une mesure législative de protection de l’environnement. Ca a été le cas pour pratiquement toutes les nouvelles initiatives et la majorité d’entre elles n’a jamais vu le jour.
Avec la signature du traité de libre-échange nord-américain (NAFTA) entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique entré en vigueur le 1er janvier 1994, ces avocats ont incité les multinationales a attaquer les trois pays. Celui-ci a d’emblée été perçu comme une nouvelle source de juteux bénéfices ; un des 15 principaux avocats au niveau mondial dans un article de 1995 se montrait enthousiasmé « par ce nouveau territoire pour l’arbitrage international ». En 2001, le journaliste et écrivain William Greider décrivait le chapitre sur l’investissement du NAFTA comme étant le fruit d’une stratégie à long terme pour obliger les gouvernements à débourser une indemnisation chaque fois qu’ils mettent en place une mesure de régulation. Autant dire que ça leur lie les mains !
La menace est également un outil pour éviter une réforme de la pratique de l’arbitrage au motif que l’absence de possibilité de recours à l’arbitrage entraînerait la fuite des investisseurs.
Les associations du secteur et les cabinets d’avocats d’investissements ont mené des campagnes féroces pour neutraliser tout processus de réforme en raison du caractère extrêmement lucratif du secteur.
En quête du traité d’investissement le plus favorable
En raison du caractère international de leur capital, les multinationales peuvent s’adresser à plusieurs instances pour attaquer un même pays pour les mêmes faits.
Cette « guerre de plusieurs fronts » a été comparée à un jeu d’échecs en 3 dimensions. Ainsi le multimillionnaire de l’industrie cosmétique Ronald Lauder a attaqué la République tchèque sur base du Traité bilatéral sur l’investissement (TBI) entre les Etats-Unis et la République Tchèque. Il n’a pas gagné. Il a donc attaqué une seconde fois sur base du TBI entre les Pays Bas et la République tchèque (cela a été rendu possible par le fait que l’investissement avait été structuré à travers un véhicule d’investissement néerlandais). Avec la seconde attaque, la République tchèque a été condamnée à payer 270 millions de dollars, l’équivalent du budget de la santé du pays.
Les Pays-Bas sont un des pays qui offrent les traités les plus favorables aux multinationales.
Des opportunités de profit pour des tiers
A côté des bénéfices de l’industrie de l’arbitrage, ce secteur apparaît tellement porteur et lucratif avec des indemnisations se chiffrant en centaines de millions ou en milliards de dollars qu’on assiste à un développement massif du financement commercial des plaintes de la part de tiers.
La motivation des financeurs est bien sûr d’obtenir une part substantielle des montants obtenus par les multinationales. Des banques, compagnies d’assurances et hedge funds ont également été appâtés par la perspective de bénéfices considérables. Les bénéfices de deux de ces entreprises de financement ont été multipliés par 9 et 5 en 2011 par rapport à 2010 |9|. Certaines portent des offres en bourse qui leur ont permis de recueillir plus de 100 millions de dollars.
Le tableau ne s’arrête cependant pas là puisque certains fonds étudient la création d’un nouveau marché de produits dérivés |10|. Bien sûr là encore ces possibilités de financement externe donnent lieu à une croissance du nombre de cas en particulier de cas encore plus abusifs comme en témoigne le propos du co-fondateur du fonds Calnius Capital, Mick Smith : » il est faux de penser qu’une plainte doive être suffisamment solide pour avoir une chance de gagner, tout a un prix |11| » !
Tout ce système est emblématique de multiples conflits d’intérêt et fait penser au voile levé en 2010 sur les agences de notation dans leur rôle de catalyseur en dernier ressort dans l’augmentation de la dette grecque puisque la dégradation d’ampleur de la note a mécaniquement entraîné une hausse considérable des taux de financement.
L’investissement du monde académique
L’arbitrage s’installe également sur le terrain de l’enseignement et de la recherche dans les facultés de droit et se traduit par une augmentation d’instituts spécialisés, de publications et de doctorants dans lesquels les représentants du secteur sont largement dominants. Les critiques n’étant tolérées que tant qu’elles restent dans une certaine limite et ne questionnent surtout pas le système en tant que tel. Par ailleurs, les intérêts économiques des professionnels du secteur ne sont que rarement mentionnés.
En finir avec ce système de pillage légal
Tel qu’il fonctionne, ce système coûte extrêmement cher aux Etats du Sud mais aussi du Nord. Il s’agit véritablement d’un instrument puissant de soumission, de pillage des ressources naturelles, d’atteintes aux droits des travailleurs et à la protection de l’environnement.
Dans tous les pays qui sont contraints de verser tout à fait abusivement des montants considérables à des multinationales, cela a des conséquences catastrophiques en terme de réduction à l’accès aux services sociaux. On peut citer par exemple le cas de la République Tchèque qui a du verser transférer l’équivalent de son budget annuel de la santé – soit 270 millions d’euros – à une multinationale des cosmétiques.
On l’a vu dès le départ, ce cadre juridique qui ne permet qu’aux investisseurs de porter plainte contre les Etats alors que la réciproque n’existe pas est biaisé.
Cependant, il serait illusoire de penser qu’il suffirait que les Etats puissent également saisir les tribunaux d’arbitrage pour parvenir à un mécanisme de règlement des litiges qui soit juste.
Il est donc fondamental de faire connaître les ravages causés par un processus prétendument neutre qui organise dans le champ juridique la soumission des Etats aux intérêts privés des multinationales bien loin de la conscience des populations des pays qui en sont les victimes.
Face à la puissance de lobbying du secteur pour éviter des réformes, la diffusion de ses impacts est clé.
Heureusement, certains pays commencent à questionner l’arbitrage. Le processus est encore relativement nouveau et à cet égard c’est l’Amérique latine qui est en pointe du combat. En 2007, le président bolivien Evo Morales annonçait la sortie par la Bolivie du CIRDI – sans doute la plus importante instance d’arbitrage – , en 2009 c’était au tour de l’Equateur puis du Venezuela en 2012. Sous d’autres latitudes, l’Australie a annoncé à l’automne 2011 qu’elle n’intégrerait plus de mécanisme de règlement des différends lors de la signature de prochains accords de libre-échange. L’Afrique du Sud, elle, a signalé qu’elle ne renouvellerait plus les accords de libre-échange signés avec certains pays à l’expiration de ceux ci. Le mouvement est certes encore loin d’être massif mais ces initiatives pourraient donner l’exemple à d’autre pays.
Par ailleurs, l’Equateur qui s’était déjà montré en pointe en organisant un audit officiel de sa dette qui a donné lieu la reconnaissance d’une partie illégitime de la dette et à une économie de 7 milliards de dollars fait à nouveau figure de pionnier puisque le pays a mis en place une commission d’audit sur les traités d’investissement. Puisse la connaissance des conséquences catastrophiques de l’arbitrage et l’exemple de pays comme l’Equateur être une source d’inspiration.
Ce système en effet ne tient qu’à l’acceptation des pays. Si ils retirent leur consentement les plaintes deviennent sans objet.
Etant donné les enjeux économiques considérables pour les peuples du Sud comme du Nord, il est important que de plus en plus de pays quittent le CIRDI et imposent des moratoires sur les traités de libre-échange tels qu’ils sont constitués actuellement.
Enfin, il faut signaler la volonté au sein de l’Union des Nations Sud américaines (UNASUR) créée en 2008 de la constitution d’une nouvelle instance d’arbitrage pour l’Amérique du Sud en remplacement du CIRDI qui pourrait être l’embryon d’une nouvelle organisation juridique qui mettrait au premier plan le respect des droits humains et de l’environnement et qui contraindrait tout investissement au respect de ce cadre |12|.
|10| Un produit dérivé est une opération à terme dérivant d’un actif dit » sous-jacent » (qui peut être une devise, une action, une matière première ou n’importe quel actif financier). Un exemple de produit dérivé est l’option d’achat (call) : une banque émet sur le marché une option d’achat sur, par exemple, le cours de l’action Monsanto (action » sous-jacente » de laquelle dérive l’option) au prix de 100 et à 10 mois ; moyennant le versement d’une prime, un investisseur va acheter cette option d’achat et ainsi détenir un droit d’achat sur l’action Monsanto au prix de 100 et sur un terme de 10 mois. A cette échéance, soit l’action vaut plus que 100 et l’investisseur peut acheter une action moins cher qu’elle ne vaut. Dans le cas inverse d’une action valant moins de 100 au terme des 10 mois, l’investisseur abandonne son option et le banquier empoche la prime. Si ces produits ont à l’origine été créés pour répondre aux fluctuations (sorte d’assurance offerte par un opérateur d’accord de courir le risque), ils en causent en définitive davantage en provoquant des vagues spéculatives (l’émetteur et l’acheteur de l’option vont ainsi spéculer sur l’action sous-jacente durant les 10 mois). Il existe une multitude de produits dérivés plus complexes les uns que les autres. Certains sont négociés sur des marchés organisés et contrôlés, mais la plupart des opérations se déroulent de gré à gré, c’est-à-dire en dehors de tout contrôle et dans une totale opacité.
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